Et pourrait-on même se promettre après toutes sortes de précautions, que cette Histoire ne s’altérerait point dans des esprits, qui sont toujours amollis par des pensées tendres et délicates. […] Comment se persuader que ce sont là de dignes interprètes des Oracles du Saint Esprit ? […] . « La lettre tue et l’esprit vivifie. L’homme animal et charnel, n’est point capable des choses que l’esprit de Dieu enseigne, parce que c’est par une lumière spirituelle qu’on en doit juger. » Or saint Basile a prouvé bien au long, que l’Ecriture Sainte ne devait être lue que par ceux qui de la Lettre savent s’élever à l’esprit, à plus forte raison l’interprétation doit-elle supposer ces dispositions et ces lumières.
L'esprit y est tout occupé des objets extérieurs, et entièrement enivré des folies qu'il y voit représenter, et par conséquent hors de l'état de la vigilance chrétienne nécessaire pour éviter les tentations, et comme un roseau capable d'être emporté de toutes sortes de vents. Il y a bien de l'apparence que personne n'a jamais songé de s'y préparer par la prière, puisque l'Esprit de Dieu porterait bien plutôt à éviter ce divertissement dangereux, qu'à lui demander la grâce d'être préservé de la corruption qui s'y rencontre. […] » Ces esprits qui servent à Dieu de ministres ne sont pas stables, et il trouve des défauts dans ses Anges mêmes ; à combien plus forte raison des âmes enfermées dans des corps, comme dans des maisons de boue, seront-elles sujettes à la corruption et au péché ?
Ce sont des tours que joue une sorte à un jaloux, qui dans la crainte des infidélités ordinaires à celles qui ont de l’esprit, l’avoit exprès élevée dans l’ignorance, pour mettre son honneur en sûreté, en l’épousant. […] Cyr, non plus qu’Esther ; on veut des passions violentes, & on ne veut pas de dévotion, ou si l’on goûte des sentimens de religion, ce n’est pas par esprit de piété. Cet esprit est inconnu à la scène, on ne les goûte que comme un sentiment noble, une idée sublime, uu objet merveilleux, qui frappe l’esprit & l’amuse. […] L’orgueil fut la source du malheur de l’homme, que ce vice ne gâte jamais votre esprit, qu’il n’en paroisse aucun vestige dans vos paroles (quelle bassesse !). […] Que tous les jours de votre vie Dieu soit présent à votre esprit, gardez-vous de consentir jamais à aucun péché, & de transgresser en rien ses préceptes (minutie scrupuleuse !).
On est accablé d'affaires, de chagrins, de travaux ; l'esprit et le corps ont besoin de délassement, la comédie en offre un ingénieux et agréable. […] C'est cette dissipation et cette frivolité que donne le théâtre, cet esprit sage et sérieux qu'il détruit. […] Il tourne l'esprit à l'enjouement, à la bouffonnerie, à la malignité. Il attire l'esprit et le cœur au dehors, et les y retient par l'amusement et la volupté. […] Rien en effet de plus opposé que la profession, l'esprit, les lois, les modèles du christianisme, et le spectacle.
L’amour profane passe-t-il en votre esprit pour une passion honnête ? Plus on tolére ces vices sous une image de grandeur & de générosité, plus les impressions qu’ils font dans l’esprit sont dangereuses. […] Corneille a prétendu justifier le Théâtre par le discredit de sa Théodore qui frappoit l’esprit de l’affreuse idée d’une prostitution à quoi cette Sainte étoit condamnée. […] La vengeance n’est pas moins opposée à l’esprit du Christianisme, que l’orgueil & l’amour profane, & ce vice est assuré, dit Tertulien1, de faire fortune en une Tragédie ; on couvre d’oprobres sur le Théâtre, la patience qui supporte les injures, on y loue une fausse bravoure qui ne sçait point pardonner. […] Qu’un Héros se tue dans le désespoir, il paroît mourir noblement : toutes les piéces tragiques sont remplies de cette sorte de fureur qu’on nomme force d’esprit, & qui n’est au fond qu’une foiblesse occasionnée par un chagrin qu’on n’a pas le courage de supporter1 ; on s’en délivre par le suicide : c’est-à-dire, par une action lâche, dictée par la folie2 ; si l’on consultoit l’Evangile, on souffriroit volontiers les disgraces de la fortune, on mépriseroit les injures, on iroit au devant des humiliations, on embrasseroit les travaux de la pénitence, captivant son cœur, son esprit, ses sens sous le joug d’une mortification utile & nécessaire.
Non, il n’est pas défendu de se récréer quelquefois pour débander et délasser son esprit ; mais avec quelqu’un de votre sexe, mais honnêtement et modestement, rarement et par nécessité, afin que l’esprit étant délassé soit plus frais, vigoureux et mieux disposé pour s’appliquer aux choses sérieuses de notre profession et pour le service de Dieu : Hoc autem dico secundum indulgentiam, non secundum imperium ; car, comme S. Chrysostome a fort bien pesé, quel homme a jamais eu l’esprit plus bandé et occupé à des choses plus sérieuses que S. […] Si vous voulez être bien pourvue, vous devez avoir pour mari un homme d’esprit et de jugement, et il n’y a point d’homme doué de jugement qui ne soit plus aise d’épouser une fille sage, modeste, retenue et retirée, qu’une danseuse, qu’une volage ou éventée, semblable à ces fruits tout flétris qui ont traîné par les rues, et qui ont été exposés à cinquante jours de marché. […] Donc un seul texte de l’Écriture doit avoir plus d’ascendant sur votre esprit, que tous les raisonnements humains : or je vous en ai cité plus de six.
Néanmoins ces espèces sont mortes et trop limitées, pour rendre nos sens et nos esprits satisfaits ; c’est pourquoi les Théâtres entreprennent d’achever, ce qui manque à tous ces arts, et de nous faire voir les choses éloignées, avec des expressions plus vives, qui emportent même quelques avantages sur le naturel. […] L’esprit qui ne laisse pas de prendre interêt à ce qu’on lui représente, devine les événements, découvre les embuscades, préside aux conseils, donne les avis et les ordres avec autant de chaleur, que s’il avait à vaincre lui-même la fortune ; néanmoins comme la prudence humaine n’est pas assez éclairée, pour voir bien nettement l’avenir, mille accidents font des bigarrures, et des surprises qui l’entretiennent dans une délicieuse admiration. […] Ces spectacles feraient un des plus doux divertissements de l’homme particulier qui vit dans les villes ; et je crois qu’il ne pourrait prendre un plaisir plus innocent, que celui où l’esprit est en état d’agir pour se perfectionner, quand il se délasse. […] Si les comédies ont fait une leçon, les farces font un jeu des impuretés ; les rapts et les adultères y passent pour des galanteries, on les représente avec quelques rencontres lascives qui gagnent l’attention, et qui font passer l’effronterie pour une subtilité : l’esprit se fait insensiblement des habitudes du mal, par ces pernicieux exemples, et la grande compagnie qui les regarde avec plaisir, fortifie les âmes encore timides, contre les sentiments de la honte. Si la chasteté demande les retraites, les solitudes, les pénitences, comme son élément ; si elle ne gagne ses victoires, que par la fuite des occasions ; si avec tous les secours de la vertu, elle se trouve empêchée de se conserver contre les révoltes intérieures de l’appétit animal, comment peut-elle demeurer entière dans les comédies, où elle est battue par tant de machines, et vaincre dans une presse, où tous les objets des sens et de l’esprit se liguent contre elle ?
profaner l’inspiration de l’Esprit Saint jusqu’à la confondre avec la convoitise de la chair ? […] » Certes les Pièces de quelques Poètes sont des chefs-d’œuvre de finesse d’esprit ; si c’est la marque d’un esprit délié que de faire des quiproquo à tout moment. […] Sancho interrompt la sage paysanne, et dit avec cette finesse d’esprit que M. […] La Scène du Tailleur et du Jardinier est de la même solidité et de la même beauté d’esprit. […] Ou bien livré à vous seul, ne les repassez-vous jamais dans votre esprit ?
Il est vrai que cette continuité de la prière ne peut consister dans une attention perpétuelle de l'esprit à Dieu, et qu'il suffit qu'elle demeure quelquefois dans un simple désir que Dieu y connaît: mais il est certain que ce désir s'éteint facilement, si l'on n'a soin de le nourrir par des prières actuelles, et par la méditation des choses divines. […] L'on ne se peut pas procurer à soi-même l'esprit de prière, ni cette sainte ardeur qui s'excite quand il est plaît à Dieu par la méditation : « Et in meditatione mea exardescet ignis. » Mais le moins que l'on puisse faire, est de n'y mettre pas d'obstacle et d'empêchement en faisant volontairement ce qui est directement contraire à cet esprit.
Car Dieu, dit-il, nous a commandé de traiter avec douceur et paix le Saint Esprit, parce que c’est un esprit de douceur et de paix ; mais comment cela s’accordera-t-il avec les Spectacles, puisqu’il n’y a point de Spectacles sans émotion. […] Quelles grandes fatigues de corps ou d’esprit ont souffert tant de Dames mondaines qui vont y remplir les loges ? […] Je n’ai plus qu’une chose à ajouter, qui est que je ne connais point d’esprit plus opposé à l’esprit du Christianisme, et qui le sape plus dans le fondement que l’esprit de la Comédie. […] Il faut que sans y penser vous regardiez la Comédie comme un plaisir opposé à l’esprit de pénitence, comme il l’est en effet, et en ce cas vous deviez faire réflexion que la vie d’un Chrétien doit être une pénitence continuelle, que cet esprit de pénitence ne doit jamais le quitter, qu’il doit se priver de tous les plaisirs qui le détruisent, se contentant de se procurer ceux qui sont nécessaires pour le soulagement du corps ou de l’esprit, et qui ne sont pas opposés à cet esprit de pénitence. […] Quand une fois on est conduit par l’esprit d’erreur, il n’y a point de précipice dans lequel on ne puisse tomber.
Ils blâment dans les jeux et dans les théâtres l’inutilité, la prodigieuse dissipation, le trouble, la commotion de l’esprit peu convenable à un chrétien, dont le cœur est le sanctuaire de la paix ; ils y blâment les passions excitées, la vanité, la parure, les grands ornements qu’ils mettent au rang des pompes que nous avons abjurées par le baptême, le désir de voir et d’être vu, la malheureuse rencontre des yeux qui se cherchent les uns les autres, la trop grande occupation à des choses vaines, les éclats de rire qui font oublier et la présence de Dieu et le compte qu’il lui faut rendre de ses moindres actions et de ses moindres paroles ; et enfin tout le sérieux de la vie chrétienne. […] qui ne craint pas dans ces folles joies et dans ces folles douleurs, d’étouffer en soi l’esprit de prière, et d’interrompre cet exercice, qui selon la parole de Jésus-ChristLuc, XVIII. […] Que si on veut pénétrer les principes de leur morale, quelle sévère condamnation n’y lira-t-on pas de l’esprit qui mène aux spectacles, où pour ne pas raconter ici tous les autres maux qui les accompagnent, l’on ne cherche qu’à s’étourdir et à s’oublier soi-même, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond de la vie humaine, depuis que l’homme a perdu le goût de Dieu ?
L’Esprit de Moliere. […] Mot impie & sans esprit, car qu’est-ce que mourir dans la sacristie ? […] Voltaire, esprit fort, a répandu l’irréligion & la philosophie. Boileau, esprit caustique, a fait des satyres, un autre fait des romans, &c. […] Y auroit-il de femme d’esprit assez peu soigneuse de son honneur ?
Platon chassa de sa République les Comédiens, comme les corrupteurs de l’esprit & du cœur. […] Loin donc que ce jeune homme apprenne au spectacle à mettre dans ses vertus une certaine noblesse, dans ses mœurs une certaine régularité, dans ses manieres une politesse aisée, les effets redoutables qui en résultent toujours, doivent accréditer dans l’esprit des honnêtes gens, le danger des spectacles ». […] Comment penser, sans indignation, à cet esprit de fourberie & de mensonge, de dissimulation & d’intrigue ; à cet esprit de rivalité & de jalousie, d’animosité & de vengeance, de fureur & de cruauté, qu’on applaudit sur le Théatre ? […] L’esprit, le cœur, la conduite, les discours, tout annonce à quel degré de corruption les spectacles conduisent naturellement. […] Il s’élevoit souvent des nuages dans mon ame, sur un art si peu conforme à l’esprit du Christianisme : & je me faisois sans le vouloir, des reproches infructueux que j’évitois de démêler & d’approfondir.
Ils ne les effacent jamais de leurs mémoires : ils agissent en conséquence, lorsqu’ils jouissent de leur liberté ; et les voilà corrompus, dans le cœur et dans l’esprit, pour le reste de leurs jours. Si les Anciens ont poussé l’attention, sur cet article, jusqu’à défendre de réciter aux enfants des fables et des contes, qui renfermassent la moindre idée capable de les corrompre : s’ils ne ne permettaient pas même de les amuser par des allégories ; c’est qu’ils sentaient que les premières impressions, qui se font dans l’esprit des enfants, ne s’effacent jamais ; et que, dans un âge tendre, ils n’ont pas encore assez de pénétration pour distinguer l’allégorie de la vérité. […] La belle et nombreuse compagnie, les décorations, la symphonie et tout le reste de l’appareil les frappe si vivement, que nous serions étonnés, avec raison, s’ils nous rendaient un compte exact de tout ce qui leur passe dans l’esprit en ce moment. […] S’il nous est ordonné de ne pas donner de mauvais exemples à la jeunesse, c’est parce que les enfants, n’ayant pas assez de lumière pour juger des choses par eux-mêmes, ni assez de force pour combattre leurs désirs, se laissent entrainer par les impressions de l’exemple, et ne peuvent, pour ainsi dire, éviter de se corrompre, si les exemples, qu’ils ont devant les yeux, sont mauvais : ajoutons que les Grands, les personnes élevées en dignité, les vieillards, etc. ont un grand ascendant sur l’esprit des enfants par le respect qu’on leur inspire pour eux, et que leur faiblesse leur fait naturellement concevoir : ainsi, lorsqu’ils voient assister au Théâtre toutes ces personnes respectables, ils ne peuvent s’empêcher de prendre, pour les Spectacles, un goût et un attachement proportionnés à l’idée avantageuse qu’ils se sont formés des Spectateurs.
Ce serait avoir un esprit iconoclaste de vouloir abolir toute représentation morte ou animée des choses saintes. […] Disons mieux, le peuple court-il moins de risque de perdre, à son grand malheur, tout esprit de religion ? […] Je le tiens à ceux qui par un esprit de religion voulant des pièces pieuses, doivent être pleins de ces sentiments. […] Non : c’est l’esprit, c’est le goût, c’est l’intention de tout ce qui compose le spectacle. […] Le Saint Esprit n’y descendit jamais, il y a bien loin du théâtre au cénacle, où il remplit les Apôtres.