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10. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. —  De la Comédie.  » pp. 267-275

A l’égard de la passion d’amour, pour la rendre instructive sur le Théâtre, on trouvera plus de difficulté dans la Comédie que dans la Tragédie. […] Or, parce que les hommes sont corrompus, il arrive ordinairement que dans la Comédie on nous représente l’amour ou indécent, ou déraisonnable. […] Dans cette vue on doit traiter la passion d’amour de la même manière qu’on traite les autres passions sur la Scène. […] Car les amours les plus irréguliers sont toujours heureux à la fin par le mariage. […] Il me paraît qu’on ne peut se dispenser de dire la même chose au sujet de la passion d’amour, lorsqu’elle est traitée d’une manière qui blesse les bonnes mœurs et les devoirs de la société.

11. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — X.  » pp. 464-465

Dieu ne demande proprement des hommes que leur amour ; mais aussi il le demande tout entier. […] C'est pourquoi quelque honnêteté qu'on se puisse imaginer dans l'amour d'une créature mortelle, cet amour est toujours vicieux et illégitime, lorsqu'il ne naît pas de l'amour de Dieu ; et il n'en peut naître lorsque c'est un amour de passion et d'attache, qui nous fait trouver notre joie et notre plaisir dans cette créature. Un Chrétien qui sait ce qu'il doit à Dieu ne doit point souffrir dans son cœur aucun mouvement, ni aucune attache de cette sorte sans la condamner, sans en gémir, et sans demander à Dieu d'en être délivré : et il doit avoir une extrême horreur d'être lui-même l'objet de l'attache et de la passion de quelque autre personne, et d'être ainsi en quelque façon son idole, puisque l'amour est un culte qui n'est dû qu'à Dieu, comme il ne peut être honoré que par l'amour. « Nec colitur nisi amando.

12. (1675) Traité de la comédie « XI.  » pp. 288-289

Dieu ne demande proprement des hommes que leur amour : mais aussi il le demande tout entier. […]  » C'est pourquoi, quelque honnêteté qu'on se puisse imaginer dans l'amour d'une créature mortelle, cet amour est toujours vicieux et illégitime, lorsqu'il ne naît pas de l'amour de Dieu ; et il n'en peut naître lorsque c'est un amour de passion et d'attache, qui nous fait trouver notre joie et notre plaisir dans cette créature. Un Chrétien qui sait ce qu'il doit à Dieu, ne doit point souffrir dans son cœur aucun mouvement, ni aucune attache de cette sorte sans la condamner, sans en gémir, et sans demander à Dieu d'en être délivré ; et il doit avoir une extrême horreur d'être lui-même l'objet de l'attache et de la passion de quelque autre personne, et d'être ainsi en quelque façon son idole; puisque l'amour est un culte qui n'est dû qu'à Dieu, comme Dieu ne peut être honoré que par l'amour. « Nec colitur nisi amando.

13. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « FRAGMENT D’UNE LETTRE A ME. DE ****. SUR LES SPECTACLES. » pp. 82-92

L’amour est pour lui un sentiment tellement attrayant, qu’on peut l’amener aux vertus les plus difficiles, en se servant habilement de cette passion. […] Pourquoi ne nous point faire connaître l’amour sous une forme estimable ? […] Un amour qui avilit le Héros, ne me paraît pas devoir faire le sujet d’une bonne Tragédie. […] L’amour paraît révoltant dès qu’il est déplacé. […] [NDA] Qu’on ne dise point que l’amour est une loi du Théâtre Français.

14. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

L’amour doit donc absolument être banni de la scène. […] Ce vice dans les comédies Latines étoit bien le même, mais l’objet des amours étoit différent. […] L’amour est le plus grand danger du théatre. […] L’action ne seroit pas affoiblie par ces scènes d’amour qui en font disparoître toute la noblesse. […] Malheureusement il y a de l’amour traité de façon à faire de mauvaises impressions.

15. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  RACINE. A Mlle. Le Couvreur. » pp. 77-80

 Mon amour forma sa jeunesse. […] Un Dieu, c’étoit l’amour : ne vous étonnez pas Qu’aux antres de la mort il ait porté ses pas ; Il perce à votre nom, les plus sombres retraites. […]  C’étoit le vôtre, & l’amour l’avoit peint. […] Mais connoissez l’amour & quel est son empire. […] Vous savez mon secret, & tout mort que je suis, Je voudrois inspirer de la reconnoissance,  (Qui dit amour, dit espérance)  Ecrivez-moi si je le puis.

16. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IV. Les spectacles inspirent l’amour profane. » pp. 32-50

Les spectacles inspirent l’amour profane. […] D’ailleurs la représentation d’un amour légitime, et la représentation d’un amour qui ne l’est pas, font presque le même effet, et n’excitent qu’un mouvement qui agit ensuite diversement, selon les différentes positions qu’il rencontre. […] On commence par se livrer aux impressions de l’amour : le remède des réflexions ou du mariage vient trop tard. […] Qu’importe que l’amour y soit rendu légitime ou puni à la fin, si on s’est rendu coupable ? […] Voilà les effets des amours prétendus permis du théâtre.

17. (1707) Lettres sur la comédie « Réponse à la Lettre de Monsieur Despreaux. » pp. 276-292

Disons donc que la Tragédie est un mélange adroit de douleur et de volupté, et qu’elle n’a pour but que de raffiner l’amour propre, ou l’amour déréglé des Créatures. […] Que voulez-vous, Monsieur, nos mœurs sont faites comme cela, Joseph, et vous-même, avec votre belle Rhétorique, auriez bien de la peine à remettre à la mode le véritable amour conjugal. […] Monsieur, j’ose encore ne pas convenir avec vous, que l’amour exprimé chastement dans cette Poésie, bien loin d’inspirer de l’amour, contribue à guérir de l’amour, pourvu qu’on n’y répande point d’images ni de sentiments voluptueux, et que si quelqu’un malgré cette précaution ne laisse pas de s’y corrompre, la faute vient de ce quelqu’un, et non pas de la Comédie. […] L’Auditeur s’unit d’affection et de sentiment à cette pauvre forcenée ; on n’est point surpris de voir un amour accompagné de fureur, cela entre dans sa définition. […] et l’amour est-il jamais autre chose que l’amour ?

18. (1684) Epître sur la condemnation du théâtre pp. 3-8

Cet amour, nous dit-on, que l’on peint si puissant, Dans ses plus grands transports n’a rien que d’innocent. […] L’amour, dans tes écrits, honnête, généreux, Dès qu’il fut déréglé se trouva malheureux. […] Ici, l’amour masqué d’une sage apparence, Ne tend point en secret de piège à l’innocence. […] Fallait-il, pour chanter l’amour, et ses erreurs, Profaner d’un Lully les divines fureurs ! […] Mais, qu’il rentre à jamais dans l’éternelle nuit, Ce fantôme d’amour, que la Scène a produit !

19. (1658) L’agent de Dieu dans le monde « Des théâtres et des Romans. CHAPITRE XVIIII. » pp. 486-494

Le temps est tout ensemble et trop lent et trop vite pour l’amour que les hommes portent aux affaires de ce monde, car il n’en donne la jouissance, qu’après beaucoup de remises, et puis il la réduit bientôt au rang des choses passées. […] L’amour est une autre passion, la plus vive, la plus universelle dans tous les cœurs, et dont chacun fait gloire, d’être possédé par excellence. […] Ce n’est pas un amour purement brutal et sensible, qui fait les grands désordres dans le monde ; c’est cet autre amour qui tient de l’esprit, qui se repaît de ses idées ; qui ne veut pour prix que des complaisances, qui se figure quelque choses de divin en son objet, et qui lui croit aussi rendre des respects fort innocents ; c’est cet amour qui met les soupirs au cœur, les larmes aux yeux, la pâleur sur le visage, qui occupe jour et nuit toutes les pensées, qui porte l’extravagance et à la fureur, et voilà l’amour que les plus chastes théâtres mettent dans les cœurs. […] On doit juger le même des Romans qui rapportent les merveilleuses intentions de l’amour en ses recherches, ses combats, ses aventures qui renversent et puis rétablissent les espérances, par des rencontres prodigieuses qu’on ne peut lire sans admiration et sans plaisir. […] Ce n’est pas là seulement avoir de l’amour par une surprise d’inclination, c’est aimer son amour, c’est l’agréer, c’est s’y complaire, par un jugement rassis et réfléchi, c’est accroître ses passions par celles des autres ; c’est par la vanité de ces entretiens, nourrir des feux qu’on devait éteindre par des larmes des pénitence.

20. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE I. De l’Amour. » pp. 4-29

De l’Amour. […] , & la décence même applaudit à l’amour. […] Quand on vit un peu d’amour, on fut moins mécontent. […] Le théatre François est le seul qui mette partout de l’amour. […] C’est moins amour que débauche.

21. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies à conserver. » pp. 276-294

J’ai examiné un nombre considérable de Comédies dans le dessein de trouver un exemple de la façon dont il faut traiter la passion d’amour pour la rendre instructive. […] Pour peu que l’on réfléchisse sur la Pièce du Chevalier joueur, on trouvera que la punition tombe également sur la passion du jeu et sur la passion d’amour. […] Enfin les jeunes gens qui sont maîtres de leur cœur, ne peuvent remporter de la représentation de cette Comédie que des exemples capables de les fortifier dans la vertu : et ceux qui sont tyrannisés par la malheureuse passion de l’amour, peuvent apprendre à éviter les risques qu’ils courent, et à détester les excès où elle porte ceux qui s’y livrent. Lorsqu’on met sur le Théâtre la passion d’amour parvenue à de tels excès, c’est, à mon avis, une grande leçon pour les Spectateurs. […] On y voit de l’amour, j’en conviens ; mais il serait à souhaiter que tous les amours de Théâtre, et que toutes les Scènes des Amants ne s’éloignassent point de la Méthode qu’on observe dans les Femmes Savantes.

22. (1768) Observations sur la nécessité de la réforme du Théatre [Des Causes du bonheur public] «  Observations sur la nécessité de la réforme du Théâtre. » pp. 367-379

Génies sublimes, si vous ne cédez point à nos vœux, que vous appelliez toujours ce funeste amour sur la Scene, au moins soyez chastes & austeres en le peignant. […] ou bien, si vous l’aimez mieux, pourquoi ne pas placer l’intérêt de vos Théâtres dans l’amour de la vertu, de la patrie & de nos Rois. […] Sur-tout la passion de l’amour ne faisoit pas la base des drames informes d’alors ; or c’est cet amour que nous combattons. […] Il a combattu la Comédie par les dangers de l’amour, même légitime, par les occasions de tentation & de chûte. […] Il seroit à souhaiter que M. de Fénelon eût développé davantage dans sa lettre, le fond de son sentiment sur le caractere qu’on auroit pu donner à l’amour.

23. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre III. L’amour profane est la plus dangereuse de toutes les passions. » pp. 29-31

L’amour profane est la plus dangereuse de toutes les passions. […] L’amour est, de tous les sentiments de l’âme, celui dont on doit le moins se faire un jeu. […] L’amour qui se rapporte à l’union des deux sexes a donné lieu à beaucoup d’événements, dont le récit ne serait pas à son avantage : c’est lui qui força Médée, fille d’Œtès, roi de Colchide, à égorger aux yeux de Jason les enfants qu’elle avait eus de lui. […] Les plaintes qui échappent à ceux qui abusent des inclinations que la nature leur inspire pour le sexe, doivent confirmer tout homme sensé, qu’il n’est pas prudent de se faire un amusement de la passion de l’amour. […] « Le comte de Bussy, cet ingénieux courtisan, nous dit que la passion de l’amour est la plus dangereuse de toutes les faiblesses, et qu’on revient plus aisément des sottises de l’esprit que de celles du cœur : en effet, le cœur s’attache, au lieu que l’esprit ne s’occupe point toujours des mêmes idées.

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