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5. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

Mal-à-propos l’a-t-on distinguée de la Tragédie par la dignité des Personnages : le Roi de Thèbes, & Jupiter lui-même sont des Personnages comiques dans l’Amphytrion ; & Spartacus de la même condition que Sosie, serait un Personnage tragique à la tête de ses conjurés. […] Dès que le vice est odieux, il est du ressort de la Tragédie : c’est ainsi que Molière a fait de l’Imposteur un Personnage comique, dans Tartufe, & Shakespear un Personnage tragique dans Glocester. […] D’abord on osa mettre sur le Théâtre d’Athènes, des Satyres en action ; c’est-à-dire, des Personnages connus & nommés, dont on imitait les ridicules & les vices : telle fut la Comédie ancienne. […] Les Personnages en étaient Romains ; c’était l’opposé des Palliates, ou Pièces à manteau, dont les Personnages étaient Grecs. 10. […] La dignité de ces Personnages, si peu propres au comique, a répandu bien de l’obscurité sur la nature de ce Spectacle.

6. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre IV. De l’illusion Théâtrale. » pp. 64-79

L’Acteur en montant sur le Théâtre doit, en quelque sorte, déposer l’homme, pour ne montrer que le personnage qu’il va représenter. […] Un lieu déterminé ne lui est pas moins nécessaire que les personnages. […] Il prétend qu’on voit, sans être blessé du défaut de vraisemblance, qu’on voit même avec plaisir une jeune Comédienne, se charger d’un personnage de vieille, &c. […] Si une jeune Actrice peut jouer le rôle d’une vieille, celle-ci peut faire le personnage d’un jeune. […] On ne connoît point les Acteurs, & il est plus facile de les prendre pour les personnages mêmes.

7. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre I. Du Théâtre des Anciens. » pp. 2-24

On lui donne néanmoins la gloire d’avoir joint un second personnage à celui que Thespis avoit inventé. […] Le mot personæ, rendu par personnages, ne peut s’entendre Boileau dit qu’Eschyle jetta les personnages dans le chœur ; Horace dit que le réformateur du Théâtre Grec, inventa un nouveau personnage. […] Si l’expression personæ d’Horace, signifie les personnages, comment Eschyle les auroit-il inventés, puisque Thespis en employoit un avant lui ? […] Eschyle n’augmenta point le nombre des personnages du chœur, au contraire ; de cinquante qu’on y voyoit souvent, il les réduisit à douze, & cette réduction étoit nécessaire. […] « Eschyle, dit le Pere Brumoy, l’y incorpora comme chœur, pour chanter dans les entre-actes, & comme personnage mêlé à l’action.

8. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [C] » pp. 391-398

Ils en avaient dont les mœurs & les Personnages étaient Grecs ; ils les appellaient Palliates : & d’autres dont les mœurs & les Personnages étaient Romains ; elles s’appellaient Prétextates (on a déja vu cette distinction, sous l’Article Comédie). […] Cette liste finit au grand Addisson : le Caton d’Utique de cet illustre Auteur est le plus grand Personnage, & sa Pièce est la plus belle qui soit sur aucun Théâtre. […] Nous ne reconnaissons pas nos amis dans les Personnages du Poète Tragique : mais leurs passions sont plus impétueuses ; & comme les loix ne sont pour ces passions qu’un frein très-faible, elles ont bien d’autres suites que les passions des Personnages du Poète Comique. […] On peut donc mettre des Personnages scélérats sur la Scène Tragique, mais on blâmerait le Poète qui donnerait à des Personnages scélérats des qualités capables de leur concilier la bienveillance du Spectateur. […] Comme Melpomène se plaît à parer ses Personnages de couronnes & de sceptres, il arriva dans ces temps d’horreurs & de persécutions, qu’elle choisit dans cette Pièce Dramatique pour sa victime, un Prince contre lequel les Spectateurs étaient révoltés.

9. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VIII. Des caractères & des Mœurs Tragiques. » pp. 131-152

Le Poéte n’a plus qu’à mettre ses personnages dans des circonstances qui dévoilent leur ame. […] Telles sont les causes générales qui empêchent de donner aux personnages dramatiques des caracteres dignes d’eux. […] Le principal personnage est un ambitieux & un amant ; s’il n’est bien ni l’un ni l’autre, tant pis. […] Ils partageroient une feuille de papier en autant de colomnes, que la piéce auroit de personnages. […] A la seconde, celui du personnage qui a le second intérêt à l’action, & ainsi des autres.

10. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VII. Des Duo, Trio & Quatuor. » pp. 329-339

Il faut avoir soin de n’employer le Duo que lorsque les Personnages sont èxtrêmement animés par la passion qui les agite. […] Il n’est guères possible de saisir ce que disent les Personnages d’un quinqué, & quelquefois même d’un trio. […] Au-lieu de parler de ce qui concernait les principaux Personnages, il s’amusait souvent à faire de magnifiques descriptions, ou à conter la généalogie de quelques Dieux. […] Je suis enchanté lorsque je vois à l’ouverture d’une Comédie ou d’une Tragédie, les personnages agités de grandes passions, & déjà dans une situation intéressante. […] L’action paraît déjà commencée ; on est curieux de s’instruire des événemens qui sont arrivés, qui troublent les Personnages même avant qu’on les ait vu agir.

11. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VII. De la Vraisemblance. » pp. 277-286

Le Possible bon ou plutôt suffisant, c’est ce qui regarde le changement de pensée, & les actions peu considérables des hommes : comme, par éxemple, que celui-ci se décide enfin à une chose qu’il ne voulait pas faire d’abord ; que tel personnage fasse dans un jour cent lieues, & que celui-là rencontre quelqu’un qu’il croyait bien loin. […] Les noms des Personnages peuvent aussi être vrais & supposés ; en mettant des noms vrais dans une Pièce, il est permis malgré cela d’en imaginer le Sujet ; & en mettant des noms supposés, on est maître d’y placer des choses vraies & réelles. La plus-part des personnages de Zaïre ont éxisté ; mais l’Auteur les rend en bute a des malheurs, il les fait rencontrer dans des situations qu’ils n’éprouvèrent jamais. Le second éxemple est plus rare ; il ne se trouve guères, je crois, que dans les Pièces Satiriques, je serai d’avis qu’on le suivit le moins qu’on pourra ; le prémier est plus usité, facilite davantage le Poète, & fait naître plutôt l’illusion : lorsque les noms des personnages sont vrais, on est porté à croire que l’action est réelle. […] Le Bucheron fournit encore plus de matières à la critique ; on conviendra, je pense, que les personnages de cet Opéra sont dépeints comme vivans dans ce Siècle ; ils ont du moins les mœurs, les usages, les habits des Bucherons de nos jours.

12. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre XI. Du jeu des Acteurs. » pp. 345-354

Combien l’Acteur doit s’éfforcer d’être naturel & de paraitre le Personnage qu’il représente. […] En un mot, il faut qu’il paraisse être réellement le personnage supposé ; & que rien ne fasse découvrir le Comédien. […] Je peux croire d’abord qu’il est réellement le Personnage qu’il représente. […] Les Personnages tout-à-fait bas sont les seuls qui soient mis selon le costhume, ou selon le caractère de leur role. […] Tous ceux qui s’étonnent que des gens de Lettres ayent si bien imités dans leurs ouvrages des Bucherons, des Savetiers, qu’ils ne fréquentent sûrement pas ; ont plutôt lieu d’admirer des Acteurs qui se rendent tout-à-fait semblables à des Personnages qu’on n’a fait que leur peindre.

13. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VIII. Réfléxions sur le plaisir qu’on ressent à la représentation d’un Poème comique, & sur la douleur qui déchire l’ame des Spectateurs d’un Drame sérieux. » pp. 113-123

Il est bien certain que l’action d’une Comédie n’a rien de réel, & que ses Personnages sont tous chimériques ; le Spectateur intelligent doit donc s’étonner de s’intéresser à des fâbles. […] On suit d’un œil aussi curieux, & aussi inquiet le Personnage représenté au Théâtre, que si l’on contemplait dans le monde ses folies ou ses infortunes. […] Les Personnages qu’on y voit agir sont factices, il est vrai ; mais leurs ridicules & leurs passions se trouvent dans la plus-part des hommes ; l’on ne saurait donc manquer d’être frappé d’un tableau qui peint au naturel nos erreurs & nos travers. […] Il ne faut point se transporter dans les tems reculés de l’histoire, ni parcourir de vastes contrées, pour mieux connaître les Hèros qu’elle fait agir ; ses Personnages sont copiés d’après des originaux qui vivent parmi nous : on croit voir agir & entendre parler des personnes que l’on fréquente chaque jour. […] Quoiqu’il semble que la plus-part des Spectateurs d’une Tragédie doivent considérer son action avec indifférence, puisque les Personnages sont des Princes ou des Rois, qui, par conséquent, leur sont étrangers ; il arrive pourtant tout le contraire.

14. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre V. Du nombre des Acteurs. » pp. 252-256

Il est certain que lorsqu’on remplit trop le Théâtre de personnages parlants, on court risque d’embrouiller l’intrigue, surtout s’il ont des choses à dire assez importantes pour qu’il faille les entendre. […] Lorsqu’il voudra mettre sur la Scène un nombre plus considérable que celui que je viens de proposer, il observera qu’il n’ayent rien à dire d’essentiel, & qu’ils n’y soient amenés qu’un moment, & qu’afin de délasser les yeux du Spectateur, trop long-tems arrêtés sur le principal personnage. […] Il est alors à supposer que ses personnages ne doivent plus se faire entendre ; car parlant tous à la fois, il est presque impossible de démêler dans cette confusion un seul mot de ce qu’ils disent. […] Dans le Jardinier & son Seigneur, il met en action dans une même Scène les personnages les plus importans, & un grand nombre de subalternes ; & comme si ce n’était pas encore assez, il fait accourir dans le même lieu tout un Village.

15. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — QUATRIEME PARTIE. — Tragédies à corriger. » pp. 180-233

En effet, le personnage de Créon, à la place de Philoctète, donne à la Tragédie d’Œdipe un grand relief, et du côté de l’intérêt, et du côté du caractère d’Œdipe. […] Les Poètes qui ont retranché Créon de cette Tragedie n’ont pas senti de quelle importance était ce personnage, sans lequel ils ne peuvent suivre la maxime généralement embrassée et établie par les premiers Maîtres de l’art : ils prétendent, ces Maîtres (mais en ce point je ne sais si leur avis est bien sûr) ils prétendent, dis-je ; que lorsque le Héros de la Pièce doit succomber à une infortune qu’il n’a pas méritée, il faut adroitement mettre des bornes à la compassion des Spectateurs, en la diminuant par quelque trait qui donnent atteinte ou à la vertu, ou au caractère de ce personnage. […] Or, si l’importance de ce point est reconnue, n’est-il pas constant que les Auteurs, qui ont retranché de leur Pièce le personnage de Créon, s’exposent à faire paraître Œdipe trop vertueux ? […] De son temps le goût et le cœur de la plus grande partie des Spectateurs étaient également corrompus par l’effet d’une longue habitude à ne voir, sur le Théâtre, que des personnages livrés à tous les emportements de la passion d’amour. […] A l’égard de la compassion que l’on peut avoir pour les personnages qui meurent, elle ne doit point balancer l’horreur que l’Auteur de tant de carnage inspire ; et c’est, comme je l’ai déjà dit et comme je le pense, l’horreur du crime, ou l’amour de la vertu, qui établit la catastrophe.

16. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

Mathan n’est point un Personnage épisodique. […] Abner pourroit être regardé comme un Personnage Episodique. […] Toute l’Action est conduite par un Personnage subalterne, qui n’intéresse point. […] Les choses arrivent comme on a prévu, parce qu’elles arrivent suivant les Mœurs des Personnages. […] Quelque Personnage qu’Homere amene, homme ou femme, tout Personnage parle suivant ses Mœurs & son Caractere : car tout a son caractere chez Homere.

17. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre IV. Il faut que le nouveau Théâtre se fonde sur la Vérité & sur la Nature. » pp. 133-138

Le genre qui lui convient ne renfermant aucune apparence de Sublime, ne devant nous montrer que des personnages bas & vils, dont les discours se ressentent du rang qu’ils tiennent, l’esprit se révolterait de s’occuper long-tems de choses fausses & méprisables. […] La plus-part de ses personnages savent par cœur la carte du tendre ; elle n’oserait se faire voir sans être accompagnée d’un habile décorateur, & d’une foule de gardes. […] Il est impossible de faire agir leurs personnages avec plus de naturel. […] On rougirait de chercher la compagnie des vrais personnages.

18. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre V. Il n’est point de Drame sans Mœurs. » pp. 139-141

D ire que les personnages d’un Drame ont des Mœurs, c’est en faire l’éloge. […] Mais je ne me sers ici de ce terme que pour marquer le caractère distinctif des personnages de nos Drames modernes. […] Nous les voyons ces personnages tels que sont ordinairement ceux que l’on copie.

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