La vraisemblance est le vernis des Poèmes Dramatiques, elle les fait briller, elle attire sur eux tous les regards ; pour parler sans figures, c’est elle seule qui nous attache, & qui nous fait suivre avec plaisir une action Théâtrale, depuis son commencement jusqu’à sa fin.
Je ne sais quel plaisir nous fait éprouver une Pièce qui débute de la sorte.
Il y a du mal de l'accoutumer à ouvrir son cœur à des plaisirs dont les impressions font d'ordinaire des plaies profondes et durables ; et de lui former l'esprit à des intrigues où tout est passion.
Il y aurait aussi péché mortel pour les simples spectateurs qui assisteraient à une représentation notablement obscène, pour le plaisir honteux que cette représentation peut occasionner.
Ecoutons encore Tertulien, Mademoiselle, c’est lui qui s’est chargé de répondre : quiconque jouit1 tranquillement du Spectacle, sans s’écarter en apparence des Loix de la modestie, étant retenu par son âge ou par sa dignité, ou par la sévérité de son caractère, n’est pas aussi insensible au fond de l’ame, qu’il veut bien le supposer ; courroit-il à l’Amphithéâtre avec tant d’empressement, s’il ne prenoit aucune satisfaction à voir ce qui s’y passe : ce plaisir suppose l’affection & le consentement de la volonté, le mal a des progrès successifs, le poison ne fait pas son effet sur le champ, mais peu-à-peu, c’est une sémence qui demeure quelque tems en terre, & qui produit à la fin des fruits de mort, ut fructificent morti 1. […] Cette sorte de délassement n’est ordinairement recherché que par les personnes désœuvrées, qui n’ont aucun besoin de recréation, n’étant épuisées par aucun travail ni de corps ni d’esprit, qui ne cherchent dans l’Amphithéâtre qu’un changement de plaisir, un moyen de passer le tems ; elles consument en ce vain exercice un tems précieux, dit Saint Jean Chrysostome1, mais dont leur vie frivole est toujours fort embarrassée.
Si leurs Piéces de Théâtre étoient faites avec ordre & bien conduites, elles feroient bien plus de plaisir, parce qu’elles exciteroient les Passions qu’elles doivent exciter. […] Un Poëte Espagnol étoit si content de mourir pour sa Maîtresse, qu’il disoit à la mort, O mort, viens me saisir furtivement, que je ne sache pas que tu viens, de peur que le plaisir de mourir ne me rende la vie.
Or après que ce tison d’enfer eut acquis quelque réputation parmi les Grands, à raison de ses bouffonneries et mots facétieux, il voulut pour augmenter le plaisir de ses Auditeurs, faire des tragédies entières, et pour les représenter s’associa de plusieurs garcesf, et enfants perdus, qui furent nommés Scéniques, à cause qu’ils discernaient leurs actions par scènes, comme témoigne Zénodore, en la troisième Epitre contre Apollinarius. […] Amant où sa plume n’ait tiré quelque trait d’invective, pour forger des armes contre les plaisirs de la vie ; Et immoler la Comédie sur l’autel de sa passion.
Je reconnais vos droits à mes hommages, et je vous les offre avec autant de plaisir que vous me trouvez de dureté à rendre mon mépris pour ceux qui déshonorent si cruellement vos professions. […] En présence d’institutions de toute espèce et pour tout besoin, organisées avec un soin scrupuleux, suivant toutes les règles de la prudence, dont les maîtres et sous-maîtres sont choisis par des supérieurs qui ont passé par tous les grades, subi eux-mêmes toutes les épreuves, les concours, les examens sévères sur les études et la capacité, sur les principes et la moralité, épreuves qu’ils font subir aux aspirants avant de leur accorder le droit d’instruire et former les autres, droit qui encore n’est que la faculté de transmettre avec une autorité respectable à leurs élèves ou disciples soumis, obligés de les écouter, des préceptes ou des leçons dès long-temps préparées et approuvées, déclarées classiques, après avoir été épurées au creuset de la sagesse et de l’expérience ; en présence de semblables institutions, dis-je, et de tels instituteurs, je vois une confusion de professeurs, auteurs, acteurs et actrices, ou maîtres et maîtresses, d’une institution différente, isolés, éparpillés, aventuriers, errants, sans unité, obscurs ou distingués, estimables ou méprisables, licencieux, effrénés, etc., qui ont la plus grande influence sur les mœurs qu’ils font métier de corriger, sans être obligés de prouver qu’ils en ont, et trop souvent sans en avoir ; qui sont sans mission régulière, sans titre ou sans caractère (observez qu’il ne s’agit pas ici d’écrivains qui publient simplement leurs pensées, mais d’instituteurs qui ont des écoles ouvertes dans toute l’Europe, qui appliquent leurs soins presque à tous les genres d’instruction, qui se chargent de l’éducation et de la réforme des deux sexes, des trois âges et de toutes les conditions) ; sans titre, dis-je, sans guide, sous le rapport essentiel, dont la dépendance immédiate est nulle dans l’intérêt des mœurs, qui n’ont que des chefs d’entreprise, ou spéculateurs, traitants, hommes ou femmes, pieux ou impies, croyants ou athées, édifiants ou scandaleux, à qui il suffit surtout d’avoir de l’argent et de l’industrie pour diriger une troupe de comédiens, ou maîtres de cette école, choisis comme eux ; qui, étrangers au grand corps constitué centre de l’instruction et de l’éducation publiques, et sans être astreints à aucune de ses plus importantes formes de garantie, jouissent également du droit d’instruire et de former ou réformer, en transmettant, non en maîtres, avec une autorité respectable, des préceptes ou leçons dès long-temps préparées et approuvées, mais en sujets tremblants, des leçons toutes nouvelles et hasardées pour la plupart ; non à des élèves soumis et obligés de les écouter, mais à des disciples-juges auxquels ils sont obligés, au contraire, de soumettre et préceptes et leçons, et leurs personnes mêmes, qui sont tous sifflés ou applaudis, rejetés ou admis, selon le goût et le bon plaisir des écoliers. […] Considérés sous ce point de vue, les comédiens allant de ville en ville, ou de spectacle en spectacle, vendre un tel plaisir et de telles leçons, ont en effet le plus grand rapport avec ces empyriques, non-aggrégés aussi, qui courent les pays ou les rues, vendant du baume et du vulnéraire qui empoisonnent.
Bourdaloue pour sçavoir que le cœur de l’homme est foible, que l’exemple séduit, que l’occasion entraîne, que le plaisir empoisonne, que l’oisiveté perd, que la frivolité dissipe, que Dieu est oublié, les devoirs négligés, que les graces, la dévotion, le recueillement, la charité s’évanouissent dans ce labyrinthe de volupté & de malignité ? […] Des piéces sans nombre qui n’enseignent, ne représentent, ni ne respirent que les passions & singuliérement l’impureté, des génies singuliers, éloignés de nos éloges, s’ils faisoient un bon usage de leurs talens, des voix luxurieuses ; des femmes à demi-nues, des peintures lascives, des paroles équivoques, des danses lubriques, l’empire du luxe, en un mot un assemblage recherché de tous les plaisirs & de tous les dangers à la fois, un élixir de tous les vices, un chef-d’œuvre de séduction toujours subsistant & multiplié à l’infini, qui fait par-tout les plus grands ravages : y a-t-il d’objets plus importans dans la Réligion & les mœurs, & peut-il y avoir deux avis dans le Christianisme sur les anathêmes qu’il mérite. […] Tout occupé de leur plaisir, s’embarrassant fort peu de leur conscience, ils rient des soins qu’on prend de la justifier.
Avant d’être Roi, je me livrois au plaisir, au vin, aux femmes, au jeu, à mes commodités, à la bonne chere. […] Ne suivez pas pourtant mon exemple ; il y a de l’excès : tous vos officiers vous suivroient, & travailleroient plus pour leur plaisir que pour votre armée. […] Je joue avec plaisir, mais je crains de perdre : d’ailleurs le jeu est le miroir de l’ame, & je ne gagne rien à être connu.
Sortis du Collége, ceux d’une condition plus relevée, ne font plus guére de vers que pour célébrer leurs plaisirs.
Dans la premiere supposition, on s’éloigne du but qu’on doit se proposer ; c’est-à-dire, le plus grand succès & le plus grand plaisir.
Et Valère dit que les Théâtres ont été inventés pour rendre honneur aux Dieux, et donner du plaisir aux hommes.
Il est donc prouvé que des moines et des prêtres, ainsi que des évêques et des archevêques, exercèrent en quelque sorte l’art du comédien ; mais plus souvent comme amateurs, pour leur plaisir.