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100. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre V. Autres Mêlanges. » pp. 121-140

La licence y est ordonnée & autorisée, la bonne morale est proscrite, on détruit même le goût, en excluant les regles, pour faire régner le désordre. L’obligation n’est pourtant pas réciproque ; le Théatre régulier n’a garde de l’interdire, les écarts qu’il permet & son zele pour la régularité n’empêchent pas qu’il ne fasse des excursions sur les terres de la bouffonnerie, & ne mêle les lazzis de l’Arlequin à la majesté d’Auguste, & le dérangement des fragmens aux regles d’Aristote, & par-tout les graces & la bonne volonté des actrices aux maximes de la morale & aux vertus des héros. 3°. […] Ma foi cette morale est du moins très-commode ; L’instinct de la nature est ma regle & mon code. […] Il n’y a gueres que l’envie d’accréditer Lucrece & sa morale, sous les auspices du pere du Théatre, qui ait pu faire imaginer cette anecdote.

101. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — Lettre premiere. » pp. 2-17

Si un Magistrat tenoit ce langage, nous lui répondrions : Vous n’êtes point vous seul Interpréte de la Loi, il faut attendre que vous ayez de votre côté la pluralité des suffrages, nous ajouterions : Vous êtes l’Interpréte des Loix civiles, mais les décisions qui concernent la foi dans sa morale & dans ses dogmes, sont du ressort exclusif des Ministres de l’Eglise ; vous avez votre objet, les Prélats ont le leur : l’un & l’autre n’ont aucune dépendance respective. […] Dans une secte, l’antipode de la morale relâchée, on est étonné de voir naître un Apologiste des Spectacles : que diroient Vendrok, l’Auteur des Provinciales & tant d’autres grands hommes qui ont démasqué une foule de Casuistes anti-chrétiens, s’ils revenoient sur la terre, & qu’ils lussent le présent mémoire ?

102. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « [Introduction] » pp. 1-9

D’ailleurs je ne me borne pas à la morale, je sais que l’Evangile a depuis longtemps prononcé, je ne pense pas qu’il rétracte jamais ses arrêts : l’état du théâtre, la vie que mènent les acteurs, les auteurs, les amateurs, ne les fera pas si tôt rétracter ; écoute-t-on l’Evangile ? […] Ce ne seront point des généralités de morale, que personne ne s’applique ; l’application détaillée à chaque état fera mieux sentir la vérité.

103. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — DEUXIEME PARTIE. — REGLEMENTS. Pour la Réformation du Théâtre. » pp. 99-116

Si pourtant le Conseil jugeait à propos d’en conserver quelques-unes, où la passion d’amour ne parût pas nuisible, ni capable de corrompre le cœur, il ne faudra l’insérer dans le Registre qu’après qu’on se sera assuré qu’elle est propre à corriger les mœurs, à inspirer une bonne morale, et à faire aimer la vertu ; ce qui doit être le premier objet de toutes les Pièces du nouveau Théâtre. […] En second lieu, la Pièce sera remise à un des Théologiens du Conseil, qui décidera si elle ne blesse en rien la Religion et la bonne morale ; ensuite elle sera lue par un des Poètes du Conseil, qui donnera ses avis sur le style, les Vers, l’action, la conduite, et qui fera toutes les objections qui sont du ressort du génie et de l’art.

104. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

Mais il devoit aller plus loin, & dire que non-seulement les passions feintes nous plaisent dans la Tragédie, par celles qu’elles allument ou qu’elles réveillent en nous ; mais qu’on y goûte encore la satisfaction de voir ses foiblesses justifiées, authorisées, ennoblies, soit par de grands exemples, soit par le tour ingénieux & la morale séduisante dont le Poëte se sert souvent pour les déguiser, pour les colorer, pour les peindre en beau, & les faire paroître au moins plus dignes de compassion que de censure. […] C’est un problême de Morale qui paroîtroit d’abord plus difficile à résoudre, si l’on n’en trouvoit le dénouement dans le caractere de la plûpart des hommes, & dans la nature des vertus, que l’on peint ordinairement sur le Théâtre. […] Nous trouvons même un plaisir secret à en gémir ; & nous sommes quelquefois les premiers à les déplorer ; notre amour propre se flatte qu’il commence par-là à s’en guérir, & comme il n’y a personne qui ne se repente dans certains moments de la servitude des passions, le Poëte possede l’art d’amener, si j’ose le dire, ces moments de repentir, de nous faire sentir la pesanteur de nos chaînes, la douceur de la liberté, & de nous plaire ainsi par sa morale dans le temps même que sa morale nous condamne. […] Enfin le dernier effet de ce que j’ai appellé la beauté du tout ensemble, ou de l’ordre & de la conduite qui régnent dans une Tragédie, est qu’elle nous met beaucoup plus en état d’y appercevoir & d’en recueillir l’instruction morale qui, selon la remarque de plusieurs Auteurs, doit être comme le fruit & la conclusion de cette espéce d’ouvrage. […] Il touche encore plus notre cœur par la beauté d’une morale qu’il rend sensible.

105. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XV. Devoir des parens & des maîtres. » pp. 34-35

& sa morale ?

106. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 36-74

Je ne garantis pas toutes ces allusions, qui peuvent être vraies, & n’ont rien que d’instructif & d’édifiant ; mais on ne peut se refuser à la vérité de la morale qu’elles renferment, & à la inscesse de l’application qu’on peut en faire à la tête d’une Actrice qui, par les dangereux attraits & l’ivresse de la passion où elles plongent, est aux yeux de la vertu plus dangereuse que Méduse. […] Des difficultés plus importantes, & qui nous intéressent bien davantage, sont les difficultés de morale. […] Le vice y est toujours puni, ici au contraire le vice semble récompensé, & la mauvaise morale canonisée. […] Mais il y a bien des traits que la morale Chrétienne ne fauroit avouer, & qu’il seroit très-dangereux de donner pour des regles & des modeles. […] Elle est pourtant excusablé ; car quoique la morale ait toujours été la même, les idées dans ces lieux, dans ces tems éloignés, étoient moins austeres que dans l’Eglise Chrétienne.

107. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XVII.  » pp. 471-473

C'est ce qui fait qu'il n'y a rien de plus pernicieux que la morale poétique et romanesque, parce que ce n'est qu'un amas de fausses opinions qui naissent de ces trois sources, et qui ne sont agréables qu'en ce qu'elles flattent les inclinations corrompues des lecteurs ou des spectateurs.

108. (1675) Traité de la comédie « XVII.  » pp. 297-299

C'est ce qui fait qu'il n'y a rien de plus pernicieux que la Morale Poétique et Romanesque, parce que ce n'est qu'un amas des fausses opinions qui naissent de ces trois sources, et qui ne sont agréables qu'en ce qu'elles flattent les inclinations corrompues des lecteurs, ou des spectateurs.

109. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre IIbis. Autre suite du Fard. » pp. 61-89

L’Académie auroit donc eu grand tort de donner le panégyrique de Moliere à faire ; elle auroit approuvé sa morale, son irréligion, ses mauvaises mœurs, ses obscénités, ses bouffonneries. […] La religion & la morale font communement cette estimation raisonnable. […] Je crois que sans donner dans la morale relâchée, on peut permettre les couleurs à Madame Staal & aux Sauvages. […] La saine morale n’excuse point de ce péché, ces intentions perverses & ces piéges dangéreux. […] On ne propose ici, comme en cent autres articles de la morale, cette question captieuse que pour faire diversion, & écarter la juste crainte d’offenser Dieu qui doit proscrire le fard.

110. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE III. Immodestie des Actrices. » pp. 57-84

On pourroit impunément les heures entieres avoir l’esprit & le cœur attaché à des intrigues amoureuses, toujours souillé par des images, ému par les sentimens les plus vifs, l’imagination toujours remplie de beauté, de plaisir, d’obstacles, de succès, l’oreille frappée de discours galans, & de sons tendres & harmonieux, toute l’ame occupée de situations attendrissantes & délicieuses, & au milieu de tous ces pieges, les objets les plus immodestes continuellement sous les yeux, sans être séduit par l’erreur, & entraîné par la passion, sans apprendre à cette école à mépriser, à braver la pudeur qui retient, la loi qui défend, le remords qui trouble, le péché qui effraie, en entendant cent fois dire & redire, chanter avec grace, débiter avec assurance, déclamer avec feu, exécuter avec goût cette morale anti-chrétienne, si conforme à la nature, canonisée dans le monde, si agréable à un cœur corrompu, qui fait du crime un mérite, de la résistance un ridicule, de la volupté un besoin, de la passion une nécessité ! Mais le théatre fût-il aussi purgé qu’on le dit des discours & de la morale licencieuse, le seul aspect de tant de femmes immodestes en seroit l’écueil le plus redoutable. […] Mais cette pureté des sentimens fût-elle possible dans une vie retirée, dans un cloître, elle ne l’est pas dans le grand monde, où les objets séduisans, les discours licencieux, les exemples contagieux du vice, les principes empoisonnés de la morale, détruisent à tous momens jusqu’aux traits de la vertu la plus médiocre. […] Tout n’est que vertu morale, loi naturelle, pur pélagianisme, qui attribue tout à la force de la volonté & de la raison, & trouve tout en soi-même : éducation toute profane, où le christianisme n’entre pour rien. […] Est-ce une morale outrée ?

111. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Entretien troisieme Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. […] Je me donnerai de garde, de rien avancer dans le sujet que je traite, qui ne soit conforme à la plus saine doctrine, & à la plus exacte verité : je suis trop convaincu, que toute exaggeration en matiere de Morale, soit en representant l’énormité d’un crime, soit en exposant le danger qu’il y a de commettre, que toute exaggeration, dis-je, bien loin de remedier aux excez & aux abus, ne sert souvent qu’à les augmenter ; puisqu’on donne par-là le moyen de justifier, en quelque maniere, les desordres, par les responces qu’on donne lieu de faire aux censures outrées, & aux invectives excessives ; & aprés qu’on s’est efforcé de donner de l’horreur d’un vice, ou de la crainte de le commettre ; tout le fruit que les Auditeurs en retirent, est de se persuader, qu’on les a voulu allarmer pour peu de chose, en faisant le mal, ou le danger plus grand qu’il n’est, de sorte que lorsqu’un Predicateur a excedé en quelque point, il ne sera plus crû quand il dira la verité toute pure dans une autre matiere, & qu’il s’efforcera de la mettre devant les yeux. […] Or cet esprit consiste dans l’estime que l’on fait de ses pompes & de ses vanitez, ensuite dans les sentimens que l’on y prend, & qui sont opposez a la Morale Chrétienne, & enfin dans un refroidissement de la pieté, & dans l’éloignement de tous les exercices qui l’entretiennent. […] Que si ces spectacles nous mettent ainsi en danger de prendre l’esprit du monde, il n’y a pas moins de sujet de craindre qu’il ne nous en imprime les sentimens, & les maximes, sur lesquelles ensuite l’on regle sa vie & sa conduite ; puisque ces spectacles sont comme une école, où l’on enseigne une Morale toute contraire à l’Evangile, & à la Religion. […] General, permets, au Pere ** de faire imprimer un livre intitulé, Sermons sur tous les sujets de la Morale Chrétienne, cinquiéme partie contenant les sujets particuliers, tome second, les principaux desordres du Siecle, qui a esté vû & approuvé par trois Theologiens de nôtre Compagnie.

112. (1822) De l’influence des théâtres « [De l’influence des théâtres] » pp. 1-30

Les Théâtres, depuis ceux du premier ordre jusqu’aux tréteaux de la foire, (C’est ainsi que s’appelaient, il y a quarante ans, les entreprises Nicolet, Audinot et Sallé, privilégiésb, obligés d’avoir spectacle aux enclos, connus sous les noms d’Abbaye Saint-Germain, des Foires Saint-Laurent et Saint-Ovide.) ne sauraient être trop censurés, tant les actions dramatiques, qu’on y représente chaque jour, ont d’influence sur toutes les classes et particulièrement sur la plus nombreuse, qui vient y chercher le délassement de ses travaux, plaisir toujours moins coûteux que ces orgies, qui laissent après elles des suites fâcheuses, mais qui n’est pas non plus sans danger pour tous les âges, et surtout pour les esprits faciles à s’ouvrir aux pernicieuses impressions d’une morale, parfois voisine de la dépravation. […] La morale au gros sel de plusieurs vaudevilles avait bien séduit mes petits amateurs ; les refrains de la Marchande de goujons 1 faisaient le charme de la journée, de la veillée et même de la route, pour aller du toit paternel à l’atelier et revenir après la retraite de l’atelier à ses lares. […] Sur cent épreuves de ce genre, dans la société, on n’en voit pas deux réussir ; ce n’est qu’au théâtre, où il faut que la morale triomphe du vice, qu’on voit de ces guérisons, qui s’effectuent presque toujours aux dépens du naturel. […] Je m’éloignai en déplorant les suites d’une manie qui ne peut que devenir funeste aux familles, aux manufactures, en fortifiant dans la classe ouvrière un goût innocent dans son principe, instructif même pour ceux qui savent en mettre à profit la morale, mais qui finira par élever dans chaque faubourg des temples à la paresse et à la dépravation, si l’autorité ne se hâte d’arrêter ce torrent destructeur, qui menace d’entraîner dans son cours l’espérance de l’industrie nationale, le palladium, des saines doctrines, et jusqu’au moindre germe de toutes les vertus sociales. […] Et que le théâtre, épuré par les soins d’une équité incorruptible, devienne une école publique, où tous les âges puissent, sans rougir, puiser des leçons de morale, et s’amuser sans blesser la pudeur.

113. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — ESSAI SUR LES MOYENS. De rendre la Comédie utile aux Mœurs. » pp. 7-10

L’utilité de la Comédie étant reconnue, ce seroit ici la place d’examiner quelle est la forme qui lui convient le mieux pour parvenir au but qu’elle se propose de corriger les mœurs ; si la Comédie grecque étoit plus proche de la perfection morale que la nôtre, en nommant les personnes vicieuses qu’elle exposoit à la satire publique ; enfin si l’exclusion des Actrices sur les Théâtres Grecs & Romains, n’étoit pas plus propre à laisser dans l’ame des Spectateurs des impressions de vertu dégagées de tout mêlange de volupté qu’on remporte presque nécessairement de nos Spectacles.

114. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XII. De l’autorité des Pères.  » pp. 49-51

Que si on veut pénétrer les principes de leur morale, quelle sévère condamnation n’y lira-t-on pas de l’esprit qui mène aux spectacles, où pour ne pas raconter ici tous les autres maux qui les accompagnent, l’on ne cherche qu’à s’étourdir et à s’oublier soi-même, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond de la vie humaine, depuis que l’homme a perdu le goût de Dieu ?

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