Mais parce que la fin de la comédie est de délecter, et que les pratiques de la vertu ne sont pas celles qui plaisent le plus à notre nature, on les a quittées pour représenter ce qui peut être dans la complaisance des passions, et l’on se propose pour dernière fin, une volupté qui est l’amorce commune de tous les vices ; et d’autant que ces acteurs veulent donner de l’admiration, ils vous font voir des prodiges de méchanceté, des usurpateurs qui s’élèvent dessus les trônes par toutes sortes de crimes, en mettant sous leurs pieds, tous ceux qui ne peuvent servir autrement à leur fortune : des inimitiés éternelles ; des vengeances toujours extrêmes ; la cruauté n’épargne ni l’âge, ni le mérite, ni le sexe ; elle s’étend jusques aux derniers degrés d’une famille, et jusques aux cendres des défunts ; ce ne sont que duels, que guerres, qu’assassinats, où pour donner plus de compassion, l’innocence demeure toujours opprimée. […] Nos inclinations ne se portent déjà que trop au mal, sans qu’il faille jeter de l’huile sur les flammes ; sans que l’on emploie ce grand appareil, tant de damnables instructions, autorisées par des exemples célèbres, par les triomphes du vice, suivis d’un applaudissement public pour assurer les courages contre les reproches de la conscience, et les menaces des lois : on met l’honneur à nourrir des haines irréconciliables, à mettre la désolation dans les familles et dans les états, pour une parole mal interprétée, pour une ombre, pour un soupçon de déplaisir : on qualifie cette fureur du nom de force, et comme au temps de l’idolâtrie, des vices on fait des divinités à qui l’on présente des sacrifices de sang humain, quand l’on introduit toutes les fausses déités du Paganisme, et qu’on rapporte tous les événements des affaires à la fortune ; n’est-ce pas affaiblir extrêmement la foi d’un vrai Dieu ?
« Le vice, dit-il, ne se corrige pas si aisément. […] Passons aux accidens qui en sont le vice & le crime. […] La Comédie, dit-on, corrige les vices. […] Les passions humaines débitent sur le Théatre les maximes de tous les vices. […] Quels Prédicateurs ont jamais canonisé le vice ?
Il fait voir l. 2, c. 1, combien les plaisirs des sens, les plaisirs du monde sont opposés à l’Évangile, & c’est le langage de tous les Chrétiens ; il distingue les plaisirs grossiers, les crimes énormes qu’on n’entreprend pas de défendre, quoiqu’on s’y livre, & les plaisirs qu’on traite d’indifférends : la danse, le jeu, la comédie, les spectacles, les intrigues, le commerce de galanterie qui sont des acheminemens aux plus grands vices ; & il soutient avec toute l’Église qu’ils sont défendus. […] Ces objets n’excitent dans l’ame que des mouvemens doux & tranquilles qui ne portent à aucun péché, & ne favorisent aucune passion, ils invitent même à louer, à aimer, à admirer un Dieu dont ils peignent les perfections, mais les beautés théatrales, vanités des vanités, pompe du monde, attraits de la chair, cette musique efféminée, ces paroles tendres, ces intrigues galantés, ces nudités, ces gestes, ce fard, ce luxe ne viennent que du vice, ne portent qu’au vice, n’entretiennent que les passions les plus criminelles, & ne peuvent que conduire au dernier crime. […] Dans le Commentaire du sienr Bret sur les œuvres de Moliere, il y a des traits sur le Tartusse que je crois devoir rassembler pour les ajouter à ce que nous avons dit sur cette célèbre & très-mauvaise pièce, Louis XIV la défendit, il fut choqué de voir dans Tartuffe trop de ressemblance du vice & de la vertu. […] Moliere eût manqué son but s’il n’eut fait ressembler son imposteur aux hommes de bien ; on n’est hypocrite que pour avoir l’extérieur & l’apparence de la vertu qui cachent le vice, mais cette ressemblance tournée en ridicule, rend suspect le véritable homme de bien, & dégoûte de la vertu qui peut si aisément être suspecte ; quand ensuite Louis XIV la permit, il fit changer le nom de Tartuffe en celui d’Imposteur, parce que ce mot qui est de son invention est un de ces mots imitatifs qui peuvent s’appliquer au bien & au mal ; ce mot peint un homme doucereux & affecté, qui peut être bon ou mauvais, & qui fait une confusion dangereuse du vice & de la vertu. […] Ce seroit le renversement du théatre ; car le théatre doit son existence au vice, ne vit que d’impureté, enfante tous les crimes.
On sait qu’il est permis dans le discours d’animer les vertus et les vices, et de donner un corps, une âme, un esprit, un visage, aux choses qui n’en ont point. […] Et chacun à mes pieds conservant sa malice, N’apporta de vertu que l’aveu de son vice. » Mais vouloir, comme on fait ici, représenter le souverain Etre, par un être réel et animé tel que Jupiter, c’est non seulement manquer de bon sens et d’équité, et violer toutes les règles de la piété et de la bienséance, mais c’est comme dit encore M.
Mais bien loin d’être alors dangereuse, elle est au contraire importune ; et un sentiment de cette espèce peut-il être une source de vices et de forfaits ? […] Mais je vous prie de considérer un moment sous quel point de vue tous ces vices nous sont représentés sur le Théâtre. […] En vain diriez-vous que dans la Comédie nous sommes plus frappés du ridicule qu’elle joue, que des vices dont ce ridicule est la source. Cela doit être, puisque l’objet naturel de la Comédie est la correction de nos défauts par le ridicule, leur antidote le plus puissant, et non la correction de nos vices qui demande des remèdes d’un autre genre. Mais son effet n’est pas pour cela de nous faire préférer le vice au ridicule ; elle nous suppose pour le vice cette horreur qu’il inspire à toute âme bien née ; elle se sert même de cette horreur pour combattre nos travers ; et il est tout simple que le sentiment qu’elle suppose nous affecte moins (dans le moment de la représentation) que celui qu’elle cherche à exciter en nous ; sans que pour cela elle nous fasse prendre le change sur celui de ces deux sentiments qui doit dominer dans notre âme.
Savez-vous ce que vous faites, dit ce saint Docteur, quand vous donnez tant d’applaudissemens à ces jeux profanes, où le vice est dépeint avec tant de vives & d’agréables couleurs ? […] P., ce que la plus vénérable antiquité a pensé de la comédie, & pourquoi j’ai dit qu’elle est une école publique du vice, & le triomphe du démon dans le monde. […] On y fait une critique continuelle de tous les vices qui régnent dans le monde, j’en convient : & ce n’est pas là ce qu’on y condamne ; c’est la maniére de la faire qui est pernicieuse, & qui ne produit jamais que des effets très-funestes à l’innocence. Vous avez bien raison de dire que les comédiens font de tous les vices des portraits ingénieux ; c’est tout ce qu’on en dire de meilleur. Mais ces portraits, pour être trop ingénieux, n’en sont que plus condamnables : la fin qu’on s’y propose, les intrigues qu’on y représente ordinairement entremêlées d’amourettes, loin d’inspirer de l’horreur du vice, le fomentent & le rendent plus aimable.
Le premier de ces désordres est un obstacle à toutes les vertus, le second une entrée à tous les vices. […] Le théâtre ouvre la porte à tous les vices ; il remplit d'une folle joie qui sans cesse et sans mesure, sans pouvoir rien souffrir, ne veut que le plaisir et le jeu. […] toutes les avenues lui sont fermées, elles sont toutes ouvertes au vice : « Cui placent theatra, vita est theatrica ; qui obscena cernit, aut est, aut fit impudens. […] Le vice change-t-il de nature en passant par la bouche d'une Actrice ? […] des vertus à l'école des vices !
Disons encore plus à la louange de notre espèce, & cette réfléxion regarde particulièrement la Tragédie ; par un penchant naturel, qui subsiste toujours en nous malgré nos vices, & qui prouve que nous sommes faits pour vivre en société ; ce n’est pas seulement aux incidens, aux malheurs réels, que nous voyons arriver sous nos yeux, que nous prenons vivement part ; dès qu’on nous peint avec des couleurs vraisemblables, ou avec un crayon énergique, des revers auxquels l’on peut être sujet, nous sommes émus & affectés. […] En un mot, la joye qu’inspire un Drame plaisant, n’est point troublée par la certitude qu’on a tout-à-coup de ses vices ; ce n’est qu’insensiblement qu’il porte la lumière dans notre cœur ; il nous corrige par dégrés & avec douceur, comme des enfants gâtés qu’il faut traiter avec ménagement. […] Enfin, la Comédie étant l’image simple & peu ornée de ce qui se passe dans la société, doit plaîre nécessairement aux Spectateurs, qui ne se méconnaissent pas tout-à-fait dans les avantures & dans les vices qu’elle leur trace.
C’est pourquoi non seulement ils tâchaient de leur donner une grande horreur du vice ; mais ils les portaient aussi à fuir et à éviter les personnes qui pourraient les y porter. […] La deuxième conséquence que les Pères de l’Eglise ont tirée des principes qui ont été ci-devant établis, c’est qu’il n’est pas permis de contribuer à la subsistance des Comédiens ; parce que c’est entretenir le vice. […] Et quand il ôte aux riches le moyen d’entretenir leurs vices, et qu’il réduit à la pauvreté l’abondance qui leur était si funeste, c’est un traitement qu’ils doivent considérer comme un effet d’une grande miséricorde de Dieu à leur égard.
On ajoûte que la Comedie en particulier tourne le vice en ridicule, et est par là même plus propre à le décrediter que les plus fortes invectives des Prédicateurs. […] Je dis en troisiéme lieu qu’il n’y a qu’un petit nombre de vices que la Comedie tourne en ridicules, par exemple l’avarice, la bigoterie, la fourberie, certaines affectations, certaines manieres choquantes. Mais elle se garde bien de faire la même chose à l’égard de la débauche, de l’ambition, de l’impieté, et des autres vices qui ont tant de vogue.
Ces circonstances sont uniques dans l’histoire ; les grands Seigneurs Romains donnoient les spectacles à leurs propres frais, le Seigneur Polonois devient monopoleur pour se les faire payer, & se rend ainsi Marchand du vice par l’autorité des loix qui ne sont faites que pour le corriger & le punir. […] Ces deux sortes d’Acteurs toujours d’accord, s’étayent mutuellement pour se livrer au vice dont ils sont les suppôts, en maintenir & en étendre l’empire. […] Le vice rend les plus grands hommes bien petits ! […] Ils n’ont de grand que le délire du vice. […] Rien ne rend plus petit que le vice, il dégrade tout ; naissance, fortune, talent, exploits, on se dégrade en l’estimant, qu’on se rend petit en l’admirant, en traitant de grand, d’illustre, de héros, ce que le vice met au-dessous de la populace !
Les histoires ne nous apprennent point qu’aucun Ministre ait condamné ni aboli les danses honteuses et déshonnêtes qui se commettaient, tant aux jours des Calendes, qu’autres Fêtes, où aux Théâtres, et en divers lieux par plusieurs nations, on commettait des vices que notre pensée rejette pour leur horreur, tant de se baigner dans le vin sans regard à l’âge, au sexe, ni au lieu, que faire festins tables par les rues, chansons dissolues : Bref la raison qui est donnée aux hommes leur ôtait l’usage d’elle-même, pour les rendre pires que bêtes farouches : Et nos Pères Ecclésiastiques ne les ont pas seulement censurés, mais prêché, crié, invectivé contre eux, essayé de les réduire. […] Nous serions dignes d’un reproche éternel, si elles étaient telles qu’il les représente, et nos Pasteurs nous banniraient des Sacrements, comme indignes de porter le glorieux titre de Chrétiens, s’il y avait quelque reste de celles qui sont condamnées tant par les Papes que les Empereurs ; s’ils ont retenu le nom de Scène et de Théâtre, et autres mots, ils en ont rejetté le vice. […] Pour opiner de l’un avec le vulgaire et juger de l’autre avec les sages, en dois-je chercher l’exemple en l’antiquité, puisqu’il y en a ici qui se montrent aussi ennemis du vice, que vrais admirateurs de la vertu. […] de faire couler en nos âmes par nos oreilles les préceptes de science et de vertu : Et parce que la loi est Reine et non tyranne, elle les veut imprimer avec une persuasion aussi agréable que docte et diserte : Elle sait que le sens de l’ouïe est le plus excellent, et qu’il sert plus à l’âme qu’au corps, parce qu’il est plus près de la partie où elle fait ses fonctions plus parfaites, et fort éloigné de celles des affections qui nous sont communes, avec les bêtes qui n’ont que le sentiment, que le vice nous peut attaquer de toutes les parts du corps, et la sapience n’a que la voie de l’oreille ; aussi les Athlètes les couvraient toujours allant au combat, bien que le reste du corps fût nu. […] [NDE] Comprendre : « Mais où trouverons-nous des paroles capables de ces effets, sinon dans les lieux publics où l’on voit l’honnête et l’agréable ensemble, et l’art et la science qui se répondent, c’est-à-dire sur les théâtre des comédiens, qui figurent les actions du théâtre du monde, et où chacun essaie de désarmer la guerre, louer la vertu, reprendre le vice.
La Nativité nous offre un Dieu né dans une étable, couché dans une crèche ; le spectacle nous montre le vice triomphant dans la magnificence et le luxe. […] Comment donc la politique n’applaudirait-elle pas aux Congrégations, qui dérobent tant d’occasions au vice et fournissent tant de moyens à la vertu ? […] Ceux qui fréquentent assidûment la comédie, ne sont que des libertins, n’y vont que par libertinage, n’y apprennent, n’y pratiquent que le vice. […] le commandement de la sanctification ne serait-il qu’une loi de paresse, qui canoniserait la source intarissable de tous les vices ? […] j’y trouve le vice de votre propre volonté, qui les dépare.
Le ridicule, au contraire, est l’arme favorite du vice. […] Vice ou vertu, qu’importe, pourvu qu’on en impose par un air de grandeur ? […] Ce sont les vices publics, ce sont les méchants en général qu’il attaque. […] Combien de vertus apparentes cachent souvent des vices réels ! […] [NDA] Ne calomnions point le vice même, n’a-t-il pas assez de sa laideur ?
Car est-ce pour guérir les maladies du corps ou les vices de l’âme qu’il porte le nom et la qualité de Médecin ? […] D’où vient donc que votre Héros ne veut point entreprendre de guérir les vices de l’âme ?
nous représentons sur nos théâtres les fureurs de Médée, les vices d’un grand nombre de personnes que l’on métamorphose en héroïnes et en héros, sans aucun égard pour la raison qu’elles n’ont jamais respectée ! […] Rien n’est plus funeste à l’intégrité des mœurs que les jeux du théâtre : là, le vice s’insinue avec le plaisir dans l’âme, parmi la fascination des yeux et l’enchantement des oreilles41.
Faut-il les rassembler, faut-il bâtir des azyles au vice ? […] Le vice est une tache à leur gloire, & doit bien ternir le titre fastueux de Grand, si facilement prodigué : voilà pourtant sa morale, aussi antichrétienne que contraire à lui même. […] L’impureté n’est-elle pas un vice défendu par la loi de Dieu, comme un péché mortel, indépendamment des mauvaises actions, auxquelles elle peut conduire, & auxquelles elle ne conduit pas toujours ? […] La foiblesse, la bassesse du vice efface tous les exploits, bien loin que les exploits vrais ou faux effacent la bassesse de la dépravation. […] Le vice intéressé à se ménager quelque excuse, à se donner quelque relief, peut seul tenir ce langage indécent ; la vertu ne se trouva jamais dans le vice, la grandeur dans la corruption.
On parloit, on prêchoit en général sur les jeux & les divertissemens ; on recommandoit la modération, on faisoit craindre les excès & l’occasion du vice, on défendoit aux enfans, aux domestiques d’y aller perdre leur tems ; mais on se contentoit de les mépriser, sans daigner établir ou combattre leur légitimité. […] Il n’eut jamais pour lui que la frivolité, l’ignorance, le vice. […] A louer la modestie, la régularité, l’édification qui régne au théatre, l’attention, le zéle à n’y rien dire, rien souffrir qui ait l’ombre du vice, va jusqu’au scrupule. […] Il lui échappa pourtant quelques bonnes œuvres que ses vices défigurerent d’abord après dans un tems de calamité publique, il fit fondre son argenterie pour en acheter des grains ; mais bientôt après, il reprit ce qu’il avoit donné, & fit faire une argenterie plus belle & plus riche. […] C’étoient donc & les objets les plus indécens, & les hommes les plus corrompus qui servoient au démon, à deux fins, à inspirer à nourrir l’idolâtrie, & le vice.
Le théatre fut toujours coupable de ces excès, il étale le plus grand faste, il en entretient le goût ; la simplicité & la modestie y sont des vertus inconnues, & y passent pour des vices chez les amateurs. […] Que résulte-t-il de la récitation de ces vers, de l’assiduité aux enchantemens qu’une habitude du vice qui le rend comme nécessaire, & ne se corrige jamais ? […] Mais il y a dans le cœur de ces idoles de chair, tant de pensées vaines, frivoles, tant de sentimens irréligieux & impurs, tant de passions, de vices, de malignités ! […] Vient-on à se relâcher dans la vertu, on recherche la parure, & cette parure est le présage du relâchement entier, & bientôt du vice. […] Un livre aussi répandu & aussi plein d’objets de vice, ne peut qu’entretenir & répandre la corruption dans tout le Royaume.
, inventée par les Grecs pour reprendre librement les vices des plus grands Seigneurs, et pour les en corriger… On y doit peindre le vice avec les plus noires, mais avec les plus vives couleurs, pour le faire craindre. […] Les Bouffons promettaient d’exterminer le vice à force de le représenter dans leurs Comédies : et les sérieux promettaient de faire vivre la vertu à force d’en faire voir l’éclat dans leurs pompeuses Tragédies : tous aveugles qui ne voyaient pas que le vice leur était devenu naturel, et que la vertu n’était pas à leur portée. […] Aussi le vice inonda-t-il la Terre de plus en plus : et ce qu’on y appelait vertu ne fut-il jamais qu’une pure ostentation. […] C’est que naturellement on est persuadé que la Comédie ne sert qu’à entretenir le vice, et à nous endormir dans nos honteuses misèresPage 34. […] Et quel scrupule se peut-on faire d’aller chercher de l’horreur pour le vice, et de l’amour pour la vertu, s’il est vrai que la Comédie inspire l’une et l’autre ?
« Il faut étudier les Grands, S’accommoder à leurs caprices, Et par des chemins différents Corriger leurs différents Vices. […] De là je le mènerai où je croirai ses leçons le plus nécessaires ; et partout je donnerai tant de laideur au Vice et tant de beauté à la Vertu qu’il ne tiendra pas à moi que l’on n’ait autant de haine pour l’un que d’amour pour l’autre. […] Comme un Sot me chagrine, et qu’un Méchant m’irrite, Avec un vrai plaisir je loue un vrai Mérite ; N’importe dans quel rang on en soit revêtu : Aux petits comme aux Grands j’aime à rendre justice ; Et je défigure le Vice Comme j’embellis la Vertu. » Vous voyez, Monseigneur, par la Matière que je me prescris que je ne cherche ni à corrompre les mœurs, ni à favoriser le libertinage ; et qu’en soutenant les Spectacles nécessaires, je souhaite qu’ils soient toujours innocents.
Que si nous faisons profit des erreurs, puisque les erreurs font les hommes sages, et que nous nous proposons, pour exemplaires de nos actions, les conseils des plus anciens personnages, que l’âge et l’expérience sont inévitables ; n’avouerons-nous pas que l’histoire nous doit servir de très excellent miroir pour y considérer le vice et la vertu, non terminés par la vie d’un mortel, mais par le perpétuel récit de tous les âges, et de tous les siècles. C’est elle qui par la lecture et considération des choses louables égale la prudence d’une jeunesse bouillante à celle d’une vieillesse expérimentée, réveille les esprits impuissants pour les faire aspirer à la grandeur, excite les plus puissants à mériter un los immortel, salaire de leurs bonnes vies, anime les soldats par l’immortalité de ceux qui n’ont redouté les dangers pour la conservation de leurs parties, retire les méchants de leur impiétés par la crainte d’infamie, exhorte à la vertu, déteste le vice, guerdonne les bons, abhorre les méchants, et se rend tellement utile aux humains, qu’elle semble servir d’une sage maîtresse pour les former à l’honneur par son instruction.
une expérience journalière nous apprend qu’on perd le goût de tous les biens spirituels en s’abandonnant aux plaisirs grossiers des spectacles, que les actions même sérieuses et communes deviennent à charge, qu’on n’aime plus qu’à se satisfaire, et que ce désordre est si funeste à l’homme, qu’il ruine entièrement en lui toutes les qualités de l’esprit et du cœur, et devient la source de tous les vices. […] La mollesse, l’impudicité, l’irréligion, le blasphème, tant d’autres vices inconnus autrefois, seraient-ils si communs, si les spectacles ne les occasionnaient pas ?
Quel mal d’assister à des Tragédies qui enseignent à fuir le vice, duquel on représente le châtiment ? […] Nicolas du Chardonnet, et son Curé, très pieux et très docte contrepointentf : Mais que les Ministres corrigent plutôt leur libertinage en tant de sujets si importants, et spécialement leur schisme et division de la vraie Eglise, vice opposé à la charité, « sans laquelle rien ne profite », 1.
C’est dans ces pièces que les vices qui ont de l’éclat, et qui ont déshonoré les Princes qui les ont eus, sont élevés au-dessus des vertus abattues sous leurs pieds : que l’impudicité est appelée chasteté, et qu’elle passe pour telle dans une fille qui n’a qu’un amant, et qui lui abandonne son cœur et son corps sans lui donner de rival. L’opiniâtreté dans le vice et l’impénitence y prennent le nom d’une constance invincible, et en usurpent le mérite et la couronne. […] Lisez tout ce que Salomon prononce d’une débauchée, et le soin qu’on doit avoir d’en éviter la présence, et vous serez très persuadé qu’il faut faire le même jugement d’une Comédienne : car encore qu’il y en ait peut-être quelqu’une qui ne soit pas tombée dans la dernière extrémité du vice ; il faut pourtant avouer que faisant profession d’en avoir tout l’extérieur, elle n’est pas moins à craindre. […] Ajoutez que ces Comédies se jouent aux flambeaux, et de soir, ce qui ne contribue pas peu à favoriser le vice, et à lui faire jeter dans l’âme de ceux qui y assistent, de très profondes racines : les impressions que ces œuvres de ténèbres, revêtues d’une fausse lumière, leur font, leur servent d’entretien tout le reste du jour, et forment les dernières pensées qu’ils ont dans leurs lits, qui sont des semences de péché, que le démon fait germer par ses illusions, et qu’il conduit jusques à son dernier effet, à la faveur de la concupiscence. […] Les exemples des Saintes Écritures nous apprennent qu’il faut peu de chose pour faite tomber l’homme dans le vice, il n’a besoin que de sa propre pesanteur, pour s’y précipiter soi-même.
Le vice ne paraît si souvent sous tant de noms, de couleurs, et de formes différentes, que parce qu’il ne fait que passer des coulisses sur la scène. […] serait-il juste que l’honneur et la vie des hommes fût à la discrétion d’une bouche infâme qui ne s’ouvre qu’au langage de la passion et du vice ? […] Mais le vice reprit bientôt le dessus, et le théâtre fut rétabli. […] Dieu lui-même a grand tort de priver le pécheur de la grâce et de la gloire, et de le déclarer indigne des sacrements ; c’est lui enlever le frein et le contrepoids du vice. […] Reste donc que tous les Comédiens sont sans mœurs, ils n’ont ni intérêt à la vertu, ni contrepoids au penchant, ni frein au vice ; ils goûtent tous les plaisirs, ils savent tout séduire.
on en rougirait sans doute, si le vice ne fermait les yeux. […] Roscius et Æsopus n’étaient pas plus esclaves que Floridor et Baron, ni plus infâmes, et la loi n’a eu aucun égard à leurs talents ni à leur naissance, mais au vice de leur état. […] Le vice seul peut être leur partisan. […] Arlequin, Scaramouche, Pierrot, sont des injures proverbiales jusques dans la bouche de la populace ; ce n’est pas la corruption de quelque particulier, c’est la nécessité inévitable du métier, destructeur par lui-même de toute vertu, et instrument de tous les vices. […] Il n’y a que des yeux familiarisés avec le vice qui puissent en soutenir les nudités.
N’est-ce pas aux Spectacles que toutes les vertus se cachent, que tous les vices se déploient, que la vengeance prend le nom de magnanimité, l’ambition celui d’héroïsme, l’orgueil celui d’élévation, l’impudicité celui de sentiment ? […] Quelle profession en effet que celle d’apprendre à tromper les hommes, à séduire la jeunesse, à mépriser des parents, à vivre dans le crime, à flatter les passions, à honorer les vices, à accréditer les erreurs ! […] Les vers se gravaient dans votre mémoire, et les sentiments dans votre cœur, de sorte que vous ne respiriez plus que les mêmes vices et les mêmes erreurs qu’on mettait sur la scène, et qu’on travestissait. […] Combien de fois ne vous a-t-on pas entendu dire que des objets présentés d’une manière indécente et grossière, étaient mille fois plus propres à vous dégoûter du vice, qu’à vous y attacher ! […] N’attendez donc des Spectacles que des vices et des erreurs ; et croyez que s’ils sont l’écueil de l’innocence, il sont encore celui de la Religion, seconde raison qui doit vous en inspirer toute l’horreur.
Mais, quoique peint en beau, & par conséquent flatté, c’est toujours l’Amour tel qu’il est, c’est le même fonds du vice, & un plus grand danger pour la vertu. […] Mais ce qui la mérite, c’est l’utile dessein qu’on attribue à ce peintre de corriger les mœurs par les tableaux grotesques, des divers excès où font tomber les vices. […] Que sont toutes les fables de la mythologie que des adulteres, des incestes, des vices de toute espece, placés sur les autels ? […] Car est-il douteux au théatre que le vice ne soit le bonheur suprême, & qu’une femme ne soit la vraie divinité qu’on y adore ? […] L’ame n’est une intincelle que pour un matérialiste, & elle ne s’allume aux yeux d’une femme que pour un monstre de vice qui ne connoît que cette vie de péché.
Quel vice peut-on dire qu’elle ait jamais flatté ? […] Le temps du carnaval sera donc le temps qu’on se livrera à toutes les passions, le temps qu’on s’exposera sans crainte à mille périls, le temps qu’on sacrifiera publiquement à tous les vices. […] Le vice est-il moins vice en un temps qu’en un autre ?
Donner son bien aux Comédiens, c’est un vice énorme. […] C’était la fin qu’il s’était proposée, soit par la comparaison de la Comédie avec les champignons si décriés par les Médecins, soit par le dénombrement des vices qui en sont les suites funestes et ordinaires, comme les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours. […] L’Auteur s’étend fort au long sur tout cela, et il prouve par un autre endroit de saint Thomas, que bien loin d’approuver la Comédie, il a dit dans la 2. 2. q. 167. art.2. ad.2. « Que l’assistance aux Spectacles devient mauvaise, en ce qu’elle porte l’homme aux vices d’impureté et de cruauté, par les choses qui y sont représentées. […] » Enfin il finit en répondant à ceux qui voudraient ménager à la faveur du plaisir des exemples et des instructions sérieuses pour les Rois, et il dit : « Que les Rois n’apprendront jamais rien au Théâtre : et que Dieu les renvoie à sa Loi pour y apprendre leurs devoirs : Qu’ils la lisent tous les jours de leur vie ; qu’ils la méditent nuit et jour comme un David ; qu’ils s’endorment entre ses bras, et s’entretiennent avec elle en s’éveillant comme un Salomon : que pour les instructions du Théâtre, la touche en est trop légère, et qu’il n’y a rien de moins sérieux, puisque l’homme y fait à la fois un jeu des vices, et un amusement de la Vertu. […] L’Auteur fait voir dans les Pièces du Théâtre les plus approuvées dans ce siècle, le vice loué et estimé.
» *** Clarke, dans son Essai sur l’étude, dit, en parlant du théâtre et des romans : « Parce que j’en ai vu, je les juge généralement écrits avec peu de décence et de manière à préconiser la vanité et le vice plutôt qu’à les discréditer. […] Ce sont des écoles de vice et d’adultère. […] Si donc nous trouvons du plaisir dans des discours impurs, dans d’impudiques amours, dans des passions violentes, dans des maximes d’immoralité, il n’en faut point douter, c’est qu’il y a quelque chose dans notre nature qui répond à tous ces principes de vice. […] Ces plaisirs dangereux amollissent notre vertu, la détruisent insensiblement, et ouvrent notre âme à tout le cortège du vice et du dérèglement. […] Faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour affaiblir par notre influence et notre exemple, le pouvoir destructif de ces instruments de dissipation, de vice et de corruption.
Le vice aveugle, éteint les sentimens d’honneur, dégrade au-dessous des valets. […] La comédie n’est donc point faite pour corriger la partie essentielle des mauvaises mœurs, les vices haïssables, mais seulement les ridicules ; distinction fausse. Aucun vice qui ne soit haïssable, quoiqu’ils ne le soient pas également. […] N’est-ce pas sur les plus grands vices qu’elle devroit commencer d’exercer son zele ? […] Mais l’impureté qui regne si fort sur le théatre, n’est-elle pas un vice odieux & honteux ?
Les Lacédémonirns en étoient si persuadés qu’ils avoient chassé de leur Ville les Parfumeurs comme une peste, ils y rentrèrent avec le vice. […] Depuis ces voyages du Levant entrepris, il est vrai par religion & louables par l’intention & la fin qui en fut le mobile ; mais malheureusement époque funeste des vices que produit le luxe. […] Pasquier prétend que c’est encore l’origine de la poésie galante, des aventures romanesques aussi dangereuses qu’agréables, qui louent autant le vice que la vertu, ou plutôt qui inspirent le vice & dégoûtent de la vertu qu’on a imité des Grecs & des Arabes ; il est vrai que les Troubadours ces Poëtes coureurs, ces avanturiers d’amour, ces charlatans du Parnasse n’ont paru qu’alors, & porté de toutes parts leurs licencieux fabliaux, leurs romans, leur poésie amoureuse & très-maussade. […] Le théatre est tout, & les exercices du corps sont aussi inconnus que l’étoit autrefois l’école du vice. […] La bonne odeur de la vertu, la mauvaise odeur du vice.
Sans être grossierement licentieux, comme les Italiens, les deux Foires, les Boulevards & les Farces, cinq spectacles notoirement & unanimement reconnus mauvais, l’Opéra n’est rempli que de galanterie & de principes de vice, peintures agréables de l’amour, exhortations à la tendresse, justification de la passion, mépris de l’innocence & de la modestie. […] 143.) disent : Si l’on ôte au théatre cette modesti nécessaire aux bonnes mœurs, si on cherche à corrompre l’esprit & le cœur par des peintures agréables du vice, comme dans tous les maquignonages de Dancour, avec quelque génie qu’on exécute un dessein si pernicieux, on doit être regardé comme un empoisonneur qui donne un goût agréable à des liqueurs mortelles. […] Ils sont même remplis de sentences morales que le christianisme ne désavoueroit pas, & sont des censures très-justes des mœurs de leur temps, qui ne font grace à aucun vice. […] ) n’ont eu d’autre objet, parce que malgré la religion dominante, l’autorité du trône, les anathèmes de l’Église, la prétendue réforme, le théatre a toûjours été & sera toûjours l’école du vice. […] Distinguons avec eux l’idolâtrie, qui déshonoroit les théatres Payens, des autres désordres inséparables de ces jeux pernicieux, donnés par des ames basses, corrompues & mercenaires, qui font métier de la licence, & fréquentés par des libertins & des impies qui y apportent, y pratiquent, y enseignent le vice, & convenons avec tous les Pères qu’il doit être proscrit sans réserve.
Ce n’est que peu à peu, à mesure que l’esprit de frivolité et le goût du vice ont pris le dessus, qu’on a souffert, après bien des oppositions des voisins, et des gens de bien, que la folie et le scandale eussent des établissements fixes et des maisons publiques, où tout le monde fût reçu et invité à en aller prendre des leçons et voir des exemples. […] Il est très faux qu’il soit utile au public de rassembler les citoyens au spectacle ; ils n’y voient que les excès, les intrigues, le succès des passions ; il n’y forment que des parties de débauche, des sociétés de vice, des liaisons de crime. […] Ils y perdraient leur vertu, et y apprendraient tous les vices. […] « o præclaram emendatricem vitæ », qui fait une Divinité de l’amour du vice et de l’auteur du crime, « quæ amorem flagitii et levitatis auctorem in conciliis Deorum collocat ». […] Cicéron ne conteste pas la justice de ce reproche en général ; il se retranche sur le mérite personnel de Roscius, qui bien loin d’être infecté des vices de son état, était par une espèce de prodige plus honnête homme qu’habile acteur :« Audaciter dico plus fidei quam artis, plus veritatis quam disciplinæ possidet, quem populus Romanus meliorem virum quam Histrionem arbitratur. » Une pareille exception fait-elle l’éloge de la profession et de ceux qui l’exercent ?
For in this profession it is that all the powers of eloquence, all the variety of expression of which action or language are capable, and all the graces of delivery, are peculiarly requisite: and in no other school are virtue and good manners more emphatically enforced, or vice and folly more effectually put out of countenance. – But as it is not our present design to write the eulogium of the theatre, we return to the particular case of Mademoiselle Clairon. […] « But why that excommunication should be still in force, and in France only, against a set of people who are neither pagans nor profaners of religion; whose plays are not only free from immorality of every kind, but filled with the most pure and virtuous sentiments; where virtue is rewarded and vice is placed in the most odious light: why either the authors or performers of such plays should, in this age, be treated with such indignity, is, I believe, what the most rigid priest amongst them cannot find any just reason for.
C’est-à-dire, Toutes les choses où se trouvent les attraits des yeux et des oreilles, par où l’on croit que la vigueur de l’âme puisse être amollie, comme on le peut ressentir dans certaines sortes de musique et autres choses semblables, doivent être évitées par les ministres de Dieu : parce que par tous ces attraits des oreilles et des yeux, une multitude de vices, turba vitiorum, a coutume d’entrer dans l’âme. » Ce canon ne suppose pas dans les spectacles qu’il blâme, des discours ou des actions licencieuses, ni aucune incontinence marquée : il s’attache seulement à ce qui accompagne naturellement « ces attraits, ces plaisirs des yeux et des oreilles : oculorum et aurium illecebras » ; qui est une mollesse dans les chants, et je ne sais quoi pour les yeux qui affaiblit insensiblement la vigueur de l’âme. Il ne pouvait mieux exprimer l’effet de ces réjouissances, qu’en disant qu’elles donnent entrée « à une troupe de vices » : ce n’est rien, pour ainsi dire, en particulier ; et s’il y fallait remarquer précisément ce qui est mauvais, souvent on aurait peine à le faire : c’est le tout qui est dangereux ; c’est qu’on y trouve d’imperceptibles insinuations, des sentiments faibles et vicieux ; qu’on y donne un secret appât à cette intime disposition qui ramollit l’âme et ouvre le cœur à tout le sensible : on ne sait pas bien ce qu’on veut, mais enfin on veut vivre de la vie des sens et dans un spectacle où l’on n’est assemblé que pour le plaisir ; on est disposé du côté des acteurs à employer tout ce qui en donne et du côté des spectateurs à le recevoir.
La comédie, dit-on, est utile : elle déclame contre le vice autant que les Prédicateurs. […] La comédie, il est vrai, rend le vice ridicule ; mais elle ne le rend pas odieux : elle en fait rire, mais elle ne le fait pas pleurer.
Quel est le vice dont elle ne s’efforce de nous préserver ou de nous corriger ? […] Elle n’ose d’ordinaire exposer les vertus & les vices que séparément & en leur place. […] Ils donnerent à l’autre le soins de corriger les vices par la censure & les ris. […] Que diriez-vous, si dans vos Ecoles si vantées on enseignoit le rafinement du vice aux dépens de la vertu ? […] Qu’une Ecole, que vous avez livrée au vice, devienne, par vos efforts, une Ecole de vertu.
Il y pose pour base ce raisonnement qui lui a paru être sans replique : « Pour que la Tragédie fût une leçon d’exemple, il faudroit que la vertu y fût récompensée, & le vice puni. […] La volupté étoit presque le seul arbitre qu’on consulta sur l’usage qu’on devoit faire de l’une & de l’autre ; & le Théatre devint une école de toutes sortes de vices, d’autant plus dangereuse qu’en perfectionnant l’imitation, l’on s’étoit mis en état d’y peindre ces mêmes vices des couleurs les plus vives & les plus capables de porter la contagion dans les cœurs. […] On diroit que les Auteurs, en bravant le sens commun, auroient formé une conspiration contre la vertu, & se seroient proposés d’assurer le triomphe du vice. […] On y voyoit de grands sentimens & une vertu peut-être trop sublime pour qu’on pût se flatter d’y atteindre : on n’y rencontroit point de ces images licencieuses qui montrent le vice sous une forme aimable. […] On les vit s’élever contre des Poëmes dont la perfection littéraire ne tendoit qu’à augmenter encore plus l’empire des vices ; c’est ce qui occasionna les écrits polémiques dont on va donner l’histoire.
Avec l’assaisonnement du vice, elle flatta leur palais, & fut reçue avec transport. […] La corruption peut seule faire pencher la balance dans des mains corrompues, le vice seul est l’introducteur, le protecteur, l’arbitre de tout ce qui appartient au théâtre. […] Dés qu’il aura arboré le vice, toutes les portes lui seront ouvertes. […] L’équivoque palliatif de la gaze qui couvre le vice de la morale, qui, quelquefois y est semée, aigrit le mal, & le rend sans reméde, en faisant croire à des dupes, ou à des gens qui l’affectent, & font semblant de penser, qu’il n’existe pas.
Gardez-vous, dit-il, de fixer vos regards sur la beauté, sur la parure des femmes ; le désir suivrait de près, et le crime serait commis dans le cœur : « Jam mœchatus est in corde. » Gardez-vous d’écouter les douces paroles ni de souffrir les caresses empoisonnées d’un femme de mauvaise vie ; elle porterait le poison et la mort dans votre cœur, bouchez vos oreilles avec des épines, pour échapper à ses pièges : « Aures spinis sapiendæ, ut illecebras sermonis excludas. » Ce détail suffirait pour anéantir les spectacles, où sont réunis tous les dangers du vice. […] Ce n’est pas le vrai combat que vous devez soutenir, c’est la guerre contre les vices ; ce n’est pas la vraie couronne que le Chrétien doit remporter, c’est la couronne céleste ; ce n’est pas la carrière où vous devez marcher, c’est celle de la vertu. […] 1.), où par l’exemple d’Abraham, à qui Dieu fit quitter son pays, de Loth, que les Anges obligèrent de sortir de Sodome, de Moïse, qui s’éloigna de l’Egypte, des Apôtres, qui abandonnèrent leur famille pour suivre Jésus-Christ, il prouve combien nous devons soigneusement éviter les dangers infinis du vice, qui se trouvent sur tous nos pas dans le siècle. […] Elle est toujours suivie d’un cortège de vices, « vitiorum succinta comitatu » ; par un funeste concert tous les crimes forment autour d’elle une espèce de chœur, « nequitiæ choro circumfusa ».
Porée, traitant la question des spectacles, soutient qu’ils pourroient être une école de vertu ; mais il ajoute en même-temps que, par notre faute, ils ne sont que l’école du vice. […] L’état honteux de ces esclaves inspiroit aux enfans la crainte ou la pitié, ou l’une & l’autre en même temps ; & ces passions étoient le préservatif du vice qui les avoit fait naître. » Les tragédies qui n’ont pas la ressource du dénoûment, sont encore plus rejettées de M. […] Je vois encore ici la marquise de Lambert favorable à ce frondeur déterminé : « On reçoit au théâtre de grandes leçons de vertu, & l’on en remporte l’impression du vice » : Telle femme y est entrée Pénélope, & en est sortie Hélène *. […] Ils intéressent au mensonge, à la ruse, aux fourberies : ils mettent l’honneur en parole & le vice en action ; ils attirent tous les applaudissemens au personnage le plus adroit, & rarement au plus estimable. […] On soutient contre lui, que la comédie préserve de beaucoup de défauts & même de vices.
Le métier de Comédien est une sorte de prostitution, & la prostitution une sorte de comédie, même avec ce désavantage, que le théatre offre, représente, enseigne, embellit avec le plus grand éclat le crime, que les autres ne font que commettre en secret avec ignominie : l’un est le vice hydeux & dans les ténèbres, l’autre le vice paré de graces & couvert de gloire. […] A quoi il répond que sans doute en général, regarder la représentation de quelque chose n’est point un mal, mais que la vue des spectacles devient vicieuse, vitiosa redditur inspectio spectaculorum, parce que par ce moyen l’homme prend du goût & de l’inclination pour les vices d’impureté ou de cruauté : Per hæc homo fit pronus ad vitia lasciviæ vel crudelitatis. […] Les livres, les tableaux n’en approchent pas ; c’est l’abrégé de la passion, l’élixir du vice, le crime même avec tout son poison, vivant & agissant, charmant tout : qui peut lui résister ? […] Les représentations théatrales sont même plus dangereuses ; ce sont des peintures animées des passions, où des hommes & des femmes, vivant, agissant avec toutes les graces & les attraits du vice, sentent, expriment, font sentir tout ce que sentiroit le personnage qu’ils jouent. […] Thomas, contre les fausses interprétations que le relâchement lui a données, & après avoir démontré combien les spectacles sont contraires aux divines Ecritures, combien ils sont dangereux en effet, & dans le sujet des pieces, & dans la maniere de les représenter, dans les Actrices, les danses, les masques, vices communs à tous les théatres, qui rendent même la scène moderne plus obscène que les scènes Grecque & Romaine, malgré le voile de l’équivoque dont on la couvre, & le mariage qui est le dénouement de l’intrigue, il conclud que les Acteurs & les Actrices sont dans un état de péché mortel & de damnation.
Quelle foule de travers, d’impertinences, de vices, de crimes & d’horreurs, sortent continuellement de ces autres impurs ! […] Est ce aux Spectacles des Boulevards, & des Foires, que l’on va apprendre à se corriger des ses ridicules, de ses défauts & des ses vices ? […] Ces accidens & ces vices se réduisent à huit principaux. […] Ne voit-on pas qu’une mauvaise impression fait naître un, & quelquefois plusieurs vices, que les vices sont eux-mêmes le foyer des crimesC’est le sentiment du célebre Montesquieu. […] C’est un miroir fidele des ridicules & des vices de l’humanité, c’est une tableau mouvant qui nous présente tous en action.
Que l’usage du fard est un péché, que c’est une invention du vice, qu’il ne donne que des faux attraits, que les hommes en sont généralement peu touchés, & qu’à la longue, il défigure le visage, & détruit les graces même qu’on esperoit d’y trouver. […] Le masque tombe, le vice reste, & la vertu s’évanouit. […] Il n’y a de vrai & de réel, que le vice qui y regne, & fait tout agir ; on voudroit le cacher, & tout le dévoile. […] Peut-on imaginer de plus monstrueux assemblage de sacré & de profane, de vice & de vertu, d’instruction & de scandale ? Une année se passe dans cet exercice de vertu, & les excès du vice : on se lasse enfin de tout, même du plaisir.
la lie du peuple, ou la lie du vice. […] La danse est cette agitation dangereuse, d’où la vertu ne revient jamais entiere, & où le vice achève de se briser : Manus mulieris vincula sunt, qui placet Deo effugit illas, peccator rapitur ab ea. […] L’énergie de ces portraits n’est difficile à saisir, ni au vice ni à la vertu, non plus que la justification du théatre, dont ils font l’éloge. […] les pieges du démon, l’aliment des vices, l’occasion du péché, sont-ils des délassemens ? […] Trop heureux encore, si des passions, des vices, des péchés innombrables n’y apportoient une folie bien plus déplorable, dont on gémira éternellement !
Oseriez-vous dire que les femmes ont les vices ci-dessus détaillés au point auquel les hommes en sont entichés ? […] Ce ne sont donc pas les femmes qui corrompront l’« objet céleste » : mais les petits maîtres, les législateurs de Toilette vont s’emparer de son éducation et lui donner tous les vices du temps. […] Qu’est-ce que c’est que l’image du Vice à découvert qui ne choquait point la pudeur des Anciens ? Qui peut donc mieux offenser la pudeur que le Vice à découvert ? […] Je vous le passais comme un vice de terroir, j’accordais au Genevois ce que je nie au Philosophe.
.° à renvoyer les spectateurs avec le goût, l'amour, l'impression de la vertu et la haine du vice. […] Si le vice règne jusque dans ces sombres retraites, où ne se glissera-t-il pas ? […] Les monstres, dans l'ordre moral, les vices, plaisent toujours à un cœur corrompu, ou bientôt corrompent le plus innocent. […] Il n'est pas besoin des agréments, de l'artifice, de la délicatesse du pinceau ; aux yeux de la plupart des spectateurs, le vice n'est point un monstre. […] Le cœur fait la fortune des pièces ; la vertu y trouve mille obstacles à vaincre ; le vice, d'intelligence avec lui, jouit du plus grand crédit ; la passion est toujours belle, on ne peut plaire qu'avec ses traits.
Le Théatre a toujours entretenu & fortifié les vices nationaux. […] Je fis représenter les vices ennemis de la société ; on auroit été choqué des préceptes, on écoute, en s’amusant, une morale sublime qui éclaire & corrige. […] Il lui dit la Satyre ne corrige personne, parce qu’elle attaque les vicieux ; la Comédie corrige, parce qu’elle n’attaque que les vices (faux encore, la Comédie attaque aussi les hommes, & la Satyre les vices). […] Ainsi les trois vices capitaux du Théatre, l’irréligion, la malignité, le libertinage, sont-ils à découvert & sans masque. […] Le grand art du Théatre est de savoir combiner le vice avec le goût & le style du siecle, pour insinuer l’un à la faveur de l’autre.
Elle est si mince que le même nom que lui donne ce philosophe, Saint Paul le donne à un vice qui est celui que notre vulgate a traduit scurrilitas, qu’on peut tourner, selon les pères, par un terme plus général, plaisanterie, art de faire rire ; ou, si l’on veut, bouffonnerie : Saint Paul l’appelle εὐτραπελία, eutrapelia Ep. […] Mais Saint Paul, après avoir pris la plaisanterie sous la plus belle apparence, et l’avoir nommée de son plus beau nom, la range parmi les vices : non qu’il soit peut-être entièrement défendu d’être quelquefois plaisant ; mais c’est qu’il est malhonnête de l’être toujours, et comme de profession.
Jamais les vices ne meurent par vieillesse, jamais le crime ne s’efface par le temps, jamais une méchanceté ne s’oublie. […] Ils représentent Vénus impudique, Mars adultère, et leur Jupiter, non moins prince de vices, que du royaume, qui brûle d’amour des humains, avec ses foudres : maintenant blanc comme un cygne, maintenant descendant du ciel en forme de pluie d’or : maintenant par le ministère des oiseaux se lançant pour s’amouracher de jeunes enfants et les ravir.
Moliere joua toute la Cour, mais ce ne fut que les vices & les ridicules des Courtisans, jamais il ne parla politique, ni ne s’avisa de raisonner sur les affaires de l’Etat. […] mais il les traita d’hypocrites, qui cachoient sous une apparence de piété des vices plus grands que ceux qu’ils condamnoient en lui. […] En un mot c’est une espece d’école de morale mondaine & d’impiété qui enseigne la licence pour soi, la tolérance pour les autres, ennoblit le vice, & rend méprisable la vertu. […] Ici on prêchoit la vertu, là on enseignoit, on rendoit agréable le vice. […] Ces établissemens sont trop favorables au vice, pour n’avoir pas attiré tout Paris, & gagné la Province, où la contagion fait de rapides progrès.
C’est pourquoy je n’attaqueray point des vices imaginaires, & si je me sers des paroles & des expressions des saints Peres, pour condamner les spectacles d’aujourd’huy, tels qu’ils sont, ce ne sera que dans ce qu’ils ont de commun avec ceux des Anciens. […] Nous sommes, à la verité, dans un siecle, où l’on garde des mesures de bienseance plus que jamais ; jamais les dehors ni les apparences de la vertu & de la probité n’ont été menagez avec plus de soin ; & comme l’on apporte toutes les précautions que l’on peut, pour conserver sa reputation, on témoigne de l’indignation contre les vices grossiers, & contre tout ce qui choque l’honnêteté ; mais comme les mœurs sont aussi corrompuës qu’elles l’ont jamais été, cette horreur que l’on marque pour tout ce qui blesse la pudeur, ou qui enseigne ouvertement le crime, est plûtost un effet de la politesse du siecle, que de sa probité ; de maniere que les spectacles de ce temps sont d’autant plus dangereux, que le mal y est plus caché, & plus subtilement déguisé. […] ne sont-ce pas les personnes dont l’âge est le plus susceptible de vice, qui composent ces assemblées ? […] Car je veux que les comedies, ausquelles je m’arrête plus particulierement, en parlant des spectacles, que les comedies, dis-je, de ce temps, soient plus honnêtes qu’elles n’ont jamais été, cependant, ceux qui examinent les choses de plus prés, & à qui les autres vertus chrétiennes ne sont pas moins cheres que l’honnêteté, trouvent étrange qu’on les appelle innocentes, vû que les plus honnêtes ne contiennent autre chose que des passions d’ambition, de jalousie, de vengeance, de fausse generosité, & des autres vices, qui étant colorez d’une idée de grandeur d’ame, entrent facilement dans l’esprit, & ruinent tous les principes du Christianisme. […] non, encore une fois ; car comme la plûpart des veritables vertus, qui sont celles de l’Evangile, n’y peuvent trouver de place, & que ce seroit un Heros d’un caractere bien nouveau, d’y representer un homme patient, humble, insensible aux injures, & en un mot, un veritable Chrétien ; on a substitué de fausses vertus, pour exprimer, & pour exciter ces sentimens que le monde appelle nobles & genereux ; le point d’honneur, pour lequel on expose sa vie dans un combat singulier, la passion de dominer, & de s’élever par toutes sortes de voyes, des fourberies, des trahisons, des perfidies, des amitiez qui engagent dans le crime pour servir un amy ; on y voit enfin couronner le vice, authoriser l’injustice par d’illustres exemples, & les maximes les plus contraires à la Religion, passer pour de grandes vertus, & pour des exploits signalez, sans quoy le Theâtre languiroit ; il faut donc pour l’animer, y representer des choses conformes au goût & aux inclinations des spectateurs.
Y auroit-il de comédie si nous n’aimions le vice qu’elle représente, si elle ne représentoit le vice que nous aimons ? […] Les spectacles ne furent d’abord qu’un amusement honête & modéré ; mais le luxe s’y introduisit, ils dégénérerent en une vaine pompe dispendieuse & nuisible, qui ouvrit la porte au vice ; c’est au vice que ce qu’on appelle la vieille comédie dut sa naissance. […] La nouvelle fut plus rafinée, sur-tout quoique dans le fond aussi corrompue, & en devint plus dangereuse ; elle arbora un air de décence, & voila, ou plutôt gâza le vice, pour séduire plus aisément la vertu, & fut le fruit de la molesse, qui naturellement moins bruyante, non par vertu, mais par paresse & amour du plaisir, se couvre d’une fausse politesse, pour être moins traversée : Insana est principum & populorum in ithiones pecuniæ collatio, quâ homines infames de turpitudine sua, & de suo scandalo lucrantur & gloriantur, majol. dies canicul. collat. […] On a voulu quelquefois leur prêter des vertus & de la probité ; c’est là-dessus qu’on peut dire : Quand les vertus sont gardées par la folie & le vice, il est aisé de corrompre les sentinelles. […] Le théatre, selon lui, est l’école du vice ; les auteurs & acteurs des corrupteurs des hommes, des instrumens du Diable, le théatre Anglois est plein d’indécence, de mauvaise morale ; la vie des auteurs, acteurs & actrices très-déréglée.
Dieu permet que la santé ne souffre pas moins que les mœurs, des passions & des vices. […] Vous avez beau plâtrer & recrépir votre visage, vous êtes très-laide & très-infirme, & sur-tout votre cœur corrompu ne renferme que la pourriture du vice. […] Jean Baptiste Porta, & tous les auteurs qui traitent de la phisionomie, s’arrêtent beaucoup sur la couleur du corps, sur-tout du visage & des cheveux, & la regardent comme une indication des vices & des vertus ; & une espece de diagnostic des maladies spirituelles. […] Se farder volontairement, journellement contre la volonté de ses superieurs ; n’est ce pas arborer l’enseigne du vice, & déceler ses mauvaises dispositions ? Sans consulter les livres de phisionomie, on lit le vice sur les joues, écrit avec les traits les plus vifs.
La piece présente plus de vices que de vertus. […] J’aime mieux un vice commode qu’une fatigante vertu. […] En un mot c’est toûjours la folie ou le vice qui font agir. […] Ainsi pour un vice qu’elle corrige, elle en enseigne dix encore plus grands. […] , on ne doit jamais du moins en faire une école du vice.
C’est pourquoi je n’attaquerai point des vices imaginaires, & si je me sers des paroles & des expressions des Saints Peres, pour condamner les spectacles d’aujourd’hui, tels qu’ils sont, ce ne sera que dans ce qu’ils ont de commun avec ceux des Anciens. […] Nous sommes, à la verité, dans un siecle, où l’on garde des mesures de bienseance plus que jamais ; jamais les dehors ni les apparences de la vertu & de la probité n’ont été menagez avec plus de soin ; & comme l’on apporte toutes les précautions que l’on peut, pour conserver sa reputation, on témoigne de l’indignation contre les vices grossiers, & contre tout ce qui choque l’honnêteté ; mais comme les mœurs sont aussi corrompuës qu’elles l’ont jamais été, cette horreur que l’on marque pour tout ce qui blesse la pudeur, ou qui enseigne ouvertement le crime, est plûtost un effet de la politesse du siecle, que de sa probité ; de maniere que les spectacles de ce tems sont d’autant plus dangereux, que le mal y est plus caché, & plus subtilement déguisé. […] ne sont-ce pas les personnes dont l’âge est le plus susceptible de vice, qui composent ces assemblées ? […] Car je veux que les comedies, ausquelles je m’arrête plus particulierement, en parlant des spectacles, que les comedies, dis-je, de ce tems, soient plus honnêtes qu’elles n’ont jamais été, cependant, ceux qui examinent les choses de plus prés, & à qui les autres vertus chrétiennes ne sont pas moins cheres que l’honnêteté, trouvent étrange qu’on les appelle innocentes, vû que le plus honnêtes ne contiennent autre chose que des passions d’ambition, de jalousie, de vengeance, de fausse generosité, & des autres vices, qui étant colorez d’une idée de grandeur d’ame, entrent facilement dans l’esprit, & ruinent tous les principes du Christianisme. […] non, encore une fois ; car comme la plûpart des veritables vertus, qui sont celles de l’Evangile, n’y peuvent trouver de place, & que ce seroit un Heros d’un caractere bien nouveau, d’y representer un homme patient, humble, insensible aux injures, & en un mot, un veritable Chrétien ; on a substitué de fausses vertus, pour exprimer, & pour exciter ces sentimens que le monde appelle nobles & genereux ; le point d’honneur, pour lequel on expose sa vie dans un combat singulier, la passion de dominer, & de s’élever par toutes sortes de voyes, des fourberies, des trahisons, des perfidies, des amitiez qui engagent dans le crime pour servir un amy ; on y voit enfin couronner le vice, authoriser l’injustice par d’illustres exemples, & les maximes les plus contraires à la Religion, passer pour de grandes vertus, & pour des exploits signalez, sans quoy le Theâtre languiroit ; il faut donc pour l’animer, y representer des choses conformes au goût & aux inclinations des spectateurs.
Et si les Comédies qu'on a jouées depuis trente ans en France sont exemptes de ces vices, ne sont-elles pas dignes du même blâme que nos Tragédies et Tragi-comédies, par la manière d'y traiter nos passions ? […] La Tragédie considérée par cet endroit ne paraît pas plus mauvaise que les paraboles des Hébreux, les hiéroglyphes des Égyptiens, et les Emblèmes; les tragédies même des premiers poètes sont toutes morales, et pleines de sentences ; et s'il y en a quelquefois qui soient contraires à la vérité, il s'en faut prendre à la morale des Païens, et non pas à la Tragédie, qui rapporte comme vertueux ce qui passait pour vertueux en son temps, quoiqu'il eût le vice général de toutes les vertus païennes. […] Je pense qu'il souffrirait assez impatiemment dans les unes, ce qu'il respecte tant dans les autres, et que dès qu'il verrait cette sévérité tant vantée dans un sujet auquel il prendrait quelque intérêt, il reconnaîtrait bientôt ces fausses vertus pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire, pour des vices véritables. […] Ils disent qu'il est vrai que la Comédie est une représentation des vertus et des vices, parce qu'il est de la fidélité des portraits de représenter leurs modèles tels qu'ils sont, et que les actions des hommes étant mêlées de bien et de mal; il est par conséquent du devoir du Poème Dramatique de les représenter en cette manière. Mais que bien loin qu'il fasse de mauvais effets, il en a de tous contraires, puisque le vice y est repris, et que la vertu y est louée, et souvent même récompensée.
Ne perdons point de vue l’origine & le but de cette institution, même chez les Païens ; & en rougissant, nous y trouverons la condamnation des abus & des vices que nous avons introduits sur la Scene. […] C’est un puissant remede, disoit le savant Scaliger, contre l’oisiveté, source de tant de vices. […] Le faux Politique n’y voit qu’un or dont il prétend que l’Etat s’enrichit ; mais les vices que cet étranger rapporte dans sa patrie, croyez-vous qu’ils ne reflueront pas un jour sur vous, sur votre commerce, sur vos alliances, sur vos guerres ?
Fort de la pureté de mes intentions et de la certitude que mon opinion nouvelle, en cas d’erreur, et du reproche imminent d’avoir négligé ce précepte : Sumite materiam vestris qui scribitis æquam viribus , ne peut causer aucun mal, et pourrait encore, au contraire, donner quelques indications neuves et faire naître des idées utiles à d’autres écrivains plus exercés, qui considéreraient ce sujet sous de nouveaux points de vue ; j’aurai le courage d’écrire, de soumettre à la discussion la plus solennelle, et au jugement des hommes les mieux éclairés ce que je crois avoir remarqué de plus, en continuant de chercher de bonne foi, et sans d’autre passion que celle du bonheur commun, comment il s’est fait que, malgré toutes nos lumières et nos belles institutions, malgré nos immenses bibliothèques renfermant tant de plans et de systèmes, ou de bons livres destinés à nous améliorer, comme ceux qui paraissent encore tous les jours sous toutes les formes ; et malgré les exemples, les efforts successifs et continuels des orateurs les plus éloquents et les plus vertueux, et des sages les plus instruits, les plus persuasifs, secondés par les plus vigoureuses satires et censures ou critiques vivantes de nos personnes, de nos défauts et de nos vices, nous soyons toujours tombés en effet de plus en plus dans le relâchement, et soyons arrivés sitôt au degré de cette effrayante dissolution de mœurs dont un parti accuse aujourd’hui avec si peu de discernement ces moyens mêmes de réformation. […] J’ai consulté, outre les lumières de la plus longue expérience de mes doyens d’âge, les différents genres de traditions historiques, les écrits authentiques et les mémoires secrets, les anecdotes et même les arts et leurs productions ; j’y ai observé les hommes et le cours de leurs vertus, de leurs vices, de leur langage, de leurs actions, les variations des principes et de l’esprit des sociétés ou des cercles et coteries, en un mot, le mouvement de l’opinion et des mœurs. […] Associés probes, amis sincères, honnêtes pères de famille, veuves et orphelins, comme vous bonnes gens sans instruction et sans prévoyance, qui gémissez sur tous les points de la terre civilisée, où vous avez été outragés, trompés, dépouillés impitoyablement par toutes sortes d’oppresseurs rusés qui jouissent sans remords de vos dépouilles en présence de vos misères, vous prouvez à l’observateur, même favorisé de la fortune, mais non égoïste, que la civilisation, par les moyens combattus qui l’ont opérée, a moins adouci les mœurs qu’elle n’a rafiné, subtilisé les vices de la barbarie.
La Tragédie en pleurs vient nous dépeindre les plus grands crimes des humains ; l’Innocence opprimée nous intéresse à son sort ; le Vice triomphant se fait haïr, détester ; on répand avec délices, des larmes de bienfaisance. […] De simples ridicules deviennent souvent des vices dangereux. […] Enfin le Théâtre qui nous découvre nos erreurs les plus dangereuses, reprend aussi de mille ridicules, qui paraissent d’abord des bagatelles, mais qui, envisagés sérieusement, deviennent des vices repréhensibles & qui troublent la société.
Ainsi la comédie, par sa nature même, est une Ecole & un exercice de vices, puisqu’elle oblige nécessairement à exciter dans soi-même & dans les autres, des passions vicieuses. […] Le glaive de la parole, dit Isaïe, ne nous est pas confié pour ménager les pécheurs, mais pour couper jusqu’à la racine de leurs vices. […] appellerez-vous honnête une Morale empoisonnée qui pour attaquer un vice en justifie un autre plus éclattant, mais plus dangereux ? […] Et depuis ce temps, quel vice a-t-il corrigé dans vous, quelle vertu y a-t-il formée, quelle passion réprimée ? […] Mais comme parle un Auteur Romain même, dès que la Grece conquise lui eut fait présent de cet art funeste, elle lui fit présent en même-temps de tous ses vices.
La Vérité ne sera jamais annoncée, sans quelques triomphes sur les efforts du vice. […] Ainsi les vices sont toujours en masque sur la scene. […] On y embellit les vices, en leur donnant un air de noblesse & d’élévation. […] Vice ou vertu, qu’importe, pourvu qu’on en impose par un air de grandeur. […] Celui-ci avance qu’il n’y a ni vertus, ni vices, & que le bien & le mal moral sont des chimeres.
Il vaut mieux avertir ses Poètes de se corriger, s’il est possible, de leur penchant à flatter le vice, plutôt que de les encourager, par une lâche adulation, à persister dans leurs erreurs, & à continuer à rendre le nouveau Spectacle indigne de l’estime de l’honnête homme. […] Les vices du siècle ne doivent point rassurer les Auteurs de l’Opéra-Bouffon. […] Peut-être que si les Auteurs de nos jours fesaient encore la réfléxion que je vais mettre ici, nous ne verrions pas tant de Livres où le vice caressé est dépeint avec les couleurs les plus riantes. […] Une pareille idée ne peut entrer dans l’esprit : pour quoi donc flatter les vices & les faiblesses humaines ? […] Les Pièces de Théâtre sur-tout doivent-être remplies de leçons de vertus, loin de rendre le vice aimable.
Mais passons et disons qu’une Comédie ne doit pas être appelée épurée et honnête, pour n’avoir pas de ces ordures grossières que des oreilles un peu chastes ne peuvent souffrir ; quand d’ailleurs elle est remplie d’autres passions spirituelles, qui déplaisent autant à Dieu, qui est un pur esprit, que ce vice grossier qui tire son origine de la boue de notre corruption. […] Comédie est aujourd’hui moins l’Ecole du vice, que de la vertu. » O Ecole ! […] L’hypocrisie est un vice privilégié, qui ferme la bouche à tout le monde, et qui jouit en repos d’une impunité souveraine. […] C’est ainsi qu’un esprit sage sait s’accommoder aux vices de son siècle. […] « On peut en tirer des moralités fort instructives, et capables d’inspirer aux hommes de l’amour pour la vertu et de l’horreur pour le vice. » Saint Isidore dit positivement que les Comédiens ne s’étudient qu’à pervertir le peuple, et non pas à le rendre meilleur.
Car là les Vices se glissent par le plaisir qu’on y prend. […] Enfin nous pouvons définir les Théâtres, un égout, et une école de turpitude, et de toute sorte de vices. […] En cet égard, certes, et à comparer vice avec vice, sans doute la répréhension des Blasphèmes, ou des vols, ou des adultères, doit être tout autre que non pas celle du péché qui se commet par ceux qui vont au Théâtre. […] Comprendre : ceux qui ont autorité (…) subissent les réprimandes du vice (la construction intransitive de subir n’est pas attestée dans les dictionnaires anciens). […] Comprendre : ils croient que Dieu et les hommes sont témoins qu’ils ne flattent aucun vice.
Cette vie avoit plu aux Suédois, peuple belliqueux, tres-éloigné du luxe & de la molesse ; le théatre qui l’introduisit dans la Cour, & à qui ses vices donnèrent une libre entrée, défigurèrent toutes ses bonnes qualités qu’elle tourna en comédie ; il ne lui resta que la force du tempérament & le goût des voyages, la dureté, la hauteur, l’emportement ; elle n’en fut que plus hardie à mépriser toutes les bienséancss de son rang & de son sexe, elle ne portoit qu’avec peine le joug du peu qu’elle observoit. […] Ses deux successeurs Charles X & Charles XII plus guerriers que savans s’embarrassèrent peu d’Apollon & des Muses ; ce climat est peu fait pour elles, les eaux de l’hypocrene y seroient glacées neuf ou dix mois de l’année, il n’y est resté qu’à Stocholm, encore même Thalie y est-elle fort mal servie, il est vrai qu’elle favorise les passions, & que les passions sont de tous les climats : un édifice même gothique bâti sur le fondement du vice peut prétendre à l’immortalité. […] Comment allier le vice à une perfection éminente. […] Elle joua le vice. […] Ces imprudences sont incroyables dans une Reine, le vice fait tourner la tête.
Ce fut aussi pour ce sujet que Octave Auguste défendit aux femmes d’y assister, et l’un des Scipion voyant les grands désordres que ce mauvais entretien causait dans les familles, persuada aux Romains par une grave et forte harangue, d’empêcher les vices étrangers, tel qu’étaient la Comédie de prendre pied dans Rome, ce qui eut assez de pouvoir pour faire tôt après ruiner et brûler les lieux destinés à tel usage, avec tous les sièges et autres préparatifs dont on s’y servait. […] dit qu’il n’y a rien de si contraire aux bonnes mœurs que ces jeux, qui insinuent le vice dans le cœur des assistants. […] Toute la rimaille que ces badins viennent déclamer sur leur Echafaud, n’est souvent remplie que de fables ridicules, où n’y a autre vérité, sinon qu’ils publient en vers, les vices qui se commettent en prose dans les maisons : ce qui ne peut agréer aux personnes raisonnables.
Voilà M. le doux poison de la vie civile & la maladie contagieuse qui corrompt les meilleurs naturels, lors qu’ils imitent plutôt les vices d’autruy qui nous entraînent par une force agreable, & qui flatte la nature, que les vertus qui nous attirent par un charme contraire, qui choque ses inclinations : & c’est si je ne me trompe cette pernicieuse inclination d’imiter tout ce qui se passe dans le monde, qui a donné le commencement à la comedie, & la naissance aux Comediens. […] Il est vray que les sages du paganisme avoient fait du theatre une école publique, pour inspirer avec plaisir l’horreur du vice, & l’amour de la vertu : & que les Poëtes qui étoient les Theologiens des Gentils avoient inventés les pieces comiques & tragiques pour une bonne fin ; en effet, ceux qui ont étés les juges plus favorables de leur intention, ont voulu nous persuader que ces autheurs n’avoient pretendus autre chose, sinon de purger la volonté de ses passions dereglées, par la representation de la tragedie, dans laquelle le theatre étoit toûjours ensanglaté par la mort des vicieux, & par le châtiment des coupables ; & de purger l’esprit des opinions erronnées, par la representation des comedies, dans lesquelles on tournoit en ridicule les autheurs de la fausse doctrine, & les maîtres des méchantes opinions : mais comme la poësie qui a été employée à ces sortes d’ouvrages s’est corrompuë parmi les Payens, elle a donné plus de force au vice pour le faire suivre, que de charme à la vertu pour la faire imiter. […] Mais vous me direz peut-estre, mon Pere, les Muses Françoises sont bien plus chastes que les Muses Grecques & Romaines, elles n’ont point l’humeur cõquête, ny lascive de l’ancienne Thalie, le theatre est maintenant purifié de toutes les ordures qu’il avoit tiré des Payens ; & nos Poëtes qui font profession du Christianisme ne nous donnent plus que des pieces saintes & honnêtes, dans lesquelles on voit toûjours la vertu triomphante, & le vice abbattu. […] L’experience nous apprend que comme les especes du vice frappent les gens d’une maniere plus douce & plus agreable, & qu’elles sont de plus fortes impressions dans l’ame que toutes les images de la vertu, ce n’est pas merveille si le cœur en est plûtôt corrompu, & si toutes les passions en sont plus promtement déreglées. […] , les images des vices, étans agreables au goût du siecle, elles banissent toutes les pensées de salut & de penitence, qui sont facheuses à la chair & au sang.
Quoique les désordres que cause dans le monde le vice d’impureté soient presque infinis, ainsi que je crois l’avoir démontré dans le Sermon d’avant-hier, ils ne font néanmoins qu’une partie de ceux que produit la comédie, c’est une source aussi féconde que funeste de dérèglements, et une vraie sentine de corruption, pour procéder avec ordre, je dis qu’elle gâte l’esprit, amollit et corrompt le cœur, infecte l’imagination et la mémoire. […] Cette passion insensée qui fait des ravages incroyables dans le monde, ce feu d’enfer qui enflamme le cercle de la vie de la plupart des enfants d’Adam, l’impureté dont saint Paul ne veut pas que le nom même soit prononcé parmi des Chrétiens, parce que son image est contagieuse, ou si l’on est obligé d’en parler, ce ne doit être qu’avec horreur, qu’en la flétrissant, la traitant avec exécration comme une maladie honteuse qui ravale l’homme à la condition des bêtes, ce vice, dis-je, y est transformé en vertus, il est mis en honneur et en crédit, regardé comme une belle faiblesse dont les âmes les plus héroïques ne sont pas exemptes, et qui leur sert d’aiguillon pour entreprendre les choses les plus difficiles, on s’y remplit du plaisir qu’on se figure à aimer et à être aimé, on y ouvre son cœur aux cajoleries, on en apprend le langage, et dans les intrigues de la pièce les détestables adresses que l’auteur suggère pour réussir, or n’est-ce pas là une idolâtrie dont se souille le cœur humain ? […] Il y a encore d’autres vices dont nous ne sommes pas moins susceptibles que de celui-là qui y sont pareillement excités, tels sont l’orgueil, l’ambition, les maximes du faux honneur, la jalousie, la vengeance, tous peints avec des couleurs si belles, qu’on se sent forcé d’estimer ceux en qui ils se trouvent. […] Comment sortir innocent de ces assemblées profanes où Dieu est déshonoré, où le démon préside, où la raison entraînée par les sens devient incapable d’éclairer et de conduire la volonté, où la concupiscence sans mord et sans frein, ne voit rien qui ne l’irrite, où la modestie et la retenue devient un vice, ô combien de fois dans la suite ces réjouissances séculières ont-elles été changées en deuil par les événements les plus tragiques que produit le transport furieux de la jalousie.
C’est là que la volupté entre par tous les sens, que tous les arts concourent à l’embellir, que la poésie ne rime presque jamais que l’amour et ses douceurs ; que la musique fait entendre les accents des passions les plus vives ; que la danse retrace aux yeux ou rappelle à l’esprit les images qu’un cœur chaste redoute le plus ; que la peinture ajoute à l’enchantement par ses décorations et ses prestiges ; qu’une espèce de magie nous transporte dans les pays des fées, à Paphos, à Cythère, et nous fait éprouver insensiblement toute la contagion de l’air impur qu’on y respire ; c’est là que tout nous dit de céder sans résistance aux attraits du penchant ; c’est là que l’âme amollie par degrés perd toute sa force et son courage ; qu’on languit, qu’on soupire, qu’un feu secret s’allume et menace du plus terrible embrasement ; que des larmes coulent pour le vice, qu’on oublie ses vertus, et que, privé de toute réflexion, réduit à la faculté de sentir, lié par de honteuses chaînes, mais qui paraissent des chaînes de fleurs, on ne sait pas même s’indigner de sa faiblesseau. » Aussi Riccoboni, auteur et comédien tout à la fois, après être convenu que, dès la première année qu’il monta sur le théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvait s’empêcher d’avouer que rien ne serait plus utile que la suppression entière de tous les spectacles. […] On a recours pour certaines maladies à l’agitation qu’elle a le pouvoir de causer dans notre cerveauax. » Athénée nous assure que toutes les lois divines et humaines, les talents, les vices et les actions des hommes illustres étaient écrits en vers, et publiquement chantés par des chœurs, au son des instruments ; et nous voyons par nos livres saints que tels étaient, dans les premiers temps, les usages des Israélites.
autorisa cette disposition par une Ordonnance de la même année ; elle est fondée sur ce motif, que pour se conserver l’âme pure de tous vices, il fallait éviter de voir ou d’entendre les insolences de ces jeux sales et honteux des Histrions. […] Les Trouvères ou Trouveours, composaient en vers des sujets tirés de l’histoire des Grands Hommes, qu’ils nommaient leurs Gestes, du Latin, Gesta ; ils y mêlaient quelquefois la Satyre contre les vices, ou les éloges de la vertu.
Ceux qui le veulent excuser disent que c’est une Instruction agréable, une Morale divertissante, une Peinture de la vie, une image des passions et de leurs désordres, une Apologie de la vertu, et une condamnation du vice, puisque celui-ci y est toujours maltraité, et que celle-là y est toujours couronnée. […] L’homme est entièrement perverti depuis le péché, les mauvais exemples lui plaisent plus que les bons, parce qu’ils sont plus conformes à son humeur ; quand on lui représente sur le Théâtre le Vice avec ses laideurs et la Vertu avec ses beautés, il a bien plus d’inclination pour celui-là que pour celle-ci : Et comme les Poètes ne sont pas exempts de ce désordre qui n’épargne aucune personne, ils expriment beaucoup mieux les passions violentes que les modérées, les injustes que les raisonnables, et les criminelles que les innocentes : Si bien que contre leur intention même ils favorisent le péché qu’ils veulent détruire, et ils lui prêtent des armes pour combattre la Vertu qu’ils veulent défendre.
Ce serait aller contre le grand but de la Tragédie, que de peindre le vice en beau ; ce but doit être de purger les passions, en mettant sous nos yeux les égaremens où elles nous conduisent, & les périls dans lesquels elles nous précipitent. Les Poètes Dramatiques dignes d’écrire pour le Théâtre, ont toujours regardé l’obligation d’inspirer la haîne du vice, & l’amour de la vertu, comme la première obligation de leur art. […] Une Tragédie qui donnerait du dégoût des passions utiles à la Société, telles que sont l’amour, l’amour de la partie, l’amour de la gloire, la crainte du deshonneur, serait aussi vicieuse qu’une Tragédie qui rendrait le vice aimable.
Quand on pense que les comédiens passent leur vie toute entière à apprendre en particulier, ou à répéter entre eux, ou à représenter devant les spectateurs, l’image de quelque vice, et qu’ils sont obligés d’exciter en eux des passions vicieuses, on ne peut s’empêcher de reconnaître que la comédie est par sa nature même une école et un exercice du vice, et qu’il est impossible d’allier ce métier avec la pureté de la religion ; que c’est un métier profane et indigne d’un chrétien. […] Le vice a beau se cacher dans l’obscurité ; son empreinte est sur les fronts coupables : l’audace d’une femme est le signe assuré de sa honte : c’est pour avoir trop à rougir qu’elle ne rougit plus ; et, si quelquefois la pudeur survit à la chasteté, que doit-on penser de la chasteté, quand la pudeur même est éteinte ?
C’est dans la Grèce, séjour de la malignité & du vice, berceau des assaisonnemens & des embellissemens des passions, qu’on a honorés du nom de beaux arts, & qui n’en sont que l’abus, que Thalie a trouvé des modelles de plus d’une espèce. […] Tout ce qui flatte le vice, ne manque jamais de partisans. […] De là le mot tragédie, qui malgré l’élévation de tant de Rois & de Héros, qu’elle barbouille de la lie du vice, signifie en Grec chanson de bouc, & dont encore les vices, qui n’en deviennent pas plus nobles, pour être habillés de pourpre & montés sur de grands mots, sont le fruit ordinaire. […] La médisance met obstacle à la piété, en la décriant, & décourage les ames foibles par la honte & la crainte du ridicule qu’elle y attache ; elle arme les vices par les traits envenimés d’une langue licentieuse qui les favorise tous, que tous lancent, dont tous se repaissent.
Dégénérée plus tard par les dérèglements et la cupidité de ses ministres, elle soutint, sous le pontificat surtout des prédécesseurs et des successeurs d’Alexandre VI, le vice, l’impureté, la polygamie. […] Dès qu’on s’écarte des bornes de la sainte morale pour suivre des exercices qui n’en sont ordinairement que les signes, on hâte les graves progrès du fanatisme, qui dévore le cœur d’une ardeur sacrilège, et nous mène au crime ; on néglige insensiblement la raison pour embrasser la cause, et on ne recherche plus l’exercice de la sainte vertu qui nous porte à faire le bien, pour s’appliquer à fuir les moyens qui peuvent nous conduire au vice ; devenant ainsi inutile à la société et à soi-même, et ressemblant parfaitement à ces hommes que Le Dante, dans ses chants, nous peint indignes du paradis, parce qu’ils n’ont rien fait pour le mériter, et que l’enfer même refuse d’admettre parmi les siens, parce qu’il n’aurait aucune gloire de les posséder.
C’est là qu’un jeune homme, dont la vertu faisait le bonheur de sa famille, apprend à connaître le vice et à mépriser les conseils d’un père vertueux ; c’est là enfin que se préparent tant d’infidélités dans le mariage. […] Dorat, grand amateur du théâtre, nous dit dans ses réflexions sur l’art dramatique, qu’on va aux spectacles pour y retrouver ses penchants et ses vices. « Si les pièces présentent quelquefois des leçons de vertu, dit M. Simonet, on n’en rapporte cependant que les impressions du vice. […] Qui peut disconvenir que le théâtre de Molière ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs plus dangereuses que les livres mêmes où l’on fait profession de les enseigner ! […] C’est là qu’ils entendent tout ce qui peut exciter leur curiosité, développer les germes de leurs passions et les familiariser avec le vice.
Sommes-nous, disoit-il aux Idolâtres de son siecle, des ambitieux, des séditieux, des avares, des ennemis irréconciliables, nous qui ne pouvons souffrir, même sur vos théâtres, la seule représentation de ces vices ? […] A les peindre avec les couleurs les plus adoucies, que peut-on donc en dire autre chose, sinon ce qu’en disoit un grand Docteur, que l’on y fait du moins un jeu du vice, & un pur amusement de la vertu ? […] Et depuis ce temps, quel vice a-t-il corrigé en vous, quelle vertu y a-t-il formée, quelle passion réprimée ? […] Ils en reviendront, dites-vous, plus propres à la société, pleins d’horreur pour ces vices qui déshonorent l’homme, pleins d’amour pour ces vertus qui font la douceur du commerce du monde. […] Mais, comme parle un Auteur Romain même, dès que la Grece conquise lui eût fait présent de cet art funeste, elle lui fit présent en même tems de tous ses vices.
« Or, pour savoir si cette idée peut s’allier avec celles des spectacles, il suffit d’examiner ce que c’est que le spectacle ; il suffit de remarquer, avec Tertullien, que c’est une assemblée d’hommes mercenaires, qui, ayant pour but de divertir les autres, abusent des dons du Seigneur, pour y réussir, excitent en eux-mêmes les passions autant qu’ils le peuvent, pour les exprimer avec plus de force : il suffit de penser, avec saint Augustin, que c’est une déclamation indécente d’une pièce profane, où le vice est toujours excusé, où le plaisir est toujours justifié, où la pudeur est toujours offensée, dont les expressions cachent le plus souvent des obscénités, dont les maximes tendent toujours au vice et à la corruption, dont les sentiments ne respirent que langueur et mollesse, et où tout cela est animé par des airs qui, étant assortis à la corruption du cœur, ne sont propres qu’à l’entretenir et à la fortifier : il suffit de comprendre que c’est un tableau vivant des crimes passés, où on en diminue l’horreur par la manière de les peindre : il suffit de considérer, avec tous les saints docteurs, que le théâtre est un amas d’objets séduisants, d’immodesties criantes, de regards indécents, de discours impies, animés toutefois par des décorations pompeuses, par des habits somptueux, par des voix insinuantes, par des sons efféminés, par des enchantements diaboliques. […] Ceux qui se divertissent toujours, et qui sentent le besoin d’aller au spectacle, pour y trouver un remède au dégoût, qui accompagne naturellement la continuation des plaisirs, ne doivent-ils pas considérer ce besoin comme un vice d’habitude, dont ils doivent se défaire en s’occupant sérieusement ?
Il n’y jouoit que les enfans des Seigneurs ; on n’avoit garde d’avilir ce divertissement, en le livrant à des troupes ramassées au hasard dans la lie du peuple, où les agrémens de la figure & les vices sont le seul mérite & le seul titre, c’est-à-dire, ce qui est le plus propre à séduire & à corrompre. […] Tels sont tous les Comédiens, des gueux ou des débauchés, que la misere & le vice font monter sur la scene. […] Moliere a raison ; il n’y a qu’à l’entendre, & substituer le mot de vice à celui de vertu ; jamais Prédicateur n’eut plus d’auditeurs que lui, jamais sermon n’eut plus de lecteurs que ses pieces, jamais morale n’a été mieux reçue ni mieux pratiquée que la sienne. […] Tandis que la scene sera le champ de bataille, la victoire du vice est certaine, & Moliere triomphera. […] Si je siffle à tort, je veux qu’on me punisse ; Mais siffler à propos ne fut jamais un vice.
On ne voit point avec joie l’image d’un vice qu’on haït sincérement.
La religion & les mœurs ne peuvent espérer de rétablir leur empire qu’autant que l’autorité souveraine le supprimeroit, ou que la satiété & l’inconstance le feroient abandonner : heureuse révolution, dont on ne sauroit se flatter ; le Théatre & le vice sont trop liés, ils ont trop besoin l’un de l’autre.
Ces Pièces sont aussi très nuisibles, parce qu'elles inspirent d'autres vices dont nous ne sommes pas moins susceptibles. […] « Quand les vices paraissent sous leur forme naturelle, on ne s'y laisse pas surprendre, au lieu qu'ils nous trompent quand ils prennent le masque, et l'apparence des vertus. » « Vitia non decipiunt nisi sub specie umbraque virtutum. » Hieron[ymus].
Si on n’y adore plus les faux dieux, on y divinise les vices les plus honteux, on leur donne le coloris des vertus les plus sublimes ; on y avilit, on y dégrade les vertus les plus sublimes en leur faisant jouer des personnages gothiques et ridicules. […] Vous, qui ne fréquentez les théâtres que pour vous décharger du poids de l’oisiveté, et qui n’y éprouvez que de l’ennui, cessez donc de rechercher un divertissement dont vous sentez bien le vice et le faux : craignez que votre assiduité à y aller ne vous en fasse naître le goût, et ne le rallume en vous, s’il était éteint ; souvenez-vous que l’on apprend facilement à faire ce que l’on a coutume de voir.
N’abuse-t-on pas des meilleures choses, et le vice n’est-il pas trop adroit à se forger des excuses ? […] Si le spectacle couvrait d’un vernis de procédés la laideur du Vice, ce serait un très grand mal, et vous avez grand tort de mettre cet Article au rang des avantages qu’on peut tirer de la scène. A Paris comme à Genève, il convient au Théâtre de montrer le Vice dans toute sa laideur, et c’est ce que font nos Auteurs, comme je vous l’ai prouvé. […] Si les Comédiens avaient été flétris par des règlements très sages, lorsque l’indécence, l’effronterie, la satire et la calomnie empoisonnaient toutes leur représentations, ils furent estimés, quand ils se contentèrent de jouer les ridicules et de faire haïr les vices en général, sans attaquer les personnes. […] Non sans doute ; ce n’est donc que votre méchanceté propre qui peut vous porter à nous appliquer les vices que nous peignons le mieux qu’il nous est possible pour les faire abhorrer.
Ceux qui sentent en eux ce besoin le doivent considérer non comme une faiblesse naturelle; mais comme un vice d'accoutumance, qu'il faut guérir en s'occupant sérieusement.
Ceux qui sentent en eux ce besoin, le doivent considérer non comme une faiblesse naturelle, mais comme un vice d'accoutumance, qu'il faut guérir en s'occupant sérieusement.
S’il est du bien public que chacun remplisse ses devoirs avec fruit, peut-il être indifférent que le Clergé, fait pour en imposer au vice et enseigner la vertu, soit respecté des peuples et se rende respectable ? […] 7.) va jusqu’à défendre aux Ecclésiastiques même les décorations, et les chansons tendres, qui, en flattant les yeux et les oreilles, amollissent la vigueur de l’âme, et par leurs attraits y font glisser le poison du vice. […] Ainsi il l’entraîne au vice, et lui fait le procès ; le lui rend nécessaire, et le tourne en ridicule ; plaisante également sur son recueillement et sur sa dissipation, sur sa retenue et sur sa licence, sur sa fréquentation et sur son éloignement du théâtre. […] est-ce la peine de quitter le monde pour en étaler les pompes et les vices ?
Elle eût été plus utile que celle des Femmes savantes, & même une troisieme des Femmes ignorantes, vice très-commun & bien plus pernicieux que celui des savantes ; il en est qui ignorent, & affectent d’ignorer les premiers principes de la Réligion, des affaires du ménage, les loix de la politesse, de la bienséance, & s’en font gloire, & sont hors d’état d’élever leur famille, de veiller sur leur maison, & de remplir leur dévoir. […] L’excès ou l’affectation des parures, rend légitimement suspect de plusieurs vices. 1°. […] Les parures recherchées sont des enseignes du vice, dit Saint Cyprien : Insignia lupanarium, insignia meretricum. […] Les libertins les ouvriront, pour répaître leur corruption de l’aliment du vice ; mais peut-on en conscience exposer aux yeux, ce que la vertu est obligée de fuir, & que le vice récherche ?
Toute la liturgie Payenne est pleine de danses, & toutes les danses y sont licencieuses, le fruit du vice qui les a établies, des sources de vice qui les inspirent & entretiennent. […] Mais c’est quelque chose de plus que la pure danse ; sur-tout, & c’est là tout ce qui nous occupe dans cet ouvrage, tout cela peut porter & porte en effet très-dangereusement sur les mœurs, ces attitudes, ces gestes, ces attributs, cette énergie de langage passionné, indécent, tout ce pantomime peut n’être & n’est ordinairement que la peinture du vice, le langage des passions les plus séduisantes, qui font du spectacle l’écueil de l’innocence. […] Partout l’empreinte du vice. […] Mais par-tout Vénus, l’amour, des danses galantes, des danseuses peu modestes, quoique le goût d’un Prince fort retenu, les rendît moins licencieuses, vinrent infecter le spectacle, & porter le flambeau du vice dans le cœur. […] Il a une idée, que je crois fausse ; il prétend que le chant ou les instrumens n’ont été mêlés à la danse que par la honte du vice, pour y faire diversion, afin que l’ame occupée par l’oreille, les yeux s’offensent moins de l’indécence des mouvemens.
De tous les vices c’est à ses yeux le plus grand. […] Il flatte les vices, & souhaite qu’ils croissent & pullulent sans cesse dans l’Europe, & causent la ruine des familles les plus opulentes. […] C’est dommage qu’elle fasse précisément tout le contraire, qu’elle excite les passions, qu’elle les enflamme, les entretienne, qu’elle fasse aimer le vice, qu’elle en prenne tous les moyens, qu’on passe les heures entieres à produire dans l’ame cette pernicieuse fermentation, comme un Chimiste met les matieres dans un alambic, pour n’en distiller que le vice. […] Il est très-utile qu’un Roi voie souvent la comédie ; elle est l’image de la vie commune, des vices, des vexations des familles, des maux de l’Etat. […] Le théatre est un lieu public où pour de l’argent en présente le vice sous les couleurs les plus flatteuses.
Les maximes établies avec plus de soin sont les plus conformes aux passions, et par conséquent les plus fausses ; et, si un vice y est quelquefois condamné, c’est pour en justifier quelque autre plus éclatant et plus dangereux. […] Le premier de ces désordres est un obstacle à toutes les vertus, et le second porte à tous les vices ; mais l’un et l’autre sont certainement la suite des spectacles, et toujours dans la même proportion qu’on les aime et qu’on y est assidu.
Les maximes qui y sont établies avec plus de soin, sont les plus conformes aux passions, et par conséquent les plus fausses ; et si le vice y est quelquefois condamné, c’est pour en justifier quelque autre plus éclatant, mais plus dangereux. […] Le premier de ces désordres est un obstacle à toutes les vertus ; et le second est une entrée à tous les vices ; mais l’un et l’autre sont certainement la suite des Spectacles, et toujours dans la même proportion qu’on les aime et qu’on y est assidu.
Ses amis ou plutôt les amis du vice ont rendu au public & à lui-même le mauvais service de répandre ce funeste poison, qui le rend aussi-bien que les éditeurs comptable au jugement de Dieu des péchés innombrables qu’il fera commettre. […] Cet ancien poëte a réduit le vice en systême, & en donne des regles dans son livre De Arte amandi. […] Du moins dans l’Art d’aimer, on n’a plus ce prétexte ; ni Ovide, ni Bernard n’ont pensé au mariage, le vice y regne seul, sans détour : ce n’est que l’art d’être vicieux, & de rendre vicieux l’objet de ses poursuites. […] C’est toujours le vice le plus caractérisé, le poison le plus mortel dans des coupes d’or, d’argent, de porcelaine. […] Il parcourt tous les âges, toutes les saisons, tous e genres de graces & de beautés, pour enseigner, recueillir sur toutes les fleurs, comme l’abeille, le miel de la volupté, ou plutôt le poison du vice.
Ce serait me demander une chose bien opposée à mon dessein, qui est de combattre le vice et non point de le servir. […] En quelques autres circonstances le vice n’est que trop applaudi : mais ici l’on n’est point coupable aux yeux de Dieu, sans l’être encore aux yeux des hommes. […] Il est moins à craindre, et ceci est essentiel, que le vice ne soit imité d’après la canaille. […] que l’extravagance a pris la place de la raison, le renversement celle de l’ordre, et le vice celle de la vertu ? […] Quel plaisir peut-on prendre à voir le vice croître sans cesse par son industrie et par ses veilles ?
Faire une guerre ouverte aux vices qui désolent la société, inspirer aux spectateurs des sentimens de vertu, leur faire respecter le Souverain & aimer leur patrie, voilà son but.
Ceux qui ont la crainte du Seigneur, attendent le Dimanche pour offrir leurs prières à Dieu, et pour recevoir le Corps et le Sang de Notre Seigneur: Mais les lâches et les fainéants attendent le Dimanche pour ne point travailler, et pour s'abandonner aux vices.
Mais ce n’est pas assez, pour l’ordinaire, dans la Comédie, que le vice y soit laid, il faut qu’il y soit honteux. D’après cette règle, que doit-on penser de quelques Pièces comiques où le vice est quasi peins en beau, ou bien sous le vernis d’un léger ridicule, qui ne suffit pas pour le rendre odieux ? je citérai d’abord le Légataire, l’Avocat Patelin ; ensuite l’Homme à bonnes fortunes, & la Reconciliation Normande ; les deux premières donnent le succès à la scélératesse ; les deux autres, font rire le Public sur des vices qui sont le fléau de la société, & qu’on n’aurait dû peindre qu’avec les noirs pinceaux qui caractérisent les crimes dont ils sont la source : c’est des Drames de ce genre, qu’on peut dire qu’ils affaiblissent l’horreur qu’on avait, avant de les voir, pour le vice qu’ils entreprennent de combattre. […] En suivant cette méthode, on mettra toutes sortes d’intrigues, tous les genres de vices & de ridicules sur le Théâtre, non-seulement sans danger, mais avec fruit. […] Nous avons des défauts, nos pères avaient des vices ; nous avons des ridicules, ils en avaient aussi, & de plus, la grossièreté : l’avantage est pour nous.
Leur cœur est comme un champ de bataille, où le vice et la vertu se donnent combat ; quelle paix, où la guerre est domestique et perpétuelle ? […] puisqu’au moment qu’elle entre dans le Bal toutes les vertus l’abandonnent, et tous les vices l’entreprennent ? […] C’est flatter le vice de parler ainsi : Il n’est point nécessaire d’avoir une mauvaise intention pour commettre un péché ; c’est assez que la chose que vous faites ne se devait point faire. […] Qu’est-ce qui pouvait retenir un jeune homme de faire mal devant qui la divinité était à mépris, et le vice en exemple ? […] Ceux qui en usent montrent qu’ils sont amis du vice, mais qu’ils en craignent le déshonneur.
On va même jusqu’à ériger les comédiens en docteurs et les comédies en leçons de morale propres à réformer le vice.
CEtte prohibition est fondée sur les anciennes Ordonnances de l’Eglise, et sur les advertencesa des saints Pères, lesquels parlant des spectacles, et festins mondains, disent que les Comédies qui se célèbrent par ces Comédiens et Farceurs ne sont que : Prostitutions des bonnes mœurs, et de toute honnêteté, Théâtres d’impudicités, foires des vices, Ecoles d’impertinences.
Il ne nous reste à mettre sur la Scène que des demi caractères, des vices à la mode, qui changent bientôt de forme. […] Ils se présentent d’abord à l’homme de génie qui s’en saisit, & ne nous laisse à peindre que des vices de société. […] Il me semble que nos Poètes Tragiques, encouragés par les applaudissemens qu’ils ont vu prodiguer à M. de Belloi, doivent s’appliquer à nous peindre les infortunes, les vices, les vertus, des grands hommes nés dans la France.
Comment donc espérez-vous de demeurer chaste après que le Diable vous a fait boire de ce calice de l'impudicité qu'il en a enivré votre âme, et que par ses noires fumées il vous a obscurci toute la raison ; car c'est là qu'il vous fait voir tout ce que le vice a de plus honteux, la fornication, l'adultère, le déshonneur du mariage, la corruption des femmes, des hommes et des jeunes gens; enfin le règne de l'abomination et de l'infamie. […] Quand vous aurez détruit le Théâtre, vous n'aurez pas renversé les Lois, mais le règne de l'iniquité et du vice. […] Il n'est point nécessaire que je vous représente en particulier tous les vices des Spectacles, ce ne sont que des ris dissolus, des représentations honteuses, des paroles infâmes, des médisances, des bouffonneries; tout y est corrompu, tout y est pernicieux.
J’ai cru, pour l’utilité des mœurs, pouvoir sauver de cette proscription les principes & les images d’une pièce que je finissois, & je les donnerai sous une autre forme que celle du genre Dramatique : cette Comédie avoit pour objet la peinture & la critique d’un caractère plus à la mode que le Méchant même, & qui, sorti de ses bornes, devient tous les jours de plus en plus un ridicule & un vice national. […] J’ai tout lieu d’espérer que ce sujet, s’il doit être de quelque utilité, y parviendra bien plus sûrement sous cette forme nouvelle, que s’il n’eût paru que sur la Scène, cette prétendue école des Mœurs où l’Amour-propre ne vient reconnoître que les torts d’autrui, & où les vérités morales, le plus lumineusement présentées, n’ont que le stérile mérite d’étonner un instant le désœuvrement & la frivolité, sans arriver jamais à corriger les vices, & sans parvenir à réprimer la manie des faux airs dans tous les genres, & les ridicules de tous les rangs.
Cela peut être ; mais ne doit-on ni prêcher, ni écrire contre le vice, parce que tout le monde est persuadé que l’impureté, l’usure, la médisance sont des crimes, et que malgré ces connaissances et ces remords il y aura encore des libertins et des usuriers ? On sauve toujours quelque âme, on arrête quelque péché, on maintient la possession de la vertu contre la prescription du vice.
On ne sait que trop, au reste, que cette malheureuse passion, sous la forme que lui donnent les Poètes, porte très rarement les hommes à la vertu ; et qu’au contraire elle les porte presque toujours au vice. Les meurtres, les usurpations, les infidélités, les trahisons, le mépris des Loix, les conspirations, etc. sont ordinairement le fruit que l’amour produit sur la Scène dans les Tragédies ; et dans les Comédies, qui font ici mon objet principal, c’est l’amour qui cause les divisions dans les familles, le mépris de l’autorité paternelle, la violation de la foi conjugale, la dissipation des biens, et tous les vices enfin où se livre un jeune homme qui ne connaît rien de sacré, quand il s’agit de satisfaire sa passion.
Suivant mon système j’approuve la Pièce du Misanthrope : j’y trouve deux vices fortement attaqués, la Coquetterie, et la Misanthropie, dont le premier est commun et fournit bien des exemples dans Paris, et l’autre est singulier et très rare : il me paraît que tous les deux sont fort instructifs et fort propres à corriger de la manière que Molière les a traités. […] Il est constant que sur le Théâtre la punition doit être proportionnée au vice, et qu’il faut qu’elle soit telle que le vicieux la mérite.
La fin du Poème dramatique est de porter à la vertu et d’éloigner du vice ; c’est de montrer l’inconstance des grandeurs humaines, les revers imprévus de la fortune, les suites malheureuses de la violence et de l’injustice ; c’est de mettre en jour les chimères de l’orgueil et les boutades du caprice, de répandre du mépris sur l’extravagance, et du ridicule sur l’imposture ; c’est en un mot d’attacher à tout ce qui est mal, une idée de honte et d’horreur.
Mais il n’est pas moins vrai que la vertu sera affligée de cette étonnante multiplication du théatre, qui se reproduisant de tous côtés sous mille formes differentes, répand & nourrit par-tout le vice. […] S. vraie décence est le vice & son costume. […] Belle apologie de deux vices ! […] C’est toujours repaître l’imagination de chimeres & de vices, & la tenir attachée à des objets qu’on ne peut trop écarter. […] Celle de la plûpart des pieces de Théatre, sur-tout des machines de l’Opera, n’est guere moins ridicule, & n’est pas à beaucoup près si élégamment rendue ; mais le prestige de la pompe, & le coloris du vice assurent sa fortune, comme il honore un homme vicieux, sot & méprisable, quand il est couvert d’un bel habit, ou trainé dans un riche équipage.
Le mariage dans les Comédies n’est que le voile de ce vice.
» C'est ce qui fait voir qu'il y a une infinité de femmes qui se croient innocentes, parce qu'elles ont en effet quelque horreur des vices grossiers, et qui ne laissent pas d'être très criminelles devant Dieu, parce qu'elles sont bien aises de tenir dans le cœur des hommes une place qui n'appartient qu'à Dieu seul, en prenant plaisir d'être l'objet de leur passion.
» C'est ce qui fait voir qu'il y a une infinité de femmes qui, se croyant innocentes, parce qu'elles ont en effet quelque horreur des vices grossiers, ne laissent pas d'être très criminelles devant Dieu, parce qu'elles sont bien aises de tenir dans le cœur des hommes une place qui n'appartient qu'à Dieu seul.
Le vice n’est pas pou-elle un masque, il est dans le cœur, est dans toutes les allures ; c’est lui qui parle en elles & qui agit. […] Le rôle du vice est naturel, & le joue sans efforts. […] & n’est-ce pas une juste punition de la fureur du vice, qui ne peut se passer des folies & des crimes de la scène, jusqu’à en charger à grand frais des vaisseaux, & en transporter aux Indes ? […] Sans doute que les actrice françoises, plus piquantes, plus faciles, plus exercées, devoient répandre sur le vice un assaisonnement inconnu aux comédiennes, aux danseuses, aux courtisannes de la côte de Coromandel. […] Elle prend dans ses vaisseaux, par ordre du Roi, des Missionnaires & en même-temps des comédiens ; on bâtit des églises, & elle construit des théatres ; on prêche la Foi, & elle enseigne le vice.
la Comédie, écrit-il, est une école & un exercice de vices. […] « Les piéces, dit-il, du Théatre François, sont des preuves de l’ignorance des Poëtes de notre tems. » On y embellit les vices. […] Qu’on va aux spectacles, pour y retrouver ses penchans & ses vices. 2°. […] Si la fourberie, l’ingratitude & la crapule sont des vices si odieux & si pernicieux pour la société, comment ont-ils pu avoir, & pourquoi ont-ils encore tant de partisans ? […] Et ce n’est pas être innocent, que de fuir tous les vices, à la réserve d’un seul : qui peccat in uno, factus est omnium reus.
En effet, est-il rien de plus utile pour la jeunesse, que de lui proposer des exemples frappans à suivre ou à éviter ; de lui peindre les ravages du vice dans l’ordre moral ou politique, & de lui représenter les heureux effets de la vertu ?
Certes, votre confesseur se gardera bien de vous absoudre s’il sait son devoir, ou s’il est fidèle à son maître ; il vous remontrera que ces danses et autres semblables assemblées sont des écoles de tous vices, des fourmilières de mille péchés.
Je n’ai pour but, dans mon Livre, que d’annoblir et de rendre utile un amusement qui deviendrait même une Ecole de vertu, si le vice et la mollesse en étaient bannis.
C’est une fille de la lie du peuple (comme le sont toutes les Actrices), née dans une famille chrétienne & de bonnes mœurs (dans un grand nombre le vice est héréditaire). […] Le contraste des vertus que je vois pratiquer avec les vices où j’étois plongée, &c. […] Tous les traits de désintéressement, de générosité, de reconnoissance, que j’étalois à vos yeux, n’étoient que des ressorts bas, inventés par le vice, pour contrefaire & séduire la vertu, &c. […] Ce qu’on vient de rapporter suffit pour faire sentir combien l’esprit du théatre corrompt les choses les plus saintes, porte l’irréligion & le vice jusque dans le sanctuaire ; dégrade les Ministres qui en prennent le goût, fait mépriser les mysteres, les cérémonies, les exercices pieux, les images, les habits, les lieux, les livres saints, tout ce qui tient au christianisme, dont il est le renversement, & en abuse, pour les tourner contre la religion & la vertu.
Ce n’est qu’en les démasquant qu’on pourra corriger les abus et les vices, qu’on rendra les hommes meilleurs, et qu’on parviendra à enchaîner l’inexorable intolérance politique et religieuse qui aime à s’abreuver de sang humain. […] Il sera aisé de le comprendre, si on réfléchit que cette faction religieuse ancienne et moderne, s’est toujours appliquée à étudier le cœur humain, à en connaître les défauts et les vices, et à flatter ses inclinations perverses. […] C’est ainsi qu’en traitant les peuples en esclaves, ils leur imprimaient également le caractère et les vices de l’esclavage. […] Je n’ai fait cette dernière remarque que pour exciter la surveillance des gouvernements contre les vices, l’immoralité et les exorbitantes prétentions de nos prêtres, et non pour nuire à la vraie religion et offenser ceux qui la professent.
Je pense qu’il souffrirait assez impatiemment dans les unes, ce qu’il respecte tant dans les autres, et que dès qu’il verrait cette sévérité tant vantée dans un sujet auquel il prendrait quelque intérêt, il reconnaîtrait bientôt ces fausses vertus pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire, pour des vices véritables. […] Ils disent qu’il est vrai que la Comédie est une représentation des vertus et des vices, parce qu’il est de la fidélité des portraits de représenter leurs modèles tels qu’ils sont, et que les actions des hommes étant mêlées de bien et de mal, il est par conséquent du devoir du Poème Dramatique de les représenter en cette manière : mais que bien loin qu’il fasse de mauvais effets, il en a de tout contraires, puisque le vice y est repris, et que la vertu y est louée, et souvent même récompensée. […] Vous ne devez donc, conclut cet Auteur, trouver rien de doux à vos oreilles, que ce qui nourrit votre âme et la rend meilleure ; et il faut particulièrement vous appliquer à détourner du vice cet organe qui nous a été donné de Dieu pour entendre sa Vérité, et recevoir sa Doctrine.
Si vous craignez de voir un homme furieux, si vous fuyez l’aspect du jaloux, si vous redoutez les tristes effets de la haine, retirez-vous de la scène du monde où vous êtes sans cesse exposé à voir de pareils objets ; c’est au théâtre, à la vérité, qu’on vous en présente le spectacle le plus accompli ; mais c’est aussi là que vous voyez vos foiblesses au grand jour ; l’esprit apperçoit les défauts du cœur ; & la connoissance des vices est le germe des vertus. […] Mais le goût dépravé du libertin doit-il vous empêcher d’assister à ces chefs d’œuvres de l’art, où le ridicule du vice est seul capable de faire aimer la sagesse ?
Joindre aux excez de luxe & de galanterie des excez de bouche & d’intemperance, ne se pas contenter des discours, qui nourcissent le prochain, se relâcher jusqu’à dire des paroles, qui le scandalisent ; En un mot ajoûter aux vices des femmes tous les vices & tous les desordres des hommes, en verité sont-ce là des divertissemens de Chrêtiennes ?
Dès qu’ils ont paru fourbes, méchans, amoureux, bons ou cruels, il faut bien se garder de leur prêter ensuite des vertus ou des vices différens. […] Les hommes pour l’ordinaire persistent toujours dans leurs vices.
Au reste, il range toujours ces malheureux divertissements « parmi les attraits et les pépinières du vice : illecebras et seminaria vitiorum » ; et s’il ne frappe pas ceux qui s’y attachent, des censures de l’église, il les abandonne au zèle et à la censure des prédicateurs, à qui il ordonne de ne rien omettre pour inspirer de l’horreur de ces jeux pernicieux, en ne « cessant de les détester comme les sources des calamités publiquesIbid. p. 40. […] « Qu'ils s’endorment entre ses bras, et qu’ils s’entretiennent avec elle en s’éveillant » comme un Salomon : pour les instructions du théâtre, la touche en est trop légère, et il n’y a rien de moins sérieux, puisque l’homme y fait à la fois un jeu de ses vices et un amusement de la vertu.
Cette Comédie est très pernicieuse et pleine d’impiété ; car non seulement elle représente les vices les plus horribles, mais elle apprend à les commettre. […] En voici un tiré de l’Epître de Saint Cyprien à Donat : « C’est là, dit-il, qu’on apprend les adultères en les voyant représenter, et que par la contagion d’un mal publiquement autorisé une Dame qui était chaste quand elle est entrée au spectacle, en revient impudique et corrompue ; car combien le geste et l’action du Comédien sont-ils capables de souiller le cœur, d’inspirer la débauche, de nourrir les vices et le libertinage ?
I.ca. 32 cg , « Vous qui ignorez ces choses-là : Ecoutez-vous, qui feignez ne les savoir pas : Les jeux Scéniques, spectacles de toute turpitude, et la licence des vanités, ont été institués à Rome, non par les vices des hommes, mais par les Commandements de vos Dieux, c.à.d. les Diables. […] En premier lieu, nous pourrions alléguer les plus sages d’entre les Païens, et apprendre d’un Sénèque, qu’il n’y a rien plus contraire à l’honnêteté des mœurs, que s’amuser à voir des spectacles, « d’autant , dit-il,que les vices se glissent plus aisément ès esprits par le plaisir qu’on y prend ; et que l’on ne revient jamais avec les mêmes mœurs de la foule d’un théâtre, que l’on y est allé, etc. […] On prend plaisir par les vilains enseignements de ces joueurs, ou de se représenter ce qu’on a fait au logis, ou d’entendre ce qu’on y pourra faire, l’Adultère s’y apprend, en le voyant jouer ; et quand le mal de l’Autorité publique sert de maquereau aux vices, celle qui peut-être, étant allée chaste au spectacle, s’en revient impudique, etc. […] » Après un long discours, qui repr ésente les maux, qui s’ensuivent, il conclut en ces termes : « Il faut donc fuir les spectacles, non seulement à ce qu ’il n’en demeure quelque vice en nos cœurs, qui doivent être rassis, et paisibles ; mais aussi, que l’accoutumance de quelque volupté, ne nous allèche, et détourne de Dieu, et des bonnes œuvres, etc. » S. […] » Ils considèrent aussi, combien sont dangereuses les moindre ouvertures qu’on fait au péché ; Toute corruption étant semblable à la fièvre hectique, qui du commencement est malaisée à connaître, aisée à guérir ; au progrès trop facile à connaître, impossible à guérir : tellement qu’il nous advient, enfin, comme dit quelque Ancien, que nous ne pouvons plus supporter, ni les vices, ni les remèdes ; voire on se moque des remèdes, quand ce qui était vice est devenu coutume.
(C’est ainsi que Tertullien appelle les Spectacles) Ce vice le plus honteux & le plus dangereux de tous, ne devroit pas même, selon saint Paul, être nommé parmi des Chrétiens.
Nous l’employons communement pour éxprimer les vices ou les vertus de quelqu’un.
N’est-ce pas un concert bien entendu entre l’esprit de la scène et celui des lois, qu’on aille applaudir au théâtre ce même Cid qu’on irait voir pendre à la Grève, si la force des lois ne se trouvait pas inférieure à celle des vices qu’elles réprimentao ?
Indécence ; une troupe de Comédiens n’étant composée que de gens vicieux, infâmes et méprisables, la comédie n’étant qu’un composé de bouffonneries, de passions et de vices, ils ne sont que tolérés. […] Les vices et l’entretien du Roi ! […] C’est un enchaînement de dissipation et de vices dont tout souffre.
qu’il ne semble que nous voulions justifier nos vices par les saintes Ecritures ; ce qui serait les profaner d’une manière très indigne ».
Platon blâme les Poètes à ce sujet, et leur reproche de placer le vice dans le Ciel, et de faire de leurs Dieux des protecteurs du libertinage. […] Ce vice capital de la Pièce du Relaps se vérifie par un coup d’œil sur le caractère du jeune homme. […] « Ne voulons-nous donc point fuir cette région du vice ? […] Ainsi, le démon qui préside aux spectacles compose-t-il le poison qu’il y souffle du mélange trompeur de la vertu et du vice, afin que l’une fasse passer l’autre. […] On y élève en honneur les passions et les vices, qu’il est du devoir essentiel de la raison de mettre dans le décri.
Du moins ces Académies ont un objet utile ; mais qui se seroit attendu qu’on érigeroit des corps académiques pour apprendre à danser & à dire des chansons, objets les plus frivoles, de pur amusement, d’ailleurs très-dangereux pour les mœurs, & par eux-mêmes, & par les agrémens qu’il donnent au théatre, l’école publique la plus pernicieuse du vice ? […] Ignorans dans tout le reste, sur-tout pour la religion, dont ils n’ont pas les premiers élémens, faut-il être surpris qu’ils soient initiés dans les sombres mystéres du vice ? […] C’est le vice même paré de tous ses attraits. […] Quel crime, quelle honte pour ces misérables esclaves du vice, de n’employer qu’à perdre les ames & se perdre elles-mêmes, les graces qu’elles ont malheureusement pour elles & pour le public, reçues avec profusion de la nature !
Car ils ne pouvaient confesser que ceux là fussent vrais dieux, lesquels ils avaient connu avoir été mortels, et souillés d’une infinité de vices et de méchancetés, quoiqu’ils eussent plusieurs auteurs, auxquels contredire ils estimaient être fort dangereux, et pour cette occasion ils appropriaient sous fables obscures ce qu’ils ne pouvaient ou n’osaient dire ouvertement. […] [comme dit Scipion és livres de la République de Cicéron] les Comédies n’eussent jamais pu autoriser leurs vices, et dissolutions infâmes aux Théâtres, si la coutume de leur vie ne l’eût permis. […] pris une merveilleuse hardiesse et liberté de s’attaquer aux vices. […] Satiriques sont grandement utiles : parce qu’ils détestent les vices, louent la vertu, et dressent les jeunes gens à bien et vertueusement vivre.
Dans les vieilles Comédies, en reprenant les vices, ils apostrophaient les personnes et les appelaient par leur nom, sans aucun déguisement. […] Ce fut le même Aristophane qui l’inventa : Philémon, Platon le Comique, et plusieurs autres à son imitation prirent cet honnête milieu entre la sévérité de nommer les coupables, et la complaisance de dissimuler les vices ; il y avait encore beaucoup à redire à cette méthode : tous ceux qui avaient eu part à l’action véritable qui était représentée, ne laissaient pas de s’en offenser quoiqu’ils ne fussent point nommés.
La loi Gabinia avoit confirmé cette défense, qui coitiones clandestinas in urbe conflavit, capitali pænâ mulctetur, & Plutarque en parle au long, & les condamne, parce que la nuit donne plus de liberté, & favorise le vice. […] Vous avez avec les gens de bien une querelle bien plus importante, dans le peu que j’ai parcouru de vos ouvrages, j’y ai bientôt reconnu que ces agréables Romans ne convenoient pas à l’austere dignité dont je suis revêtu, & à la pureté des idées que la Réligion nous prescrit ; réduit à m’en rapporter aux idées d’autrui, j’ai appris que vous vous proposiez une morale sage, ennemie du vice ; mais que vous vous arrêtiez souvent à des aventures tendres & passionnées, que tandis que vous combattez l’amour licencieux, vous le peignez avec des couleurs si naïves & si tendres, qu’elles doivent faire sur le lecteur une impression toute autre que celle que vous vous proposés, & qu’à force d’être naturelles elles deviennent séduisantes. […] Un jeune homme y prendra plus de goût pour le vice, que vos morales ne lui en inspireront pour la vertu. […] Voici une Anecdote théatrale, d’un Prince, que depuis quelques années on se tue de dire grand, parce qu’il n’avoit ni mœurs, ni réligion ; qui, à la vérité, a fait de grandes choses ; mais en a bien ternir la gloire par des cruautés attroces, & des vices honteux, & des petitesses ridicules. […] Ils ne voyent pas qu’en entretenant la passion & le vice il conduit au même mal, dont on le dit le reméde, & qu’il est lui même un très-grand mal, auquel on ne remédie pas.
On s’accoutume à tout, sur-tout au vice elle fit comme les autres. […] Le détail de tant de foiblesses & de malheurs, suite ordinaire du vice, qui ne peut qu’affliger un Chrétien, lui montre qu’il doit prendre de justes mesures pour s’en préserver par la fuite des occasions, dont le théatre est une des plus communes & des plus prochaines. […] Filding, homme célebre dans la littérature Angloise, s’est aussi déclaré contre elle, & a prié très-sincerement Garrik, le premier Acteur & le Directeur du théatre Anglois, de la supprimer, comme plus capable d’autoriser le vice, que d’inspirer la vertu. […] Rien ne plait au théatre sans l’assaisonnement du vice. […] Le vice doit triompher, & un mari qui veut une femme fidelle est ridicule.
Mais comment plaire au Théatre, sans arborer le vice pour lequel il est fait. […] Un vice en entraîne un autre, ils sont tous réunis sur la Scène. […] Ce sont des diamants qui embelliroient la couronne des rois, mais dont une courtisanne se pare pour répandre le vice. […] Cela est vrai : aussi est-il d’une bonne éducation de faire prendre pendant quelques mois des leçons de danse : mais de faire des danseuses, de faire courir les bals, de mêler les deux sexes dans les danses, la plupart licencieuses, & toujours dangereuses à l’un & à l’autre sexe, regarder, admirer, imiter les danses théatrales, écoles & objets du vice ; c’est l’éducation la plus pernicieuse, qui n’est propre qu’à faire des libertins, & même à énerver le corps. […] Quoiqu’il en soit, le penchant au vice est plus ancien encore, aussi-bien que la loi qui ordonne de fuir le danger.
Il s’agit maintenant, sur notre Théâtre Français particulièrement, d’exciter à la vertu, d’inspirer l’horreur du vice, & d’exposer les ridicules : ceux qui l’occupent, sont les organes des premiers génies, & des hommes les plus célèbres de la Nation ; Corneille, Racine, Molière, Renard, monsieur de Voltaire, &c. leur fonction exige pour y exceller, de la figure, de la dignité, de la voix, de la mémoire, du geste, de la sensibilité, de l’intelligence, de la connaissance des mœurs & des caractères, en un mot, un grand nombre de qualités, que la nature réunit si rarement, dans une même personne, qu’on compte plus de grands Auteurs que de grands Comédiens.
C’est là qu’ils entendent parler de toutes sortes de matières qui peuvent ou exciter leur curiosité ou développer les germes de leurs passions ; c’est là que, dans un âge encore tendre et si susceptible des impressions du vice, ils commencent à le connaître et à se familiariser avec lui.
Pour le prouver, il fait un grand étalage de tous les vices qui sont punis, et de toutes les passions qui sont tournées en ridicule sur la Scène ; et en conséquence il décide que de telles Pièces sont nécessaires, parce qu’elles sont instructives.
Ils condamnent volontiers les vices qu’ils n’ont pas ; ils cherchent à excuser ou à se déguiser à eux-mêmes ceux qu’ils ont, pour étouffer les reproches de cette voix intérieure qui les rappelle toujours à l’ordre ; & de-là vient que le Poëte les flatte si agréablement, comme je le disois tout à l’heure ; lorsque pour parler comme Racine, *Athalie. […] A ce caractere susceptible des impressions de la Vertu comme de celles du Vice, se joint celui des vertus que la Tragédie nous présente : elles allarment si peu les passions favorites du cœur humain, qu’il croit pouvoir les concilier aisément avec ces passions. […] C’est par-là que la Tragédie suspend l’impression du vice qui le domine ; elle en interrompt le cours par un mouvement contraire ; il s’anime à la vûe de la gloire qui environne les Héros ; il aime à se laisser enflamer d’une noble émulation ; il s’applaudit en secret de ce sentiment, dont le cœur le plus corrompu est toujours agréablement flatté, & peu s’en faut qu’il ne se croye vertueux, parce qu’il admire la Vertu. […] Emouvoir, étonner, ravir un Spectateur, soit par les passions, soit par ce qui devroit les corriger, & qu’il trouve le moyen de nous faire jouir dans la même piece, des plaisirs du vice, & de ceux de la vertu. […] Peindre les vices pour nous en montrer le péril, & nous en faire craindre les suites malheureuses, émouvoir notre ame pour l’affermir, & comme pour l’endurcir par cette émotion même, en lui donnant une trempe plus forte & plus vigoureuse, c’est le moyen de rendre la Poësie utile.
Marseille fut autrefois célebre par la sévérité de ses mœurs, & singuliérement par l’éloignement du théatre, qu’elle a pendant plusieurs siécles réfusé de recevoir, malgré la fureur qu’avoient pour lui, les Grecs d’où elle tiroit son origine, & les Romains qui étoit devenus ses maîtres, parce qu’elle le régardoit comme l’école du vice, funeste sur-tout à la jeunesse, à laquelle ses loix l’avoient absolument interdit. […] Nouvelle occasion de vice, la nuit favorise tout, & le prétexte du Vaushal désarme les peres & les maîtres les plus vigilant. […] C’est le trône du vice, le rendez-vous de tout ce qu’il y a dans une ville de libertins, sans réligion & sans mœurs.
D’un autre côté le mariage est l’écueil de la galanterie, il en fait disparoître les agrémens & la liberté ; il est très-gênant pour le vice. […] C’est la mort du vice, le tombeau de l’amour, la proscription de la galanterie. […] L’unité l’indossubilité du mariage est une loi aussi ancienne que le monde ; c’est la premiere qui fut donnée à l’homme, & la plus nécessaire au genre humain pour sa conservation & sa propagation, pour la paix de la société, l’union des familles, l’éducation des enfans, l’état des femmes, pour fixer la légéreté de l’homme, réprimer ses passions, arrêter le débordement de ses vices, le rendre utile à ses semblables & à lui-même ; il n’est pas bon que l’homme soit seul , dit en le formant son adorable Créateur, donnons-lui une compagne qui lui ressemble .
Ici, comme dans toutes les passions, un plaisir d’un moment, & un regret éternel du vice, une peine d’un moment, & une éternité de délices dans la vertu : Vitium momentaneum habet voluptatem dolorem perpetum, virtus laborem omnem fructum œternum. […] Ignorez-vous notre malheureux penchant pour le vice ? […] Renverser le théatre n’est pas détruire les loix, mais le regne du vice & la peste des villes.
C’étoit alors une censure délicate des vices, des entreprises de ceux qui tenoient les rênes de l’Etat.
M. de Pompignan, après avoir exposé les vices de notre Théatre actuel, donne des règles sûres pour l’enrichir par des beautés solides, & en écarter tout ce qui peut blesser la foi ou les mœurs.
La vertu convertit tout en bien, et le vice tout en mal.
Du moins, n’est-ce pas faire un insigne affront à la vertu et la mettre comme de pair avec le vice, que de revêtir des mêmes expressions ce qui est infâme et ce qui est honnête ?
Ainsi, comme dans le monde tout y est sensualité, curiosité, ostentation, orgueil, on y fait aimer tous ces vices, puisqu’on ne pense qu’à y faire trouver du plaisir, en les donnant comme des vertus héroïques, ou au moins en les excusant et en les faisant envisager comme de légères imperfections.