Les hommes d’état généralement parlant, furent de tout temps des hommes choisis et remarquables par leur génie, leurs talents, leur habileté et leur dextérité à manier les affaires politiques. […] Du reste, qui oserait avec justice leur reprocher de manquer de génie ? […] Celui-là, depuis la restauration, surpasse, par la force de son génie et par la générosité de son caractère, tous les ministres qui l’ont précédé. […] En politique, personne, ce me semble, n’a encore deviné le premier ministre comme étant destiné, par la force de son génie, à replacer la France au premier rang qui lui est dû, et dont elle est véritablement déchue.
Car si, malgré le génie de Mahomet, la vertu de Zopire l’emporte sur lui, sera-ce une école dangereuse, que celle où la vertu obtient un si beau triomphe ? […] Il leur est plus commode et plus facile d’avoir la vertu de Zopire, que le génie de Mahomet : et, selon vous, Zopire écrase Mahomet par sa seule vertu. […] Quel effort de génie ! […] Et si la Poésie dramatique fait tant de ravages par les moyens qu’elle emploie quelquefois, comment de moyens contraires, employés par le même génie, ne pourrait-il résulter aucun bien ? […] N'était-il pas plus digne d’un Ecrivain éloquent, d’un Philosophe, d’échauffer le génie des jeunes Poètes, de leur montrer la vertu qui les attend au bout de leur carrière, une couronne civique à la main ?
La persécution contre les livres, ne fait qu’irriter le génie. […] La mission des Censeurs est de faire la guerre à la raison, à la liberté ; sans talens & sans génie, leur devoir est d’énerver le génie & les talens ; ce sont des Eunuques qui n’ont plus qu’un seul plaisir ; celui de faire d’autres Eunuques. […] Quel essor n’eût pas pris son génie ? […] Mais falloit-il abaisser ce génie au rôle de complaisant de Cour ? […] Depuis cet avilissement du Théâtre, nul homme d’un véritable génie n’est entré dans la carrière.
Aussi tout le loue à outrance ; c’est un génie supérieur, une fécondité inépuisable, une étendue immense de connoissances. […] Pour les poëmes, c’est par-tout le même fonds d’idées galantes, enchassées dans différens cadres sans aucun trait de génie. […] Est-ce un génie, un esprit créateur, un homme inépuisable, qui ne se copie jamais & ne copie personne ? […] C’est l’in-promptu de l’ancien théatre Italien, infiniment diversifié, & où Dominique & quelques autres montroient beaucoup plus de fécondité & de génie que M. de S. […] Corneille, Moliere, Voltaire, ont bien plus de variété, de vrai génie, quoique infiniment moins que ne l’avancent d’un ton d’oracle leurs enthousiastes, qui veulont trouver une nouvelle merveille à chaque monosyllabe.
Les tragédies & les comédies sérieuses sont travaillées avec soin, & valent bien les nôtres ; le génie est plus dramatique, & le fut toujours au-delà des monts. […] Pompée & Auguste, ajoute le Programme, ont cherché pour leur théatre une Divinité tutélaire, & un Génie ; Ferdinand sera seul la Divinité protectrice, & le Génie des theatres d’Italie ; mais le Roi de Sardaigne, le Roi de Naples, le Grand Duc de Toscane ne sont-ils pas les génies & les protecteurs de leurs théatre ? […] Le Génie tutélaire de la scéne italienne dédaigne-t il donc le théatre lirique, qu’on ne peut disconvenir être très-brillant, au dela des monts, dont il est venu en France sous les auspices d’un Cardinal Italien ? […] Pour réussir constamment chez les Italiens, il faut un esprit supérieur, outre les tâlents nécessaires à l’acteur ; on a besoin d’un génie créateur, pour trouver sur le champ, sans le répéter, une infinité de choses ingénieuses & plaisantes, convenables à la piece, & assorties au caractère. […] Il avoit plus de science que de génie.
L’action Tragique qui représente de grandes révolutions & des Héros qui y prennent part, éleve merveilleusement le génie dans cette composition ; cependant il n’y a rien de si rare de nos jours, que des caractères bien soutenus. […] L’aurore du génie est toujours offusquée de nuages qui disparoissent en son midi. […] Il est quelquefois avantageux au Poéme, que les personnages sortent de leurs caractéres ; mais quel génie ne faut-il pas pour voiler ces dissonnances ? […] C’est ainsi que les grands hommes font de petites fautes pour en tirer de nouveaux charmes ; tant il est vrai que le génie est au-dessus des regles ; mais il ne doit se permettre de les sacrifier qu’à nos plaisirs.
Pour donc détruire ce funeste usage, cet odieux établissement, je propose un Tribunal composé de huit Gens de Lettres, qui auroient une réputation faire par trois succès au Théâtre, quatre dans le Tragique, quatre dans le comique, afin de juger les Poëmes que le génie a composé. […] Je le répéterai au Lecteur, que je ne suis pour rien dans tout ceci, cette cause n’est pas la mienne ; mais je souffre de voir des Histrions tyrans despotes, juges souverains des productions du génie. […] Vous avez beau faire voir combien il est absurde qu’un Ouvrage de génie, sur lequel les Gens de l’Art peuvent à peine prononcer après l’avoir examiné à tête reposée, soit condamné à l’oubli sur une simple Lecture faite en l’air dans une assemblée tumultueuse. […] Les Gens de Lettres alors seroient jugés par leurs pairs ; les avis seroient motivés ; on ne craindroit plus d’être humilié par un froid dédain, ou trompé par un enthousiasme aveugle ; les chûtes deviendroient moins fréquentes, les succès plus honorables, & les Acteurs retourneroient à leur place ; ils ne seroient que les interprêtes du génie, dont ils sont devenus les arbitres. » Voilà comme s’exprimoit hautement ce vif partisan des Comédiens, à qui ces Messieurs & ces Dames avoient accordé ses entrées.
La pluspart des Poètes sont incapables d’ensevelir, pour ainsi dire, leur génie sous des paroles minutieuses en apparence. […] En descendant jusqu’à l’Opéra-Bouffon l’on prouve qu’on possède un génie souple, adroit, qui sçait se prêter à tout.
Un mauvais Génie pour le même dessein tâche de l’endormir par une chanson extrêmement languissante, il n’en vient pas à bout. […] Car si elle ne l’eût pas endormi, elle lui eût, peut-être, tellement rempli l’esprit de quelque folle passion, qu’il aurait été facile au mauvais Génie de lui enlever ses Troupeaux.
L e génie & l’imagination, ressemblent à ces gens qui sont dans une contradiction presque perpétuelle avec tout le monde ; qui ne font rien que par caprice, & qui ne trouvent bien fait que ce qui vient d’eux. […] Dans l’un & l’autre cas, on à beau s’échauffer, donner l’essor à son esprit, appeller à son secours son propre génie ; il semble que ce génie jaloux de l’invention de ses sujets & de la liberté de les traiter, se refuse à la moindre contrainte, & prend en aversion tout ce qui a l’air du commandement.
Il le mérite mieux que Moliere, il n’étoit pas si décrié, il ne fut jamais Tabarin ; il avoit en son genre autant & plus d’esprit & de génie. […] Le génie dans l’avilissement, l’infamie associée à la gloire. […] Il n’est point de profession que son génie ne puisse ennoblir. […] Ce n’est ni le goût, ni le génie, ni la vertu, ni l’adresse, que je cherche ; mon plaisir est le souverain mérite. […] Ce n’est plus génie, talent, c’est mémoire.
mais encore par le génie. […] Jamais il ne composa que de goût & de génie : il lut quelques comédies Espagnoles, il y prit des intrigues, des bons mots, des situations théatrales, qu’il enchassoit dans ses farces. […] Je n’ai garde d’approuver le burlesque Scarron, si justement décrié par Boileau, ni de souscrire à toutes les idées de l’Abbé de Longuerue ; mais comparant génie à génie, Moliere lui rendoit justice ; Scarron est plus fécond, plus varié, plus suivi, plus plaisant que lui. […] Réduit à lui-même, dépouillé des circonstances qui le firent valoir, le génie de Moliere est fort ordinaire ; il ne put pas dire comme Corneille : Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée. […] Je sais qu’on ne pese pas les Auteurs à la livre, qu’on ne mesure pas le génie à la toise, comme ce riche ridicule qui, pour se donner un air de savant, traitoit avec un Libraire pour lui fournir des livres comme des tapissieries.
En second lieu, la Pièce sera remise à un des Théologiens du Conseil, qui décidera si elle ne blesse en rien la Religion et la bonne morale ; ensuite elle sera lue par un des Poètes du Conseil, qui donnera ses avis sur le style, les Vers, l’action, la conduite, et qui fera toutes les objections qui sont du ressort du génie et de l’art. […] Qu’on n’objecte pas non plus que les Poètes se trouveront sans ressource, et que leur génie n’aura plus de quoi s’exercer : que leur ôter la seule passion qui est généralement goûtée, c’est vouloir leur imposer un éternel silence ; et que les contraindre à écrire des Pièces de Théâtre sans amour, c’est comme si on voulait forcer des soldats à marcher au combat, après qu’on les aurait désarmés. […] J’ose donc assurer au contraire qu’ils seront charmés de voir leur génie en liberté, et que leurs premiers efforts feront connaître combien l’amour, qu’on croit aujourd’hui l’unique fondement du Théâtre, y est étranger ; pendant que la nature toujours féconde fournit abondamment, dans le cœur de l’homme, des sujets convenables pour former de bons Citoyens.
Le Poète Dramatique se remplirait d’un nouveau feu, en contemplant d’un coup d’œil les difficultés qu’il doit vaincre dans tout ce que peut embrasser son génie ; il s’animerait d’un noble enthousiasme, en découvrant d’un seul regard les nombreuses routes qui le conduisent à l’immortalité. […] Le Poète qui voudra connaître particuliérement le Théâtre auquel son génie le porte, verra que les règles sont générales, du moins parmi une Nation, & qu’on ne saurait par conséquent les suivre avec trop de soin.