Leur but est (ou devrait être) la Satyre des mœurs, des usages ridicules ou des modes extravagantes : ils peuvent embrasser la Parodie, la critique des Drames de tous les genres, les intrigues populaires & bourgeoises, l’allégorie, la Pastorale, même le Comique-Larmoyant, & la Tragédie, si l’on voulait ; enfin célébrer les événemens du jour.
Je me suis un peu plus étendu sur ce sujet que je ne pensais parce qu’il serait à désirer que l’Ancien usage de la Comédie et Tragédie qui était autrefois si célèbre étant repurgéc de tant de défauts et d’impuretés fût remis en son lustre pour le contentement et l’utilité publique.
Enfin si l’on condamne la Comédie, on doit donc condamner pareillement les Tragédies des Collèges. […] Pour ce qui est de Lactance, il condamne les Spectacles par des raisons particulières qu’il explique en détail au Livre 6 des Institutions divines Chapitre vingtième71 « Je ne sais, dit-il, s’il se peut trouver une plus grande corruption que celle qui se rencontre dans les Comédies : car il y est fait mention des violementsb de vierges et des amours de femmes débauchées, et plus l’éloquence des Auteurs de ces fictions de crimes est forte, et plus les auditeurs en sont touchés et persuadés par la beauté du style, leur mémoire retient plus facilement ces vers d’une belle cadence ; les histoires tragiques qui y sont représentées, leur mettent devant les yeux des parricides, des incestes et d’autres crimes qui sont les sujets des Tragédies. […] Ce que l’on vient de dire de la Comédie ne peut s’appliquer aux Tragédies qui se jouent dans les Collèges, selon les Lois Académiques, qui sont plutôt des exercices pour ceux qui en sont les Acteurs, que des divertissements pour les personnes qui y assistent. Les sujets en sont bien plus purs : la modestie du Théâtre est bien plus grande, les passions en sont moins vives et moins violentes ; les circonstances enfin du lieu, du temps auquel les Tragédies se jouent, et encore des personnes qui s’y trouvent fournissent bien moins d’occasions d’offenser Dieu, par conséquent elles sont bien moins dangereuses, et on ne doit point en faire comparaison avec les Comédies dont il s’agit.
Eschyle jouoit dans ses Tragédies, & étoit bon Officier.
Nous voyons tous les jours que la feinte mort d’un acteur fait pleurer à une tragédie, encore qu’il ne meurt qu’en peinture.
Oui, dira-t-on, les Vendeurs d’orviétan le font, sur le théâtre ; ils avalent des animaux venimeux, se font eux-même des blessures, pour faire voir la vertu de leur orviétan ; après avoir commencé par donner une farce, ils passent à cette espéce de tragédie dont le dénouement peut être bien funeste pour eux. […] Maffei fut historien, philosophe, antiquaire, casuiste, mathématicien, théologien, journaliste, interprète de l’Ecriture, traducteur d’Homére, poëte dans tous les genres, depuis l’épigramme & la chanson, jusqu’à la tragédie, & au poëme épique, médiocre en tout.
Dans la tragédie, les peuples apprennent à connaître et à juger les passions des hommes élevés, pour ainsi dire, au-dessus de l’humanité, que les lois ne peuvent atteindre, et qui, le plus souvent, se livrent à ces passions avec d’autant plus d’abandon et de fureur, qu’ils ne sont retenus par aucun frein et qu’ils y sont excités, poussés par de vils courtisans qui, comme le dit Phèdre dans son désespoir : …« Par de lâches adresses Des princes malheureux nourrissent les faiblesses, Les poussent au penchant où leur cœur est enclin, Et leur osent du crime aplanir le chemin. […] Ainsi, mes chers auditeurs, dans notre goût pour les spectacles, nous cherchons dans la tragédie l’attendrissement, le trouble, la terreur même, en un mot de vives émotions indépendamment de l’instruction, et dans la comédie, nous voulons trouver et de la gaîté franche, et un rire pur et innocent, et encore d’utiles leçons.
J’y vis représenter une tragédie dont l’action dura trois jours ; la décoration & la déclamation, le jeu des acteurs étoient au-dessus de ce que j’attendois de ce peuple grossier. […] Il inspire plus que toutes les tragédies anciennes & modernes, l’humanité & la bienfaisance ; témoins Hérode dans Mariamne, Brutus & ses enfans, la Mort de César, Mahomet & Oreste, Semiramis. Toutes ses tragédies sont des sermons excellens ; Bourdaloue ne prêcha jamais si bien.
Il examine en particulier tous les genres de spectacles, et principalement la Tragédie et la Comédie. […] Dans Athènes, suivant cet Orateur, la Tragédie se servait du ressort des passions pour les guérir ; elle les met en œuvre aujourd’hui pour augmenter leurs maux. […] Après avoir montré combien la Tragédie a perdu de son ancienne majesté, en perdant sa gravité, sa sévérité, sa modestie, sa décence, il passe à la Comédie moderne. […] Ce qui est étonnant, c’est que M.F. si attentif à se prévaloir de faits peu conséquents, et qui n’en rapporte même que de fort douteux, n’ait pas pensé à tirer parti de ce que saint Grégoire de Zenana a mis la Passion de Notre Seigneur en Tragédie.
Il est vrai que Racine ne fit depuis que deux tragédies, Esther & Athalie, pleines de sentimens de religion, où il n’entre point de galanterie : mais tout est lié au théatre, d’une piece sainte on passe aisément à une piece profane ; & dans la piece sainte même, le goût du spectacle que l’on prend, la décoration mondaine qu’on étale, ne sont gueres moins dangereuses dans Esther & Athalie, que dans Phedre & Bérénice : Clairon est Clairon par-tout.
Cicéron l’appelle notre familier, souvent il l’allègue, et a transcrit de ses vers, et a tourné des Tragédies grecques au 2. des Tuscul.
Mais faut-il que mon fils apprenne la Philosophie avant que de lire Virgile et Horace, les Comédies de Térence, et les Tragédies de Sénèque ?
Le monde est le théâtre sur lequel chacun monte à son tour ; il en est de nous qui font deux ou trois personnages ; d’autres n’en font qu’un : C’est-à-dire que les uns viennent en divers actes et en postures différentes, et que les autres comme ils n’ont qu’une condition, ne paraissent que sous un même habit ; on peut dire des uns et des autres que quand ils sont morts la Tragédie est jouée ; de là nous allons tous en l’autre monde pour y rendre compte si nous avons bien ou mal fait. […] Mais le fait-on sans blesser sa conscience : Pour faire une juste réponse à cette dernière demande ; il est besoin de savoir que le théâtre peut servir à trois sortes de représentations, soit fabuleuses, soit véritables, qu’on appelle Tragédie, Comédie et Tragi-Comédie. […] Autant que la Tragédie est modeste et sérieuse, autant la Comédie est libre et enjouée ; elle ne produit que des gens de basse étoffe : Son parler est tellement négligé qu’il est toujours ingénieux : S’il est familier, et s’il tient du vieil patois, ce n’est que pour mieux faire goûter ce qu’elle dit, elle a beaucoup de pointes en son discours, aussi pique-t-elle souvent jusqu’au vif : comme son but n’est que de divertir, elle ne finit point que par quelque adroite surprise, ou par quelque événement inespéré : On a ajouté une troisième espèce d’action, qui est comme un tempérament ou un milieu : Le nom qu’on lui a donné est Tragi-Comédie, parce qu’elle participe de l’une et de l’autre : On la pourrait appeler la Comédie reformée, ou la Tragédie mitigée : elle n’est pas si majestueuse, que celle-ci, ni si railleuse que celle-là. Si toutes ces trois espèces demeuraient dans leur nature, et qu’elles ne fussent point altérées par la fantaisie des Poètes, la résolution de notre cas ne serait pas bien difficile : car il est hors de doute que la Tragédie serait très licite : ce serait plutôt une instruction pour la vertu, qu’une sollicitation pour le vice. […] C’est encore pis quand le dérèglement se jette dans la Tragédie, et que des personnes illustres, dont la vie doit servir de règle aux autres, s’abandonnent à la débauche : car pour lors ce n’est qu’une école de dissolution, et une corruption publique.
Quel Catholique diroit en parlant des fautes d’une Tragédie : Ces péchés capitaux m’ont toujours révolté. […] La Tragédie de Richard, l’Opéra des trois Roses furent sifflés, & le Grand Durosoi n’a emporté ni honneur ni argent de la Capitale des Tectosages.
Combien de gens qui n’ayant de connoissance de l’histoire que celle qu’ils ont puisée dans des romans & des tragédies, prennent pour des vérités ce que dit un Acteur, d’autant plus aisément qu’il sera plus approprié à nos mœurs, & plus vrai-semblable, & renfermera des choses dont on trouve le fonds dans son cœur & le modelle dans le monde, & qu’on le donne pour véritable, sous le nom imposant de personnes illustres !