Je suis accoûtumé, Monsieur, à penser tout haut devant vous : je vous avouerai donc que, depuis plusieurs années, j’avois beaucoup à souffrir intérieurement d’avoir travaillé pour le Théâtre, étant convaincu, comme je l’ai toujours été, des vérités lumineuses de notre Religion, la seule divine, la seule incontestable. […] Les gens du bon air, les demi-raisonneurs, les pitoyables Incrédules peuvent à leur aise se mocquer de ma démarche ; je serai trop dédommagé de leur petite censure & de leurs froides plaisanteries, si les gens sensés & vertueux, si les Ecrivains dignes de servir la Religion, si les ames honnêtes & pieuses que j’ai pu scandaliser, voient mon humble désaveu avec cette satisfaction pure que fait naître la vérité dès qu’elle se montre. […] Tel est le malheur attaché à la Poésie, cet Art si dangereux, dont l’Histoire est beaucoup plus la liste des fautes célèbres & des regrets tardifs, que celle des succès sans honte & de la gloire sans remords : tel est l’écueil presque inévitable, sur-tout dans les délires de la jeunesse ; on se laisse entraîner à établir des principes qu’on n’a point ; un vers brillant décide d’une maxime hardie, scandaleuse, extravagante : l’idée est téméraire, le trait est impie, n’importe, le vers est heureux, sonore, éblouissant, on ne peut le sacrifier, on ne veut que briller, on parle contre ce qu’on croit, & la vanité des mots l’emporte sur la vérité des choses. […] J’ai tout lieu d’espérer que ce sujet, s’il doit être de quelque utilité, y parviendra bien plus sûrement sous cette forme nouvelle, que s’il n’eût paru que sur la Scène, cette prétendue école des Mœurs où l’Amour-propre ne vient reconnoître que les torts d’autrui, & où les vérités morales, le plus lumineusement présentées, n’ont que le stérile mérite d’étonner un instant le désœuvrement & la frivolité, sans arriver jamais à corriger les vices, & sans parvenir à réprimer la manie des faux airs dans tous les genres, & les ridicules de tous les rangs. […] Je vous demanderois grace ; Monsieur, sur quelques traits de cette Lettre, qui paroissent sortir des limites du ton épistolaire, si je ne savois, par une longue expérience, que la vérité a toute seule par elle-même le droit de vous intéresser indépendamment de la façon dont on l’exprime, & si d’ailleurs, dans un semblable sujet dont la dignité & l’énergie entraînent l’ame & commandent l’expression, on pouvoit être arrêté un instant par de froides attentions aux régles du style, & aux chétives prétentions de l’esprit.
On concevra aisément d’après ce principe, qu’une instruction mise en action, c’est-à-dire, qu’une action qui renferme une vérité utile, étant représentée d’après nature, fera bien plus d’impression dans l’ame des spectateurs, que n’en feroit la même action que les mêmes personnes se seroient contentées de lire. La représentation étant essentielle à la Comédie, donne donc aux vérités qu’elle renferme un degré de force, que n’auroient point les mêmes vérités dénuées du secours de la représentation.
Vous nous peignez dans votre Lettre avec énergie, et en même tems avec douleur, ce combat intérieur, cette guerre continuelle que nous livre l’opposition de nos actions, avec notre croyance et nos principes, et vous nous développez en même temps une vérité bien humiliante. C’est que dans la fièvre de l’âge, et possédés de l’enthousiasme poétique, nous hasardons des maximes fausses et scandaleuses, entraînés par l’harmonie du vers, par la beauté de la rime, mais plus souvent encore par le désir du nom de bel esprit, titre aujourd’hui si flatteur, qui fait regarder nos vérités les plus sacrées comme des erreurs populaires, et le catéchisme du vulgaire ignorant et crédule. Voilà ce qui fait rimer tant de maximes erronées, que la voix impérieuse de la vérité qui réside au fond de notre cœur, condamne et désavoue malgré l’impiété de notre plume, et que nous nous efforcerons en vain d’étouffer. […] Peut-on rendre avec plus de vérité l’air important et l’épaisseur du génie de la plupart de nos Crésus modernes ? […] Demandons avec les plus vives instances au Dieu de la vérité et à l’Auteur de toutes lumieres, qu’il daigne l’éclairer avant la fin de sa carriere.
De même que le bien est l’objet immédiat de la volonté, la vérité l’est de l’entendement, il est fait pour elle comme elle est faite pour lui, et il n’y a rien à quoi il se porte avec des transports plus vifs et plus impétueux. Ce soin même que prennent les auteurs des pièces de théâtre, de couvrir leurs mensonges de l’apparence de vérité, afin qu’elles puissent être agréables rend témoignage à ce que j’avance, et prouve invinciblement que l’esprit de l’homme est créé pour la vérité ; mais cet attachement prodigieux à des fictions et à des chimères, fait voir d’autre part qu’il est devenu plus vain que la vanité, puisqu’il préfère l’image à la réalité, des mets en peinture à une viande solide, et qu’il consume misérablement ses forces et sa vigueur à poursuivre des fantômes, et courir après l’ombre de la grandeur. […] ; or rien ne nous est plus dangereux, susceptibles d’erreur au point où nous le sommes, que de prendre l’habitude de quitter les choses réelles pour nous attacher à leur ombre, et de mettre notre plaisir dans le néant, c’est pourquoi Tertullien ne fait aucune difficulté de dire que tout ce qui tient de la fiction passe devant l’auteur de la vérité pour une espèce d’adultère, « adulterium est apud illum omne quod fingitur », et comme ces fables sont ingénieuses, et embellies de tous les ornements de l’art, et des traits de l’éloquence, elles viennent non seulement à vous plaire plus que la vérité, mais encore à en inspirer le mépris et le dégoût. […] Je puis dire avec vérité qu’il n’y a point de désordre qu’ils aient combattu plus souvent et avec plus de force. […] Ce seraient des vérités trop fortes dans ce temps de relâchement d’ajouter avec le même Tertullien, que l’état d’un Chrétien l’engage de fuir les plaisirs des sens, et de faire consister toute sa joie dans les larmes de la pénitence, la rémission de ses péchés, la paix d’une bonne conscience, festin continuel, la connaissance de la vérité et le mépris même des plaisirs.
Depuis qu’on a quitté la manière toute simple de traiter les matières de Théologie par l’Ecriture Sainte et par les Pères de l’Eglise, pour ne plus suivre que les vaines subtilités d’un raisonnement humain et philosophique ; il s’est fait peu à peu un si étrange changement dans la morale Chrétienne ; que les notions les plus communes de plusieurs vérités capitales, sur lesquelles la Discipline de l’Eglise était fondée, se sont insensiblement anéanties et éteintes. […] et ayant recours à une foule de Docteurs accommodants, ils fermeront l’oreille à la vérité pour ne la plus ouvrir qu’à de vaines fables et à des contes. »Ibid. 4. 3. […] L’on a déja fait à la vérité plusieurs excellents écrits sur le sujet de la Comédie, qui sont comme autant de flambeaux capables de dissiper les ténèbres de ceux qui aiment ce vain amusement ; mais comme les goûts des hommes sont différents, j’espère que celui-ci, ne laissera pas d’être utile, d’autant qu’il peut servir de Décision sur cette matière, puisqu’il est fondé sur l’Ecriture Sainte, les Conciles et les Pères de l’Eglise ; C’est pourquoi il y a tout lieu de croire que Dieu y répandra sa bénédiction.
Ces louanges sont des vérités, Monsieur ; mais elles vont se perdre dans le gouffre de vos maux. Cependant la vérité ne vous échappe pas toute entière ; vous convenez qu’il peut y avoir quelques femmes dignes d’être écoutées d’un honnête homme. […] Son imagination s’échauffa ; il fit des discours en dormant, et sa langue conduite par la nature, n’exprima plus que la vérité. […] Quelle vérité il y avait mis, quelle expression, quelle noblesse, quelle passion ! […] Mais, pour vous-même, souffrez que la vérité et le plaisir osent la balancer aujourd’hui.
Il me semble que la vérité et la Politique devaient vous obliger de souffrir cela patiemment. […] Mais je vous demande qui est le plus coupable, ou celui qui prêche toujours la vérité ? ou celui qui résiste toujours à la vérité ? […] Goibaud du Bois reproche à Desmarets de manquer à la fois de révérence et d’humilité lorsqu’il traite des « saintes vérités ». […] Et puis, à vous dire la vérité, vos livres ne se font plus lire comme ils faisaient.
Quinault, le père de la poésie lyrique, s’est repenti, tard à la vérité, mais bien sincèrement, d’un talent trop facile et trop heureux. […] Ne nous annoncez, disaient-ils, aucune vérité fâcheuse ; ce sont des oracles conformes à nos inclinations que nous attendons de vous : il n’importe que ce soit des erreurs, pourvu qu’elles nous plaisent. […] La voix que nous devons écouter, c’est celle de l’Eglise ; elle seule est en état de fixer nos doutes, et d’affermir nos pas dans le chemin de la vérité qui conduit à la vie éternelle.
qui sera assez téméraire pour livrer aux profanateurs du parterre le dépôt sacré de la vérité, et jouer tour à tour indifféremment les Psaumes de David et les bouffonneries de Molière ? […] Salomon n’est plus l’organe du Saint Esprit, enrichi d’une sagesse infuse, l’oracle de la vérité, que tout doit respecter ; c’est un Sultan dans un sérail, un Poète amoureux qui compose une épithalame licencieuse. […] Cette fiction est sans conséquence dans les histoires profanes ; mais la sainteté de la Bible ne permet pas ce mélange, on doit en respecter les moindres syllabes, et ne jamais répandre des nuages sur la vérité : Adulterare verbum Dei. […] Les Auteurs s’imaginent qu’ils ne sauraient plaire, s’ils se renfermaient dans la vérité historique, et la Baumelle (Vie de Madame de Maintenon) prétend que la tragédie d’Esther, si brillante à S. […] 4. 41.) ne voulut pas que le Démon lui rendît témoignage ; il le lui défendit avec menace, quoique le Démon dit la vérité, « comminatus est increpans ».
Descartes et Gassendi ont découvert des vérités qu’Aristote ne connaissait pas : Corneille a trouvé des beautés pour le Théâtre qui ne lui étaient pas connues : nos Philosophes ont remarqué des erreurs dans sa Physique : nos Poètes ont vu des défauts dans sa Poétique, pour le moins à notre égard, toutes choses étant aussi changées qu’elles le sont. […] A la vérité, les Histoires du vieux Testament s’accommoderaient beaucoup mieux à notre scène. […] Et dans la vérité, il n’y a point de passion qui nous excite plus à quelque chose de noble et de généreux qu’un honnête amour. […] Mais, à confesser la vérité, nos Auteurs ont fait un aussi méchant usage de cette belle passion, qu’en ont fait des Anciens de leur crainte et de leur pitié : car, à la réserve de huit ou dix Pièces, où ses mouvements ont été ménagés avec beaucoup d’avantage, nous n’en n’avons point où les Amants et l’Amour ne se trouvent également défigurés. […] Avecques plusieurs Hystoires en icelluy inserez des gestes des Cesars… Le tout veu et corrigé bien et deuement selon la vraye vérité.
En choisissant si mal ses armes, Fagan en fournit contre lui-même par les aveux que lui attache la force de la vérité, & les erreurs où il se jette pour la combattre. […] Tous nos Catéchismes nous ont appris ces grandes vérités. […] Rendons justice à la vérité, il y a sans doute à la ville & à la Cour des femmes immodestes, mais ce n’est pas le grand nombre. […] Une comédie est un livre, la morale de l’opéra une chanson ; qui est assez simple pour prendre des chansons pour des vérités ? […] Convaincu, comme je l’ai toujours été, des vérités de notre religion, la seule divine & incontestable, il s’élevoit des nuages dans mon ame sur un état si peu conforme au Christianisme.
Aucun intérêt ne m’est plus cher que celui de la vérité. Je vais le prouver en osant écrire sur une matière que vous avez traitée : c’est sacrifier à cet amour de la vérité, l’amour-propre même. […] Ils viennent d’entendre ce qu’on ne leur dit jamais : la vérité. […] Entre mille exemples que je pourrais alléguer de cette vérité, j’en choisirai un très peu intéressant par lui-même, mais qui, par cette seule raison, sera moins sujet à discussion, et je le tire du Misanthrope que vous avez si ingénieusement décomposé. […] Reste donc à examiner quelques exemples donnés par vous, et à vous en opposer d’autres qui, leur étant contraires, suffisent pour mettre la vérité dans tout son jour.
Il aurait tort de ne suivre cette règle éssentielle, que dans des sujets historiques & tout-à-fait vrais ; il s’en faut de beaucoup qu’il puisse s’abandonner à son caprice, dans ceux-mêmes dont il est l’inventeur ; ils doivent toujours avoir un air de vérité. […] Le Poète peut souvent mêler avec art, la fiction à la vérité ; mais il faut alors que l’une ait absolument besoin de l’autre. […] Je finis en observant que la vérité n’est presque jamais la bâse des Drames en général, c’est toujours le Vraisemblable ; ce n’est donc pas la vérité qu’on doit s’éfforcer de saisir, mais c’est ce mêlange adroit du Vrai, du Possible & des choses conformes à nos idées.
De sorte que si personne ne nous impose ce fardeau, il faut vaquer à la recherche et à la contemplation de la vérité ; et si on nous l’impose, il faut s’y soumettre par charité et par nécessité. » Une des principales dispositions que les Saints ont désirée pour être digne de quelque charge Ecclésiastique est qu’on s’en estime indigne, et qu’on ait de la peine à se résoudre à l’accepter. […] Car dans la vérité tout homme est indigne du Sacerdoce, s’il n’est consacré malgré lui et contre sa volonté. […] Ils n’ont pas tous eu à la vérité la même conduite à l’extérieur, mais les sentiments de leur cœur ont toujours été les mêmes. […] Et ne croyez pas, mes Pères, que ces vérités ne soient que pour les Héros de l’antiquité, l’ambition n’a jamais été la voie légitime pour monter à l’Episcopat, et ne la sera jamais.
La vérité n’est point pour nous dans les objets extérieurs ; elle réside intérieurement dans chacun : rien n’est plus certain que ce que nous sentons, et notre sentiment est la chose la plus constante, qui existe véritablement pour nous dans l’Univers. […] Ce partage de vérités et d’erreurs que chacun établit arbitrairement, soutient opiniâtrement, et veut faire accepter avec tyrannie, est la preuve caractéristique de la plus honteuse ignorance. […] La vérité ou persuasion intime, naît du tact particulier : elle ne peut être de convention, et on s’abuse soi-même, quand on croit croire sur caution. […] Je joins à cette Critique les endroits de son Livre même, dans lesquels, oubliant l’intérêt de son système, il parle dans la vérité, et fait comme une espèce d’amende honorable à l’humanité.