En laissant subsister cette opinion d’inutilité du Théâtre, ce serait autoriser en quelque sorte sa réprobation : il est donc essentiel que je prouve non seulement qu’il est utile ; mais même qu’il est nécessaire, et cela par l’expérience. […] Sa probité, ses mœurs et sa vertu prouvent authentiquement qu’il s’en faut bien que le Théâtre soit capable de corrompre un cœur bien fait ; c’est Mr. de Crébillon, osera-t-on rejetter l’opinion de ce Grand homme. […] Voilà donc un exemple frappant qui confirme l’opinion d’un grand homme sur l’utilité du spectacle ; mais un exemple n’est pas assez. […] Ces Midas répandus aujourd’hui dans les cercles brillants, y contractent une urbanité usuelle qui ne sert qu’à tromper ceux qu’ils respectent ou qui leur sont indifférents, mais pour les bien juger, c’est dans leur Commerce avec leurs subordonnés, qu’il faudrait aller chercher l’opinion qu’ils méritent et saisir leurs traits caractéristiques pour en faire un portrait ressemblant et juste, experto crede Roberto. […] Cet accident et l’indigne conduite de la plupart de mes Camarades me déterminèrent à revenir à Paris, sans renoncer cependant au Théâtre, parce que je n’ignorais pas que la troupe que je quittais était la plus mauvaise du Royaume, je reçus bientôt un engagement pour la Cour de Bayreuth et j’y vins me convaincre que les bonnes mœurs, la probité, la conduite se peuvent très bien accorder avec le talent et le métier de Comédien, j’avoue en même temps que je n’ai pas trouvé la même pureté dans les troupes dans lesquelles j’ai été engagé depuis, mais j’y ai cependant trouvé toujours un bon nombre de sujets capables de justifier la bonne opinion que j’ai de ma profession.
357 L’OPINION DES auteurs tant profanes que sacrés, touchant les Spectacles, 399 Le sentiment des Philosophes, des Orateurs, des Historiens et des Poètes mêmes du Paganisme touchant les Spectacles, 400 Le Théâtre blâmé par les Lois d’Athènes, de Sparte et de Rome, 410, et suiv.
Ajoûtez que la mesure, nous donnant successivement une dimension & puis l’autre, nous instruit lentement de la vérité des choses ; au lieu que l’apparence nous offre le tout à la fois, &, sous l’opinion d’une plus grande capacité d’esprit, flatte le sens en séduisant l’amour-propre. […] Or, par les raisons que nous avons déjà discutées, il est impossible que l’homme, ainsi présenté, soit jamais d’accord avec lui-même ; & comme l’apparence & la réalité des objets sensibles lui en donnent des opinions contraires, de même il apprécie différemment les objets de ses actions, selon qu’ils sont éloignés ou proches, conformes ou opposés à ses passions ; & ses jugemens, mobiles comme elles, mettent sans cesse en contradiction ses desirs, sa raison, sa volonté & toutes les puissances de son ame. […] Ainsi l’égalité, la force, la constance, l’amour de la justice, l’empire de la raison, deviennent insensiblement des qualités haïssables, des vices que l’on décrie ; les hommes se font honorer par tout ce qui les rend dignes de mépris ; & ce renversement des saines opinions est l’infaillible effet des leçons qu’on va prendre au Théâtre.
Je vous avouerai à cette occasion (contre l’opinion assez généralement établie) que le sujet de Venise sauvée k me paraît bien plus propre au Théâtre que celui de Manlius Capitolinus l, quoique ces deux pièces ne diffèrent guère que par les noms et l’état des personnages ; des malheureux qui conspirent pour se rendre libres, sont moins odieux que des Sénateurs qui cabalent pour se rendre maîtres. […] Si donc les peintures qu’on fait de l’amour sur nos Théâtres étaient dangereuses, ce ne pourrait être tout au plus que chez une nation déjà corrompue, à qui les remèdes même serviraient de poison ; aussi suis-je persuadé, malgré l’opinion contraire où vous êtes, que les représentations théâtrales sont plus utiles à un peuple qui a conservé ses mœurs, qu’à celui qui aurait perdu les siennes. […] L’esclavage et l’espèce d’avilissement où nous avons mis les femmes ; les entraves que nous donnons à leur esprit et à leur âme ; le jargon futile, et humiliant pour elles et pour nous, auquel nous avons réduit notre commerce avec elles, comme si elles n’avaient pas une raison à cultiver, ou n’en étaient pas dignes ; enfin l’éducation funeste, je dirais presque meurtrière, que nous leur prescrivons, sans leur permettre d’en avoir d’autre ; éducation où elles apprennent presque uniquement à se contrefaire sans cesse, à n’avoir pas un sentiment qu’elles n’étouffent, une opinion qu’elles ne cachent, une pensée qu’elles ne déguisent. […] Mais en paraissant moins prévenu que vous pour la modestie de leur sexe, je serai plus favorable à leur conservation ; et malgré la bonne opinion que vous avez de la bravoure d’un régiment de femmes, je ne croirai pas que le principal moyen de les rendre utiles, soit de les destiner à recruter nos troupes. […] Si je me suis trompé dans l’exposition que j’ai faite de leurs sentiments (d’après leurs ouvrages, d’après des conversations publiques où ils ne m’ont pas paru prendre beaucoup d’intérêt à la Trinité ni à l’Enfer, enfin d’après l’opinion de leurs concitoyens, et des autres Eglises réformées) tout autre que moi, j’ose le dire, eût été trompé de même.
J’ai la témérité d’attaquer un Atlhéte dans ses retranchemens : je le fais néanmoins avec d’autant plus de confiance, que j’ai cherché la loi en question ; je l’ai lue, & dans les termes qui l’expriment, je n’ai rien trouvé qui favorise son opinion touchant la Comédie Françoise.
Indigné contre une opinion si fausse et si pernicieuse, je crus d’abord qu’elle n’était fondée que sur la prévention qui n’examine rien, et dont la force impérieuse entraîne ordinairement la multitude ; mais après avoir creusé jusques dans la source de cette erreur, je vis qu’elle venait de l’ignorance de l’art, de la faiblesse du genie, de la stérilité des inventions, et surtout du peu de goût et de sensibilité qu’on a pour les choses de la Religion.
[NDE] « Madame de la F. » est très probablement Madame de La Fayette, qui ne cachait pas son opinion sur la pensée de Nicole.
La censure ne peut être établie sans l’opinion d’un homme, et l’opinion d’un homme n’est pas la loi. […] Malheur au pays où les magistrats sont législateurs ; et ils le sont partout où leur opinion particuliere peut décider. La censure ne sera donc pas exercée sur le théâtre, puisqu’elle mettroit toujours l’opinion d’un homme, ou de plusieurs hommes à la place de la loi.
Opinion, bisarre idole, Dont l’Univers subit la loi, Moins puissante que sa parole, En lui tu reconnois ton Roi ; Au milieu de l’erreur commune, L’homme éloquent est le Neptune Qui s’éleve du sein des eaux, Il parle aux vagues mugissantes, Et les vagues obeissantes vont expirer sous les roseaux. […] Ce Roi de l’opinion, dont l’éloquence a persuadé le genre humain. C’est une absurdité, les opinions de Voltaire ne sont adoptées de personne.
& l’opinion de la présence réelle plus monstrueuse que le matérialisme ? […] Laissons-donc à la fiction la tranquille possession du royaume de l’autre monde, source où l’imagination puise le systeme où se fonde la populaire opinion. […] Et ce qu’on pourroit appeler comique, si l’objet étoit moins important, il veut faire un mérite de ces opinions, un titre de sainteté supérieur à toute la perfection du Christianisme.
Heureux celui de nos successeurs qui le premier aura le plaisir d’annoncer la fin de nos erreurs sur nos opinions par rapport à l’art du théatre ! […] L’Auteur finit par ces mots, la fin de nos erreurs sur nos opinions : expression louche, qui ne rend pas ce qu’il veut dire. Par rapport à l’art du théatre, c’est une erreur sur une opinion.
C’est du moins l’opinion de Corneille. […] Quelque critique, pour condanner ce genre, a osé dire qu’il était nouveau ; on l’en a cru sur sa parole, tant la légèreté & l’indifférence d’un certain Public, sur les opinions littéraires, donne beau jeu à l’ignorance & à l’effronterie.
On pourrait avancer, sans soutenir une opinion bisare, qu’il n’y a que l’observation des règles en tout genre qui promette de véritables succès.
Il est certain néanmoins que depuis quelques années notre Théâtre se laisse retomber peu à peu dans sa vieille corruption, et que les Farces impudentes, et les Comédies libertines, où l'on mêle bien des choses contraires au sentiment de la piété, et aux bonnes mœurs, ranimeront bientôt la justice de nos Rois, et y rappelleront la honte et les châtiments ; et j'estime que tous les honnêtes gens ont intérêt de s'opposer à ce désordre renaissant, qui met en péril, et qui sans doute ruinera le plus ordinaire et le plus beau des divertissements publics ; Car l'opinion des doctes Chrétiens, est que la représentation des Poèmes Dramatiques ne peut être condamnée quand elle est innocente, quand elle est honnête.