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5. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE PREMIER. De la Passion de presque tous les Peuples pour la Poësie Dramatique. » pp. 8-16

Leurs Représentations, qui sont superbes par les décorations, s’exécutent depuis le Soleil couchant jusqu’au Soleil levant. […] Deux Juges président à ces Représentations, pour décider du mérite de la Piéce. […] Dans le quinziéme siécle nos Représentations saintes duroient quelquefois quatre ou cinq jours. […] C’est un Poëme mêlé de l’Epique & du Dramatique, dont la représentation dure trois jours entiers. […] Il est aisé de penser que la conduite des Piéces n’étoit pas plus vraisemblable que la Représentation.

6. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre premier. Origine des Spectacles. » pp. 1-14

Solon eut la curiosité d’aller voir ses représentations et ses fictions tragiques ; il en fut si indigné qu’il lui dit : « N’as-tu pas honte de mentir ainsi devant tant d’honnêtes gens ?  […] La scène comique dans les commencements était une représentation d’après nature ; les personnes y étaient désignées par leurs noms. […] Cependant, jusqu’au treizième siècle, il n’y eut point de représentations publiques ; elles se faisaient dans des maisons particulières. […] Il y avait de ces représentations privées mêlées de musique et de jeux, qu’on donnait dans les banquets royaux, et qui, pour cette raison, étaient appelées entremets. […] Les clercs des procureurs au parlement transigèrent avec les enfants sans souci pour donner au public de pareilles représentations : ils s’appelaient basochiens.

7. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre XIII. S’il est nécessaire qu’une Pièce de Théâtre plaise autant à la lecture qu’à la représentation. » pp. 359-363

S’il est nécessaire qu’une Pièce de Théâtre plaise autant à la lecture qu’à la représentation. […] L’on ne doit absolument travailler pour le Théâtre, continuent-ils, qu’afin de plaire dans l’instant de la représentation. […] Pendant le tems des représentations. […] On n’a jamais entendu que le succès d’un Drame se borna à sa représentation. […] Ecoutons ce fameux Philosophe, « La Tragédie ne laisse pas de conserver toute sa force sans représentation & sans Acteurs62… Peu importe à une Pièce que l’Acteur manque de bien jouer son role63… de plus, la Tragédie fait son éffet seule & sans tous ces mouvemens64. » On conçoit qu’Aristote veut dire, qu’une Pièce doit se soutenir par les choses qu’elle contient, par la manière dont son stile expose & développe les sentimens, les passions des Personnages : ce qu’il adresse à la Tragédie se rapporte également à toutes les espèces de Drames quelconque.

8. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre XII. Que la représentation des Comédies et Tragédies ne doit point être condamnée tant qu'elle sera modeste et honnête. » pp. 237-250

Que la représentation des Comédies et Tragédies ne doit point être condamnée tant qu'elle sera modeste et honnête. […] Si donc il est arrivé que le libertinage des Acteurs ait donné quelque peine à la pudeur des Ames Chrétiennes, il ne faut en cela qu'imiter les Empereurs qui n'ont jamais rien prononcé contre ces représentations, et qui se sont contentés d'en réformer l'abus, et d'imposer des peines rigoureuses contre ceux qui par leurs désordres corrompaient l'excellence de cette Poésie et la beauté de sa représentation ; il en faut chasser le vice qui se doit faire haïr partout, et conserver un art qui peut plaire. […] les Comédies étaient représentées dans les Eglises ; et durant plusieurs années, on n'y trouva rien à redire, mais lors que les Ecclésiastiques entreprirent d'y paraître avec des masques et diverses bouffonneries indignes de la sainteté des lieux, Innocent III condamna ce désordre sans condamner ces représentations, ni même chasser ces Jeux de Théâtres hors des Eglises. […] Il est certain néanmoins que depuis quelques années notre Théâtre se laisse retomber peu à peu dans sa vieille corruption, et que les Farces impudentes, et les Comédies libertines, où l'on mêle bien des choses contraires au sentiment de la piété, et aux bonnes mœurs, ranimeront bientôt la justice de nos Rois, et y rappelleront la honte et les châtiments ; et j'estime que tous les honnêtes gens ont intérêt de s'opposer à ce désordre renaissant, qui met en péril, et qui sans doute ruinera le plus ordinaire et le plus beau des divertissements publics ; Car l'opinion des doctes Chrétiens, est que la représentation des Poèmes Dramatiques ne peut être condamnée quand elle est innocente, quand elle est honnête. […] Et pour ne pas abandonner entièrement cette dernière pensée favorable à la représentation des Poèmes Dramatiques, je l'appuierai seulement du témoignage de Saint Thomas, qui par sa profession2. 2. q. 168. 3. art. 3.

9. (1845) Des spectacles ou des représentations scéniques [Moechialogie, I, II, 7] pp. 246-276

Des spectacles ou des représentations scéniques. Les représentations théâtrales abstractivement considérées ne sont pas mauvaises, ou, si l’on veut, elles ne sont pas mauvaises de leur nature ou par elles-mêmes. […] Elles viennent de Sanchez et de saint Liguori, et elles ont été récemment reproduites par Mgr Gousset en ces termes : « Il y aurait péché mortel pour les simples spectateurs qui assisteraient à une représentation notablement obscène, pour le plaisir honteux que cette représentation peut occasionner. […] On ne commet donc, d’après ce qui précède, qu’un péché véniel en assistant, par curiosité ou par récréation, à une représentation notablement obscène. […] On n’aurait pas dû, d’après cela, appliquer l’expression notablement obscène à ce dernier cas, ou à la représentation où l’on ne fait faire qu’un péché véniel, et l’on aurait dû se contenter de dire tout simplement : représentation indécente, qui certainement dit moins que notablement obscène ; sans qu’il faille en conclure que nous croyons que l’on ne pèche que véniellement quand on assiste sans nécessité à un spectacle indécent.

10. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XXIII. Impossibilité de réformer entièrement les spectacles. » pp. 191-194

Si on avait pu approuver quelques représentations, c’étaient surtout celles que les maîtres proposaient quelquefois dans les collèges à leurs jeunes élèves, pour les aider à former leur style et leur action, et pour leur procurer à la fin de l’année un honnête délassement. Ces représentations étaient ordinairement en latin : le sujet en était toujours saint et pieux, et excluait tout ce qui s’éloignait de la décence. […] Mais le parlement voyant d’un côté tout ce qu’on avait à redouter du goût excessif de la nation pour le théâtre, et voyant d’un autre que ces représentations de collège habituaient les jeunes gens à avoir moins d’horreur pour celles qui avaient lieu à la comédie, les supprima. Les amateurs des spectacles s’autorisaient de ces sortes de représentations.

11. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Mais en est-il de même d’une représentation ? […] quel esprit de vérité & quelle intelligence l’art de la représentation exige ! […] Si la Piéce avoit un tour de représentation marqué, qu’elle joignit au caractére des rolles, le génie de l’expression : pourquoi l’Auteur seroit-il aussi inepté à la représentation ? […] & peut-on sans ridicule ne pas compter au nombre celui de la représentation ? […] J’en atteste la représentation, la lecture, même le coup d’œil.

12. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XX. Silence de l’Ecriture sur les spectacles : il n’y en avait point parmi les Juifs : comment ils sont condamnés dans les saintes Ecritures : passages de saint Jean et de saint Paul. » pp. 72-75

Les saints Pères qui ont essuyé de pareilles difficultés de la bouche des défenseurs des spectacles, nous ont ouvert le chemin pour leur répondre : que les délectables représentations qui intéressent les hommes dans des inclinations vicieuses, sont proscrites avec elles dans l’Ecriture. Les immodesties des tableaux sont condamnées par tous les passages, où sont rejetées en général les choses déshonnêtes : il en est de même des représentations du théâtre. […] « N'aimez point le monde, ni ce qui est dans le monde : celui qui aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui ; car tout ce qui est dans le monde, est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie : laquelle concupiscence n’est point de Dieu, mais du monde. » Si la concupiscence n’est pas de Dieu, la délectable représentation qui en étale tous les attraits n’est non plus de lui, mais du monde, et les chrétiens n’y ont point de part. […]  ; on pouvait encore ajouter : il n’y a point de théâtres, il n’y a point de ces dangereuses représentations : ce peuple innocent et simple trouve un assez agréable divertissement dans sa famille parmi ses enfants : c’est où il se vient délasser à l’exemple de ses Patriarches, après avoir cultivé ses terres ou ramené ses troupeaux, et après les autres soins domestiques qui ont succédé à ces travaux, et il n’a pas besoin de tant de dépenses ni de si grands efforts pour se relâcher.

13. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre II. Que la représentation des Comédies et Tragédies était un acte de Religion parmi les Grecs et Romains. » pp. 36-56

Que la représentation des Comédies et Tragédies était un acte de Religion parmi les Grecs et Romains. […] Mais rejetant ici tous les Combats et Spectacles qui ne regardent point les Poèmes Dramatiques, je ne veux entendre sous ce nom de Jeux de Théâtre que les représentations qui se faisaient sur cet échafaud, Théâtre ou Scène, soit qu'elles fussent sérieuses ou bouffonnes, honnêtes ou licencieuses. […] ont cru que Bacchus avait institué les représentations du Théâtre, et donné lui-même les exemples de plusieurs Danses et Chansons, pour marque de la vénération qu'il y demandait. […] Et ces représentations qui se faisaient sur le Théâtre, étant consacrées à ces Dieux imaginaires qu'ils en faisaient les auteurs, ils étaient ordinairement donnés aussi bien que les autres Jeux, pour les remercier « Excogitata cultus Deorum et hominum delectationis causa. » l. 2. c. 4. […] reconnaissance envers les Dieux dans son triomphe de Corinthe et de l'Achaïe, en y mêlant les Jeux de Musique, dont le nom comprend la représentation des Poèmes Dramatiques, comme les autres Jeux du Théâtre, auxquels selon Plutarque elle futSymp. l. 5.

14. (1632) Les Leçons exemplaires de M.I.P.C.E. « Livre III, Leçon X. LA COMEDIENNE CONVERTIE. » pp. 461-479

Si bien que comme les Images des Temples sont comme les livres des simples, aussi les représentations leur servent de lecture et leur apprennent diverses Histoires tant saintes que séculières dont ils tirent beaucoup de lumière et d’instruction. […] Et ce qui est encore de remarquable c’est qu’en la plupart des villes la moitié du salaire que l’on donne pour assister à ces Représentations va à l’hôpital et l’autre est pour ceux qui les jouent. […] Un jour de Fête j'avais été curieux d’ouïr plusieurs sermons pour remarquer les façons de faire et de dire des Prédicateurs Espagnols, sur le soir Monsieur l’Ambassadeur et Madame sa femme furent invités d’aller au Palais du Roi où se devait faire une excellente Représentation du Martyre de Sainte Cécile. […] L’un des plus grands passe-temps de cette Cour ce sont les Représentations. […] Elle fait toujours bien en ses représentations mais hier elle se surmonta elle-même, vous eussiez dit qu’elle faisait comme ces flambeaux qui ne jettent jamais tant de lueur que quand ils sont prêts de s’éteindre, c’était comme le dernier effort de sa Muse et de son esprit.

15. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

L'idée générale qu'on peut former de la Comédie, c'est-à-dire du Poème Dramatique, n'est autre chose que la représentation naïve d'une action, ou pour mieux dire d'un événement, dans sa substance et dans ses circonstances. […] L'idée qui y est attachée par l'institution des hommes, est ce qui nous en peut faire connaître la nature; car, ce qu'on entend par le mot de Comédie n'est autre chose que la représentation d'une aventure agréable et gaie, entre des personnes communes. Ce qu'on entend par le terme de Tragédie, est la représentation sérieuse d'une action funeste, et considérable, par l'imitation réelle des malheurs de quelques personnes de grande qualité, ou de grand mérite ; et celui de Tragi-comédie signifie la représentation d'une aventure dans laquelle les principales personnes sont menacées de quelques grands malheurs, qui sont effacés à la fin par un événement heureux. […] Quels effets peuvent produire ces expressions accompagnées d'une représentation réelle; que de corrompre l'imagination, de remplir la mémoire, et se répandre après dans l'entendement, dans la volonté, et ensuite dans les mœurs ? […] Mais il est certain aussi que la représentation en serait fort ennuyeuse.

16. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE VII. Histoire de la Poësie Dramatique moderne. » pp. 176-202

Les Italiens eurent de pareils Représentations. […] Les Représentations de ces premiéres Piéces qui contenoient plusieurs Actions, étoient fort longues. […] Les Italiens avoient quitté avant nous les représentations pieuses, puisqu’on croit que la Calandra fut jouée au commencement du seiziéme siecle. […] Ce Théâtre en fut un magnifique & inutile ornement, n’ayant servi à aucune autre Représentation, depuis celle de l’Œdippe. […] J’espérois, dit-il, que cette Piéce seroit heureuse dans la Représentation ; mais que notre Seigneur soit remercié de tout, il nous visite dans les afflictions.

17. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE III » pp. 42-76

Il est vrai que l’Herodes de Monsieur Heinsiusac est un Poème achevé, et qu’il n’y a point d’amour : mais il est certain aussi que la représentation en serait fort ennuyeuse. […] Il est tous les jours ému par l’éloquence des Orateurs, il le doit être à plus forte raison par la représentation des Comédies : ils y ajoutent même tout ce qui les peut aider à ce dessein, leur déclamation, leur port, leurs gestes et leur ajustement. […] Hédelin qu’on en croit l’Auteur, s’applique à faire voir que les Spectacles des anciens ont fait une partie de la Religion Païenne, et que la représentation des Comédies et des Tragédies était un Acte de Religion. […] Enfin cet Auteur s’est retranché à dire dans le 12me et dernier Chapitre, que la représentation des Comédies et des Tragédies ne doit pas être condamnée tant qu’elle sera modeste et honnête ; pourquoi il cite saint Thomas. […] Ce sont les passions qui se fortifient par les Représentations des Théâtres, et que les parents doivent s’efforcer de bannir du cœur de leurs enfants.

18. (1671) De la connaissance des bons livres « DE LA COMEDIE  » pp. 232-248

Peut-être n’a-t-il point pensé à l’autre Traité, et il a soutenu le parti des belles Représentations par exercice d’Esprit, de même qu’il avait déjà fait un Livre de la Pratique du Théâtre : Néanmoins on a pris sujet de là d’attaquer son dernier Livre. […] Il semble que c’est une chose assez inutile de disputer davantage là-dessus, et qu’on peut tout d’un coup retrancher la Question en remontrant, Qu’en ce qui est des Histrions et des Comédiens Romains, Tragiques ou Comiques, les uns ne valaient pas mieux que les autres, et que leurs Pièces les plus modestes avaient des emportements que nous ne saurions approuver ; C’est pourquoi la conséquence que l’on tire de tout ceci en faveur de nos Comédiens, n’est pas fort favorable, de dire, Que puisqu’ils représentent des Tragédies et des Tragi-comédies à l’imitation des Anciens, on les doit tenir dans l’estime comme eux, et assister à leurs Représentations comme à des Spectacles importants ; car si l’on montre que les anciens Comédiens ne faisaient aucune difficulté dans leur Religion de jouer des Pièces de mauvais exemple, on s’imaginera donc que ceux qui sont aujourd’hui de la même Profession prennent une licence pareille ; Que cela se voit dans leurs Pièces les plus régulières, et principalement dans d’autres composées exprès pour être plus libres. […] Celui qui a fait imprimer un gros Livre contre ces belles Représentations, a donné plusieurs exemples pris des plus fameux Poètes du Théâtre, et des plus discrets qui selon son opinion ont des paroles trop touchantes. […] Il souhaitait aussi qu’on dressât une Académie de jeunes gens bien choisis pour les Représentations, afin que les Comédiens ne fussent plus des hommes que la débauche ou la pauvreté aurait jetés à cette profession, et dont la vie eût quelque chose de répréhensible ; mais qu’étant sages et bien instruits il n’y eût rien en eux que de louable, et que cela parût extrêmement en leur action modeste, et leur prononciation bienséante. On ajoute une proposition assez judicieuse qui est, que comme l’on examine toute sorte de Livres avant que de permettre de les imprimer, et de les communiquer au public, il faudrait qu’il y eût un Magistrat qui examinât, ou qui fît examiner par Gens experts, les Pièces que l’on voudrait faire jouer devant le peuple, afin que leur représentation ne pût nuire à personne : Mais des Censeurs inexorables diront que d’ériger une Académie pour les Comédiens, ce serait autoriser leur Profession, comme si elle était fort nécessaire au public ; Et pour ce qui est du reste, qu’au lieu de donner la peine à un Magistrat d’examiner les Comédies dignes d’être représentées, il vaudrait mieux les condamner entièrement ; Que par ce moyen on ne craindrait ni brigue, ni surprise, et l’on ne se mettrait point au hasard d’en recevoir du dommage.

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