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413. (1825) Des comédiens et du clergé « Des comédiens et du clergé. — Conclusions générales. » pp. 371-378

Les comédiens du troisième âge, ayant reçu leur institution du prince et des lois du royaume, ne sont point comptables de leur profession au clergé ; L’abjuration de cette profession, exigée par le clergé, est un véritable délit, parce que aucune autorité dans l’Etat n’a le droit de vouloir le contraire de ce qui a été créé et autorisé par les diplômes du prince et la législation du pays ; Le refus de sépulture, fait par le clergé aux comédiens, est encore un délit manifeste et réel, puisque c’est infliger une action pénale, imprégner un mépris public à une profession que le prince, les lois du royaume, les ordonnances de police ont instituée et régularisée ; et en cette circonstance l’outrage est non seulement fait à la personne et à la profession du comédien décédé, mais encore aux autorités suprêmes qui ont autorisé et commandé son exercice : voilà pour ce qui concerne l’état politique et celui de la législation ; c’est aux procureurs du roi qu’il appartient de faire respecter, par toutes les autorités existant dans l’Etat, ce qui a été institué et par l’action du prince et par le fait de la législation et des règlements de la police du royaume ; Le refus de sépulture est encore un autre délit envers les lois ecclésiastiques même, puisque, pour avoir lieu d’une manière canonique, il faut que les individus auxquels on veut l’appliquer aient été excommuniés, dénoncés dans les formes, et que jamais les comédiens du troisième âge ne se sont rencontrés dans cette catégorie ; Le clergé de France est d’autant moins fondé à frapper les comédiens de ses sentences exterminatoires, qu’il a lui-même aidé à leur institution, et que dans le principe de leur création les prêtres ont rempli des rôles dans les mystères que les comédiens représentaient ; que les obscénités, les scandales qui se pratiquaient alors dans les églises, ou dans ces comédies pieuses, étant tout à fait nuisibles à la religion, l’autorité séculière a fait défendre aux prêtres de remplir désormais des rôles de comédiens, et à ceux-ci de ne plus prendre leurs sujets de comédie dans les mystères de la religion ; Le clergé, dans l’animadversion qu’il témoigne contre les comédiens, signale son ignorance, son injustice, son ingratitude, et démontre en outre qu’il agit avec deux poids et deux mesures, ce qui est on ne peut pas plus impolitique pour un corps aussi respectable ; car on a vu que c’étaient des papes et des cardinaux qui avaient institué des théâtres tant en Italie qu’en France ; on a vu un abbé, directeur de notre Opéra à Paris, on a vu les capucins, les cordeliers, les augustins demander l’aumône par placet, et la recevoir de nos comédiens ; on a vu les lettres où ces mêmes religieux, prêtres de l’Eglise apostolique et romaine, promettaient de prier Dieu pour la prospérité de la compagnie des comédiens.

414. (1689) Le Missionnaire de l’Oratoire « [FRONTISPICE] — Chapitre » pp. 7-8

Augustin, et par conséquent plus voisins des apôtres, et ils jugeaient ces divertissements si contraires au christianisme, qu’ils ont fait des livres entiers (Tertul. de Spectaculis, cap. 27.) pour les réprouver et condamner ; et pour montrer qu’ils ne parlaient pas seulement contre les spectacles des païens, où se commettaient des homicides et des impudicités publiques, Tertullien apporte l’objection que vous avez coutume de faire : On n’y fait point de mal, on n’y dit rien qui ne soit honnête, et il répond : Celui qui veut empoisonner son ennemi, ne détrempe pas le poison dans du fiel ou dans du vin d’absinthe, mais dans un bouillon bien assaisonné ou dans du vin délicieux.

415. (1788) Sermons sur les spectacles (2) « Sermons sur les spectacles (2) » pp. 6-50

Si la comédie est innocente, si l’on peut y assister sans craindre de s’y corrompre & l’esprit & le cœur, pourquoi des condamnations si rigoureuses contre des hommes qui donnent au public un divertissement si agréable ? […] Nous le connoissons, mes Frères, ce théâtre des anciens ; on nous a conservé quelques-unes de ces pièces qui se représentoient avec tant d’appareil dans les jeux publics, & auxquelles le peuple Romain couroit avec tant d’avidité. […] En immolant à la risée publique un père avare ou un mari jaloux, n’a-t-il pas justifié, pour ainsi dire, la dissolution d’une jeunesse débauchée, & les déportemens d’une épouse infidèle ? […] Elle ne tolère point leurs désordres sans doute ; elle les punit, au contraire, avec toute la sévérité de sa discipline ; elle avertit sans cesse les coupables du précipice affreux qu’ils se creusent & des trésors de colère qu’ils amassent sur leur tête : mais elle ne prononce pas toujours contre eux des jugemens publics & solemnels ; elle n’use pas toujours du droit qu’elle a de les retrancher de sa société.

416. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

Le fard formoit, jusqu’à nos jours, un objet très-borné d’industrie, qui n’occupoit que peu de personnes ; il est devenu un objet fort étendu de commerce, il forme un metier complet, que l’Académie des Sciences ne manquera pas de donner au public, avec tous les autres arts & metiers. […] On ne cherche tant d’inspirer l’amour, que pour satisfaire sa propre passion ; pour entretenir la blancheur, la fraîcheur, l’éclat de son teint ; cette Princesse voluptueuse se baignoit tous les jours dans du lait d’ânesse, & pour n’en point manquer, elle nourrissoit cinquante ânesses, qui la suivoient dans tout ses voyages ; elle les mena dans son exil, c’étoit la partie la plus chere de sa famille ; elle ne paroissoit que rarement en public, & toujours à demi voilée, ne laissant voir que le bas de son visage, & avec un voile fort transparent, afin de ne pas diminuer la réputation de sa beauté, en la prodiguant, mais plutôt l’augmenter, en donnant carriere à l’imagination, en faisant juger par ce qu’on voyoit à travers la gaze, que ce qu’on ne voyoit pas étoit encore plus admirable : Ne satiares aspectum , dit Tacite, ne soyons point dupes des apparences, dans cet art recherché, de se cacher ou de se découvrir à propos ; dans ce choix réfléchi de linge & d’étoffe transparante, dont le théatre donne tant de leçons ; il y a plus d’artifice que de modestie, on cherche plus à irriter la passion, par ces demi-confidences, qu’à lui en soustraire l’objet par une véritable pudeur. […] Malheureux à la guerre que lui fit Vitellius son concurrent, à qui il offrit lâchement de partager avec lui l’Empire ; il perdit la bataille, après laquelle, par désespoir, il s’enfonça le poignard dans le sein ; il n’avoit pas même, dans son usurpation perfide, ce degré d’élévation qu’on appelle ambition noble ; c’étoit un brigand qui n’en vouloit qu’au trésor public, pour faire de la dépense, & satisfaite ses créanciers qui le poursuivoient. […] Messaline, rivale de la premiere Poppée, qui, comme lui, couroit la nuit les rues & les lieux publics, se servoit d’une marque pareille ; crinem abscondente galero .

417. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE XII. De la Déclamation Théatrale des Anciens. » pp. 336-381

Souvent le geste n’est pas d’accord avec la voix dans un mauvais Comédien, parce qu’il est mauvais imitateur ; mais qu’on s’arrête dans une place publique à considérer une femme du Peuple, qui soutient une querelle, on remarquera un parfait accord entre ses gestes & ses paroles. […] Un Pere qui parmi nous, voudroit former son Fils à bien parler en public, l’enverroit peut-être à un Baron : mais songeroit-il jamais à l’envoyer à un Acteur de l’Opéra ? […] Par tout ce que je viens de dire de l’attention des Anciens au plaisir des oreilles, & de cette prononciation pleine d’inflexions de voix, d’élévations & d’abaissemens, pour faire sentir non seulement la quantité des accens & des syllabes, mais la différence entre breves & breves, longues & longues ; il est aisé de comprendre que toute Déclamation publique avoit une harmonie musicale : mais il est vrai qu’il étoit aisé dans cette espece de chant très-agréable, de se laisser emporter jusqu’à un véritable chant très-vicieux. […] Augustin, quand les Pantomimes commencerent à jouer sur le Théâtre de Carthage, un Crieur public annonçoit au Peuple ce qu’ils alloient jouer.

418. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre V. De l'impudence des Jeux Scéniques. » pp. 104-134

Et l'Histoire nous apprend qu'aux Jeux donnés par Messius Edile où Caton assistait, le peuple n'osa demander la danse des femmes nues en la présence de cet illustre et vertueux personnage, et que ne voulant pas s'opposer aux plaisirs publics, il se retira, les abandonnant ainsi à leur propre dérèglement. L'effronterie publique passaLamprid. in Heliogabal.

419. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IX. Sentiments de Saint Augustin sur les Spectacles. » pp. 180-198

Vous vous plaignez que les temps sont mauvais, parce que les théâtres tombent, ces honteux abîmes, cette profession publique du vice, ces séjours des démons ; mais c’est par la disette occasionnée par le mauvais et sacrilège usage qu’on avait fait de ses biens, en les construisant. […] On applaudit aux combats des Gladiateurs, et on se moque des œuvres de miséricorde ; on entretient la débauche des Comédiens, et on laisse manquer les pauvres du nécessaire ; on blasphème la doctrine de Dieu et on décrie les Prédicateurs qui condamnent cette infamie publique, et on adore ces Dieux prétendus qui se plaisent à des spectacles de théâtre qui déshonorent le corps et l’âme. Si Dieu permet les désordres, c’est alors qu’il est plus irrité ; s’il les laisse impunis, c’est alors qu’il punit plus sévèrement, et la misère qui tarit la source des débauches est un effet de sa miséricorde : « Theatrorum moles extruuntur, et effodiuntur fundamenta virtutum ; luxuriantur Histriones, et necessaria vix habent pauperes ; theatrica corporum et animorum dedecora celebrantur, et blasphematur Deus, etc. » Quelles horreurs d’exposer sur un théâtre public les amours des Dieux, les adultères de Jupiter, les infamies de Vénus, vrais ou faux !

420. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre VI. Du Cardinal Mazarin. » pp. 89-108

Toutes les Danseuses en Perse sont des femmes publiques, celles de la troupe du Roi sont les plus débauchées, et imitent parfaitement celles de Paris. […] La Lysis de Mazarin n’est qu’une allégorie flatteuse à l’honneur des deux augustes époux et un éloge de la paix que leur mariage procurait à l’Europe, ce qui a été cent et cent fois innocemment pratiqué dans les événements publics : la plupart des prologues des opérasp sont dans ce goût. […] Celui-ci ne fait aller les Papes que quelquefois aux pièces qui se jouent dans les collèges ou les maisons religieuses, ce qui se réduit à quelque exercice littéraire auquel le Pape aurait la bonté d’assister, ce qui ne fut jamais autoriser par sa présence la comédie publique.

421. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE IV. » pp. 78-112

Despreaux a dépeint dans le troisième Chant de l’Art Poétique : « Chez nos dévots Aïeux le Théâtre abhorré, Fut longtemps dans la France un plaisir ignoré : Des Pèlerins, dit-on, une troupe grossière, En public à Paris y monta la première, Et sottement zélée en sa simplicité, Joua les Saints, la Vierge, et Dieu par pitié. » Le Cardinal Le Moine acheta l’Hôtel de Bourgogne à Paris pour ses dévots Comédiens, à condition qu’ils ne représenteraient que des Pièces pieuses. […] L’Auteur de cet Ecrit avertit d’abord qu’il le donne au public, par le conseil de personnes assez considérables dans l’Eglise, qui ont jugé qu’on ne peut opposer trop de digues à la violence du torrent qui entraîne tout le monde à la Comédie. […] Il faut que cet Auteur ait une mémoire bien ingrate, puisqu’il ne se souvient pas de tant de bons Ouvrages qui ont été donnés au public l’année dernière, contre la Comédie, où l’on a solidement prouvé que les Comédiens sont excommuniés par l’Eglise : je viens de rapporter l’Abrégé de tous ces Ouvrages.

422. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

Une Action grave d’où dépend une revolution dans un Etat, doit être Publique : il est vraisemblable qu’elle se passe devant des témoins qui s’y intéressent : de-là suivent nécessairement les deux autres Unités. […] on est instruit qu’une femme de ce caractere s’embarrasse peu du bien public & de la vertu de son Fils, pourvu que ce Fils la laisse gouverner. […] Voilà ce qu’on pourroit dire pour prouver que la Partie de la Versification n’est pas essentielle à la Tragédie, à quoi l’on peut répondre que jamais Piéce bien versifiée n’est tombée dans l’oubli, & que jamais la voix publique n’a mis au nombre des bonnes Piéces, celles qui n’ont point de Lecteurs. […] Elles ne sont jamais non plus comptées par la voix publique, parmi les bonnes : mais le Spectateur, quand même il est instruit de leurs défauts, les leur pardonne, en faveur du plaisir qu’elles lui causent quelquefois dans la chaleur de la Représentation. […] Il est aisé de comprendre la beauté qu’ils ajoutent à un Sujet quand ils y sont naturellement amenés, comme dans l’Œdippe dont l’Action se passe près d’un Autel, dans le tems d’une affliction publique, qui engage le Peuple à implorer, par des Cantiques, la clémence du Ciel.

423. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE II. L’Impiété du Théâtre Anglais. » pp. 93-168

Au surplus ; ce n’est pas seulement une irréligion, c’est encore une impolitesse extrême que de jurer sur un Théâtre public. […] Mais il ne songe pas qu’il encourt la peine attachée à quiconque corrompt les Prières Publiques. […] Milord-fat se rit des solennités publiques de la Religion, comme s’il y avait de la faiblesse et du mauvais sens à rendre au Seigneur nos hommages : P. 34. […] Cependant, exposons-les au public dans le même esprit qu’on expose au grand jour les criminels, non pour la pompe, mais pour l’exécution. […] Il est peu de ces dernières citations qui ne soient de vrais blasphèmes, et par conséquent dans le ressort de la loi portée contre les blasphémateurs publics, et reconnus.

424. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre prémier. Déssein de cet Ouvrage. » pp. 2-7

Le Traité de l’Art du Théâtre, que je présente au Public, est plutôt un essai qu’un écrit dans les formes.

425. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — CHAPITRE IV.  » pp. 109-114

Je veux pour un moment que notre Spectacle bien-aimé n’ait aucune utilité profitable au Public ; au moins lui cédera-t-on le pouvoir d’enrichir ses Acteurs.

426. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VII. Parallèle du Poème épique avec les Pièces du nouveau genre. » pp. 107-112

Le Public s’appercevrait alors de quelques changemens dans le nouveau Théâtre ; il avouerait qu’il est encore possible d’augmenter son estime pour le Spectacle moderne.

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