En effet, sous prétexte de ruiner la fausse dévotion, il représente les brutalités de son Tartuffe avec des couleurs si noires, et il lui fait avancer des maximes si détestables, que la corruption du cœur humain ne manquera pas de les faire appliquer, non à un Tartuffe de Théâtre ; mais à un véritable homme de bien. […] Mais quoi qu’elle soit aussi chaste dans le cœur et devant Dieu, qu’elle l’est peu dans ses paroles ; il est toujours vrai de dire que le Poète lui fait faire des démarches tout-à-fait indignes d’une femme, qui est véritablement fidèle et à son Dieu et à son mari. […] Mais le tonnerre qui l’écrase, fait assurément bien moins d’impression sur le cœur des méchants qui assistent à la représentation de cette pernicieuse pièce, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits. […] « Laissez mon cœur en paix, impuissante Vertu, dit-elle, Ibidem p. 3. […] Comme la méchanceté de ces sortes de femmes croît toujours ; il ne faut pas s’étonner si Dieu s’éloigne d’elles ; et si la lumière de la grâce s’éteignant dans leurs cœurs, les ténèbres augmentent de plus en plus, et si elles tombent enfin dans des précipices affreux.
Les pieges n’y sont pas moins tendus aujourd’hui, on n’y enlève pas moins de cœurs. […] vous verrez ces femmes, & votre cœur sera corrompu, vous serez comme un Pilote endormi qui en pleine mer a perdu le gouvernail : Amisso clavo in medio mari. […] Le moyen usité de préserver le cœur des pieges de l’amour, c’est d’élever les filles dans la plus rafinée coquetterie. L’expérience apprend que la fureur de plaire absorbe le cœur, & le rend inaccessible au sentiment. […] La corruption du cœur égare & aveugle tous les trois ; chacun s’y satisfait en se repaissant de ce qui le flatte.
» La scène est un tableau des passions dont le germe est dans notre cœur : voilà le vrai ; mais l’original du tableau est dans le cœur de peu de personnes. […] Le fait démontre que si les yeux du peuple s’y accoutument, son cœur ne s’y accoutume pas. […] Les qualités de l’objet ne l’accompagnent point jusqu’au cœur ; ce qui le rend sensible, intéressant, s’efface…. […] Ce n’est point le cœur qui mène à la débauche, et c’est le cœur, le cœur lui seul, qui reçoit les douces émotions d’un amour tendre et vertueux. […] Je me perds dans cette analyse étrange du cœur humain.
La dépravation a seule présidé à la décoration ; on se peint sans y penser, sur les murailles ; les traits épars du vice se réunissent pour faire le tableau du cœur. Ce cœur ne fut-il pas corrompu, il devoit bien-tôt l’être ? […] C’est le grand principe de l’Evangile ; celui qui regarde une femme avec complaisance, a déjà commis le péché dans son cœur. […] Elle excite plus de criminels mouvemens, que la sainte ne fait faire d’actes de vertu ; elle corromp plus de cœurs que la Sainte n’en convertit. […] Un cœur pétri de péché, calmera-t-il les justes allarmes de la vertu !
Quel avantage tireriez-vous d’être avoue de cette Epouse de Jesus-Christ, si vous continuez à lui faire répandre des larmes, à perdre ses enfans que vous regardez comme vos freres, en versant dans leur cœur le venin de la séduction, à faire revivre en un mot toutes les passions que le Sauveur a combattues, entretenant vous-même une guerre ouverte avec cet Homme-Dieu, dont vous détruisez l’empire dans les ames. […] Que1 dans tous vos discours la passion émue Aille chercher le cœur, l’échauffe & le remue. […] Car, selon Horace2, ce grand maître de l’Art, sa fin est d’intéresser ; si vous n’employez la clef de mon cœur, pour le faire entrer dans les intérêts de votre passion, l’ennui m’endormira, ou bien j’éclaterai de rire, en me mocquant de vous. […] « Tous ces grands divertissemens sont dangereux, dit M. de la Rochefoucault, on sort du Spectacle le cœur si rempli de toutes les douceurs de l’amour, & l’esprit si persuadé de son innocence, qu’on est tout préparé à recevoir ses premieres impressions, ou plutôt à chercher les occasions de les faire naître dans le cœur de quelqu’un, pour recevoir les mêmes plaisirs, & les mêmes sacrifices que l’on a vû si bien représentés sur le Théâtre.
Peut-être, et; je l’espere, ira-t-elle jusqu’au cœur des autres. […] L’attention qu’il donne à la Scene passe de l’esprit au cœur. […] Le genre de plaisir que le cœur éprouve à la Comédie, est donc toujours le fruit du bien. La générosité, la bonté, la tendre humanité, voilà ce qui remue l’ame et; touche agréablement le cœur. […] J’ai ri, mon esprit goûtoit un moment de récréation ; mon cœur étoit sans sentiment.
Jésus-Christ formerait lui-même les sons d’une voix qui corrompt les cœurs ? […] Ne sait-on pas que toutes les passions sont sœurs, qu’une seule suffit pour en exciter mille, et que les combattre l’une par l’autre, n’est qu’un moyen de rendre le cœur plus sensible à toutes ? […] Comme si les vives images d’une tendresse innocente étaient moins douces, moins séduisantes, moins capables d’échauffer un cœur sensible, que celles d’un amour criminel à qui l’horreur du vice sert au moins de contre-poison. […] « Il est impossible, dit à ce sujet Madame de Maintenon, que de jeunes cœurs ne soient sensibles à des paroles pleines d’une morale qui fait consister le bonheur dans le plaisir. […] Oui, mais on oublie que le cœur est entre deux. » 36.
*** J’ai choisi pour sujet notre Scène française ; Je n’ai pu choisir mieux pour atteindre aux Talents, Pour attendrir les cœurs et captiver les sens ; Elle ne produit rien qui n’instruise et ne plaise. […] *** Ici c’est un Renard, dont la plume savante, Instruit en égayant ; et qui, par ses pinceaux, En caressant les cœurs, reprend tous leurs défauts. […] *** Ici vient se mêler un héros dans nos Scènes, Qui, par son ton superbe, ébranle tous les cœurs, Et nous fait, bien souvent, répandre bien des pleurs : Il semble avoir en main de l’Empire les rênes.
Et saint Thomas conclud qu’il n’y a aucun inconvénient pour la conscience, de représenter de pareils éxercices sur le théâtre ; parceque tout se termine à occuper agréablement l’esprit, sans faire aucune dangereuse impression sur le cœur. […] Bien éloignés de convertir le cœur, ils le corrompent encore davantage au contraire ; & les peintures qu’on en fait, donnent plus d’envie de commettre le crime que le douleur de l’avoir tant de fois commis. […] Tel est l’emploi de nos comédiens, qui se sont de la corruption des cœurs un métier lucratif. […] Les gens qui fréquentent habituellement les comédies, sont pour l’ordinaire gens sans piété, sans charité pour les pauvres, sans religion ; gens corrompus dans leurs mœurs, parcequ’ils le sont dans le cœur. […] Honorer de tels gens de son attention, n’est-ce pas vouloir de gaieté de cœur fournir aux ennemis visibles & invisibles de notre salut des armes pour nous combattre & pour nous vaincre ?
« Et par des traits perçants tout son cœur déchiré, jouit de la douleur dont il est pénétré. […] Si ces rôles sont étrangers à son cœur, il est bien à plaindre de se tourmenter pour peindre le vice. S'ils lui sont naturels, il est plus à plaindre encore de trouver le vice dans son cœur. […] L'amour de la gloire est le sentiment des Héros, le seul mobile des grands cœurs. L'humilité, le détachement évangélique n'est que la bassesse des cœurs ignobles.
Il réfléchit, & peut appercevoir ses extravagances ; mais lorsque le cœur est enflammé par l’enchantement des sens, la raison ne tarde pas à être séduite, & l’esprit trouve son poison dans ce qui charme le cœur. […] Ces deux pieces sont des chefs-d’œuvre capables d’affecter utilement l’esprit & le cœur. […] Ce que l’esprit y trouve de plus admirable, est assez souvent ce que le cœur doit le moins approuver. […] Ils sçavent que, pour attirer le Public, il faut flatter la corruption du cœur. […] Au reste, il n’est ici question que de ses effets sur le cœur.
Ô gloire, dit un Sage, qu'êtes-vous parmi la plupart des hommes, qu'une vaine enflure que le cœur conçoit par l'oreille ? […] C'est de là que vient l'aveuglement du cœur, selon ce qui est écrit : O mon peuple, ceux qui vous appellent heureux, vous trompent. […] Notre siècle s'attachant à des fables e à de vains amusements, ne prostitue pas seulement les oreilles et le cœur à la vanité ; mais il flatte aussi son oisiveté par les plaisirs des yeux et des oreilles ; et il allume le feu de l'impureté cherchant de toutes parts ce qui est propre à entretenir les vices.
Vida, Scaliger, Boileau les ont copiées, on les cite tous les jours, on les sait par cœur, on se fait un devoir de les suivre. […] Le premier voile est par eux éclairci ; on conjecture, on soupçonne, on devine (ce sont les progrès du vice), le cœur raisonne, & l’instinct, la mémoire, &c. […] Tout alors coule de source, de l’abondance du cœur, la bouche parle, la plume écrit. Du cœur naissent les mauvaises pensées, les discours scandaleux, les écrits licentieux ; mais l’homme de bien tire de son trésor des choses anciennes & nouvelles : c’est l’Evangile. […] Ceux qui fréquentent les spectacles, les comédiens eux-mêmes, les condamnent au fond du cœur, & approuvent ceux qui n’y vont pas.
Il est sûr que les expressions des Amants, toujours outrées sur la scène, confirment le Libertin dans son dérangement, réveillent les esprits les plus assoupis, et ne peuvent que donner entrée à une passion vicieuse dans le cœur de la jeunesse la plus innocente. […] Puisque les Modernes ne savent parler que de l’amour sur la Scène, ce qui est la marque certaine, ou d’une corruption générale, ou d’un défaut de génie dans le plus grand nombre des Poètes ; outre qu’ils ne devraient jamais traiter cette passion que dans la vue d’instruire les Spectateurs ; ils pourraient encore joindre à cette passion, devenue instructive, plusieurs autres espèces d’intérêts que la raison et les devoirs autorisent : ainsi on pourrait traiter des sujets de l’amour conjugal, de l’amour paternel, de l’amour filial, de l’amour de la Patrie : voilà des intérêts tendres et vifs, qui seraient nouveaux et très convenables au Théâtre ; intérêts qui peuvent avoir leurs degrés, suivant les circonstances dans lesquelles on peut les saisir, et suivant les différents caractères des hommes que l’on introduirait sur la Scène : par exemple, l’imprudence, la faiblesse, la fermeté, la complaisance, la colère, et toutes les autres passions qui s’associent dans le cœur humain à la passion dominante, ne feraient-elles pas paraître, dans la personne qui serait occupée de quelques-uns de ces sentiments, une infinité de caractères marqués et différents entre eux, qui seraient combattus par la force du raisonnement et par l’ascendant du caractère ? Ces sortes de sentiments ne seraient jamais en risque d’être désaprouvés, ou mal reçus des Spectateurs ; car, dans une grande assemblée, il peut bien se trouver quelqu’un qui ne soit pas sensible aux impressions de l’amour, tel qu’on le voit communément sur le Théâtre, et qui par conséquent ne regarde qu’avec indifférence, ou avec mépris les faiblesses du cœur humain ; mais il n’y en aura pas un seul qui ne soit ou père, ou fils, ou mari, ou citoyen : et si, par hasard, il se rencontrait un Spectateur qui fut bon père, mais qui ne fut pas bon citoyen, et que l’action théâtrale de ce jour-là ne traitat que de l’amour de la Patrie ; loin d’en blâmer l’Auteur, il n’est pas douteux qu’il l’admirerait. Et que sait-on si cette circonstance ne réveillerait pas, dans son cœur, des sentiments qui ne sont peut-être qu’assoupis, ou dont les germes, que tout homme bien né porte au dedans de lui-même, sont toujours prêts à éclore à la moindre occasion ? […] En effet, n’est-il pas ridicule qu’en allant au Théâtre, on soit forcé d’entendre toujours des Amants épancher leurs cœurs en fades expressions de tendresse, ou se plaindre de la cruauté de leurs Maîtresses, ou se livrer aux transports de la jalousie, ou se lamenter et se désespérer de ne pouvoir surmonter les obstacles qui les arrêtent ?
, qui sont dans un éloignement infini, dans un même cœur, et qui ne tourne le dos au Calvaire au même temps qu’il regarde le Théâtre avec complaisance. […] Homme une licence pour tout le monde d’aller à la Comédie, encore qu’il ne la donne qu’à ceux-là seulement qui ne peuvent résister à une puissance Souveraine qui les y mène : qu’il n’use de cette condescendance que pour des personnes dévotes, qui comme des flambeaux bien allumés, dont la flamme croît par le souffle des vents, redoublent les ardeurs de l’amour sacré qu’ils ont dans le cœur au milieu des tentations. […] C’est dans ces pièces que les vices qui ont de l’éclat, et qui ont déshonoré les Princes qui les ont eus, sont élevés au-dessus des vertus abattues sous leurs pieds : que l’impudicité est appelée chasteté, et qu’elle passe pour telle dans une fille qui n’a qu’un amant, et qui lui abandonne son cœur et son corps sans lui donner de rival. […] Voilà les fruits que remportent les Spectateurs : ils y reçoivent des leçons de péché : Ils l’y trouvent avec des attraits qui le fait aimer : Ils y apprennent des adresses pour le commettre : ils y entrent chastes, et en sortent impudiques :·et souvent ce qu’ils y voient et ce qu’ils y entendent leur fait commettre au même moment le péché dans le cœur, auparavant que le corps en soit souillé. […] Souvenez-vous que c’est là l’exercice d’un homme qui a renoncé de tout son cœur au siècle, et qui se veut parfaitement convertir à Dieu.
de les aimer, de nous disputer leur cœur, & d’oser nous montrer de la générosité ! […] Les Spectacles de l’âme au contraire, font une impression plus douce, propre à humaniser, à attendrir le cœur, plutôt qu’à l’endurcir. […] Non que je veuille insulter de gaîté de cœur à nos Acteurs & nos Actrices actuels ; je fais profession d’estimer leur talent : & leurs personnes, loin de m’être odieuses, trouveraient en moi, si j’avais quelque pouvoir, une protectrice zèlée. […] Ses voluptueux accens demandaient les cœurs avec le langage de la vertu ; mais c’était pour les livrer à la corruption. […] *** Voila, mon aimable sœur, ce que j’examinerai dans un autre cayer Je t’embrasse, mon amie, de tout mon cœur.