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77. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre IV. De l’illusion Théâtrale. » pp. 64-79

L’illusion Théâtrale est, dans tout ce qui appartient à la Scène, un assemblage de circonstances, une suite de rapports, qui fait prendre l’image pour la chose même, la vraisemblance pour la vérité. […] Nous n’avons garde de dire avec l’auteur du Comédien, « que le Théâtre François se passe aisément des décorations ; que la vérité des Scènes & des discours, soutenue de la vérité du jeu des Acteurs, subjugue quelquefois tellement notre imagination, que nous ne prenons pas garde à la maniere dont la salle est décorée ».

78. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — Lettre premiere. » pp. 2-17

Les Casuistes ne sont point rares dans la capitale du Royaume ; il falloit interroger la Sorbonne : le Prélat, les Pasteurs vous auroient répondu volontiers ; mais vous vouliez être autorisée, & désesperant d’en tirer un avis favorable, vous avez imité les Rois d’Israël, qui consultoient les faux Prophétes : semblable à ces enfans du mensonge dont parle Isaie, qui disoient aux Prophétes : Ne nous annoncez aucune vérité fâcheuse, ce sont des oracles conformes à nos inclinations, que nous attendons de vous ; n’importe pas que ce soit des erreurs, pourvû qu’elles nous plaisent1. […] Il n’est pas besoin d’expliquer en détail les erreurs contenues dans les trois Chapitres ; c’est assez que l’Eglise en condamne la doctrine, comme elle l’a fait au second Concile de Constantinople ; & quelle que soit la forme de ses décisions, de quelque maniere elle les prononce, étant assemblée ou dispersée, il faut y adhérer sans examen & sans reserve, parce qu’elle est dans tous les temps, la colonne de la vérité, que le Seigneur a promis son assistance jusqu’à la consommation des siécles, pour empêcher que les portes de l’enfer ne prévalent contre elle. […] A la vérité, ce Souverain Pontife a dit qu’il les recevoit avec autant de soumission que les Livres Evangeliques : sa proposition n’est point exclusive, comme l’Auteur en question voudroit le supposer ; il n’y avoit eu pour lors aucun autre Concile Œcuménique après ceux-ci, que le Concile dont nous avons parlé ci-devant, qui se tint en 553, c’est-à-dire, trente-sept ans avant le Pontificat de Saint Gregoire.

79. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « IV. » pp. 17-22

Jupiter, Hercule, Orphée, Apollon, Esculape, Argus, Mercure, des Génies, des Zéphyrs, des Songes, la Renommée, la Discorde, les Furies, en sont les principaux Acteurs : L’Innocence, la Vérité, la Religion, n’y paraissent que pour être déshonorées. […] L’Evangile à l’esprit n’offre de tous côtés, Que pénitence à faire, et tourments mérités, Et de vos fictions le mélange coupable, Même à ses vérités donne l’air de la fable. » C’est donc, selon M.

80. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE III » pp. 42-76

Peut-on nier ces vérités des plus belles Comédies d’Aristophane, et de celles de Plaute, et de Terence ? […] Mais pour pousser encore davantage cette matière sans sortir pour cela des bornes de la vérité : peut-on appeler tout à fait honnêtes des ouvrages, dans lesquels on voit les filles les plus sévères écouter les déclarations de leurs amants, être bien aises d’en être aimées, recevoir leurs lettres et leurs visites, et leur donner même des rendez-vous ? […] Celles qui passent pour les plus honnêtes, renferment bien souvent le poison le plus subtil, et si vous examinez toutes celles que vous avez jamais ouïes, vous remarquerez qu’il n’y en a point qui ne blessent ou la vérité, ou la charité, soit en donnant de fausses louanges aux choses, et aux personnes qui n’en méritent point, soit en déchirant l’honneur et la réputation du prochain. […] Il ajoute qu’elles donnent du dégoût pour toutes les choses saintes, et surtout pour les saintes Ecritures, parce que la nature corrompue n’y trouvant rien qui la flatte, elle s’en dégoûte, et préfère injustement ces Vers et ces Chansons misérables, qui touchent et entretiennent ses passions, aux vérités que ces Livres saints lui découvrent et qui condamnent ses dérèglements. […] Vous ne devez donc, conclut cet Auteur, trouver rien de doux à vos oreilles, que ce qui nourrit votre âme et la rend meilleure ; et il faut particulièrement vous appliquer à détourner du vice cet organe qui nous a été donné de Dieu pour entendre sa Vérité, et recevoir sa Doctrine.

81. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE V. Du principal motif de la Réformation du Théâtre. » pp. 49-58

Si les Anciens ont poussé l’attention, sur cet article, jusqu’à défendre de réciter aux enfants des fables et des contes, qui renfermassent la moindre idée capable de les corrompre : s’ils ne ne permettaient pas même de les amuser par des allégories ; c’est qu’ils sentaient que les premières impressions, qui se font dans l’esprit des enfants, ne s’effacent jamais ; et que, dans un âge tendre, ils n’ont pas encore assez de pénétration pour distinguer l’allégorie de la vérité. […] S’ils voulaient nous avouer la vérité, nous verrions avec douleur que ce qu’ils ont retenu n’est pas toujours ce qu’il y a de moins dangereux pour leur innocence.

82. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VIII. Anecdotes illustres du Théatre. » pp. 186-214

Ils me rendent justice , disoit-il, ils me croyent capable d’entendre la vérité. […] Il y a dans cette piéce de quoi faire dix piéces, jamais roman plus chargé, plus contraire à la vérité, &c. &c. c’est un amphigouri de toutes sortes d’idées tragiques, ramassées çà &c là, & entaffées sans goût & sans ordre, contre la vérité, & sans vraissemblance. […] L’univers a perdu la sublime Emilie, Elle aima les plaisirs, les arts, la vérité. […] Dans la vérité, il fut remis à M.

83. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VII. Autre suite de diversités curieuses. » pp. 173-202

Le Mercure, dans l’extrait qu’il donne de ce livre, juillet 1774, ajoute un trait singulier, dont il atteste la vérité. […] Tout se répete, tout se redit ; le mensonge autant & plus que la vérité. […] Ces vérités ne leur ont pas échappé ; ils les ont consignées dans leurs livres. Le péché & la vérité qui les condamne sont bien anciens. […] La qualité de l’ouvrage lui donne un nouveau poids ; il faut que la vérité soit bien évidente pour avoir percé les ténebres, & bravé le goût & les préjugés du climat.

84. (1760) Lettre à M. Fréron pp. 3-54

Peut-on s’imaginer que l’Entousiasme prophétique de Joad dans Athalie, la fermeté Sainte de Mardochée, le courage héroïque de Polyeucte, celui des Maccabées, la fin toute chrétienne de Gusman, enfin tous ces spectacles rendus plus intéressants encore par un pieux usage des vérités chrétiennes mises en action ; peut-on, dis-je, s’imaginer que ces spectacles soient sans effet sur des cœurs disposés par le goût qu’on leur aura inspiré déjà pour la vertu à se laisser pénétrer des vérités de notre Sainte Religion ? […] Je vois au contraire et je suis intimement persuadé que plus un homme sera honnête homme, plus il sera persuadé des vérités de la Morale, plus il sera facile d’en faire un bon chrétien ; comme il est impossible qu’un vrai Chrétien ne soit pas honnête homme. […] quel goût ne prendrait-on pas pour la vertu, en voyant ces Personnes vénérables l’applaudir dans la bouche de nos Acteurs et sacrifier un Cagotisme mal entendu à l’avantage de faire remarquer au peuple des vérités auxquelles il ne fait pas peut-être assez d’attention. […] Je gémis à la vérité, de ce que sa profession de Comédien est presque la seule qui puisse servir de refuge à la probité. […] Je verserais tout mon sang pour en soutenir les vérités, je suis tout prêt d’être un martyr, mais n’est pas un Saint qui veut.

85. (1758) Réponse pour M. le Chevalier de ***, à la lettre de M. des P. de B. sur les spectacles [Essais sur divers sujets par M. de C***] « Réponse pour M. le Chevalier de***, A la lettre de M. des P. de B. sur les spectacles. » pp. 128-142

Vous avez négligé cette voie, qui pouvoit seule vous apprendre la vérité ; un homme, dites-vous, ne doit pas s’exposer sur une rivière, & dans un endroit où il court risque de se noyer, avant d’avoir fait une juste information ; mais que croyez-vous qu’il doive faire après s’être exactement informé ? […] Si vous craignez de voir un homme furieux, si vous fuyez l’aspect du jaloux, si vous redoutez les tristes effets de la haine, retirez-vous de la scène du monde où vous êtes sans cesse exposé à voir de pareils objets ; c’est au théâtre, à la vérité, qu’on vous en présente le spectacle le plus accompli ; mais c’est aussi là que vous voyez vos foiblesses au grand jour ; l’esprit apperçoit les défauts du cœur ; & la connoissance des vices est le germe des vertus. […] L’immodestie des femmes est, sans doute, une des plus grandes objections que vous puissiez me faire ; je peux vous répondre, à la vérité, que vous êtes tous les jours exposé au même danger.

86. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XVI. Des périls auxquels on s’expose en allant au bal. » pp. 97-118

Mais descendons un peu plus dans le détail, et établissons la vérité que nous avons proposée par des preuves invincibles. […] On y peut bien remarquer la vérité de cette ancienne sentence, que le regard produit l’amour. […] « Pepigi fœdus cum oculis meis, ut ne cogitarem quidem de virgine. » Ajoutez à ces sentiments si pleins de vérité ces paroles de saint Augustin, « Qu’il ne faut point regarder, ce qu’il n’est pas permis de désirer ».

87. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXXV. Conclusion de tout ce discours. » pp. 138-152

Ainsi le verbe fait chair, la vérité éternelle manifestée dans notre nature, en a pu prendre les peines qui sont réelles ; mais n’en a pas voulu prendre le ris et la joie qui ont trop d’affinité avec la déception et avec l’erreur. […] C’est de là que naît dans les âmes pieuses, par la consolation du Saint-Esprit, l’effusion d’une joie divine ; un plaisir sublime que le monde ne peut entendre, par le mépris de celui qui flatte les sens ; un inaltérable repos dans la paix de la conscience, et dans la douce espérance de posséder Dieu : nul récit, nulle musique, nul chant ne tient devant ce plaisir ; s’il faut pour nous émouvoir, des spectacles, du sang répandu, de l’amour, que peut-on voir de plus beau ni de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ et de ses martyrs ; que ses conquêtes par toute la terre et le règne de sa vérité dans les cœurs ; que les flèches dont il les perce ; et que les chastes soupirs de son Eglise, et des âmes qu’il a gagnées, et qui courent après ses parfums ? […] , des mensonges et des inventions de leur esprit : ou comme lisent les Septanteas, « Ils me racontent, ils me proposent des plaisirs ; mais il n’y a rien là qui ressemble à votre loi » : elle seule remplit les cœurs d’une joie, qui fondée sur la vérité, dure toujours.

88. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  LETTRE A M. RACINE, Sur le Théatre en général, & sur les Tragédies de son Père en particulier. » pp. 1-75

Tant le pinceau manié par le sentiment a d’expression, de chaleur, d’abondance & de vérité. […] Vous me le pardonnerez en faveur de mon admiration profonde pour votre illustre Père, de mon amitié pour vous, & de mon amour pour la vérité. […] Nous avons souvent sous les yeux des vérités que nous ne voyons pas. […] Dégoûté des sources mensongères de la Fable, & des récits souvent fabuleux de l’Histoire Profane, il a cherché ses sujets dans le sein de la vérité même. […] Le tems qui détruit tout, hors la vérité, confond à la fin l’injustice & l’erreur.

89. (1677) L’Octavius « Paragraphes XXXVI-XXXVIII du texte latin » pp. 159-171

Si nous avons été si heureux, que la vérité divine soit manifestée en nos jours ; jouissons de notre bonne fortune, cessons d’en disputer, arrêtons la superstition, chassons l’impiété, que la véritable Religion triomphe toute seule. […] Et j’étais bien aise de voir qu’il les avait vaincu avec leurs propres armes, et qu’il avait montré que la vérité n’était pas seulement facile, mais favorable.

90. (1781) Réflexions sur les dangers des spectacles pp. 364-386

Qu’on le demande à des personnes assez amies de la vérité pour convenir des effets funestes d’une cause, dont elles n’ont pas le courage de s’interdire la jouissance. […] On a vu dans telle ville plus de cent citoyens, pauvres à la vérité mais honnêtes, et pouvant par des voies chrétiennes assurer la subsistance à leur famille ; on les a vus, dis-je, offrir leurs enfans à ce nouveau genre de prostitution ; et ceux qui ont été acceptés à raison de leur figure ou de la vivacité de leur esprit, ont été transportés dans le repaire des mimes avec plus d’empressement et de satisfaction de la part de ces parens dénaturés, que l’appas d’un gain immense n’en eût produit dans l’ame d’un marchand de nègres. […] La vérité également ennemie de la lâche timidité et d’un empressement inutile, n’étend point ses regards au-delà de l’espace qu’elle peut raisonnablement espérer de s’assujettir. […] Que de témoins de toute autorité et de toutes les classes se présenteroient pour confirmer ces assertions, si l’illusion du mimisme cessoit un moment pour donner un libre essor au langage de la vérité ! […] X. 27.) mêmes n’étoient pas une place propre à parler en faveur de la vérité et de la vertu.

91. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. Suite du Clergé Comédien, » pp. 52-67

Autant que j’admire le courage d’un martyr qui répand son sang pour son Dieu, autant je méprise la bassesse d’ame qui brûlé son encens devant le bois & la pierre, après avoir connu & professé la vérité. […] Nouvelle lâcheté qui le fait passer tour à tour de l’erreur à la vérité & de la vérité à l’erreur, & le rend infiniment plus méprisable, par son hypocrisie, sa foiblesse & ses sacriléges. […] On se souvient d’un autre sonnet qui mérite d’être conservé, par la vérité qu’il présente & le ridicule sur le suïcide, si commun au théatre & dans le pastoral, où sans cesse on veut se tuer, on ne peut pas survivre à son amant, à sa maitresse ; on va se jetter dans l’eau, se donner un coup d’épée, &c. qui heureusement ne passe ne passe pas le bout des levres.

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