C’est donc des spectacles infâmes où l’on ne voit, et on n’entend que postures méfiantes et déshonnêtes, et paroles équivoques, quelquefois même brutales, dont j’ai eu dessein de parler ; et c’est encore sur ceux-là mêmes sur lesquels, mon cher Lecteur, je veux vous faire entendre derechef les sentiments de ceux qui les ont regardés dans l’esprit de Dieu. […] Après ce saint Evêque, je vous prie, mon cher Lecteur, d’entendre Tertullien, sur les sentiments que les Chrétiens de son temps avaient de ces sortes de divertissements ; voici comme il en parleLib. de spectat. c. 10 [Tertullien, Des spectacles, chapitre 10.]
Ils se font entendre de loin, & l’oreille fine de leur Climene ne perd aucun de leurs sons harmonieux, & ne les fait pas languir. […] Ce spectacle n’est pas pour le Peuple Péruvien qui n’entend pas la langue Espagnole. […] Les coquettes sont en grand nombre, entendent leur art parfaitement, & se font gloire d’avoir ruiné plusieurs amans, & avec la fortune font perdre la santé. […] Quand on entend fonner l’horloge, on demande quelle heure il est. […] A-t-on entendu des spectacles, les yeux mouillés & l’ame seche ?
doit-il être fort agréable de les entendre, quand on a des mœurs ? […] encore même les entend-on dans la bouche des Arlequins & des Sganarelles. Le Saint Esprit, qui dit que les paroles mauvaises corrompent les mœurs, ne parle-t-il que des discours grossiers, que les honnêtes gens n’entendent jamais ? […] C’est là que règne la licence : les yeux, les gestes, la langue, le cœur, tout s’y donne la plus libre carriere, tout s’y fait entendre, tout s’y fait goûter. […] qu’y entend-elle ?
Que présumer de là, sinon que si ces libertins et ces fils dénaturés venaient souvent aux spectacles, s’ils prenaient plaisir pendant deux heures par jour à entendre le langage de la Vertu, si l’on pouvait les habituer à venir souvent se convaincre de ses avantages dans nos Tragédies, l’amour naturel que vous leur supposez pour la Vertu deviendrait plus efficace. […] Il s’en faut bien que Médée opère le même effet, quoique l’inconstance de son mari semble en quelque façon justifier sa furie ; comme elle ne pense guère à la Vertu, j’ai toujours entendu dire de Médée : « la méchante femme ! […] »bw A vous entendre gémir de la sorte, qui ne croirait que vous venez de dire des vérités inutilement démontrées, qui ne croirait que vous en allez dire de nouvelles, et qu’elles auront un sort plus heureux ? […] J’entendais faire de toute part au poème l’application de cette pensée de Lucrèce : « Tantum Religio potuit suadere malorum ! […] [NDE] Aristote, Poétique, Chapitre II, 1448a 17-19 : « [C’est la même différence qui permet à la tragédie de se distinguer de la comédie :] l’une entend en effet imiter des hommes pires, l’autre meilleurs que les contemporains. » [trad.M.
Un chrétien est un homme qui, renonçant du fond de son cœur à tout ce qui flatte les sens, ne doit s’occuper qu’à les mortifier ; qui, ayant fait, comme le saint homme Job, un pacte avec ses yeux, pour ne point les arrêter sur aucun objet qui puisse corrompre la pureté de son âme, doit vivre en ange dans la maison d’argile qu’il habite : un chrétien est un homme dont les oreilles ne doivent entendre que ce qui est bon et édifiant ; qui, tout céleste dans ses pensées, tout spirituel dans ses actions, ne vit que selon Dieu et pour Dieu : un chrétien est un disciple de Jésus-Christ, qui, tout occupé de ce divin modèle, doit le retracer en lui tout entier ; qui adopte la croix pour son partage, qui goûte une vraie joie et une vraie consolation dans les larmes de la pénitence ; qui, toujours armé du glaive de la mortification, pour soumettre la chair à l’esprit, doit combattre sans cesse ses inclinations, réprimer ses penchants : un chrétien est un homme qui, convaincu que tout ce qui est dans le monde n’est, comme le dit saint Jean, que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, ne voit dans ces assemblées que périls, dans ces plaisirs que crimes ; et qui, en marchant à travers les créatures, doit craindre d’en être souillé : un chrétien est un homme mort au monde, mort à lui-même, et aussi différent des enfants du siècle que la lumière l’est des ténèbres ; enfin, un chrétien est un autre Jésus-Christ qui le représente, qui l’imite dans toutes ses actions, qui pense comme lui, qui non-seulement s’est engagé à marcher sur ses traces, mais qui a encore juré de ne jamais s’en écarter ; voilà ce que c’est qu’un chrétien. […] N’est-il pas indigne d’un chrétien, dont la conversation doit être dans le ciel, d’aller voir les indécences les plus grossières, et entendre les discours les plus dissolus ? […] Jésus-Christ présiderait à des assemblées de péché, où tout ce qu’on entend anéantit sa doctrine, où le poison entre par tous les sens dans l’âme, où tout l’art se réduit à inspirer, à réveiller, à justifier les passions qu’il condamnebb ! […] où en est la vertu d’une femme chrétienne, lorsqu’elle entend une personne de son sexe avouer sa faiblesse et la déclarer même au séducteur qui l’a fait naître ? […] Un chrétien, dont le principal soin doit être de triompher des penchants qu’il a promis solennellement de combattre, et qui ne peut être chrétien qu’à ce prix, peut-il, non-seulement les exciter et les nourrir, mais appeler à son secours des maîtres également entendus à les exciter et à les faire naître ?
Tout ce qu’on y voit & tout ce qu’on y entend, excite & entretient ces impressions. […] Et celui qui se plaît à n’entendre que des fables, se plaira-t-il à entendre la vérité ? […] n’ai-je pas eu la douleur de l’entendre dire ? […] Tout ce qui se voit & tout ce qu’on entend aux spectacles, est une occasion de péché. […] Les personnes mondaines n’entendent pas volontiers parler contre les bals & les spectacles.
La plus grande question est pour les Pièces de Théâtre, qui étant prononcées en public avec les actions qui y conviennent, sont entendues de tous ceux qui y veulent assister. […] Il y a des Gens si simples, qu’ils croient que la même reforme dure encore, parce qu’on n’entend plus de ces Farces impudiques qui n’avaient que des railleries de crocheteurs, et dont les meilleurs mots n’étaient que des impertinentes Equivoques ; Certainement on a bien fait de les condamner, mais si on ne se sert plus de ces pointes grossières où il n’y avait qu’un jeu de paroles sales proférées sans honte et sans respect ; ne connaît-on pas qu’en ce temps-ci on en dit presque de semblables ; mais plus finement et plus couvertement ? Autrefois toutes les femmes se retiraient lorqu’on allait commencer la Farce ; aujourd’hui on leur veut donner le plaisir d’y demeurer, ayant caché la malice si agréablement, qu’on croit qu’elles la peuvent entendre sans rougir. […] On dit qu’un grand Seigneur aimait si fort ce divertissement, qu’il voulait faire établir un Professeur pour la Poésie du Théâtre, comme il y en a pour l’Eloquence et pour les Mathématiques ; Qu’il entendait que celui-ci instruisît les Poètes qui voudraient faire des Comédies ou des Tragédies, afin qu’ils n’y missent rien qui ne fût convenable.
N’est-ce pas un concert bien entendu entre l’esprit de la scène et celui des lois, qu’on aille applaudir au théâtre ce même Cid qu’on irait voir pendre à la Grève, si la force des lois ne se trouvait pas inférieure à celle des vices qu’elles réprimentao ? […] On y fait entendre qu’on doit conserver son honneur aux dépens de la vie de quiconque ose le flétrir, et que, pour le réparer, il est indispensable de tuer un agresseur.
Ce cortége fut un jour entier à parcourir les rues de Moscou, au bruit épouvantable de toutes les cloches, trompettes, timbales, tambours instrumens de musique, de deux cens pieces de canons, de plusieurs milliers de mousquets, des airs redoublés de cinq ou six cens mille habitans ; on n’auroit pu entendre le tonnerre. […] Toute l’artillerie des vaisseaux & de la ville ne cessa de tirer, le même carillon se fait entendre, tambours, trompettes, instrumens de musique, les cris perçans d’un peuple immense font retentir les airs sur la terre & sur l’onde, les échos en mugissent au loin. […] Leibnitz n’influa point sur les sentimens du Roi de Suede : ce guerrier le vit à peine un instant à Leipsick, & ne s’embarrassa gueres de toute sa science ; il étoit trop occupé de la guerre de Pologne & de Saxe, pour s’amuser à des discussions philosophiques fort peu de son goût, & où il n’eût rien entendu. […] Les Demoiselles du Séminaire ou Collége féminin, qui s’est établi à Petersbourg, ont joué le jour de la fête de l’Impératrice, une Comédie françoise, un Opéra comique, qui ont été fort applaudis ; sur quoi le Gazetier d’Avignon, qui le rapporte, 19 juin 1776, ajoute : Ce succès doit engager les Auteurs françois à suivre les modeles du siecle de Louis XIV, & à traiter des sujets qui puissent être entendus & goutés de toutes les Nations. Car si par malheur le Marivaudagerime (je ne sai ce que c’est) faisoit des progrès, & si une piece vantée à Paris n’étoit pas entendue hors de sa banlieue, le Théatre François perdroit beaucoup de la réputation qu’il s’est acquise chez les étrangers, où le manege & la mode des beaux Arts ne peuvent atteindre.
Entendra ces discours sur l’amour seul roulant, Ces doucereux Renaud, ces insensés Roland ; Saura d’eux qu’à l’amour, comme au seul dieu suprême, On doit immoler tout, jusqu’à la vertu même ; Qu’on ne saurait trop tôt se laisser enflammer ; Qu’on n’a reçu du ciel un cœur que pour aimer ; Et tous ces lieux communs de morale lubrique Que Lully réchauffa des sons de sa musique ? […] C’est là que la volupté entre par tous les sens, que tous les arts concourent à l’embellir, que la poésie ne rime presque jamais que l’amour et ses douceurs ; que la musique fait entendre les accents des passions les plus vives ; que la danse retrace aux yeux ou rappelle à l’esprit les images qu’un cœur chaste redoute le plus ; que la peinture ajoute à l’enchantement par ses décorations et ses prestiges ; qu’une espèce de magie nous transporte dans les pays des fées, à Paphos, à Cythère, et nous fait éprouver insensiblement toute la contagion de l’air impur qu’on y respire ; c’est là que tout nous dit de céder sans résistance aux attraits du penchant ; c’est là que l’âme amollie par degrés perd toute sa force et son courage ; qu’on languit, qu’on soupire, qu’un feu secret s’allume et menace du plus terrible embrasement ; que des larmes coulent pour le vice, qu’on oublie ses vertus, et que, privé de toute réflexion, réduit à la faculté de sentir, lié par de honteuses chaînes, mais qui paraissent des chaînes de fleurs, on ne sait pas même s’indigner de sa faiblesseau. » Aussi Riccoboni, auteur et comédien tout à la fois, après être convenu que, dès la première année qu’il monta sur le théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvait s’empêcher d’avouer que rien ne serait plus utile que la suppression entière de tous les spectacles. […] En effet, on n’y entend retentir que des airs efféminés de ce genre de musique, auquel Quintilien reproche de contribuer à éteindre et à étouffer en nous ce qui peut nous rester encore de force et de vertu.
Ainsi, par exemple, ces représentations profanes, ces spectacles où assistent tant de mondains oisifs et voluptueux, ces assemblées publiques et de pur plaisir, où sont reçus tous ceux qu’y amene soit l’envie de paroître, soit l’envie de voir ; en deux mots, pour me faire toujours mieux entendre, comédies et bals, sont-ce des divertissements permis ou défendus ? […] Quand vous prétendez que le jeu, j’entends certain jeu, est indifférent, et quand je soutiens que l’excès du jeu est criminel, votre proposition et la mienne sont toutes deux vraies et se concilient parfaitement ensemble ; mais moi par la mienne je vous avertis d’un abus que la vôtre ne corrigera pas. […] Et de bonne foi, mes chers Auditeurs, pouvez-vous vous persuader que Dieu l’ait ainsi entendu, quand il vous a permis certaines distractions et certains délassements ? […] C’étoit, répond Saint Chrysostome, pour nous faire entendre que les choses même les plus nécessaires, celles qui nous touchent de plus près, et dont il semble que nous puissions moins nous passer dans l’usage de la vie, nous doivent être interdites, dès-là qu’elles nous font tomber en quelque sorte que ce puisse être, et qu’elles nous conduisent au péché. […] Vous m’entendez, mes chers Auditeurs, et vous devez m’entendre.
Ces Chœurs que le Peuple, quand on les chantoit, devoit entendre, puisque les Poëtes n’eussent pas pris la peine d’y rechercher un stile que le Peuple n’eût point entendu, sont souvent inintelligibles à nous qui les étudions, & leur seule obscurité suffiroit pour nous rebuter de ces Tragédies, si elles n’avoient un charme pour nous attirer. […] Un Homme qui dans une Place publique raconte en gémissant une avanture cruelle, se voit bientôt environné d’auditeurs, parce que tout tant que nous sommes, nous trouvons un secret plaisir à voir où à entendre raconter les malheurs de nos pareils. […] Les Poëtes ajustoient au Théâtre les Sujets pour les rendre plus terribles ; & la Religion contribuoit à les rendre vraisemblables : cette remarque est nécessaire pour bien entendre les Tragédies Grecques.
Mais comme il n’avait plus pour lui la nouveauté, que peu de personnes entendaient cette langue, et qu’on avait déjà donné des opérasl Français, à l’imitation des Italiens, qui avaient tourné le goût de la nation, cette pièce, quoique représentée avec une magnificence prodigieuse, ne réussit pas. […] Louis XIV fit semblant de ne pas entendre, ou peut-être n’entendit-il pas les traits malins lancés dans la tragédie d’Esther contre Innocent XI et le Prince d’Orange, ainsi que plusieurs autres dans les prologues des opérasq ; du moins est-il certain qu’ils ont tous été hasardés sans son aveu. […] 409.) : La Reine (Anne d’Autriche) aimait la comédie, et se cachait pour l’entendre, l’année de son grand deuil ; car hors de là elle y allait publiquement. […] Il se trouva dix ou douze Docteurs qui décidèrent que supposé que dans la comédie il n’y eût rien de scandaleux, ni de contraire aux bonnes mœurs, on pouvait l’entendre ; que l’usage de l’Eglise avait beaucoup diminué de la sévérité apostolique des premiers siècles ; ainsi la conscience de la Reine fut en repos. […] [NDE] entendus = compris.
» Si vous expliquez quelque endroit de l’Ecriture, dit encore ce saint Docteur, et que votre explication n’établisse pas la charité de Dieu et du prochain, vous n’entendez pas l’Ecriture, vous n’en prenez pas bien le sens. « Quisquis igitur scripturas divinas vel quamlibet earum partem intellexisse sibi videtur, ita ut intellectu non ædificet charitatem Dei et proximi nondum intellexit. […] » Donc quelque Histoire de l’Ecriture que l’on touche, si l’on n’y fait trouver cette double charité on ne l’entend point, et on l’altère. […] Quelle serait, je vous prie, la contenance des femmes qui se parent avec tant de soin pour s’aller montrer à la Comédie ; si au lieu de ce qu’elles y entendent, on leur disait avec Isaïe Isa[ie]. ch. […] Elles savent qu’entre les mains de ceux qui travaillent pour le Théâtre, l’Ecriture sera toujours altérée ; altérée, parce qu’ils ne l’entendent pas, parce qu’ils ne peuvent se dispenser d’y mêler de la galanterie, parce qu’ils veulent exciter d’autres mouvements que ceux que l’Ecriture inspire, parce qu’ils choisissent des sujets, qui, sans les précautions que le Théâtre ne saurait admettre, s’altèrent nécessairement dans l’esprit des gens du monde ; enfin parce qu’on ne saurait souffrir sur le Théâtre l’Ecriture expliquée et entendu comme elle le doit être. […] Mais enfin si l’on souffre ces sortes de personnes pour éviter de plus grands maux, comme on a toléré autrefois des choses qui paraissaient plus mauvaises ; il faut du moins qu’on fasse entendre qu’elles sont mauvaises ; et le comble des maux, est que le mal veuille se revêtir de tous les caractères du bien.
Et irait-on jamais les entendre, si l’on n’y recevait pas les émotions agréables que des passions toujours injustes, mais naïvement représentées, produisent en nous ? […] On m’entend. […] A entendre le Père, il songe plus à éviter les hommes « du grand Monde », que leurs passions. […] Si nous n’entendons pas ses réponses, consultons l’Eglise qui l’a connue parfaitement. […] Les Pères qui ont tant crié contre les désordres qui naissaient de là n’y entendaient rien.