L’Ecriture & les Peres lui fournissent toujours ses couleurs les plus vives, & ses traits les plus pathétiques : il emprunte jusqu’au langage des Payens, pour faire sentir le danger aux Chrétiens qui s’y exposent. […] On peut aisément deviner la réponse qu’y fait notre Docteur : des principes qu’il vient de nous exposer, il conclut qu’on ne peut ni permettre ni favoriser aucun Spectacle indécent ; qu’aucune raison de bien, même plus grand, ne peut l’autoriser ; & qu’on est obligé de s’y opposer de tout son pouvoir : en un mot le Théologien Espagnol met ces Spectacles au rang des poisons dont on doit empêcher le débit.
malgré mille précautions, une femme honnête et sage, exposée au moindre danger, a bien de la peine encore à se conserver un cœur à l’épreuve ; et ces jeunes personnes audacieuses, sans autre éducation qu’un système de coquetterie et des rôles amoureux, dans une parure immodeste, sans cesse entourées d’une jeunesse ardente et téméraire, au milieu des douces voix de l’amour et du plaisir, résisteront à leur âge, à leur cœur, aux objets qui les environnent, aux discours qu’on leur tient, aux occasions toujours renaissantes, et à l’or auquel elles sont d’avance à demi vendues ! […] Qui ne regarde ces malheureuses chrétiennes, si elles le sont encore, dans une profession si contraire aux vœux de leur baptême, comme des esclaves exposées en qui la pudeur est éteinte ?
Qui ne les regarde pas, ajoûte-t’il, comme des Esclaves exposées, en qui la pudeur est éteinte, quand ce ne seroit que par tant de regards qu’elles attirent ?
Ecoutons ce fameux Philosophe, « La Tragédie ne laisse pas de conserver toute sa force sans représentation & sans Acteurs62… Peu importe à une Pièce que l’Acteur manque de bien jouer son role63… de plus, la Tragédie fait son éffet seule & sans tous ces mouvemens64. » On conçoit qu’Aristote veut dire, qu’une Pièce doit se soutenir par les choses qu’elle contient, par la manière dont son stile expose & développe les sentimens, les passions des Personnages : ce qu’il adresse à la Tragédie se rapporte également à toutes les espèces de Drames quelconque.
Les premières, et qui furent introduites de bonne heure en ces divertissements furent les Fables Atellanes, ainsi nommées de la Ville d'Atelle dans la Campanie, qui fut toujours la Province des délices et des voluptés d'Italie, et d'où elles furent transportées à Rome ; Elles étaient comme des Satires agréables, sans aigreur et sans turpitude, et que la vertu Romaine avait accompagnées de bienséance et de modestie, et dont les Acteurs étaient en bien plus grande estime que les Scéniques et Histrions, et jouissaient même de quelques privilèges particuliers, entre autres de sortir du Théâtre avec les habits dont ils s'étaient servis dans leurs représentations ; ce qu'à parler franchement je ne saurais bien comprendre, quoique les Auteurs en fassent grand bruit ; car si l'on entend qu'ils sortaient ainsi de la Scène où ils avaient paru, je ne vois pas quel était leur avantage, ne croyant pas que les autres Histrions y reprissent leurs vêtements ordinaires avant que de disparaître aux yeux du peuple ; et si l'on veut dire qu'ils pouvaient même sortir de ce grand lieu que l'on nommait Théâtre, et aller à travers la Ville jusques dans leur logis, avec les ornements qu'ils avaient portés en jouant leurs Fables, je ne connais point quelle était l'excellence de ce privilège ; car c'était les exposer en mascarades publics aux petits enfants et aux grands idiots, qui n'étaient pas plus sages, à mon avis, dans la Ville de Rome, que dans celle de Paris ; et qui sans doute les auraient suivis avec beaucoup de bruit et de tumulte.
N’omettons aucune des leçons de cette Pièce fameuse, et exposons exactement tous les vices qu’elle a en vue. […] C’est une bien mauvaise maxime, pour faire détester le vice, que de l’exposer publiquement, et de le faire paraître au grand jour. […] Elles causeront d’autant plus de mal, qu’on se persuadera qu’elles en ont moins, et qu’on s’y exposera avec moins de crainte et de scrupule. […] On exposait dans ces deux Requêtes, et principalement dans celle de 1701, ce que M.F. expose dans ses Observations, que la Comédie condamnée dans les derniers siècles n’est point celle qui existe dans celui-ci ; que l’on était en droit dès lors (en 1701) d’espérer de l’Eglise l’absolution des Comédiens, et que les motifs qui ont occasionné les respectables décisions des Conciles, n’existaient plus. […] On convient que de tout temps les Comédiennes surtout, ont été plus exposées que d’autres à la médisance.
Mais icy il ne s’agit que de soy-mesme : Vous paroissez tel que vous estes, & tous vos pas & toutes vos actions sont tributaires aux yeux des Spectateurs, & leur exposent & le bien & le mal, dont l’Art & la Nature ont favorisé ou disgracié vostre personne.
Sur qui l’injuste Ciel fait tomber son courroux, A quel affreux malheur ton époux s’expose, Tu le vois accablé, j’en suis seule la cause, Faloit il que l’himen nous unit de ces nœuds, S’il devoit à jamais te rendre malheureux ; Mais je veux te venger du destin qui t’opprime, Vois ce que j’entreprends, reçois-moi pour victime. […] On a voulu donner un air d’importance à cet événement méprisable, pour avoir occasion d’exposer les tableaux les plus obscenes, d’autoriser le vice, de décrier la vertu, de décréditer le Clergé, par l’exemple des gens à qui on ne donne du mérite que pour relever l’Apologie des passions, & en illustrer la licence. […] (Il faut rémarquer qu’il n’y avoit alors en Italie, & qu’il n’y a encore à Rome de spectacle public, que dans le carnaval,) & pour débiliter les forces du diable ; il avoit établi des pratiques de dévotions, depuis la Purification jusqu’au Carême ; On exposoit le Saint Sacrement dans toutes les Paroisses, on le portoit en procession, il demeuroit toujours exposé à la Cathédrale, & toutes les communautés réligieuses y envoyoient, par tour, passer plusieurs heures en prieres. […] On peut en dire autant de la déclamation théatrale : tous vos gestes sont des sentimens ; on le peut dire des ornemens, des parures, mouches, fard, boucles de cheveux, draperie, de tout l’appareil de la scéne : ce sont des sentimens ; c’est un scandale de les ramasser, les combiner, les étaler pour produire cet effet dans le cœur ; c’est un péché de s’y exposer : peut-on mieux faire le procès au théatre, & détruire toutes ses apologies, que par l’éloge qu’en font les amateurs même.
Sans couvrir les Acteurs d’infamie, Athènes ne se dissimuloit pas le danger des représentations théatrales, & ne vouloit pas y exposer la vertu d’un sexe fragile, dont la modestie est le plus bel ornement. […] Les femmes sont trop paresseuses pour se donner tant de peine, & trop jalouses de leur beauté pour se défigurer par des mouvemens violens ; elles s’aiment trop pour s’exposer aux blessures & à la mort. […] Il est du moins certain qu’elles ne sont nulle part si libres, si répandues, si exposées au premier venu ; elles sont ailleurs renfermées dans un quartier d’où elles ne sortent jamais ; il faut les y aller chercher, & ce n’est qu’en cachette ; un honnête homme n’oseroit y aller publiquement. […] Je vous plains si vous avez pris ce goût pour des hommes publics, exposes par leur condition à la vue des autres.
La sainteté la plus affermie & la plus consommée, tremble & ne croit pas être en assurance dans les retraites les plus écartées ; & de jeunes personnes, avec une vertu très-foible, avec des passions fort vives & un cœur fort tendre, se croiront assez fermes pour s’exposer à un danger si certain & si évident ? […] Or, pour traiter cette matiere, mon dessein est d’exposer tout le mal des spectacles, & de combattre les prétextes qu’on allégue pour ne les pas condamner ; ainsi je vous ferai voir dans ma premiere Partie combien les spectacles sont mauvais ; & dans l’autre, combien les raisons qui les justifient sont frivoles. […] Quand vous dites que si le théâtre excite les passions, c’est indirectement & par hasard, je devrois peut-être vous demander d’abord, si même sur ce prétexte il peut vous être permis de vous y exposer, s’il faut toujours un péril certain pour vous interdire un divertissement. […] voilà les piéces qu’on expose tous les jours à vos yeux : est-ce donc là cette prétendue honnêteté que vous vantez si fort ? […] j’en suis sûr, quelque disposé que vous soyez d’ailleurs, vous craindriez que la mort ne vous y surprît ; & un Chrétien qui fait que le glaive suspendu sur sa tête, ne tient qu’à un simple fil prêt à se rompre ; un Chrétien qui sait que son Juge l’épie comme un voleur pour le surprendre, ce Chrétien s’expose sur un endroit où il craint de mourir ?
Ces passions dont il expose le conflict à nos yeux, il ne les a donc point conçues ?. […] Encore, dis-je, peut-être : les cabales, que la malignité souleve contre les piéces exposées sur la scène, ne sont qu’un trop puissant obstacle à la réputation littéraire.
A Sparte et à Rome, où le public n’exposait à la vue des Citoyens que des exemples de valeur et de fermeté, le peuple ne fut pas moins fier et hardi dans les combats, que ferme et constant dans les calamités de la République. […] Telle était l’envie de se lamenter, qu’on exposait bien moins de vertus que de malheurs ; de peur qu’une âme élevée à l’admiration des Héros, ne fût moins propre à s’abandonner à la pitié pour un misérable : et afin de mieux imprimer les sentiments de crainte et d’affliction aux Spectateurs, il y avait toujours sur le Théâtre des Chœurs d’Enfants, de Vierges, de Vieillards, qui fournissaient à chaque événement, ou leurs frayeurs, ou leurs larmes.
Paul ne se mettait pas en peine de l’idolâtrie des Marchés, où l’on immolait aux Idoles les animaux dont on exposait la chair en vente : Si quelqu’un des Infidèles vous invite à manger, dit ce grand Apôtre, et si vous voulez y aller, mangez de tout ce que l’on vous sert sans vous informer s’il a été immolé, ou non, il se contente qu’on ne les contraigne point de faire des actes d’irreligion h. […] tandis que vous étiez là, le temps s’est passé, la mort s’est approchée ; voici qu’elle se moque de vous, et qu’elle vous appelle à sa danse, en laquelle les gémissements de vos proches serviront de violons. » Vous donc qui citez saint François de Sales pour autoriser la Comédie ; n’en parlez donc que comme lui, et dites que ce n’est qu’une récréation impertinente, une fadaise et une niaiserie qui expose à de grands périls ceux qui s’y trouvent. […] Oui, Chrétiens, de vous exposer sans raison et pour votre seul plaisir, au péril de perdre la grâce. […] Il n’y a pas un si grand nombre de personnes qui s’expose à perdre tous leurs biens à ces sortes de jeux, comme il y en a qui exposent leur salut à la Comédie. […] Le repos qu’il est permis à l’homme de prendre, pour honorer celui de Dieu, n’est pas afin qu’il s’abandonne à la fainéantise, qu’il donne toute liberté à ses yeux, qu’il s’expose à des objets capables d’émouvoir ses passions ; mais afin qu’il rentre en lui-même, qu’il médite la Loi du Seigneur, qu’il interrompe les idées terrestres dont il a été occupé les autres jours ; pour rendre à son Créateur ce culte que les vrais adorateurs lui doivent rendre en esprit et en vérité.
Le premier Chapitre expose quelques passages, particulièrement du Nouveau Testament, avec des applications contre la Comédie. […] Dans le Cid on parle d’un parricide commis, en ces termes : « Enfin n’attendez pas de mon affection, Un lâche repentir d’une belle action, Je la ferais encore, si j’avais à la faire. » Et la Fille du Père assassiné, loue l’assassin, « Tu n’a fait le devoir que d’un homme de bien. » On y trouve des Leçons de vengeance d’un Père à son Fils : « Va contre un arrogant éprouver ton courage, Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, Meurs, ou tue. » Dans Polyeucte cette Pièce prétendue sainte, on voit une Fille qui parle d’un Amant que ses parents ne voulaient pas qu’elle épousât : « Il possédait mon cœur, mes désirs, ma pensée, Je ne lui cachais point combien j’étais blessée, Nous soupirions ensemble et pleurions nos malheurs, Mais au lieu d’espérance il n’avait que des pleurs. » On dit qu’on a combattu le faux dévot dans le Tartuffe ; cependant après qu’on a détrompé Orgon, on le fait ainsi parler contre tous les gens de bien : « C’en est fait, je renonce à tous ces gens de bien, J’en aurai désormais un horreur effroyable, Et m’en vais devenir pour eux pire qu’un diable. » Dans le Festin de Pierre, on expose les maximes les plus impies ; et le tonnerre qui écrase l’Impie, fait moins d’impression sur les méchants qui assistent à cette malheureuse Représentation, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits. […] Je ne dis rien de la fausseté de l’exposé de leur Requête, parce que cet Ouvrage la prouve assez.
jamais, je le jure, jamais je ne m’exposerai… Viens me sauver, mon ami : mon sort est de te devoir tout.