Mais puisque c’est une habitude de plaisir et une espèce de libertinage qui se renouvelle tous les ans, nous connaissons que ce n’est plus le temps de se taire, et qu’un plus long silence pourrait vous donner lieu de penser que nous tolérons ce que l’Eglise condamne, et que nous condamnons avec l’Eglise. […] Nous avions espéré que ces plaisirs ayant perdu pour vous la grâce de la nouveauté ; et vous, ayant perdu le goût de ces plaisirs, vous n’abuseriez plus de notre silence. […] Les malheurs réels que nous ressentons, ou dont nous sommes menacés, se guérissent-ils par des chansons et par des fictions faites à plaisir ?
Vous nous demandez sans cesse si les Spectacles et les autres plaisirs publics sont innocents pour des Chrétiens ? […] Pouvez-vous rapporter à la gloire de Jésus-Christ les plaisirs des Théâtres ? […] La Comédie ne serait donc nécessaire qu’à ceux qui se divertissent toujours, et qui tâchent de remédier au dégoût naturel qu’entraîne la continuation des plaisirs. […] Pourquoi l’image des peines qui naissent des passions, effacerait-elle celle des transports de joie et de plaisir qu’on en voit naître, et que les auteurs ont soin d’embellir encore pour rendre leurs pièces plus agréables ? […] Ce sont des gens intrigants, désœuvrés, sans religion, sans principes, dont l’imagination, dépravée par l’oisiveté, la fainéantise et l’amour du plaisir, n’engendre que des monstres, et n’inspire que des forfaits….
Et notre Ame compte même alors pour un gain le plaisir qu’elle en reçoit, & seroit bien fâchée de s’en priver en méprisant ces sortes de Poëmes. […] Nous les écouterons très-volontiers, & nous croirons gagner beaucoup, si avec le plaisir, nous trouvons encore en elle cette utilité qu’ils prétendent. […] Nous trouvons un plaisir dans l’émotion que nous cause ce spectacle ; & c’est dans cette disposition du cœur humain (comme je l’ai dit plus haut) que le plaisir de la Tragédie prend sa source. […] Nous ne demandons à la Peinture que le plaisir des yeux ; & l’imitation de tout objet leur plaît : nous demandons à la Poësie le plaisir de l’ame ; & l’imitation de tout objet ne lui plaît pas. […] Cependant les Romains ont eux-mêmes goûté le plaisir de la Tragédie.
Avec quelle avidité un paresseux indigent toujours amateur du plaisir, ne se porte-t-il pas à favoriser des nouveautés qui pourraient lui procurer, à ce qu’il s’imagine, un sort plus heureux et des plaisirs qu’il désire sans cesse, sans pouvoir se les procurer ? […] Quand on trop paresseux pour trouver du plaisir à faire bien, il est certain qu’on sera toujours prêt à faire mal. […] Ils peuvent penser de moi tout ce qu’ils voudront, et dire de moi tous ensemble ce que j’aurai le plaisir de dire moi seul de chacun d’eux en particulier. […] Observez cependant que ce Législateur n’a pas plus proscrit les Théâtres que les autres plaisirs, et conclure de son attention à éloigner de sa République ce genre d’amusement qu’il est très dangereux, c’est conclure en même temps que les plaisirs que vous permettez à vos Genevois ne le sont pas moins, puisqu’il les proscrivait aussi. […] Si l’offenseur ne s’en vantait pas, il y perdrait le plaisir barbare des Duellistes : plaisir qui ne consiste qu’à se vanter d’avoir convaincu quelqu’un de lâcheté ou de peu d’adresse, et de se faire regarder comme un homme avec lequel il est dangereux d’avoir à faire.
« Quels sentiments aurait eus Jésus-Christ des fidèles qu’il formait, s’il avait jugé nécessaire de leur interdire, par une loi expresse, des plaisirs païens ? […] Ils ne les défendent pas en particulier quelque part, parce qu’ils les condamnent partout : car que signifie autre chose tout ce que l’Evangile et l’Ecriture sainte nous disent de la pureté du cœur, qui est la base de la vie chrétienne, tout ce qu’ils nous disent de la mortification des sens, de la légèreté de l’esprit, de la faiblesse de la chair, de la force des passions, de la malice et des ruses du tentateur, du danger de s’exposer aux moindres occasions d’être tenté ; tout ce qu’ils nous disent de l’attention et de la vigilance sur les désirs, de la modération des plaisirs, de la perversité des maximes et des joies mondainesbq ? […] Ainsi, comme dans le monde tout y est sensualité, curiosité, ostentation, orgueil, on y fait aimer tous ces vices, puisqu’on ne pense qu’à y faire trouver du plaisir, en les donnant comme des vertus héroïques, ou au moins en les excusant et en les faisant envisager comme de légères imperfections.
*** On goûte avec plaisir les beautés d’un Ouvrage Où l’on voit de l’Auteur l’art, l’érudition ; De la part de l’Acteur, le jeu, son action ; On veut les imiter : au port on fait naufrage. […] *** Là, de cet autre bord, sont d’aimables Actrices, Dont la seule présence assure nos plaisirs ; Tous leurs propos décents retiennent nos désirs, Et de tous les côtés, ce ne sont que délices. […] *** Et là de grands Danseurs formés dès leurs bas âges, Viennent vous délasser, varier vos plaisirs ; Et tous unis ensemble ont les mêmes désirs : Tous veulent mériter l’honneur de vos suffrages.
Le plaisir est le vrai relâchement de l’esprit humain, comme le repos, dit Saint Thomas D. […] L’esprit du Christianisme consiste encore à obtenir le pardon de ses péchés, il consiste dans la connaissance de la vérité, et dans le mépris même des plaisirs. […] » Quel plus grand plaisir peut-on avoir, que celui que l’on trouve dans le dégoût du plaisir même ? […] Que l’amour du plaisir, dit Tertullien Tertul. de spectac. c. […] Il s’ensuit donc que le plaisir de la représentation, particulièrement en fait d’impureté, est une occasion prochaine de consentir à l’autre.
Ceux qui lisent le moins sont les plus curieux de ces bagatelles ; les Actrices, par exemple, ont leur Molière, leur Racine, leurs romans parfumés, afin d’avoir en les lisant le plaisir de sentir l’odeur. […] L’excès est inévitable, l’habitude y accoutume si bien qu’on ne les sent plus ; un plaisir d’abord agréable n’est plus un plaisir, dit Madame de Scuderi, converser. Sur le plaisir, la douleur même devient moins sensible quand elle dure long-temps. […] Toutes les histoires en sont pleines, les Sauvages du nouveau monde s’en occupent, quoique beaucoup moins que les Peuples policés, comme dans l’ancien monde le Peuple grossier, les habitans de la campagne y sont moins sensibles que les citoyens voluptueux qui rafinent sur le plaisir & voudroient goûter tous les plaisirs. […] 3.° Tel est encore le portrait des libertins dans le livre de la Sagesse, leur premier, leur plus grand plaisir qui assaisonne tous les autres ; c’est la volupté des odeurs.
Ils prétendent que la Poësie de style fait seule la destinée des Poëmes pour deux raisons : la premiere, c’est qu’on n’y cherche pas l’instruction, comme dans les autres livres ; la seconde, c’est que le plaisir qu’on y cherche uniquement, naît aussi uniquement de la Poésie de style Ils ajoûtent que l’instruction qu’on peut par hasard, retirer d’une Piéce, n’est point la source du plaisir, parce qu’on commence à la lire, sans avoir intention de s’instruire. […] Nos Poësies sont goûtées des Etrangers, qui ne savent que balbutier notre Langue ; il en résulte que le plaisir que nous ressentons à lire les ouvrages anciens & étrangers, ne peut venir que des idées sublimes. […] On nous a montré les défauts de la conduite, & du style de cette Tragédie, mais on n’a pu diminuer le plaisir qu’elle fait. […] Le petit nombre de ceux qui connoissent cette Pièce, par eux-mêmes ; le grand nombre de ceux qui ne la connoissent que sur le raport des premiers, lisent & voyent le Cid avec un grand plaisir. […] Ce discours est rempli d’images & de peintures, & c’est à notre imagination, qu’il parle contre l’abus de l’imagination. » C’est donc elle qui est la source des images, & non la Poësie de style : Celle-ci n’est donc pas la cause du plaisir qu’on éprouve à la lecture d’un Poëme ?
ce sont celles que pour l’ordinaire vous faites, gens du monde, ce sont les jeux, les plaisirs, les spectacles, les divertissemens, les Cercles, les Assemblées où il préside, les mensonges dont il est le pere, l’orgueil dont il est le modelle, les jalousies, les envies, les inimitiés dont il est l’artisan. […] Quoi donc un Dieu crucifié autoriseroit ces plaisirs ? […] Etoit-ce-là vos plaisirs & vos délassemens, pieux Fidelles, dans ces Assemblées saintes, où vous ne vous entreteniés que des moiens de salut ? où vous ne donniés à vos sens que le triste ; mais solide plaisir de la mortification, où vôtre esprit ne s’occupoit que des choses du Ciel, où vôtre bouche ne prononçoit que des protestations d’une nouvelle fidelité, où vôtre voix ne servoit qu’à entonner des Cantiques sacrés, où l’on ne mangeoit que pour vivre, où l’on ne faisoit ensemble quelques repas sobres & mediocres, que pour serrer plus étroitement les nœuds sacrés d’une commune charité, où l’on ne parloit que de souffrances, que d’austerités, que de pénitence, où l’on s’entrexhortoit au martire, où l’on se préparoit à la mort par la pieuse lecture des consolantes verités de l’Ecriture, ou par la meditation des souffrances de Jesus-Christ. […] vous nous transporterés un jour dans la sainte Sion : c’est alors que vous regnerés sur les Impies, qui aujourd’hui ne vous reconnoissent pas, que toute puissance, toute prosperité, toute grandeur, tous titres ; que tous les plaisirs, les honneurs, les richesses, les possessions de la terre seront anéanties, & que vous seul demeurerés.
Mais ils n’ont eu garde de parler du ridicule, des excès, du danger pour les bonnes mœurs d’une marchandise qu’ils ont intérêt de vendre ; ils n’ont parlé qu’en charlatans des plaisirs qu’on y trouve. […] Telle est certainement la morale Chrétienne ; elle interdit l’usage des parfums comme un plaisir vain, inutile & dangereux pour la pureté. […] Tout cela nous apprend la vanité, la briéveté des plaisirs, des sens sur-tout, de l’odorat plus vain, plus court que les autres. […] Triste fruit des plaisirs de l’amour. […] C’est un festin délicieux, un festin de noces du Seigneur, où les alimens, les parfums, les cantiques offrent tous les plaisirs.
Il est bien clair qu'il n'y a rien de solide en tous ces plaisirs, puis qu'on n'en aime que le mouvement passager par lequel ils succèdent les uns aux autres, et non pas leur continuation et leur durée. […] Notre siècle s'attachant à des fables e à de vains amusements, ne prostitue pas seulement les oreilles et le cœur à la vanité ; mais il flatte aussi son oisiveté par les plaisirs des yeux et des oreilles ; et il allume le feu de l'impureté cherchant de toutes parts ce qui est propre à entretenir les vices. […] J'avoue qu'un homme de bien peut honnêtement se donner quelque plaisir modéré : Mais c'est une chose honteuse à un homme grave de s'avilir, et de se souiller par ces sortes de divertissements infâmes.
Mais Sylvestre ouvre encore davantage la porte au relâchement de la discipline Ecclésiastique, que cet Auteur a commencé d’introduire ; et donnant plus d’étendue à la fausse liberté que désirent ceux qui ne cherchent que leur plaisir ; il condamne l’opinion d’Angélus d’une excessive sévérité, pour avoir mis au rang des divins Offices les Vêpres et les Sermons, et parce qu’il n’excuse pas de grief péchéb, ceux qui auraient employé quelque temps notable, c’est-à-dire la plus grande partie du jour dans cette sorte d’exercices. […] Ce qui est invinciblement confirmé par les lois des Empereurs que nous avons encore citées, dans lesquelles ces Princes zélés pour la gloire de Dieu, défendent comme un crime, de s’adonner les jours des Fêtes aux exercices qui servent à la volupté et au plaisir, par la considération de cette même obligation que les Chrétiens ont de s’appliquer uniquement au culte de Dieu, et de travailler à leur propre sanctification. […] et, « qu’ils apprennent que les Fêtes ne sont pas des jours destinés aux plaisirs du corps, mais à l’adoration, et à la prière » ;« Aliud esse tempus supplicationum noverint, aliud voluptatum. » ib. […] Puisque donc les Empereurs ont si absolument défendu toute sorte de jeux, de divertissements séculiers, et de plaisirs sensuels, afin que le peuple fidèle sanctifiât les Fêtes, et vaquât de tout son cœur aux choses de Dieu ; ce serait faire injure à l’autorité Sacerdotale, et à la puissance Ecclésiastique de penser que des saints Evêques eussent été moins exacts qu’eux dans leurs Ordonnances sur ce sujet, principalement puisque nous voyons qu’ils ne parlent jamais dans leurs écrits des jeux et des spectacles, qu’avec horreur et avec exécration. […] On sait assez que le nom de spectacle comprend généralement toute sorte de divertissements qui ont été fréquentés, et qui sont recherchés pour le plaisir ; et les lois que nous avons citées dans le Chapitre précédent le déclarent encore assez.
Comme les poètes savent qu’on ne prendrait point de plaisir à voir représenter des actions pour lesquelles on a de l’horreur, ils ont grand soin de dérober à la vue des spectateurs tout ce qui peut leur causer cette horreur. […] Non seulement les auteurs dramatiques mettent des passions dans leurs pièces ; mais ils y mettent encore des passions fort vives et violentes ; car les affections communes ne peuvent procurer aux spectateurs le plaisir qu’ils y cherchent. […] Il y a toujours de la conformité entre l’humeur d’un peuple et le genre de ses spectacles ; où les deux sexes sont frivoles, voluptueux, il faut que le théâtre enseigne et respire le plaisir, qu’il nourrisse les passions et qu’il les rende intéressantes jusque dans leurs égarements, et qu’il fasse de l’amour la faiblesse des grands cœurs. […] Or, sied-il bien à des personnes vertueuses de se montrer dans des lieux où on ne va que pour donner et recevoir des leçons publiques de libertinage ; où le cœur, exposé à tous les traits de la volupté, ne trouve de plaisir qu’à en recevoir de profondes blessures ? leur sied-il bien d’aller se confondre avec des gens oisifs et corrompus dont l’imagination dépravée par l’oisiveté et l’amour du plaisir ne se repaît que d’aventures scandaleuses, que de fables obscènes, n’engendre que des monstres et n’inspire que des forfaits ?