Dieu a inspiré aux Princes d’entretenir cette défense par leurs Lois, puisque Philippe Auguste dans le 12 Siècle, chassa de sa Cour les Comédiens, au rapport de Dupleix Historien. […] Cet Abrégé des Conciles, des Synodes et des Rituels, doit convaincre que l’Eglise a toujours condamné et condamne encore à présent les Comédies de ce siècle, comme celles des siècles passés ; qu’elle des regarde comme de très grands désordres, puisqu’elle emploie contre les Comédiens, les peines les plus rigoureuses, savoir, l’excommunication, la privation de l’usage des Sacrements, même à la mort, et ensuite de la sépulture Ecclésiastique : en quoi elle renouvelle la plus grande sévérité des premiers siècles, puisqu’elle met les Comédiens au rang des blasphémateurs, des concubinaires et des usuriers publics. […] Quant à la Tradition des Pères de l’Eglise, je m’arrêterai seulement à ceux des premiers siècles, particulièrement à Tertullien, S. […] Je conviens que ces Saints Pères ont condamné les Spectacles par ces deux motifs ; mais je prétends qu’ils les ont de plus condamnés pour d’autres désordres, qui se trouvent dans les Opéra et les Comédies de notre siècle. […] » Je laisse faire de bonne foi l’application de tout ce discours de saint Jean Chrysostome : n’est-ce pas une peinture de nos Comédies, et une réponse à toutes les excuses de notre siècle ?
HISTOIRE DES OUVRAGES Qui ont paru pour et contre la Comédie, depuis le 17e Siècle. […] Hédelin, est le premier auteur Français de ce siècle (1600) qui ait osé entreprendre de justifier la Comédie : il fit deux ouvrages en 1657 : le premier intitulé Pratique du Théâtre. […] Ces deux ouvrages d’Hédelin ne furent pas sans réponse : on donna en 1659 un Traité contre la Comédie, qui se trouve dans le troisième volume des Essais de Morale ; et on peut regarder ce Traité comme une réponse ; car quoique l’Auteur n’y nomme ni Hédelin ni ses ouvrages, il se plaint cependant de la corruption de son siècle, de ce qu’on y avait voulu justifier la Comédie. […] Le Brun sur les Spectacles, intitulé Discours sur la Comédie, ou Traité historique et dogmatique des Jeux de Théâtre, et des autres Divertissements comiques, soufferts ou condamnés depuis le premier siècle de l’Eglise jusqu’à présent. […] Saint Ambroise, dans son Traité de la Fuite du siècle, chap. 1er.
Le génie perça cependant quelquefois dans ces siècles dont il nous reste si peu d’Ouvrages dignes d’estime ; la Farce de Pathelin ferait honneur a Molière. […] Si nous sommes étonnés, avec raison, que la Farce de Pathelin n’ait point eu d’imitateurs pendant plusieurs siècles, nous devons l’être encore plus que le mauvais goût de ces siècles d’ignorance règne encore quelquefois sur notre Théâtre : nous serions bien tentés de croire que l’on a peut-être montré trop d’indulgence pour ces espèces de recueils de Scènes isolées, qu’on nomme Comédies-à-tiroirs. […] Pourra-t-on croire un jour que dans le siècle le plus ressemblant à celui d’Auguste, dans la fête la plus solennelle, le manque de goût, l’ignorance & la malignité aient fait admettre & représenter une Parade de l’espèce de celles que nous venons de définir ?
Préface Une des grandes marques de la corruption de ce siècle est le soin que l'on a pris de justifier la Comédie, et de la faire passer pour un divertissement qui se pouvait allier avec la dévotion. Les autres siècles étaient plus simples dans le bien et dans le mal : ceux qui y faisaient profession de piété témoignaient, par leurs actions et par leurs paroles, l'horreur qu'ils avaient de ces spectacles profanes. […] Mais le caractère de ce siècle est de prétendre allier ensemble la piété et l'esprit du monde.
La Poètique de ce grand Philosophe est parvenue jusqu’à nous, malgré le nombre des siècles qui se sont écoulés. […] Elle semble acquérir chaque siècle un nouvel éclat. […] Notre Siècle ne s’est pas seulement orné d’un Spectacle digne enfant de la joie ; la Littérature fait d’un autre côté des progrès qui achévent de combler sa gloire. […] Il était réservé au Siècle où nous sommes de faire naître, ou de perfectionner, l’Opéra-Bouffon, & d’inventer de singulières Énigmes On ne se douterait peut-être jamais de ce qui me fait vivement regretter que nous n’ayons pas quelqu’ouvrage d’Aristote sur notre Spectacle favori.
Les mêmes esprits qui bouleverseraient un Etat pour établir une opinion souvent absurde, anathématisent les plaisirs innocents, nécessaires à une grande ville, et des Arts qui contribuent à la splendeur d’une nation : l’abolition des Spectacles serait une idée plus digne du siècle d’Attila, que du siècle de Louis XIV. […] Qui a ses mœurs établies en règlement au-dessus de son siècle : ou qu’il torde et émousse ses règles : ou, ce que je lui conseille plûtot, qu’il se retire à quartier, et ne se mèle point de nous.
Parce que l’Opéra-bouffon éxistait à peine au commencement du siècle, ils croyent pouvoir le dédaigner. […] Dans les beaux siècles de la Grèce, ont fleuri les Euripides & les Sophocles. […] Je suis honteux pour notre siècle, qu’il laisse subsister un pareil abus. […] Jugeons-nous notre siècle plus fécond que celui de Louis XIV ? […] Il est étonnant que dans un siècle où tout le monde se pique d’esprit & de philosophie, on ait à combattre des préjugés aussi bisares.
Vous verrez dans les Théâtres des choses qui vous donneront de la douleur, et qui vous feront rougir; c'est le propre de la Tragédie d'exprimer en vers les crimes de l'antiquité: On y représente si naïvement les parricides et les incestes exécrables des siècles passés, qu'il semble aux spectateurs qu'ils voient encore commettre électivement ces actions criminelles, de peur que le temps n'efface la mémoire de ce qui s'est fait autrefois ; les hommes de quelque âge, et de quelque sexe qu'ils soient entendant réciter ce qui s'est déjà fait, apprennent que cela même se peut encore faire ; les péchés ne meurent point par la vieillesse du temps. […] Le dérèglement est si grand, qu'on ne se contente pas d'être chargé de ses propres vices ; on se veut encore charger dans les Spectacles des excès de tous les siècles passez. […] Il faut donc fuir les Spectacles, non seulement afin que les vices ne fassent aucune impression sur nos esprits, qui trouble la paix et la tranquillité de nos cœurs ; mais aussi afin que nous ne nous laissons point emporter par la coutume du siècle aux attraits des voluptés, qui nous détournent de Dieu, et des bonnes œuvres que nous devons faire. […] Il faut donc éviter les plaisirs comme des pièges et des filets, de peur que nous engageant dans la mollesse des douceurs du siècle, et devenant esclaves de notre corps, nous ne tombions sous la puissance de la mort avec notre corps.
Les femmes de notre siècle ne jouissent-elles point de la bonne réputation, que celles des siècles précédents ont acquise à leur Sexe ; comme de certains sots, qui se croient être de grands hommes par la gloire de leurs ancêtres ? […] J’entends déposer publiquement contre elles tous ces bons faiseurs de Satires, de Caractères, et de Comédies, à qui l’on donne la louange de peindre si fidèlement d’après nature les mœurs de nos temps : Et pour faire ces portraits plus ressemblants, l’on emprunte les noms des femmes Grecques, et Romaines qui ont le plus deshonoré leur Sexe, et leur siècle. […] sur tant d’horreurs qui me font dire que notre siècle serait en quelque manière heureux, si l’honnêteté des mœurs en était quite pour les atteintes qu’elle reçoit de ces autres dérèglements. Mais si les Ministres de l’Évangile se taisent, en se plaignant peut-être, qu’ils n’ont pas la liberté prophétique de tout dire : La Providence a permis que la liberté comédienne et satirique y ait suppléé ; et que le siècle ne passât point, sans se voir reprocher publiquement sa corruption toute entière.
Comme les Comédies et les Romans sont quasi la même chose, et qu’ils ne diffèrent presque que dans le style, je parlerai de la Comédie et des Romans ensemble, sur les choses qu’ils ont communes, sans rien répéter de ce qu’on a écrit dans ce siècle, pour montrer combien la Comédie est dangereuse à des Chrétiens. […] Ce sont proprement des empoisonnements publics, qui tuent non seulement les hommes de leur siècle, mais de tous les siècles qui viendront après eux.
Il tâche de faire l’Apologie des Comédies de ce siècle, qu’il veut autoriser par deux passages de saint Thomas, et par un de saint Antonin. […] Discours sur la Comédie, où l’on voit la Réponse au Théologien qui la défend, avec l’Histoire du Théâtre, et les Sentiments des Docteurs de l’Eglise, depuis le premier siècle jusqu’à présent. […] Les Pièces de Sénèque y sont préférées à cause de leur modestie, aux Tragédies de ce siècle. Si celles de Plaute sont peu honnêtes, celles de Terence sont plus tolérables pour ces siècles-la, que celles de Molière pour le nôtre. […] L’Auteur fait voir dans les Pièces du Théâtre les plus approuvées dans ce siècle, le vice loué et estimé.
SIÈCLE. […] SAINT AMBROISE ARCHEVEQUE DE MILAN, Dans le traité de la suited du siècle Adam n'eût point été chassé du Paradis, s'il n'eût été séduit par la volupté ; c'est pourquoi David, qui avait éprouvé combien les regards sont dangereux, dit avec raison, que l'homme est heureux lors que le nom du Seigneur est toute son espérance, et qu'il n'a nul égard aux vanités et aux folies trompeuses du siècle. Celui qui s'applique à considérer que le Seigneur lui est toujours présent, et qui a toujours les yeux intérieurs de son âme arrêtés sur Jésus-Christ, n'a point égard aux vanités et aux tromperies du siècle. […] C'est pourquoi détournons nos yeux des vanités, de peur que la vue de ces folies n'imprime de mauvais désirs dans notre âme ; Et sans parler du sens mystique de ce passage, Dieu veuille que cette interprétation ait la force de retirer des Spectacles du Cirque et du Théâtre, ceux qui y courent: Ces Jeux que vous regardez ne sont que vanité, élevez vos yeux vers Jésus-Christ, et détournez-les des Spectacles, et de toutes les pompes du siècle. […] C'est ainsi que nous jouirons dans l'esprit, d'une joie céleste e ineffable, qui ne sera point troublée par les remords de notre conscience, qu'ayant mené ici-bas une vie chaste, nous serons couronnés dans le Ciel par la grâce et par la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l'Empire maintenant et toujours, et dans tous les siècles.
Mais les attaques successives que l’empire eut à essuyer, et qui, enfin, dans le cinquième siècle, le détruisirent dans l’Occident, firent cesser des jeux qui ne pouvaient se concilier avec les fréquentes inondationsg des barbares. […] Elles commencèrent à reparaître en Espagne dans le quinzième siècle, et dans le siècle suivant en Italie, en Angleterre, en Hollande et en Allemagne. […] Dans les premiers siècles de notre monarchie, nos rois, occupés à conserver ou à étendre leurs conquêtes, négligèrent longtemps les jeux et les plaisirs. […] « Au commencement du dix-septième siècle, sous Henri IV et Louis XIII, Hardy et Rotrou tirèrent, dit-on, du milieu des rues et des carrefours, la tragédie et la comédie : mais les poètes ne se ressentirent pas seulement de la corruption du siècle ; « ils l’augmentèrent encore, dit le président Hénault ; ils gâtaient l’esprit et le cœur des jeunes femmes par des vers libertins et des chansons licencieuses ». […] Mais leurs succès n’en imposèrent point aux savants des deux derniers siècles ; on les vit s’élever contre des poèmes dont la perfection littéraire ne tendait qu’à augmenter encore l’empire des vices.
Mais si leur vue s’était portée jusques dans les siècles reculés, ils auraient découvert la Comédie déja florissante, lorsque le genre sérieux commençait à peine à se distinguer de la farce. […] Je ne saurais me résoudre à croire que tant de siècles se soient écoulés, sans que les hommes ayent fait de grands progrès dans les Arts. […] Jugeons en par l’état dans lequel elle était le siècle passé, & qui ne parait point devoir changer de sitôt. […] Le siècle immortel de Louis XIV. arrive enfin. […] Des siècles entiers se sont écoulés dans des recherches infructueuses au sujet de bien des Sciences.