/ 518
77. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « VI. » pp. 27-35

Vous dites, qu'il répond à l’élection, et qu’il sera représenté par la fable de la Pomme d’or. » Cette Pomme d’or, mes Pères, est propre à faire souvenir ceux qui ont lu les Poètes, de l’Histoire ou de la fable de ces trois Déesses qui se disputant l’une à l’autre le prix de la beauté s’en remirent au jugement de Pâris qui décida en faveur de Vénus. […] C’est donc de quoi il s’agit, de voir si vous faites paraître votre Héros comme le plus digne de l’Archevêché d’Aix représenté par la Pomme d’or. […]  » On ne saurait trop représenter aujourd’hui ces belles paroles de deux Empereurs Léon et Anathème :11 « Un Ecclésiastique, disent-ils, doit être tellement éloigné de briguer et de poursuivre cette dignité (ils parlent de l’Episcopat) qu’il faut le chercher pour l’y contraindre, et qu’étant prié et convié de l’accepter, il doit se retirer, et s’enfuir en sorte qu’il ne se rende qu’à une nécessité absolue qui l’excuse devant Dieu. […] Là vous y faites paraître des Génies qui se jettent incontinent sur la Pomme, qui représente une des plus grandes Dignités Ecclésiastiques ; Vous dites, que chacun tâche de s’en saisir, qu’ils ne peuvent s’accorder entre eux ; mais qu’enfin le seul Génie de votre Héros demeure, et que les autres s’enfuient ; Ici l’on est indigne de l’Episcopat, si on ne s’enfuit, si on ne résiste et si on ne se laisse faire violence pour l’accepter.

78. (1844) Théologie morale « CHAPITRE I. Des Péchés de luxure non consommée, sections 644-651. » pp. 291-296

Nous avons dit personæ grandiores ; car on tolère et on peut tolérer, même dans les églises, les anges, les génies qui sont représentés sous la forme de petits enfants. […] Ceux qui composent ou qui représentent des pièces de théâtre vraiment obscènes, comme certaines comédies ou tragédies où l’on ne respecte ni la vertu ni la sainteté du mariage, pèchent mortellement3. […] Si les choses représentées ne sont pas notablement obscènes, et si la manière de les représenter ne blesse point gravement les mœurs, il n’y a que péché véniel à assister au spectacle sans raison légitime.

79. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE PREMIER. Comparaison des Théâtres anciens avec les modernes. » pp. 2-17

Se voyant resserrée dans les bornes qu’on lui avait prescrites, elle eut recours à des intrigues et à des actions bourgeoises, qui représentaient les caractères, tels qu’on les voit dans la société, pour en montrer le ridicule et parvenir, par là, à les corriger. […] Ces Comédies furent représentées par une troupe de jeunes gens, et ne parurent pas sur le Théâtre des Comédiens. […] Si la Pièce de Molière, où ce caractère est représenté, ne corrige pas les Avares, qui, de peur de se reconnaître, éviteront sans doute d’aller au Spectacle lorsqu’on la jouera ; du moins on peut espérer qu’elle jettera dans le cœur des jeunes gens des semences d’horreur et d’aversion pour l’avarice qui les disposeront à se garantir de ce vice : et c’est là le grand bien que l’on doit attendre de cette Comédie. […] Quand même l’effet de cette Pièce serait assuré par rapport au vice de l’avarice ; quand même on supposerait qu’elle doit faire une égale impression sur l’esprit de tous les jeunes gens, (et il pourra s’en trouver plusieurs pour qui l’avarice aura de l’attrait, malgré le tableau affreux qu’on leur en aura présenté) il n’en est pas moins incontestable que le mauvais exemple des deux enfants de l’Avare est un poison mortel pour la jeunesse, devant qui cette Pièce est représentée : les jeunes personnes de l’un et de l’autre sexe n’effaceront jamais de leur esprit ni de leur cœur les idées et les sentiments que les enfants de l’Avare y auront gravés ; et ils s’en souviendront jusqu’à ce qu’ils aient fait l’essai d’une leçon si pernicieuse.

80. (1675) Traité de la comédie « XIII.  » p. 293

Cependant si l'on considère les Comédies de ceux qui ont le plus affecté cette honnêteté apparente, on trouvera qu'ils n'ont évité de représenter des objets entièrement déshonnêtes, que pour en peindre d'autres aussi criminels, et qui ne sont guère moins contagieux. […] Plus ils colorent ces vices d'une image de grandeur et de générosité, plus ils les rendent dangereux et capables d'entrer dans les âmes les mieux nées ; et l'imitation de ces passions ne nous plaît que parce que le fond de notre corruption excite en même temps un mouvement tout semblable, qui nous transforme en quelque sorte, et nous fait entrer dans la passion qui nous est représentée.

81. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XIII.  » p. 468

Cependant si l'on considère les Comédies de ceux qui ont le plus affecté cette honnêteté apparente, on trouvera qu'ils n'ont évité de représenter des objets entièrement déshonnêtes, que pour en prendre d'autres aussi criminels, et qui ne sont guère moins contagieux. […] Plus il colore ces vices d'une image de grandeur et de générosité, plus il les rend dangereux et capables d'entrer dans les âmes les mieux nées ; et l'imitation de ces passions ne nous plaît que parce que le fond de notre corruption excite en même temps un mouvement semblable, qui nous transforme en quelque sorte, et nous fait entrer dans la passion qui nous est représentée.

82. (1541) Affaire du Parlement de Paris « Procès-verbal de l’action intentée devant le Parlement de Paris par le procureur général du Roi aux “maîtres entrepreneurs” du Mystère des Actes des Apôtres et du Mystère du Vieil Testament (8-12 décembre 1541) » pp. 80-82

Et, pour le fait,r dit que, depuis trois ou quatre ans en ças, les maîtres de la Passion ont entrepris de faire jouer et représenter le Mystère de la Passion, quit a été fait. […] Secundo, les prédications sont plus décentes pour l’instruction du peuple, attendu qu’elles se font par théologiens gens doctes et de savoir, que ne sont les actes ou représentations qu’on appelle jeux, que font gens ignorants et indoctes, et qu’ils n’entendent ce qu’ils font ni ce qu’ils disent, représentant des actes des apôtres du vieil testament et autres semblables histoires qu’ils s’efforcent représenter. […] Il est vrai que les entrepreneurs ne sont gens pour faire l’édification mais par l’histoire jouée sera représenté l’Ancien Testament, et le pourront les rudesbs et non savants mieux comprendre, à le voir par l’œil, que par la seule parole qui en pourrait être faitebt. […] [NDE] Tant dans l’histoire représentée que dans la manière de la jouer. […] Curieusement, il ne représente pas les entrepreneurs des Actes des Apôtres, convoqués par le Parlement, mais ceux du Viel Testament qui, sans être au départ incriminés, ont le plus à perdre puisque, en dépit des frais engagés, leur projet est suspendu.

83. (1671) Lettre d’un ecclésiastique à un de ses Amis « letter » pp. 472-482

Représentez-vous d’un côté le Calvaire, et de l’autre le Théâtre, et vous avouerez qu’il n’y a personne qui puisse assembler l’amour de l’un et de l’autre « Hinc vel maxime intelligunt Ethnici factum Christianum de repudio spectaculorum. […] On peut considérer quatre choses dans la Comédie : la matière, qui est ce que l’on représente. […] On représente sur le Théâtre des Histoires, dont les unes sont inventées à plaisir, et tirées des Romans : les autres sont prises dans les livres de ceux qui ont écrit ce qui s’est passé de plus mémorable dans le cours des siècles. […] Il leur est indifférent de représenter un Saint, ou un démon ; une Vierge Martyre, ou une prostituée. […] On peut représenter, Monsieur, que ces désordres n’arrivent pas toujours, et que les Comédiennes sont quelquefois si mal faites, et ceux qui les voient si peu disposés au péché, qu’ils peuvent se regarder les uns les autres sans aucun péril.

84. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IV. Les spectacles inspirent l’amour profane. » pp. 32-50

On dira peut-être que les passions qu’on y représente sont légitimes, parce qu’elles ont le mariage pour but : mais, quoique le mariage fasse un bon usage de la concupiscence, la concupiscence est cependant toujours mauvaise par elle-même, elle conserve toujours quelque chose du dérèglement qui lui est propre. […] Ils n’ont mis en jeu que des passions folles ou criminelles, et les plus légitimes, ils les ont rendues répréhensibles et dangereuses par la manière dont ils les ont représentées. […] « En effet, continue ce spirituel courtisan, c’est une peinture si naturelle et si délicate des passions, qu’elle les anime et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l’amour, lorsqu’on la représente chaste et honnête. […] On s’imagine que ce n’est pas blesser la pureté que d’aimer d’un amour que la conscience représente comme sage. […] On se remplit, on se pénètre à loisir des mêmes vues, des mêmes penchants que font paraître les personnages qu’on représente.

85. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre III. Origine des Théâtres. » pp. 22-49

Les uns célébraient par leurs danses la victoire qu’ils remportaient ; les autres représentaient par des gestes l’audace, la frayeur & la fuite de leurs énnemis. […] On aura voulu représenter l’allégresse qu’on éprouve, une coupe à la main ; les Chansons auront d’abord exprimé les sentimens de l’âme. […] Les Faunes, les Silvains & les Bacchantes, me paraissent autant d’Acteurs qui représentent divers personnages ; Silène était le bouffon de la Pièce. […] Le ridicule de voir sur la Scène représenter la Passion, ne surprendrait point, si l’on considérait quelles étaient les mœurs & la façon de penser des Siècles qui s’en amusèrent. […] Comme la folie de se croiser circulait dans l’Europe aussi bien qu’en France, on vit aussi presque dans le même tems représenter par-tout les Mystères de la Passion.

86. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

C'est une véritable peinture, les paroles y peignent les pensées ; et l'action, les actions et les choses; et si cette définition peut convenir en quelque sorte à l'Histoire et à la fable, le Poème Dramatique a cela de différent d'elles, qu'outre qu'elles ne lui servent que de matière; il nous fait voir les choses comme présentes, que l'Histoire et la fable nous racontent comme passées, et qu'il les représente d'une manière vive, animée, et pour ainsi dire, personnelle; au lieu que l'histoire et la fable ne nous les font voir que d'une manière morte et sans action. […] Les différentes beautés des pièces consistent aujourd'hui aux diverses manières de traiter l'amour, soit qu'on le fasse servir à quelque autre passion, ou bien qu'on le représente comme la passion qui domine dans le cœur. […] Les femmes ne négligent rien pour paraître belles : elles y réussissent quelquefois, et s'il y en a quelqu'une qui ne la soit pas, il ne faut pas s'en prendre à la Comédie, rien n'est plus contre son intention, puisqu'elle lui fait tenir la place d'une personne qui a été l'objet d'une passion violente, qu'une Comédienne sans beauté ne représente pas fidèlement: mais ce qui est de plus déplorable, c'est que les poètes sont maîtres des passions qu'ils traitent, mais ils ne le sont pas de celles qu'ils ont ainsi émues ; ils sont assurés de faire finir celles de leur Héros et de leur Héroïne avec le cinquième acte, et que les Comédiens ne diront que ce qui est dans leur rôle, parce qu'il n'y a que leur mémoire qui s'en mêle. […] Ils disent qu'il est vrai que la Comédie est une représentation des vertus et des vices, parce qu'il est de la fidélité des portraits de représenter leurs modèles tels qu'ils sont, et que les actions des hommes étant mêlées de bien et de mal; il est par conséquent du devoir du Poème Dramatique de les représenter en cette manière. […] La vengeance n'est-elle pas encore représentée dans Comélie comme un effet de la piété et de la fidélité conjugale jointes à la force et à la fermeté Romaines, au troisième Acte de La Mort de Pompée, Scène quatrième, lorsqu'elle dit à César.

87. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE II [bis]. De la Comédie considerée dans elle-même, et dans sa nature. » pp. 29-54

Les Comédiens qui la représentent. […] Un bon Acteur sait animer de telle sorte sa voix, et si bien ajuster ses paroles avec ses gestes et ses postures, que la passion qu’il représente fait d’ordinaire impression sur ceux qui l’écoutent, parce qu’il paraît ressentir lui-même cette passion, Et c’est ce qui les touche. […] Tout ce qui se représente dans la Comédie, n’est qu’intrigues d’amour, que jalousies, que vengeances, ambitions et colères. […] Mais la Comédie souille et rend également coupables, et ceux qui la représentent, et ceux qui la voient représenter. Car, lorsque les spectateurs prennent plaisir à regarder ce qui se passe sur le théâtre lorsqu’ils l’approuvent et y applaudissent ; c’est comme s’ils la représentaient eux-mêmes.

88. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre IV. Il faut que le nouveau Théâtre se fonde sur la Vérité & sur la Nature. » pp. 133-138

Représente-t-il une action villageoise, on croit voir agir les vrais habitans de la campagne ; l’ame trompée par les charmes de l’illusion, éprouve alors le même sentiment dont elle est pénétrée quand nos oreilles sont frappées du son rustique des chalumeaux, & quand nos yeux errent agréablement sur une vaste plaine couverte d’herbes & de fleurs. […] L’Art des Tragiques Grecs est de persuader que l’action s’est passée comme ils la représentent, & qu’elle n’a pu se passer différament. […] Il est plus séant d’aller au Spectacle que dans la boutique d’un vil Artisan ; & puis d’ailleurs, les Bucherons, les Maréchaux, les Cordonniers qu’on nous représente sur le Théâtre, chantent un peu mieux que ceux qui sont par le monde.

89. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CONCLUSION, de l’Ouvrage. » pp. 319-328

Le Théâtre devant réprésenter des actions humaines, soit les actions éclatantes des grands Hommes telles qu’on en voit dans la Tragédie, soit les actions communes des hommes ordinaires comme dans la Comédie, il est évident que l’art principal de ce Spectacle doit consister à imiter la nature, en sorte que le Spectateur croit voir ceux qu’on lui représente, et soit affecté de la même manière qu’il le serait si l’action représentée se passait réellement devant ses yeux. […] Je suppose que quelqu’un des Spectateurs aura par préférence été touché en voyant représenter le Cid de l’impétueux transport du Comte de Gormas, et qu’en conséquence il conservera un mouvement d’indignation contre ce Comte ; un autre au contraire s’en retournera pénétré de la généreuse compassion qu’il aura ressenti pour Rodrigue lorsqu’il apprend l’insulte faite à son père : un troisième enfin animé par le courage de Rodrigue, remportera du Théâtre des sentiments de vengeance.

90. (1788) Sermons sur les spectacles (2) « Sermons sur les spectacles (2) » pp. 6-50

avec quelle force ne devons-nous pas leur représenter que le Dieu qu’ils servent est un Dieu jaloux, qui veut être aimé uniquement, qui ne souffre point de partage dans les cœurs qui se donnent à lui, & qui rejette enfin comme indignes de lui, des hommages qu’on rend également au monde son ennemi ? […] Elles ne se sentent que trop sans doute de la corruption qui régnoit parmi ce peuple idolâtre : mais sont-elles, en effet, plus licentieuses, plus dangereuses pour les mœurs, que celles qu’on représente aujourd’hui sur nos théâtres ? […] Lorsque nous leur représentons combien cette espèce de luxe est criminelle & dangereuse pour les mœurs, ils nous répondent, comme vous, qu’ils n’en reçoivent aucune impression fâcheuse ; qu’ils ne voient dans ces tableaux que l’habileté du Maître qui les a peints ; qu’à peine ils font attention aux objets qu’ils représentent ; & qu’enfin ils n’en sont pas pour cela plus émus. […] Oui ; ce plaisir prouve que vous avez reçu dans votre cœur l’impression de toutes les passions qu’on y représente. […] Si tous ces sentimens ne passoient pas dans votre ame, vous accuseriez la pièce, ou ceux qui la représentent, de n’avoir pas atteint le but qu’ils se proposoient ; & l’ennui, plus efficace que nos exhortations, vous feroit bientôt renoncer à un plaisir devenu pour vous si insipide.

/ 518