Suivant mon système j’approuve la Pièce du Misanthrope : j’y trouve deux vices fortement attaqués, la Coquetterie, et la Misanthropie, dont le premier est commun et fournit bien des exemples dans Paris, et l’autre est singulier et très rare : il me paraît que tous les deux sont fort instructifs et fort propres à corriger de la manière que Molière les a traités. […] Le Misanthrope dont nous venons de parler, n’est pas une Pièce où cette passion paraisse avec les défauts contre lesquels je me suis si fort révolté ; les Amants de la Coquette aiment plutôt en petits Maîtres et en étourdis, qu’en hommes véritablement amoureux : Célimène fait son métier, et le Misanthrope, quoique passionné, traite l’amour suivant son caractère qui influe beaucoup sur sa passion, ce que le grand Molière n’a pas négligé en travaillant : je cherchais donc dans une Comédie un de ces excès de la passion d’amour qui portent les Amants à tout tenter pour se satisfaire : qui les rendent aveugles : en un mot un de ces excès qui font regarder les Amants comme des insensés, et qui leur attirent tout à la fois l’indignation et la compassion des Spectateurs, et je l’ai trouvé à la fin. […] Les mœurs des hommes en général sont l’objet naturel de la Comédie qui les critique pour les corriger ; mais il y a pourtant une espèce de mœurs, que la Comédie ne saurait peindre sans se dégrader, et qui n’appartient qu’à la farce ; si l’on savait traiter comme il faut la bonne critique, et distinguer ce qui convient à la farce, on ferait des ouvrages fort utiles à la République.
L’expression latine m’a paru trop forte pour la rendre mot à mot en français : elle aurait certainement choqué les oreilles chastes. […] Pensée forte. […] Comme ce terme est fort connu, et qu’il exprime bien la chose dont parle l’auteur, j’ai cru qu’il me serait permis de rendre ainsi la phrase latine ; « inter effœminationis modos ». […] A prendre ces paroles de Tertullien dans le sens qui se présente d’abord, on dirait qu’il regardait comme fort proche le dernier avènement de Jésus-Christ.
Rien que de fort commun dans le choix de ses maîtres, & dans la maniere de l’instruire. […] Un Peintre, mécontent d’elle, la peignit, pour se venger, dans l’état le plus indecent, mais la peignit fort belle. […] La mort lui enleva ses deux Adonis, fort différens l’un de l’autre. […] Il osa, quand il se crut assez fort, faire revolter le peuple, se former un parti, & déclarer la guerre à sa maîtresse. […] Le Roi de Navarre étoit fort supérieur à Elizabeth.
Si donc les personnes qui vivent dans la retraite et dans l'éloignement du monde, ne laissent pas de trouver de grandes difficultés dans la vie chrétienne au fond même des Monastères ; s'ils reçoivent des atteintes du commerce du monde, lors même que c'est la charité et la nécessité qui les y engagent, et qu'ils se tiennent sur leurs gardes autant qu'ils peuvent pour y résister : quelles peuvent être les plaies et les chutes de ceux qui, menant une vie toute sensuelle, s'exposent à des tentations auxquelles les plus forts ne pourraient s'empêcher de succomber ? […] » Si ces esprits qui servent à Dieu de ministres ne sont pas fermes, et s'il trouve des défauts dans ses Anges mêmes ; à combien plus forte raison des âmes renfermées en des corps, comme en des maisons de boue, seront-elles sujettes à la corruption et au péché ?
»23 Il est vrai que Dieu est fort honoré par la façon gaie et volontaire, avec laquelle on le sert ; car par là on fait voir à tous combien il est digne d’être servi, puisqu’il n’y a rien pour pénible et difficile qu’il se rencontre en son service, qui empêche ses vrais serviteurs de lui rendre leur devoir, et le rendre avec joie. […] qui est fort édifié, et qui excite en soi un désir de la vertu, voyant le plaisir, et la joie, avec laquelle vivent ceux qui l’aiment, et qui la pratiquent, expérimentant véritable, ce que Salomon a dit de la sagesse ; « La Conversation qu’on a avec elle est exempte d’amertume, de dédain, et de dégoût, vivre avec elle est être en joie continuelle. […] La tristesse, comme j'ai dit ci-dessus, étant comme une forte barrière qui l’empêche de passer outre, et même le fait reculer. […] Charles Borromée, quoique au reste fort sévère aux récréations excessives, néanmoins condescendait par charité avec les Suisses, en certaines libertés de leur pays, qu’il pouvait accorder sans offense de Dieu. […] un cheveu est fort peu de chose, et néanmoins en la teste, ou au col de l'Epouse de Dieu,86 laquelle ne regarde qu’à lui plaire, et à le contenter, aussi bien ès petites choses comme ès grandes, il a telle force qu’il navre et emporte le cœur du même Dieu.
» Cette Morale est un peu forte pour les Chrétiens de ce siècle. […] Cette raison ne paraîtra pas forte aux gens du monde ; cependant les Pères de l’Eglise qui connaissaient par la Foi la nécessité de la prière, l’ont fort pesée et s’en sont servis pour autoriser la défense qu’ils faisaient aux Chrétiens d’aller aux spectacles.
Le Saint Evêque de Marseille, Salvian, parlant des spectacles, dans le sixième livre qu’il a fait du gouvernement de Dieu, est fort éloigné de les faire passer pour divertissements, puisqu’il les condamne avec tant de chaleur : voici ses propres termes : « Aller aux théâtres, dit ce Saint, est une espèce d’apostasie de la foi, une prévarication mortelle de ses Symboles et célestes Sacrements » : car, de grâce, quelle est la première confession que font les Chrétiens, lorsqu’ils sont admis au Sacrement salutaire du Baptême, si ce n’est dire et protester, qu’ils renoncent au diable, à ses pompes, aux spectacles que tu reconnais et confesses être des œuvres du diable ? […] : « Pour bien faire connaître, dit-il, qu’est-ce que le théâtre, et en déclarer l’essence, on peut dire que c’est le temple de Vénus, où la volupté est traitée, estimée, honorée et adorée comme une divinité ; c’est la citadelle ou le fort où toutes sortes d’impuretés se pratiquent avec toute licence et effronterie » : ensuite de quoi il rapporte un exemple d’une femme chrétienne, dans le corps de laquelle le diable entra, pendant qu’elle assistait aux spectacles : car comme on faisait les exorcismes pour chasser cet hôte cruel, le chargeant de malédiction de ce qu’il avait été si cruel, que d’entreprendre sur une personne fidèle, il répondit toujours, ‘Dieu l’a ainsi permis, pour rendre témoignage de l’abomination de ces lieux infâmes, et quand j’en ai ainsi usé, ça a été avec justice, l’ayant trouvée sur ma terre, et dans un lieu où je suis le Seigneur et le maître’. Je n’en veux pas dire davantage sur ce sujet, en ayant parlé ci-devant assez amplement, joint que les deux Auteurs que je viens de produire, Salvian et Tertullien s’en sont suffisamment expliqués, pour faire connaître à un chacun que les spectacles et les théâtres ne doivent jamais passer chez les vrais Chrétiens pour divertissements, puisqu’ils traitent ceux qui y assistent d’apostats, de prévaricateurs des Sacrements, de gens qui retournent vers le diable leur premier maître, qui préfèrent le démon à Dieu, qui font banqueroute à la foi de Jésus-Christ, qu’ils sont plus criminels que les païens, qu’ils sont sans Religion, qu’ils ne cherchent qu’à repaître leurs yeux adultères ; gens enfin qui se jettent volontairement dans le fort et la citadelle où se commettent toutes sortes d’impuretés.
Je sais qu’on pourra me demander avec raison pourquoi je ne les faisais pas plutôt, et je n’ai rien à répondre, sinon que ces écrits n’ayant jamais été faits pour être imprimés, on en prit le dessein à la hâte par les raisons que l’on a marquées ; et qu’étant fort occupé à d’autres choses, je me contentai de les relire fort légèrement, en m’appliquant particulièrement aux choses. […] C’est que les deux vers du Cid, n’ayant été tournés en ridicule que parce qu’ils représentent un orgueil fort grossier, incivil et trop peu déguisé, ils sont par cette raison même assez propres pour exprimer l’orgueil intérieur tel qu’il est dans le fond du cœur où il ne se déguise point.
Rien n’est petit quand la passion s’en mêle, & elle est d’autant plus forte ici, sur des bagatelles, que l’on y a moins de sujets graves, & capables de faire diversion. […] On a construit en l’honneur de ce Poëte un grand édifice & une salle de bal, qui pouvoit contenir 2000 personnes, & fort ornée. […] Ce Prélat est fort zélé pour la population & contre les Moines. […] On y trouva fort mauvais qu’un subalterne pensat différemment : le confesseur fut obligé de rendre les pouvoirs, on en substitua un plus indulgent. […] On donne un avant goût du plaisir futur, on annonce les pieces qui se représenteront après Pâques, c’est un sujet fort dévot de méditation pendant les fêtes.
Le même Auteur, dans une autre Lettre, rapporte un trait fort plaisant. […] C’était une compagnie fort singulière ; l’un dormait très profondément, l’autre les lunettes sur le nez disait son bréviaire fort dévotement et sans distraction. » Tout cela m’a bien l’air d’un conte fait à plaisir ; mais ce qui est très réel, il n’avait qu’à aller au théâtre du collège, il y eût vu des Régents bien éveillés, composant des comédies, exerçant les acteurs, soufflant dans les coulisses, et lisant Molière et Racine sans lunettes. […] Serait-ce donc, à plus forte raison, dans l’indécence des nudités, dans l’expression des passions, les fourberies des valets et des soubrettes, qu’on ramasserait de quoi remplir les greniers du Père de famille ? […] La tolérance générale qui résulte de cette indécente liaison, fait le système courant de nos esprits forts et des pécheurs endurcis. […] A plus forte raison ces tableaux animés, si chargés et si vifs, doivent être d’autant plus religieux et modestes, que leurs effets sont plus rapides.
Des disputes théologiques, la perte de sa chaire de Professeur, sa fuite en Hollande, les amours de sa femme, les talens de Baile, la destruction de sa Secte par la révocation de l’Édit de Nantes, aigrirent si fort son imagination, & exaltèrent si fort sa bile, qu’il tomba dans la folie, & donna des ouvrages extravagans. […] Isaie est un étranger, rude, & fort malgracieux, damoiseau pour orner, farder, attinteler & accoutrer, les Dames déguisées en femmes de mauvaise vie. […] Mard, homme d’esprit, homme aimable, fort répandu dans le monde, dont les ouvrages de littérature prouvent le bon goût, & le traité de l’opéra, son amour pour le théatre, ses lettres galantes, une morale peu sévère par le ainsi de l’opéra, lett. 24 qu’il suppose écrire à une Dame par une autre Dame. […] Godeau ne le connoissoit pas, ou faisoit semblant de ne pas le connoître pour lui prodiguer avec plus de liberté les éloges les plus outrés qui lui attirèrent des satyres fort vives sur les talens littéraires ; on fut sur-tout choqué de ce qu’il traite l’Auteur de défenseur, très-zélé de la vérité, veritatis vindex acerrimus , & d’homme élevé dans le sein de l’ancienne théologie, avitæ theologiæ in sinu éducatus . […] Que dis-je, on ne le pleure point, Si, fait-on, & voici le point : On en rit si fort en mains lieux, Que les larmes viennent aux yeux ; Ainsi en riant on le pleure, Et en pleurant on rit à l’heure.
Bernard (République des Lett. avril 1701.) en fait un plus fort encore. […] Derriere ces bancs & fort loin les Seigneurs étoient debout, le Roi, la Reine, l’Infant, au milieu, assis contre un paravant. […] 39.) un fort bon extrait du livre Espagnol qui condamne le théatre. […] Jamais la Grèce n’a élevé aux honneurs des Acteurs de profession, mais seulement quelques Auteurs (ce qui est fort différent). […] Les Grecs, dont il vante si fort la dialectique, ne l’étoient pas davantage.
On lui dira avec le Prince de Condé : « Je sais fort mauvais gré à Aristote d'avoir fait des règles si ennuyeuses. […] Qui ne veut que se réjouir, membre inutile et à charge à la société, n'est propre à rien ; il est incapable de toutes les vertus, elles sont toutes fort ennuyeuses. […] Faut-il que s'il est si fort imitateur, s'il aime tant à contrefaire, il s'étudie à copier ce qu'il trouve de plus méprisable, les ridicules et les forfaits ? […] C'était sans doute un excès de s'affecter si fort et inutilement de ce qu'ils ne pouvaient ni réparer ni empêcher. […] Le théâtre jure si fort avec la religion et la morale, qu'on s'en moque, s'il en arbore les dehors.
Ce n’est donc pas la faute du Théatre, si certains Ouvrages, quoique fort bons et; fort utiles pour les mœurs, n’y sont pas bien reçus, c’est la faute des Auteurs, qui doivent amener avec circonspection les sujets qu’ils veulent traiter. […] La raison en est fort simple. […] Elle contient environ 24000 habitans, presque tous aisés, et; parmi lesquels il y en a de fort riches. […] Il est donc fort difficile de lui inspirer d’autres sentimens. […] Ce sexe est-il si fort enclin à la malice qu’il ne trouve point de milieu entre faire ou dire du mal ?
C’est la coutume que les Pères Confesseurs ont introduite depuis quelque temps, que d’autres plus scrupuleux qu’eux ne jugeraient peut-être pas fort Canonique. […] Car à l’examiner par les règles de l’une et de l’autre, comme nous allons faire, il ne semble pas qu’il soit fort digne d’un Prélat Chrétien.