Mais quand tous ces jeux ne se celebreroient point à l’honneur des Idoles, des Chrestiens ne deuroient pas s’y trouuer, ils ne deuroient pas cherir des diuertissemens, qui pour estre exempts de crime ne sont pas exempts de vanité, & dont le pompeux appareil a trop de la liberté du siecle.
Ecrivant dans le sein d’une République idolâtre de sa liberté, ils s’attacherent à décrier la tyrannie ; ils tracerent des portraits effrayans ; des Rois & de tout ce qui les environne, afin d’inspirer plus d’horreur au Peuple contre tout ce qui pouvoit altérer la forme du gouvernement établi.
Il résulte donc confirmativement que ce fut sans aucune nécessité qu’un grand homme employa toute la force de son génie et toutes les illusions du théâtre pour présenter un de ces faux frères aux honnêtes gens, de manière à les faire frémir d’indignation et rougir d’être hommes, de manière à leur ôter toute liberté d’esprit et de jugement, à leur rendre odieux et insupportables, non seulement le personnage, mais même son masque ou le costume dont il s’est servi, l’attitude, les manières qu’il a prises, les gestes qu’il a faits, toutes ses expressions qui le retraçent à leurs yeux sans cesse et malgré eux, où qu’ils se trouvent, lors même que ces traits leur attestent réellement la présence de la vertu qui, hélas, n’en ayant pas d’autres sensibles, je le répète, se trouve ainsi condamnée à être continuellement prise pour l’imposture et traitée comme telle !
la liberté & la gêne, le chatiment & la danse, les ris & les larmes ; les soldats & les acteurs ; la prison & la scéne !
Vous reprendriez vos enfans, vous puniriez vos esclaves, s’ils se donnoient ces libertés, vous ne les souffririez pas dans votre maison, & lorsque les derniers, les plus vils, les plus méprisables des hommes (des Comédiens) Verberones, serviles abjecti homines, vous invitent à venir entendre ces infamies, vous vous en réjouissez, vous leur en rendez graces.
Quelques Auteurs de Poètique ont pris même la liberté de le combattre.
On y croit que Jésus-Christ, après son entrée à Jérusalem, donna la liberté à l’ânesse ou à l’ânon qui lui avait servi de monture, et que cet animal, après avoir voyagé quelque temps en Palestine, traversa la mer à pied sec, et vint se réfugier à Vérone, où il mourut. […] On dit même qu’il se trouve certains diablotins entreprenants, qui poussent le jeu fort loin, et prennent des libertés capables d’alarmer la pudeur des jeunes vierges. […] Il y avait même certaines églises où les évêques et les archevêques jouaient aux dés, à la paume, à la boule et aux autres jeux ; dansaient et sautaient avec leur clergé, dans les monastères, dans les maisons épiscopales, et où ce divertissement s’appelait la liberté de décembre, à l’imitation des anciennes saturnales.
(les Evêques) Jadis Pasteurs ou soi-disans, Pour le monde brûlans de zelle De la Cour rarement absens, Alloient de ruelle en ruelle L’amour au beau sexe prêchant Et la charité fraternelle, Tandis que leur troupeau fidelle En liberté couroit les champs, Et se paissoit d’herbe nouvelle, Sans craindre des loups ravissans. […] Semblable au Cordonnier des fables de la Fontaine, qui en devenant riche, perdit toute sa gayeté, ne pouvoit plus chanter, se réjouir faire de bons souliers, & alla rendre à son bienfaiteur l’argent qu’il en avoit reçu, & se fit rendre sa liberté & sa joie, Corneille fit rapporter le bureau au Financier, se fit rendre sa verve avec sa table vermoulue.
Celui qui veut qu’on expose chaque assassin à un lion furieux, demande qu’on donne à un barbare gladiateur la liberté pour récompense, s’il sort victorieux du combat ; mais s’il vient à y perdre la vie, le voilà regretté avec des démonstrations de compassion et de tendresse par celui même qui l’a fait exposer à la mort, et qui reconnaît de près avec satisfaction ce malheureux, auquel il a voulu de loin ôter la vie ; en cela d’autant plus cruel, qu’il devait être auparavant plus humain. […] Quel plus grand plaisir, que l’éloignement du plaisir même ; que le mépris du siècle ; que la jouissance de la vraie liberté ; que le calme d’une bonne confiance ; que la sainteté de la vie, et l’exemption de la crainte de la mort ?
Dans le grand traité de l’explication des songes, par Artemidore, il est beaucoup parlé des songes impurs, que la passion rend communs parmi les libertins, il ne regarde comme de bonne augure, que ceux qui ont un objet légitime ; ceux d’un mari qui pense à son épouse, tous ceux qui regardent le crime lui paroissent d’un mauvais augure ; toutes ces images indécentes, de nudités, de libertés lui semblent des présages de malheur, à moins qu’ils n’aient été rejettés, & qu’il ne paroisse que la volonté n’y a point de part ; qu’au contraire elle la condamne.
Ses derniers ouvrages sont, dit-on, de la seconde espèce ; mais l’on y découvre presqu’autant de libertés que dans ses autres pièces.
On a beau ajouter que cette Nation, qui aime la liberté en tout, est supérieure aux Regles.
Je demanderais volontiers à ceux que les grandeurs et les richesses font reconnaître par-dessus les autres, de quel supplice serait digne un esclave qui outragerait son maître de qui il viendrait de recevoir la liberté ?
Qui exige plus que le monde l’élégance des habits, la propreté des meubles, l’abondance des repas, la légèreté des manières, la liberté des paroles ?