Quelle révolution dans le cœur d’une jeune veuve, d’une femme dégoûtée de son mari, quand on retrace à leur mémoire des plaisirs qu’elles voudroient encore goûter ! […] On n’y parle que de plaisirs, on n’y inspire que l’amour des plaisirs, on n’y chante que les plaisirs ; l’amour des plaisirs a causé la perte des Grecs & des Romains. […] ne sont-ce pas des intriguans désœuvrés, dont l’imagination dépravée par l’oisiveté, la fainéantise & l’amour du plaisir, n’engendre que des monstres, & n’inspire que des forfaits ? […] Or sied-il bien à des personnes honnêtes, d’aller se confondre avec des êtres qu’on amuse, de peur qu’ils ne deviennent aussi malfaicteurs dans leurs actions, qu’ils le sont dans leurs plaisirs ? […] Les Comédies & les Tragédies ne sont donc qu’un recueil de stratagêmes pour faire réussir tous les crimes, favoriser toutes les passions, ménager toutes les intrigues, traverser & inquiéter tous les peres, les maris, les maîtres, & goûter librement tous les plaisirs.
Si vous étiez en bonne santé, si vous aviez les sens tranquilles, la vue libre, vous vous rendriez à une conclusion qui justifie un plaisir. […] Je connais les femmes : j’ai eu vos erreurs : le plaisir me les a fait perdre ; l’estime m’en a fait rougir ; et je m’acquitte en combattant pour elles. […] Il prend envie de croire que le vrai bonheur, le véritable amour, consiste à avoir les yeux fermés auprès de ce qu’on aime, à n’oser regarder ses charmes, à se priver d’un plaisir, pour un plaisir plus grand, quand on a lu des maximes si nobles, si pures et si séduisantes. […] Mais, pour vous-même, souffrez que la vérité et le plaisir osent la balancer aujourd’hui. […] Vous êtes au centre des plaisirs ; les croirez-vous plus dangereux, plus méprisables que des imposteurs qui vous ont perdu….
Chez nos dévots ayeux le Théâtre abhorré, Fut longtems, dans la France, un plaisir ignoré. […] Le vulgaire dévorant avec avidité ce moyen qui lui étoit présenté, d’allier ses plaisirs au culte de son Dieu, courut en foule à ces Spectacles ; mais la petite portion des gens éclairés les méprisa, & gémit d’un mélange si monstrueux. […] Ces beaux Ouvrages offrirent de nouveaux plaisirs. […] Le Théâtre acquit une considération proportionnée aux plaisirs qu’il procuroit. […] Pirrhus, Radamiste & Zénobie, Œdipe, Mérope, Zaïre & plusieurs autres Piéces de ces deux rivaux, seront toujours vues avec plaisir.
Que si sous les yeux et la discipline de maîtres pieux on a tant de peine à régler le théâtre, que sera-ce dans la licence d’une troupe de comédiens, qui n’ont point de règle que celles de leur profit et du plaisir des spectateurs ? […] C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que l’église ait improuvé en général tout ce genre de plaisirs : car encore qu’elle restreigne ordinairement les punitions canoniques qu’elle emploie pour les réprimer, à certaines personnes, comme aux clercs ; à certains lieux, comme aux églises ; à certains jours, comme aux fêtes ; à cause que communément, ainsi que nous l’avons remarqué, par sa bonté et par sa prudence, elle épargne la multitude dans les censures publiques : néanmoins parmi ces défenses, elle jette toujours des traits piquants contre ces sortes de spectacles, pour en détourner tous les fidèles. […] C’est de là que naît dans les âmes pieuses, par la consolation du Saint-Esprit, l’effusion d’une joie divine ; un plaisir sublime que le monde ne peut entendre, par le mépris de celui qui flatte les sens ; un inaltérable repos dans la paix de la conscience, et dans la douce espérance de posséder Dieu : nul récit, nulle musique, nul chant ne tient devant ce plaisir ; s’il faut pour nous émouvoir, des spectacles, du sang répandu, de l’amour, que peut-on voir de plus beau ni de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ et de ses martyrs ; que ses conquêtes par toute la terre et le règne de sa vérité dans les cœurs ; que les flèches dont il les perce ; et que les chastes soupirs de son Eglise, et des âmes qu’il a gagnées, et qui courent après ses parfums ? […] , des mensonges et des inventions de leur esprit : ou comme lisent les Septanteas, « Ils me racontent, ils me proposent des plaisirs ; mais il n’y a rien là qui ressemble à votre loi » : elle seule remplit les cœurs d’une joie, qui fondée sur la vérité, dure toujours. Pour ceux qui voudraient de bonne foi qu’on réformât à fond la comédie, pour à l’exemple des sages païens y ménager à la faveur du plaisir des exemples et des instructions sérieuses pour les Rois et pour les peuples : je ne puis blâmer leur intention ; mais qu’ils songent qu’après tout, le charme des sens est un mauvais introducteur des sentiments vertueux.
Ces spectacles, dit saint Augustin, ne sont que des images de la vérité, ou plutôt d’une chose imaginée à plaisir, comme la représentation d’une idole est la figure d’une divinité feinte, « eorum imagines lambunt cogitatione famelica »Lib. 1. […] Les Païens mêmes ont reconnu que rien n’était plus dangereux pour les bonnes mœurs que ces sortes de spectacles, ils avouent qu’ils faisaient de grands changements en leur cœur, qu’ils en retournaient non seulement plus avares, plus ambitieux, plus enclins aux plaisirs et au luxe, mais encore plus cruels, et moins hommes. […] Tertullien dans un ouvrage exprès qu’il a composé contre cet abus, entreprend de faire voir qu’il est incompatible avec la sainteté de la religion que nous professons, car il est certain dit ce docte Africain, que la recherche des plaisirs sensuels est une des passions la plus violente et la plus tyranniquec de l’homme, et qu’entre les plaisirs, celui des spectacles transporte davantage, ils font revivre les passions dans les cœurs les plus mortifiés, les animent, les fortifient, et après avoir comme extasiés ceux qui se repaissent de ces funestes divertissements, et avoir excité des mouvements d’amour, de haine, de joie, de tristesse, le cœur se ferme à ceux de la grâce plus calmes et plus modérés, et y devient impénétrable. […] Ce seraient des vérités trop fortes dans ce temps de relâchement d’ajouter avec le même Tertullien, que l’état d’un Chrétien l’engage de fuir les plaisirs des sens, et de faire consister toute sa joie dans les larmes de la pénitence, la rémission de ses péchés, la paix d’une bonne conscience, festin continuel, la connaissance de la vérité et le mépris même des plaisirs. Je ne vous tairai pourtant pas que les Chrétiens d’aujourd’hui servant le même Dieu, attendant les mêmes récompenses, ne sont pas moins obligés de renoncer aux passions du siècle, de mortifier en eux les désirs déréglés du plaisir sensuel, d’éviter tous les objets qui peuvent blesser la pureté, ou les dissiper trop, que leurs yeux et leurs oreilles doivent être aussi chastes que leur langue à laquelle toutes les paroles folles et bouffonnes sont interditesEphes. 5.
A regarder les plaisirs du monde sous une idée métaphysique, qui les sépare des plus grands désordres, il semble les permettre : cependant il exige des dispositions dans leur usage, qu’on ne saurait tenter de garder avec fidélité sans renoncer à tous ces plaisirs. […] Les considérations que ce saint Evêque de Genève désire que l’on fasse dans l’usage de ces plaisirs, sont aussi difficiles que les dispositions. […] La troisième, que tandis qu’on goûte ces plaisirs, mille milliers d’hommes et de femmes souffrent de grands maux dans leurs lits, dans les Hôpitaux, dans les rues, la goutte, la gravelle, la fièvre ardente ; et qu’il viendra un temps où l’on se trouvera dans le même état. […] La première est qu’on ne se procure pas de plaisir dans le Jeu ni dans la Comédie, par des paroles ou des actions défendues, « Non utendo aliquibus illicitis verbis vel factis. […] La première est un Abrégé des Poètes et des Historiens, sur les Spectacles des Païens, qui n’étaient pas tous consacrés aux Idoles selon Tacite même, ni si infâmes qu’on veut les dire à l’exception des Jeux annuels de Flore, plaisir de la canaille, non des honnêtes Païens.
Une des principales raisons du danger de la Comédie, c’est qu’elle ne tend qu’à flatter les trois plus dangereuses passions de l’homme, l’amour, l’ambition et la vengeance, en nous faisant sentir du plaisir dans la représentation des plus grands excès de ces passions, car certainement si nous n’aimions pas ces passions, comme nous ne les devrions pas aimer selon la profession que nous faisons d’être Chrétiens, nous ne serions pas touchés de tant de plaisir dans leur représentation. Un enfant ne prendrait pas plaisir dans la représentation de la mort de son père, un père dans la représentation de la mort de son fils, ni une femme dans la représentation de celle son mari. […] Mais pour revenir à mon sujet, nous ne prenons plaisir que dans la représentation des choses que nous aimons : et cette représentation fortifie encore dans nous l’amour de ces choses, bien loin de nous disposer à les haïr, comme nôtre Religion nous y convie.
Ceux qui se plaisent dans la Comédie, ne se peuvent plaire dans la vérité ; et ceux qui trouvent leur plaisir dans la vérité; n'ont que du dégoût pour ces sortes de plaisirs. […] Mais si l'âme au contraire s'abandonne à ces faux plaisirs, elle perd incontinent le goût des spirituels; et ne trouve que du dégoût dans la parole de Dieu.
Ceux qui se plaisent dans la Comédie, ne se peuvent plaire dans la vérité ; et ceux qui trouvent leur plaisir dans la vérité n'ont que du dégoût pour ces sortes de plaisirs. […] » Mais si l'âme au contraire s'abandonne à ces faux plaisirs, elle perd incontinent le goût des spirituels, et ne trouve que du dégoût dans la parole de Dieu.
7, soutient que rien n’est plus contraire aux bonnes mœurs que d’assister à quelque spectacle ; que l’ame s’y trouvant séduite par le plaisir, reçoit aisément les méchantes impressions du vice ; & tout Stoïcien qu’il étoit, il avoue qu’il en sortoit plus avare, plus ambitieux, plus porté au plaisir & au luxe. […] 15 & 16, ne condamne-t-il pas les vains plaisirs du théâtre, lorsqu’il défend aux Chrétiens l’amour du monde comme incompatible avec celui de Dieu ; parce que tout ce qu’il y a dans le monde n’est que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, & orgueil de la vie ? […] C’est une coupe d’or, dit saint Augustin, dans laquelle des Docteurs ivres font boire avec plaisir le vin empoisonné de leurs dissolutions. […] Ces crimes ne sont plus ; mais on veut qu’ils puissent encore servir de modeles : on prend plaisir à voir ces spectacles impurs, parce que l’on aime à voir ce que l’on a fait & à apprendre ce que l’on peut faire. […] Quel plaisir pourrois-je y goûter ?
En quoi consiste le Plaisir de la Comédie, & de ce Sel qui assaisonnoit les Comédies Grecques. […] Avant que d’examiner la nature de ce sel, je vais rechercher la nature du plaisir que nous cause la Comédie. […] Il n’est pas nécessaire de faire valoir cette raison : nous conviendrons aisément que la Tragédie nous procure un plaisir plus vif que celui de la Comédie. […] Quelque noble qu’il puisse être, je crois qu’au plaisir de voir des intrigues merveilleusement conduites & dénouées, à celui d’entendre des sentimens délicatement développés, & des portraits ingénieusement faits, les hommes préfereront toujours celui d’aller rire d’eux-mêmes, en se regardant dans un miroir qu’un autre Moliere leur présentera. […] Jérôme dans son désert de lire Plaute, quoiqu’il se soit reproché le plaisir que lui causoit cette lecture.
le plaisir dure moins que la lassitude qui en reste : Quid nobis profuit jactantia ? […] Tous les siecles se ressemblent dans l’amour du plaisir. […] Louis XIV, à qui pour le distraire du gouvernement, le Cardinal Mazarin faisoit goûter tous les plaisirs, rougit de s’être permis celui-ci. […] & où fut-on jamais plus assiegé, plus pressé par l’ennemi, plus invité par l’occasion, plus engagé par les attraits du plaisir, que dans un bal, que sur le théatre ? […] Mais vous n’êtes pas des Religieux, dites-vous, pour vous refuser à tous les plaisirs.
C. de mettre au rang des divertissemens permis, des plaisirs qui ont été réprouvés par des payens mêmes ! […] & sont-ce des Chrétiens qui veulent qu’on mette au nombre des plaisirs permis un amusement que ce Philosophe leur démontre être si criminel ? […] voilà les plaisirs, voilà les Spectacles des Chrétiens.
que quand même on assisterait à la Comédie sans affection et sans plaisir, on ne laisserait pas d'être coupable du péché de vanité : que la vanité et l'occupation à des choses inutiles est un péché : que le monde est l'ouvrage de Dieu; mais que les œuvres du monde sont l'ouvrage du Diable, et que la Comédie doit être mise au nombre des œuvres du monde ; que la Comédie, en elle-mêmeChap. 25. […] c'est une volupté interdite aux Chrétiens ; mais surtout dans les chapitres 28, 29 et 30 de son traité contre les spectacles, il établit merveilleusement quels doivent être les plaisirs des Chrétiens, par opposition à ceux dont il prétend leur défendre l'usage. […] qui a mieux connu la corruption du cœur de l'homme qu'aucun Père de l'Eglise, déplore dans ses Confessions l'amour qu'il avait avant sa conversion pour les Comédies, et le plaisir qu'il sentait à y être ému de douleur. Il dit que ce plaisir vient d'une étrange maladie d'esprit, et qu'on est d'autant plus touché de ces aventures Poétiques, qu'on est moins guéri de ses passions.