C’est l’imagination la plus noire, qui ne peint que des objets terribles de toute espece, rien de plus hardi, de plus original, de plus rapide que son style, & de plus affreux que ses couleurs ; son pinceau l’emporte & sur Crébillon & sur tous les Tragiques François ; il faut un goût particulier de tristesse pour soutenir cette lecture ; elle plait aux Anglois qui se repaissent d’horreurs ; son génie est plus profond, mais plus boursoufflé, le gigantesque, même le bas, le trivial aussi fréquent que le sublime, sont retrouvés à chaque page, le coloris Britannique, c’est sur-tout le caractere de ses nuits, ouvrage célébre à qui rien ne ressemble, toutes ses œuvres, & singulierement son théatre, est le pendant de celui de Shakespear ; il n’a pas assez de beauté pour être comparé au paradis de Milton.
Les auteurs tragiques sont donc obligés, s’ils veulent exprimer une idée forte, de tourmenter leur génie pour la couvrir du voile de l’allégorie.
« Je ne sais, dit-il, s’il se peut trouver une plus grande corruption que celle qui se rencontre dans les Comédies ; car il y est fait mention de violemment de vierges, et d’amours de femmes débauchées ; et plus l’éloquence des Auteurs de ces fictions de crimes est forte, et plus les auditeurs en sont touchés et persuadés par la beauté du style ; leur mémoire retient plus facilement ces vers d’une belle cadence ; les histoires tragiques qui y sont représentées, leur mettent devant les yeux des parricides, des incestes, et d’autres crimes qui sont les sujet des Tragédies. […] » « elle regardait, dit-il, comme une chose honteuse et tout à fait indécente, de gâter un esprit bien élevé, et encore tendre par toutes ces histoires tragiques de femmes dont les Poètes sont remplis, ou par les saletés qui se trouvent dans les Comédies.
Tous les enfans faisoient des Chapelles, & Racine le fils dans la vie de son pere rapporte que ce fameux tragique construisoit des Chapelles avec les enfans, & faisoit la Procession avec eux.
Parmi toutes ces passions, qui jouent tour à tour de si beaux rôles, il en est une dominante, qui regne toujours, qui met en mouvement toutes les autres, & dont toutes les autres établissent l’empire : c’est l’amour, de toutes les passions la plus dangereuse, dont on chérit les blessures ; c’est elle qui forme toutes les intrigues, & qui à travers tous les événemens tragiques ou comiques, remporte enfin la victoire sur tout.
46, il rapporte un endroit des tragédies de Shakespear, très-beau, selon lui, où pour exprimer la grave attention que donne un de ses héros au récit de quelque évenement tragique, ce poëte divin fait cette sublime comparaison : L’autre jour en passant je vis un forgeron ; un marteau à la main & la gueule béante, avaler à longs traits d’un tailleur fanfaron le récit surprenant qui l’entraîne & l’enchante.
Tout cela fait rire, mais ces idées tragiques sur le duel (tom.
[NDE] Il se disait que les abeilles s’étaient arrêtées sur les lèvres du poète tragique lorsqu’il était au berceau, et un essaim d’abeilles fut gravé sur son tombeau.
Les Athéniens défaits en Sicile rachetèrent leur vie en récitant les Vers tragiques de ce grand Homme, tant leurs vainqueurs avaient d’estime & de vénération pour les Pièces de cet excellent Poète. […] Thomas Beterton aussi célèbre Poète & Acteur tragique, il était sobre, modeste, bon ami, & d’une société agréable : il mourut dans un âge avancé regretté de tout le monde.
Dans le comique il les diminue et les met au-dessous de l’homme ; dans le tragique, il les étend pour les rendre héroïques, et les met au-dessus de l’humanité. […] Je réponds que, quand cela serait, la plupart des actions tragiques, n’étant que de pures fables, des événements qu’on fait être de l’invention du Poète, ne font pas une grande impression sur les Spectateurs ; à force de leur montrer qu’on veut les instruire, on ne les instruit plus. […] La même cause qui donne, dans nos Pièces tragique et comiques, l’ascendant aux femmes sur les hommes, le donne encore aux jeunes gens sur les vieillards ; et c’est un autre renversement ces rapports naturels, qui n’est pas moins répréhensible. […] Les deux sexes aiment à vivre à part ; tous deux font cas des plaisirs de la table ; tous deux se rassemblent pour boire après le repas, les hommes du vin, les femmes du thé ; tous deux se livrent au jeu sans fureur et s’en font un métier plutôt qu’une passion ; tous deux ont un grand respect pour les choses honnêtes ; tous deux aiment la patrie et les lois ; tous deux honorent la foi conjugale, et, s’ils la violent, ils ne se font point un honneur de la violer ; la paix domestique plaît à tous deux ; tous deux sont silencieux et taciturnes ; tous deux difficiles à émouvoir ; tous deux emportés dans leurs passions ; pour tous deux l’amour est terrible et tragique, il décide du sort de leurs jours, il ne s’agit pas de moins, dit Muraltt, que d’y laisser la raison ou la vie ; enfin tous deux se plaisent à la campagne, et les Dames Anglaises errent aussi volontiers dans leurs parcs solitaires, qu’elles vont se montrer à Vauxhall.
L’histoire de Judith pourroit fournir de très-belles pieces au Théatre tragique & lyrique.
C’est une scène tragique où le théatre est ensanglanté dans le goût de Shakespear.
Il ne faut pas d’autres spectacles, celui qu’on y donne est un spectacle national, les Acteurs en sont excellens ; il y a du comique & du tragique, on reconnoît sans peine parmi eux les Arlequins, les Scaramouches, les Pantalons, &c de la grande troupe & les valent bien : sous ces noms ils désignent parfaitement & caractérisent clairement tous les Seigneurs qui composent cette assemblée ; les Ministres des Puissances co-partageantes la grande affaire de la division du Royaume, les Peuples qui en sont la victime ; rien de plus piquant pour les Polonois, il l’est moins pour nous qui ne connoissons pas les personnages ; mais rien de plus vrai & de plus juste, le Roi de Prusse y joue un grand rôle.
Dieu l’a permis plus d’une fois : témoin l’exemple tragique de cette femme, qui étant allée à la comédie, en revint avec un démon dans le corps.