Les Livres ne présentent point de modèle aux yeux, mais ils en offrent à l’esprit : ils donnent le ton à l’imagination & au sentiment ; l’imagination & le sentiment le donnent aux organes. […] Il n’en est pas de même du bon esprit ; c’est par lui seul que le talent du bon Acteur s’étend & se plie à différens caractères : celui qui n’a que du sentiment ne joue bien que son propre rôle ; celui qui joint à l’âme, l’intelligence, l’imaginatien & l’étude, s’affecte & se pénètre de tous les caractères qu’il doit imiter ; jamais le même, & toujours ressemblant : ainsi l’âme, l’imagination, l’intelligence & l’étude doivent concourir à former un excellent Comédien. […] On raconte d’une Actrice célèbre, qu’un jour sa voix s’éteignit dans la Déclaration de Phèdre : elle eut l’art d’en profiter : on n’entendit plus que les accens d’une âme épuisée de sentiment.
Suivant le sentiment des personnes les plus graves, l’amour et les femmes fournissent les deux principaux motifs de la réformation du Théâtre ; mais je suis persuadé que quiconque proposerait de les en bannir, bien loin d’être écouté, ne ferait que s’attirer les railleries de la plus grande partie des hommes. […] Les sentiments les plus corrects sur le papier changeront de nature en passant dans la bouche des Acteurs, et souvent deviendront criminels, quand ils seront animés par l’exécution théâtrale. […] Et que sait-on si cette circonstance ne réveillerait pas, dans son cœur, des sentiments qui ne sont peut-être qu’assoupis, ou dont les germes, que tout homme bien né porte au dedans de lui-même, sont toujours prêts à éclore à la moindre occasion ? Les quatre sortes de sentiments que je viens d’indiquer sont tels que, s’ils étaient mis sur la Scène avec tout l’appareil propre à en faire valoir l’intérêt, ils ne pourraient manquer de remplir l’objet que l’on doit se proposer, qui est de corriger et d’instruire ; mais on ne saurait disconvenir que la passion de l’amour, ainsi qu’on a coutume de nous la représenter, ne produise des effets tout contraires. […] Les pères traversés dans leur passion par leurs enfants, prennent contre eux des sentiments de haine : les fils, de leur côté, deviennent ennemis de leurs propres pères, en devenant leurs rivaux : et, dans quelques Tragédies même, on voit des Princes qui ne veulent pas régner aux dépens de leur amour.
Néanmoins ce qui eût fait un beau Sermon faisait une misérable Tragédie, si les entretiens de Pauline et de Sévère, animés d’autres sentiments et d’autres passions, n’eussent conservé à l’Auteur la réputation que les Vertus Chrétiennes de nos Martyrs lui eussent ôtée. […] Pour vous dire mon véritable sentiment, je crois que la Tragédie des Anciens aurait fait une perte heureuse en perdant ses Dieux avec ses Oracles et ses Devins. […] Nous mettons une tendresse affectée où nous devons mettre les sentiments les plus nobles. […] Je ne dis point que ces Tragédies n’aient eu ce qu’elles devaient avoir pour plaire au goût des Athéniens : mais qui pourrait traduire en Français dans toute sa force l’Œdipe même, le chef-d’œuvre des Anciens ; j’ose assurer que rien au monde ne nous paraîtrait plus barbare, plus funeste, plus opposé aux vrais sentiments qu’on doit avoir. […] Je finirai par un sentiment hardi et nouveau.
Je prie le Seigneur qu’il veuille vous ouvrir les yeux, et vous donner des Sentiments d’une véritable componction. […] Ceux qui le croiront, n’auront pas pour vous des sentiments aussi favorables que moi : cela me fait de la peine. […] Ce que j’en dis, suffit pour vous faire voir quel est le sentiment de ces Conciles. […] Je n’aurais pas sans doute eu la peine de réfuter vos sentiments. […] Il s’agit présentement de concilier les sentiments des Pères avec ceux des Théologiens.
Il est certain qu'il n'y a rien dans toute la doctrine des mœurs que les Pères aient traité plus à fond, ni où ils se soient mieux précautionnés contre tous les faux raisonnements dont on se devait servir dans la suite des siècles pour justifier la Comédie, de sorte qu'ils n'ont laissé aucun moyen à ses défenseurs de donner à ce qu'ils en ont écrit, des interprétations à leur mode, ni aucun lieu de douter de leurs sentiments, à ceux qui cherchent la vérité dans la tradition de l'Eglise, dont ils sont les dépositaires. […] Mais comme ces choses sont si claires et si évidentes qu'elles n'ont pas besoin de preuves; et que le dessein de cet ouvrage a été principalement de montrer que la Comédie moderne, revêtue même de toute son honnêteté prétendue, est un mal, et que les Pères l'ont condamnée par les endroits qui paraissent les plus innocents à ceux qui ne savent pas assez quelle est la sainteté de la morale chrétienne, il faut faire voir dans cet avertissement les sentiments de ces grands hommes sur ce sujet, recueillis en peu de paroles, afin que ceux qui liront les traductions suivantes aient moins de peine à les remarquer lorsqu'ils les trouveront répandus dans leurs Ouvrages. […] Il reconnaît devant Dieu, comme un grand mal, le sentiment qui le portait, lorsqu'il voyait représenter des Amants qui étaient contraints de se séparer, à s'affliger avec eux. Je ferais un volume, et non pas un avertissement, si je voulais rapporter les sentiments de tous les Pères des autres siècles ; on les verra dans les traductions suivantes, et on les trouvera conformes à ceux des premiers siècles; ils désapprouvent tous la Comédie, par tous ces endroits qui se trouvent dans celles de ce temps d'une manière encore plus délicate, et par conséquent plus dangereuse que dans les Comédies anciennes. Si quelqu'un persiste après cela à préférer son jugement particulier à celui de l'Eglise, qui a toujours suivi comme une de ses plus importantes règles le consentement unanime des Pères, et qu'il continue à approuver un divertissement qu'ils condamnent, il ne faut pas essayer de lui prouver davantage une vérité si certaine; mais il suffit de lui dire ce que dit saint Athanase à un évêque de Corinthe, vos sentiments ne sont point ceux de l'Eglise orthodoxe, et nos ancêtres ne les ont point eus.
Il y aurait de la folie à une Mère d’avoir les entrailles de Mérope ; à une épouse d’avoir les sentiments d’Inès ! […] » Confrontons ce témoignage avec le sentiment de M. […] Il est aisé de reconnaître l’injustice de ce sentiment, etc. […] Vous reconnaîtrez, lui dirait-il, une femme honnête à ses principes, à ses sentiments, au caractère de son amour. […] C’est par principe qu’on l’admire, c’est par sentiment qu’on le plaint.
On va, dit-on, se délasser à la farce, un spectacle raisonnable applique et fatigue l’esprit ; la farce amuse, fait rire, et n’occupe point ; oui, je conviens qu’il est des esprits qu’une chaîne régulière d’idées et de sentiments doit fatiguer. […] Le public comprend trois classes : le bas peuple, dont le goût et l’esprit ne sont point cultivés, et n’ont pas besoin de l’être, mais qui, dans ses mœurs, n’est déjà que trop corrompu et n’a pas besoin de l’être encore par la licence des spectacles ; le monde honnête et poli, qui joint à la décence des mœurs une intelligence épurée et un sentiment délicat des bonnes choses, mais qui lui-même n’a que trop de pente pour des plaisirs avilissants ; l’état mitoyen, plus étendu qu’on ne pense, qui tâche de s’approcher, par vanité, de la classe des honnêtes gens, mais qui est entraîné vers le bas peuple par une pente naturelle. […] Sous les tyrans, la question n’est pas douteuse ; il est de la politique de rapprocher l’homme des bêtes, puisque leur condition doit être la même, et qu’elle exige également une patiente stupidité ; mais dans une constitution de choses fondées sur la justice et la raison, pourquoi craindre d’étendre les lumières et d’ennoblir les sentiments d’une multitude de citoyens, dont la profession même exige le plus souvent des vues nobles, des sentiments honnêtes, un esprit cultivé ?
Les anciens philosophes, qui nous ont soutenu que la vertu avait d’elle-même assez de charmes pour n’avoir pas besoin de partisans qui découvrissent sa beauté par une éloquence étudiée, changeraient sans doute de sentiment s’ils pouvaient voir combien les hommes d’aujourd’hui l’ont défigurée sous prétexte de l’embellira. […] Cher écrivain, de peur qu’en travaillant à vous attirer cette réputation d’homme de bien, vous ne perdiez celle que vous avez d’être fort habile homme et plein d’esprit, je vous conseille en ami de changer de sentiment. […] Ce sentiment était d’un homme de bien, vous en auriez été tout à fait loué, et pour édifier encore mieux vos lecteurs, vous pouviez faire une invective contre ce valet, en lui montrant quelle était son inhumanité de regretter plutôt son argent que son maître. Vous auriez bien plus meilleure grâce de blâmer un sentiment criminel et des lâches transports que vos oreilles avaient entendus, que l’impiété de ce fils, que vous connaissiez pour imaginaire et pour chimérique. […] Monsieur de Molière, qui connaît le faible des gens, a prévu fort favorablement qu’on tournerait toutes ces équivoques du mauvais sens, et, pour prévenir une censure aussi injuste que nuisible, il fit voir l’innocence et la pureté de ses sentiments par un discours le mieux poli et le plus coulant du monde.
Les amours de Junie, de Britannicus et de Néron, entrelassés avec les grands sentiments qu’Agrippine, Burrhus et Néron même font paraître dans cette Tragédie, la défigurent entièrement. […] Pierre Corneille, dans ce monologue, fait lui-même la critique de l’amour, indigne de traverser les beaux sentiments qui animent Cinna. […] Je souhaiterais donc qu’entre Æmilie et Cinna il n’y eût que des sentiments d’une véritable amitié et d’une parfaite confiance ; ces sentiments suffiraient pour les unir dans le choix des moyens d’assurer et de hâter leur vengeance ; puisqu’ils ont également tous les deux le même sujet d’être irrités contre Auguste. […] Il me paraît, au reste, que cette Tragédie prouve la probabilité du sentiment que j’ai proposé, au sujet de la catastrophe dans l’examen de la Tragédie de Géta. […] Dans les Scènes entre Romulus et Hersilie, je trouve du côté de Romulus des expressions de sentiment vives et tendres, qui me paraissent devoir être supprimées.
Ainsi les Poètes, qui pour leur plaire doivent s'accommoder à ces inclinations, sont obligés de faire en sorte que leurs pièces roulent toujours sur ces trois passions, et de les remplir ainsi d'amours, de sentiments d'orgueil, et des maximes de l'honneur humain. […] Je le ferais encor, si j'avais à le faire. » C'est par la même corruption d'esprit qu'on entend sans peine ces horribles sentiments d'une personne qui veut se battre en duel contre son ami, parce qu'on le croyait auteur d'une chose, dont il le jugeait lui-même innocent. […] Meurs ou tue. » Et cependant en les considérant ces sentiments selon la raison, il n'y a rien de plus détestable.
Agamemnon, et Clytemnestre m’intéressent bien davantage, et ce sont leurs sentiments qui m’ont touché. […] Ce sentiment me paraît encore plus austère que celui d’Achille, lorsqu’il veut éviter l’entretien de Clytemnestrec. […] Cependant je ne suis pas tout à fait de votre sentiment, quand vous dites que tout ce qui frappe les esprits dans les Tragédies Grecques est produit par d’autres passions que l’amour. […] Il pourrait désirer la gloire, et être délicat sur sa réputation ; car ces sentiments naturels étant combattus par sa Religion pourraient produire de fort belles choses. […] Pralard, 1671, et la réponse que lui apporte Du Plaisir dans les Sentiments sur les lettres et sur l’histoire, avec des scrupules sur le style, Paris, C.
Si j’avais fait ces Discours pour le public, j’aurais donné au premier une autre forme et pour le second, je ne sais si cette enchaînure des sentiments des Docteurs de l’Eglise, avec l’Histoire du Théâtre qui n’a pas déplu à nos Savants, pourrait plaire aux gens du monde, eux qui voudraient que les questions les plus difficiles fussent terminées en quatre mots. […] Je ne puis vous exprimer le plaisir que cette Lettre m’a donné : car outre que tout le monde doit être édifié des sentiments humbles et chrétiens dont elle est pleine, je vois avec joie que quelques mots un peu trop forts qui m’avaient échappé dans les Discours ne tombent que sur un Fantôme, et sur un Auteur inconnu, qui pour défendre la Comédie, s’est servi mal à propos du nom ou du moins des qualités d’un Prêtre et d’un Religieux tel que le R. […] Plusieurs personnes éclairées ne sont pas en cela de son sentiment : Elles trouvent que ces Discours sont très solides, appuyés sur la Doctrine constante des Pères, et pleins de recherches également utiles et curieuses.
Je n’ai garde de me jouer à mon Maître, je connais vos sentiments pour des sentiments puisés dans le sanctuaire de la droite raison ; ils deviennent d’autant plus forts, que vous les dépouillez de cette raison sèche et épineuse, qui fait qu’on se morfond souvent dans les peintures de la vérité : au lieu que lorsqu’elle est maniée par une plume vive et animée comme la vôtre, elle fait un progrès sur les cœurs, dont il n’est pas permis de se défendre. […] Il paraît bien que j’use de mon privilège, dès que j’ose vous soutenir, contre votre sentiment, que le Poème Dramatique n’est pas une Poésie indifférente de soi-même, et qu’elle est mauvaise, même indépendamment du mauvais usage qu’on en peut faire. […] Monsieur, j’ose encore ne pas convenir avec vous, que l’amour exprimé chastement dans cette Poésie, bien loin d’inspirer de l’amour, contribue à guérir de l’amour, pourvu qu’on n’y répande point d’images ni de sentiments voluptueux, et que si quelqu’un malgré cette précaution ne laisse pas de s’y corrompre, la faute vient de ce quelqu’un, et non pas de la Comédie. […] En tout cas, le Père Massillonf ne m’abandonne pas, puisqu’il est d’avis contraire au vôtre, à l’égard du Poème Dramatique ; j’ose glisser mon sentiment à la faveur du sien. […] L’Auditeur s’unit d’affection et de sentiment à cette pauvre forcenée ; on n’est point surpris de voir un amour accompagné de fureur, cela entre dans sa définition.
Pour moi, je l’ai vu cent fois déplorer ces égarements : mais aujourd’hui on autorise ce qui a fait la matière de sa pénitence et de ses justes regrets, quand il a songé sérieusement à son salut, et si le théâtre Français est aussi honnête que le prétend la dissertation, il faudra encore approuver que ces sentiments dont la nature corrompue est si dangereusement flattée, soient animés d’un chant qui ne respire que la mollesse. […] Il ne sert de rien de répondre, qu’on n’est occupé que du chant et du spectacle, sans songer aux sens des paroles, ni aux sentiments qu’elles expriment : car c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense ; et plaisent sans être aperçus.