Comme on ne chercherait point à vous nuire, l’esprit de vengeance ne ferait point trouver dans vos ouvrages des choses qui n’y sont pas, et vos ennemis, par une adresse malicieuse, ne feraient point passer des ombres pour des choses réelles et ne s’attacheraient pas à l’apparence du mal plus fortement que la véritable dévotion ne voudrait que l’on fît au mal même.
Quelle raison plus capable d’éloigner les Comédiens, vos ennemis, des bastions de Genève, que la certitude d’être mal payés, s’ils osaient former un établissement dans cette ville ? […] Voyez Monsieur et jugez maintenant si Genève ne gagnerait pas beaucoup à l’établissement d’un spectacle Français, et si vous aimez votre Patrie comme vous dites, n’êtes-vous pas obligé, en conscience, de l’obliger d’en établir un au plus vite, pour prévenir tous les maux qui pourront résulter de vos Cercles bachiques et médisants ?
L’amour, traité avec cette espèce d’inaction, ne fera jamais une grande impression sur les Spectateurs, soit pour l’instruction, soit pour le mauvais exemple ; ainsi ce que l’on peut faire de mieux, selon moi, est de ne jamais exposer aux yeux du Public une Pièce dont le fond et le dialogue ne présentent qu’une passion illicite, soit de la part de la Reine, soit de la part de la Duchesse ; quoiqu’elle ne porte pas de grands coups ni en bien ni en mal. […] Ce n’est pas une bonne Tragédie, et c’est l’amour mal imaginé, selon moi, qui lui fait tort.
Ce serait nous faire mal la cour de les célébrer alors par des spectacles. […] Ce grand principe, faire le bien et fuir le mal, a surtout lieu ces saints jours. […] Non seulement le théâtre détourne des exercices de piété, mais encore il apprend à farte fort mal le peu qu’il laisse pratiquer.
Que les Poètes de notre Opéra se ressouvienne de l’ancien proverbe, qui trop embrasse mal étreint.
Si un pareil Ouvrage avait pour Auteur un homme grave et respectable par son état ou par sa dignité, il n’en serait pas pour cela plus à couvert de la critique ; elle serait seulement plus ménagée, et se ressentirait des égards que mériterait l’Auteur : mais qu’il vienne de moi qui, pendant plus de quarante ans, ai exercé la profession de Comédien, qui ne suis ni savant ni homme de Lettres, et qui par conséquent ne mérite ni égard ni ménagement ; c’en est assez pour me faire craindre que mon Livre soit mal reçu, ou qu’il fasse peu d’impression sur mes Lecteurs.
On commence, de bonne heure, par dire aux petits enfants, qu’ils doivent suivre l’exemple de leur père et de leur mère ; parce que tout ce qu’ils font est bien fait : ainsi quand ce sont les pères et les mères qui les conduisent aux Spectacles, ces enfants sont persuadés que non seulement il n’y a pas de mal, mais que c’est même un bien que d’y aller.
J’en conclus que le Gouvernement seul peut ordonner et faire exécuter la réformation, malgré les oppositions d’un très grand nombre de personnes mal instruites de leurs véritables intérêts.
Pour se livrer à l’envie, à la vengeance, à la colère, au soupçon, etc. il est nécessaire d’être mal né, d’avoir un mauvais caractère et souvent le cœur corrompu : pour aimer il suffit d’être homme.
Les unes sont cachées par la vanité de leurs éditeurs, qui déguisent leur emprunt ; les autres défigurées par les copistes mal habiles, qui les chargent de leurs défauts. […] On ne lui confiera plus le rôle de Caissier, qu’il a si mal joué : il en jouera peut-être quelqu’un à la Greve un peu tragique ; à moins que ces princes généreux ne lui fassent grace. […] La scène ne fît-elle d’autre mal que de déplacer les talens & dissiper les bons sujets, d’enfouir ou plutôt de dégrader, d’anéantir leur mérite, elle feroit un très-grand tort à la société. […] Les abus de la danse, quels qu’ils soient, méme les baladoires (voilà bien de l’étendue) seroient encore moindres que l’abus de la Religion dont nous parlions (c’est-à-dire, les péchez innombrables d’impureté qui s’y commettent font un moindre mal que la sévérité indiscrete du confesseur qui l’interdit), s’il y en a, votre devoir est de tâcher de les prévenir (sans doute ; mais comment prévenir l’effet certain d’une occasion prochaine qu’en la quittant ?)
La jalousie, la fureur, agitent ceux qu’elles doivent enflammer ; l’amour y fait sentir ses loix à des cœurs dont il est vraisemblable qu’elles soient chéries : en un mot, je défie qu’on me montre le moindre sentiment mal placé ; c’est-à-dire, la perfidie dans l’âme d’une amante ; la férocité parmi des mœurs douces, &c. […] Les danses sont quelquefois mal placées dans le grand-Opèra. […] Il est vrai que la danse de notre Opéra-héroïque est toujours admirable, & qu’elle l’élève au-dessus de tous les Spectacles de l’Europe ; mais quand elle est mal placée, elle ne choque pas moins l’homme de goût. […] Qu’on ne pense pas qu’aucun mauvais motif m’éngage à parler de la sorte : je découvre le mal en souhaitant qu’on y apporte un prompt remède. […] La Scène de l’Opéra-Sérieux est couverte d’une multitude d’Acteurs, qui paraissent habillés par les mains de la richesse & du goût ; ses Balets sont les plus beaux de l’Europe, & composés des plus fameux Danseurs : l’Opéra-Bouffon n’employe communément que trois ou quatre Personnages, assez mal vétus ; & je ne crois pas que ses danses ayent l’éclat & les attraits de celles de son rival.
L’économie générale souffre donc de ce partage mal entendu.
Il est donc aisé de s’appercevoir que l’Oracle des Sçavans a mal défini les noms.
Je ne saurais croire que les Poètes ignorent tout cela, puisque leur dessein dans la composition des Comédies est de les rendre si vives et si touchantes, que l’imagination soit trompée et qu’elle croie assister à une action véritable, non pas à une représentation : Ils ne sauraient donc ignorer le mal que fait la Comédie, puisque c’est là tout leur but.
C’est ainsi qu’après avoir parcouru successivement tout ce qui peut tenir à la gloire comme à le décadence de la Chaire, du Théâtre et du Barreau, et « en comparant chacune de mes idées avec l’idée éternelle du vrai et du juste, j’ai vu qu’il n’y avait de bien que ce qui était utile à la société et conforme à l’ordre, de mal, que ce qui leur était contraire. »(Eloge de Marc Aurèle.