L’amour est présentement la passion qu’il y faut traiter le plus à fond ; et quelque belle que soit une pièce de Théâtre, si l’amour n’y est conduit d’une manière délicate, tendre et passionnée, elle n’aura d’autres succès que celui de dégoûter les Spectateurs, et de ruiner les Comédiens. Les différentes beautés des pièces consistent aujourd’hui aux diverses manières de traiter l’amour ; soit qu’on le fasse servir à quelque autre passion, ou bien qu’on le représente comme la passion qui domine dans le cœur. […] « Ne voyez-vous pas l’amour traité de cette manière si impie dans les plus belles Tragédies et Tragicomédies de notre temps ? […] Quoiqu’on veuille dire que le Théâtre ne souffre plus rien que de chaste, et que les passions y sont traitées de la manière du monde la plus honnête, je soutiens qu’il n’en est pas moins contraire à la Religion Chrétienne. […] Mais, comme dit le grand Evêque que je viens de citer ae : "Pour changer leurs mœurs, et régler leur raison, les Chrétiens ont l’Eglise, et non pas le Théâtre" : l’amour n’est pas le seul défaut de la Comédie, la vengeance et l’ambition n’y sont pas traitées d’une manière moins dangereuse.
Assurément on leur devient semblable, quand on les va voir souvent ; et les enfants s’y corrompent de manière qu’on ne peut après cela leur retenir l’esprit, ni les rappeler à la raison. […] Je souhaite fort que mon fils s’élève au dessus des pensées du vulgaire ; mais je serais bien fâché qu’il s’avisât jamais d’en railler la Religion ; il faut ménager les faibles, et par des manières sérieuses les ramener à la solide piété. […] Mais enfin les hommes sont faits de manière qu’il faut de l’appareil pour les convaincre ; et on ne peut douter que la pureté du langage, la sublimité du style, la beauté des expressions, la variété des figures, et la cadence des périodes ne fassent plus d’effet sur leur esprit, que les raisonnements les plus exacts. […] Si votre fils sait faire réflexion sur ce qui se passe en lui, examiner quelle impression les paroles des autres font sur lui, chercher la cause des divers sentiments qui suivent les divers tours, les diverses manières, et les mêmes choses placées diversement, il deviendra bon Rhéteur. […] Car ceux qui ne se sont mêlés de science en aucune manière, respectent du moins la vérité et la justice sur la parole de ceux qu‘ils croient savants : Mais ces gens de fausses études joignent à leur ignorance une bonne opinion d’eux-mêmes, qui fait qu’ils s’opposent à tout ce qu’ils n’entendent point.
lesquels de leur nature ou sont sourds, de manière qu’on ne peut bonnement entendre ce qu’on y dit, ou bien sont tellement désaccordants, qu’ils rejettent et repoussent jusqu’au profond la voix, ores qu’elle soit prononcée avec force. […] retentissent et résonnent tellement, qu’ils redoublent les derniers mots qu’on a proférés : autres retentissent de manière, que d’une parole ils en font plusieurs. […] Or y avait-il trois manières d’icelles Scènes : à savoir Tragique, Comique, et Satirique.
En excluant, me dit-on, de la Comédie le ridicule qui tombe sur l’extérieur du vice, ou sa maniere d’être, vous ôtez à la Comédie son plus grand agrément, qui est celui de corriger les mœurs en faisant rire, & de faire passer dans l’ame des Spectateurs d’utiles vérités par le canal du plaisir. […] On me dit qu’en excluant de la Comédie le ridicule qui tombe sur l’extérieur, ou sur le maniere d’être du vice, je prive la Comédie de son plus grand avantage, qui est de faire passer par le canal du plaisir d’utiles vérités dans l’ame du Spectateur. […] Après la distinction que je viens de faire, je puis établir pour maxime générale, que la bonne Comédie exclut le ridicule qui tombe sur l’extérieur ou sur la maniere d’être du vice : la raison que je vais tâcher de donner de cette regle, servira de réponse à l’objection qu’on m’a faite ci-dessus. […] Cette maxime leur enseigne à semer quelques fleurs sur le chemin de la sagesse & de la vertu, dans lequel ils veulent les faire marcher : cette maxime condamne ces maîtres durs & impérieux, qui dégoûtent de faire le bien par la maniere dont ils le dépeignent, & qui semblent avoir moins à cœur d’inculquer dans l’esprit de leurs Disciples les divines leçons de la sagesse, que de leur prouver qu’ils sont eux-mêmes des sages par excellence. […] Le moyen le plus sûr pour y parvenir, est sans doute de leur prouver qu’ils ont tort d’être comme ils sont : la méthode la plus efficace pour faire cette preuve, est d’exposer d’après nature le vice avec ses suites funestes, & de laisser les Spectateurs les maîtres d’y ajouter le ridicule, s’ils en ont envie : j’ai donc eu raison d’établir qu’il est de l’essence de la Comédie de peindre les Mœurs d’après nature, & qu’elle s’éloigne de son but, lorsque ses traits tombent plutôt sur la maniere d’être des Mœurs, que sur le fond des Mœurs.
On doit faire attention à ces différentes manières dont les comédiens sont considérés dans les canons et décrets des saints conciles déjà cités. […] L’autorité séculière, en protégeant les comédiens d’une façon spéciale, ne devait jamais être exposée à une résistance anarchique de la part du clergé, puisque le clergé autrefois avait également protégé les gens de théâtre, mais d’une manière moins éclairée et moins régulière. […] C’est ce que j’ai bien expliqué dans le courant de cet écrit, d’une manière assez claire et assez précise, en parlant de notre religion. […] Il faut donc en conclure, que la cause des acteurs est enfin gagnée, tant auprès du gouvernement qu’auprès des membres du haut clergé de France, qui, se distinguant aujourd’hui par leurs lumières et leur équité, se convaincront que les comédiens et la comédie ont été transférés d’une manière honorable sur nos théâtres publics par la volonté de nos rois, par les arrêts de nos parlements, et enfin par l’approbation des souverains pontifes à Rome, chefs de l’église chrétienne, catholique, apostolique et romaine.
Desprez de Boissy avoit reçu des témoignages également intéressans de la part de plusieurs Littérateurs distingués, qui, en adhérant à ses principes, l’ont loué de les avoir soutenus de la maniere la plus persuasive. […] Vous avez doublé le bienfait par la maniere obligeante dont vous me l’annoncez. […] Cette question y est traitée & discutée d’une maniere d’autant plus intéressante, que cet habile Académicien avoit eu pour Contradicteur un Confrere estimable, M.
Cyprien admoneste Eucratius de retirer de cette vilaine et déshonnête manière de vivre, un bateleur qui était parmi son peuple, pour suivre un plus honnête état, et mener une vie d’innocence. […] en son art déshonnête, et vilaine manière de vivre, et comme maître et conducteur d’enfants, non pour les enseigner, et instruire quelque chose de bon, mais pour les perdre et gâter, montre aussi les autres, ce qu’il a autrefois appris à sa ruine et damnation, à savoir si un tel personnage doit vivre et communiquer avec vous. […] E n son art déshonnête et vilaine manière de vivre.
Parmi cette foule de méchantes raisons, je m’arrête aux principales, car il serait impossible de les rapporter toutes, on allègue que la comédie ou tragédie est une peinture, et une représentation fidèle d’une action, ou plutôt de quelque événement dans sa substance et dans ses circonstances, et qu’elle n’est différente de la lecture de l’histoire, que nul ne s’avisera de soutenir être défendue, qu’en ce qu’elle représente d’une manière vive animée, et pour ainsi dire personnelle, ce que l’autre ne raconte que comme passé, et d’une manière morte et sans action. Je réponds que les choses morales ne se doivent pas ainsi considérer dans la pure spéculation, et d’une manière abstraite et métaphysique, mais telles qu’elles sont en effet, et avec toutes leurs circonstances. […] Sinon un vain plaisir qui sera d’autant plus vif que la pièce tracera plus fidèlement le portrait de nos maladies secrètes, dont elle est l’attrait et la pâture, « plena, comme dit saint Augustin, fomitibus miseriarum mearum », j’avoue que l’histoire intéresse de même le lecteur dans les actions qu’elle représente, et qu’il est malaisé de lire la Romaine, sans détester les cruautés de Marius et de Sylla, la profonde dissimulation de Tibère, aimer la clémence d’Auguste, sans grossir le parti de Pompée contre César, mais quelle erreur de ne savoir pas distinguer entre l’art de décrire les méchantes actions pour en inspirer de l’horreur, et celui de peindre des passions tendres, agréables, délicates, d’une manière qui en fasse goûter le plaisir, ne doit-on pas avoir quelque honte de confondre deux choses si opposées ? […] La gloire de reformer le monde était réservée à ce nouvel Evangile, et sans doute il a fait de grands progrès, et il est capable d’en faire encore de jour en jour de plus grands, il a corrigé quelque affectation de langage, quelques façons bizarres et grotesque de s’habiller, en un mot les manières qui ont quelque chose de choquant et de ridicule, mais pour des vices réels, des dérèglements effectifs, ha ! […] Vos ordonnances pleines de justice, seront mes cantiques dans mon pèlerinage, elles ont en effet la force de charmer et d’enchanter d’une manière toute céleste, l’ennui de cet exil.
Enfin de quelque maniere que les Etrangers pensent de la Rime, tant qu’Apollon nous protégera, nous y resterons fidelles, & même à la Rime la plus exacte. […] Il est très attentif, dit Longin, à traiter d’une maniere Tragique ces deux Passions, la Fureur & l’Amour. Euripide ne parle jamais le langage de la tendresse, il peint seulement les fureurs de l’Amour : c’est ce que Longin appelle traiter cette Passion d’une maniere Tragique εκτραγῳδησαι, maniere si long-tems ignorée parmi nous. […] Ces Ouvrages sont si anciens, tant les ténebres avoient duré, qu’on ne peut découvrir d’une maniere certaine, chez quel Peuple, & dans quelle Langue parurent d’abord les Amadis. […] Le monologue de Rodrigue dut produire un grand effet à cause de notre maniere de penser sur le point d’honneur, & sur l’amour.
C’est pourquoi j’ai défini l’Opéra-Bouffon de la manière qu’on a dû le voir au Chapitre trois du Livre troisième. S’il m’arrive quelquefois de désigner ses Drames sous l’épithète de bouffons, ce n’est pas que je ne sçache qu’on peut m’en montrer plusieurs qui ne la méritent pas ; mais en général c’est le nom qui convient le mieux à ce Spectacle frivole & plaisant, à la manière dont ses Drames sont traités, & au genre qui le caractérise. […] Il est pourtant utile de remarquer ici, que les diverses manières d’indiquer les Drames du nouveau Théâtre furent imaginées, afin de désigner les différens genres qu’il embrasse.
D’ailleurs le pape s’est prononcé d’une manière non équivoque en faveur de ceux-là, et les prêtres rigoristes en France ne sont nullement fondés à élever des prétentions injustes contre ceux-ci. On se convaincra facilement de ce que je viens de dire, en observant que le théâtre est maintenant épuré et qu’il est en outre protégé, autorisé, soldé et honoré par tous les gouvernements séculiers, et que cette autorisation est sanctionnée par la manière dont le gouvernement papal en use envers les comédiens à Rome et dans toute l’Italie. […] Ils permettaient que des hommes représentant des diables et toutes les divinités du paganisme, dansant et gesticulant d’une manière scandaleuse, fissent partie inhérente de processions du saint-sacrement.
Dans cette vue on doit traiter la passion d’amour de la même manière qu’on traite les autres passions sur la Scène. […] Il me paraît qu’on ne peut se dispenser de dire la même chose au sujet de la passion d’amour, lorsqu’elle est traitée d’une manière qui blesse les bonnes mœurs et les devoirs de la société. […] Suivant ce principe on croira que je vais rejeter tout le Théâtre comique de nos jours ; je serais assez porté à prendre ce parti : cependant je veux examiner si parmi les Pièces qui subsistent il y en a quelques-unes qui méritent d’être conservées, et si, dans la corruption générale du Théâtre, on peut trouver quelque Comédie où la passion d’amour soit traitée d’une manière instructive comme je viens de le proposer.
O n appelle caractère au Théâtre, la manière de sentir, de parler & d’agir, propre à chaque personnage. […] Si la maniere du Peintre est à lui, plutôt qu’à son pays, rien n’empêche qu’il ne s’en serve. […] Ainsi le Peintre ou le Poëte (car nous les prenons ici l’un pour l’autre) n’a à se mettre en garde que contre la maniere générale de ses concitoyens. […] Elle est exécutée aux yeux de l’amour-propre, de la maniere la plus heureuse. […] Une amour-propre toujours dirigé à la perfection du Poéme, une étude constante des grands modèles de l’Histoire, & surtout de la Nature, un jugement sain indiqueront assez aux Auteurs la maniere la plus propre de traiter les mœurs, pour faire sortir les caractères, & leur donner ces convenances, cette qualité qui en constituent l’essence.
Il aurait bien dû considérer qu’elle va à son but d’une manière enjouée, & en répandant sur tous les objets un air de plaisanterie, afin de faire une impression plus facile, plus douce, ou qui soit différente de celle qu’on éprouve aux Drames des Corneille. […] Elles ont chacune leur manière propre d’émouvoir & de corriger les hommes. […] pag. 128. lig. 18. après ces mots, qui se forme par dégrès, ajoutez cette note : (Une preuve frappante que l’harmonie & le chant nous sont naturels, c’est ce que Rameau lui-même, quoique intéressé à relever la supériorité de son art, rapporte dans son Traité sur la manière de former la voix.