C’est à peu près le même effet que dans D Quichotte : ces passions représentent, nourrissent, raniment, excitent des passions réelles ; ce sont deux cordes à l’unisson : les vibrations de l’une se repétent dans l’autre, & dans l’occasion font faire les mêmes extravagances & commettre les mêmes crimes.
Seroit-il possible qu’on n’eut pas en execration une chose qui a causé un tel malheur, & un si grand crime, quand il n’y auroit autre chose à objecter contre la danse ?
Les Histoires les plus saintes décrivent toutes les passions et tous les crimes des hommes.
Un des grands inconvéniens de ces villes énormes (Journ. du 9 mai 1771) c’est que la moitié de ces hommes entassés pêle-mêle, ne vivent qu’en procurant au public des amusemens dangereux & criminels, qu’ils sont intéressés à rendre plus séduisans pour en tirer parti, opéra, comédie, bal, mascarades, vauxhal, café, brelan, maison de jeu, scênes de toutes especes, &c. ce qui produit & entretient tous les vices, & attire les scélérats & les débauchés de tout le royaume ; on y trouve plus d’objets de crime, plus piquans, plus faciles, plus rusés, mieux exercés, prévenans, accomodans ; le vice moins connu & plus protégé y est en sureté, c’est une forêt épaisse où il se cache. […] Il ne cache pas l’objet, le danger, les effets, les crimes, les termes, tout est à découvert Lui seul ne s’en apperçoit pas ; il avoue son ivresse, il convient que, dans la fleur de ses ans, ces spectacles charmoient sa tristesse. […] L’auteur des Trois Siecles ne peut lui pardonner ce blasphême dramatique, ce crime de leze-cothurne, qu’il croit devoir détruire sa réputation littéraire, & lui attirer de plus terribles disgraces que lui-même n’en a fait essuyer à ses critiques. […] Il vient de mourir, il a paru devant son juge : plaise au ciel qu’une sincere pénitence ait expiré le crime & le scandale de ses licences, à un tribunal qui les punit éternellement !
est-ce bien le moyen d’en faire sentir le danger & le crime, & d’en éloigner ses auditeurs, que de donner pour le prodige de son siecle, l’honneur de la patrie, les délices de la société, le modelle du Christianisme, celui dont on y joue les pieces, qui a le plus contribué à rendre la scene & dangereuse & criminelle ? […] Le crime est certain si l’arrêt est juste, ou une calomnie s’il ne l’est pas. […] Ses bonnes qualités même font son danger & son crime. […] Eh quel est le crime que ce principe ne doive excuser ?
Il ne seroit point applaudi, mais il saisiroit ; il feroit répandre des larmes ; il ne laisseroit pas respirer ; il inspireroit l’amour des vertus & l’horreur des crimes ; (remarquez ce qui suit) il entreroit fort dans le dessein des meilleures loix ; la Religion même la plus pure n’en seroit point alarmée ; on n’en retrancheroit que de faux ornements qui blessent les regles du goût.
Ceux-ci se reconnaîtront coupables, non-seulement de leurs propres excès, mais encore d’une multitude innombrable de crimes auxquels ils ont donné lieu.
Mais avec la tyrannique opulence, parurent le vice & la séduction : le crime occasionna la décence, parmi des hommes assez dépravés, pour qu’il ne fût plus ni sûr ni séant de les laisser avec les femmes sur leur bonne-foi. […] même en s’accusant, un coupable est charmé de pouvoir attribuer ses crimes ou ses vices, aux circonstances, aux occasions ; l’orgueil s’attache à tout cela, pour nous faire rejeter nos dérèglemens sur d’innocens plaisirs, que notre corruption seule a souillés. […] leur deshonneur deviendrait public ; le crime serait aussitôt puni que commis. […] Dans la suite, lorsque les Romains donnèrent les premiers combats de Gladiateurs, ce n’était pas des coupables condannés, mais des prisonniers de Guerre, postérieurement des hommes qui se vouaient à ce dangereux métier, par zèle pour le bien Public, & dans la suite, sous l’espoir d’une récompense, s’ils demeuraient vainqueurs : la République eût cru s’attirer la colère des Dieux, en leur offrant des victimes avilies par le crime. […] Des Comédiens sans doute seraient moins dangereux que ces scélérats, qui, outre les talens que je viens de citer, volent encore sur les grands chemins, & commettent des crimes de toute espèce.
Ce n’est donc pas un si petit péché, ajoute-t-il ; mais en effet un grand crime ; puisqu’il donne à des ames chrétiennes les coup de la mort, en leur faisant perdre la grace Dieu par tant de péchés. […] Bien éloignés de convertir le cœur, ils le corrompent encore davantage au contraire ; & les peintures qu’on en fait, donnent plus d’envie de commettre le crime que le douleur de l’avoir tant de fois commis.
Les crimes par les loix sur les peuples permis, Sous la pourpre, grand Dieu, paroissoient ennoblis. […] Les erreurs sont des malheurs & non des crimes.
Dans cette satyre infâme il attribue calomnieusement à ce Prince tous les crimes du monde, comme les Philippiques de ces deux Orateurs les attribuent au Roi de Macedoine & au Triumvir Marc-Antoine. […] Non sans doute, on en rougiroit ; & voilà ce qui fait le crime du théatre.
La morale des spectacles est précisément contraire à ce qu’enseigne la religion, & à ce qu’une mère sage dit à sa fille ; on y prend au premier coup d’œil l’amour le plus vif, on se l’avoue réciproquement sans honte, les Héros même s’en font gloire, & on prend pour s’épouser la même route qu’on prendroit pour le crime, démarches hasardées, fourberie, extravagance, fureur contre la résistance, & on y met même de la résistance, pour donner lieu aux indécences. […] des gens d’esprit peuvent-ils s’occuper d’une matiere si usée & si triviale, depuis long-temps épuisée, où l’on ne peut mettre aucun sel que par la licence & le crime ?
« La déclectation que l’on prend en chose lascive est vicieuse & approchante de crime ». […] ce Prince, par pudeur, ne veut pas dire à sa sœur quel crime a commis sa mère Clitemnestre : que les Poètes de l’Opéra-Bouffon se proposent un si bel éxemple de modestie ; qu’ils gravent aussi dans leur mémoire ces sages préceptes de Boileau : Le Latin dans les mots brave l’honnêteté ; Mais le Lecteur Français veut être respecté ; Du moindre sens impur la liberté l’outrage, Si la pudeur des mots n’en adoucit l’image (5).
Tous les crimes du fils sont les siens puisqu’il en est la cause : et qu’en bonne logique on rend toujours la cause responsable de l’effet qui ne serait pas sans elle. […] Mais on y peut appliquer cette pensée : « Parturient montes, nascetur ridiculus Mus. » « La montagne en travail enfante une souris. » du A vous entendre, on dirait que Regnard a fait sa Pièce exprès pour y introduire et légitimer tous les crimes que vous dites.