Tous les hommes ont naturellement l’ambition de régner ; c’est le grand sujet qui fait le plus de bruit dans le monde, qui tient les peuples en alarme, qui occupe le conseil des Princes, qui cause les guerres et les alliances, enfin l’on rapporte toutes choses à cette gloire, comme si c’était le souverain bien. […] Cependant on lui décerne des triomphes, on n’approuve pas seulement, mais on déifie ces violences qui ont versé tant de sang, et ce Démon exterminateur du genre humain, est considéré comme un homme miraculeux choisi de Dieu, pour en tenir le gouvernement. […] La Religion Chrétienne a beau persuader la paix entre les peuples, la clémence au gouvernement, l’usage modéré des choses extérieures sans s’y corrompre ; le théâtre met au contraire le souverain bien de la vie, à s'élever sur les ruines des peuples, à remporter des victoires, sans avoir égard à la justice des armes, à juger des entreprises par l'evènement, à tenir les sceptres moins du Ciel que de l’audace et de la fortune. […] Quand les peuples considèrent ces célèbres iniquités qui ont violé la foi divine et humaine pour l’accomplissement d’un dessein, les péchés de la vie commune en comparaison de cela ne leur paraissent plus que des atomes, leur conscience s’y tient assurée, et sans en concevoir des remords, elle se croit assez juste de n’être point si méchante. […] Ce n’est pas un amour purement brutal et sensible, qui fait les grands désordres dans le monde ; c’est cet autre amour qui tient de l’esprit, qui se repaît de ses idées ; qui ne veut pour prix que des complaisances, qui se figure quelque choses de divin en son objet, et qui lui croit aussi rendre des respects fort innocents ; c’est cet amour qui met les soupirs au cœur, les larmes aux yeux, la pâleur sur le visage, qui occupe jour et nuit toutes les pensées, qui porte l’extravagance et à la fureur, et voilà l’amour que les plus chastes théâtres mettent dans les cœurs.
Le Canon 62. du Concile d’Elvire, tenu l’an 305. […] Concile d’Arles, tenu l’an 314 s’explique en ces termes : « Quant aux Comédiens, nous ordonnons qu’ils soient excommuniés tant qu’ils feront ce métier. […] Concile d’Arles, tenu en 452. a renouvelé le Canon précèdent. […] Le Concile de Bourges, tenu l’an 1584. […] Depuis qu’on n’a plus tenu de Conciles, les Evêques ont conservé cette discipline contre la Comédie, par leurs Synodes et par leurs Rituels.
Les Dames ignorent-elles que sans la queue les fleurs ne sauroient tenir dans leurs cheveux, & former leurs bouquets & leur couronnes ? La queue tient les fruits suspendus jusqu’à leur maturité, & les présente à la main de l’homme qui les cueille. […] Chaque paire de mules ne tient au carrosse que par des courroies si longues qu’on les perd de vue. Un grand Seigneur avec ses mules tient une grande rue, & un demi quart de lieue à la campagne ; & comme ils marchent lentement, on est averti de sa venue un quart d’heure avant son arrivée. […] Elle ne porte qu’à regret la soutane dans les cérémonies, encore la tient on ouverte & relevée.
: et le saint Evêque de Marseille Salvian, assure que ces sortes de gens qui tiennent le Théâtre, ont toujours été en telle aversion, que de son tempsDe proced. […] Il ne faut donc qu’un peu de vrai Christianisme ; il ne faut qu’un peu de zèle pour son salut et pour celui des autres, afin de bannir ces ennemis de la vertu et de l’honnêteté : que Messieurs les Magistrats se donnent la peine d’entendre le Saint Esprit, qui leur parle et qui leur crie, « apprenez Juges, ouvrez, les oreilles, vous qui tenez sous votre autorité, les multitudes, et qui vous plaisez dans les pouvoirs que vous avez sur les Troupes, apprenez deux choses, la premières que toute votre puissance vient de Dieu, la seconde que ce même Dieu vous demandera compte de toutes vos œuvres, et fondera jusqu’à la moindre de vos pensées, par la raison que vous ayant établi les Ministres de son Royaume, vous n’avez point observé la Loi de la Justice ni marché selon sa volonté : ce qui fait qu’en peu de temps il vous apparaîtra d’une manière terrible, et vous fera demeurer d’accord que le jugement contre ceux qui président aux autres, sera effroyable » : Que répondra donc à Dieu le Juge qui aura contribué à la perte des âmes, par la permission injuste qu’il aura donnée à ces persécuteurs de la vertu ? […] » Je sais bien que quelques-uns entendent cette répréhension, de la criminelle conduite des Juges, lesquels pour asseoir leurs Jugements, n’envisagent ni la Loi, ni le mérite de la cause ni leur propre conscience, mais seulement la qualité des personnes : si c’est un homme puissant dont ils puissent attendre du service, un ami qu’ils veulent obliger, un parent pour le favoriser, ou quelque autre dont on espère de la gratification : mais je n’ignore pas aussi, que ces paroles, « jusqu’à quand aurez-vous égard à la personne des pécheurs », ne doivent être expliquées que de l’injustice que commettent ces Messieurs, donnant leur consentement et leur approbation à des pécheurs publics, tels que sont pour l’ordinaire ceux qui tiennent le Théâtre, et qui ne trouvent leur accommodement, que dans la perte des autres. […] Je remarque encore deux choses bien considérables, que le Prophète adresse aux Juges : la première est quand il les appelle « des Dieux et les fils du Souverain » : et la seconde, lors qu’il leur dit, « qu’ils mourront comme des hommes » : car par les premières paroles, il leur représente qu’ils sont revêtus de la puissance de Dieu ; que c’est de lui seul qu’ils tiennent leur autorité sur les autres, et qu’ils sont enfants de Dieu non seulement par adoption, comme le reste des hommes, en tant que unis à Dieu par la foi et par la grâce, mais encore par leur établissement dans leurs Charges, par celui qui est le seul et vrai Dieu, au pouvoir duquel ils participent. […] « Vous mourrez comme des hommes », ajoute le Prophète parlant aux Juges, comme s’il disait, vous ne mourrez pas comme Juges, comme Pasteurs et Supérieurs des autres, mais comme hommes qui n’aurez aucune autorité non plus que le dernier des mortels, et qui serez traités avec toute sorte de mépris, de confusion et de peines, parce que la grandeur du châtiment se prendra de la grandeur des grâces que vous aurez reçues : le haut rang que vous tenez dans le monde ne vous exemptera ni de la mort, ni du jugement, ni des tourments qui sont préparés à ceux qui président, et qui ont abusé de leur autorité, comme font les Juges qui préfèrent la satisfaction d’un Tabarin, d’un Jodelet, et d’un faquin, à la gloire de Dieu, à l’honneur de son Eglise, et au salut des âmes qui sont le prix du Sang de Jésus-Christ : Pensez-y, Messieurs, il y va de vôtre éternité.
Ce grand Archiviste s’en seroit tenu à une assertion aussi hardie, si le hazard n’avoit fait tomber entre ses mains une Brochure qui concerne la réclamation du Clergé de France ; cette piéce que je n’ai point lûe, qui vraisemblablement a incidenté sur la Comédie Françoise, en déclarant la troupe frappé d’Excommunication, s’étaye d’un Canon du I. […] Ce Concile fut convoqué par l’autorité de l’Empereur Constantin, à l’occasion du Schisme des Donatistes1, & se tint en 314. […] Canon du premier Concile d’Arles avoient échappé, malgré l’exactitude de ses recherches, n’a pas été plus heureux touchant le Concile d’Elvire, qui se tint l’an 305, le Canon LXII. […] Le Concile de Trulle, ainsi nommé, parce qu’il se tint dans le Dôme du Palais, à Constantinople, l’an 692, fut convoqué pour la discipline : Deux cens onze Evêques y assistérent. […] Je crois, (& toute personne amie sincére de la paix, pensera comme moi,) qu’il faut s’en tenir aux choses qui sont établies, sans remonter à leur origine, dès qu’elles n’emportent aucun dommage pour la foi.
Augustin aussi, qui a tenu son même langage, lui a été contemporain, et a vécu sous Honorius et Arcadius, qui étaient Empereurs Chrétiens. […] Tout cela étant constant, je demande quel jugement on doit faire des Théâtres, et si on les peut tenir pour honnêtes, puis que ceux qui y montent sont marqués comme gens infâmes, et indignes de tenir rang entre les Citoyens. […] De même au premier Concile tenu à Arles, en notre France, au Canon 5, tous ceux qui se mêlaient des Théâtres sont exclus de la Communion. […] C’est être téméraires, de se tenir si affûtés en des lieux suspects, et qu’ils voient marqués des chutes et des ruines d’infinis autres. […] Comprendre : ceux qui furent sortis de leur ancienne erreur par la prédication de notre seigneur J.C. se tinrent à l’écart de ces dépravations auxquelles ils s’étaient adonnés du temps qu’ils étaient dans l’erreur, et ils se tinrent en particulier à l’écart des dépravations du théâtre.
Silvestre a pris la peine de me le faire tenir. […] Le second de signe na point, Dont pour acheuer nostre poinct Pierre, tenez les en uos mains, Et eulx deux, qui sont incertains Ou le signe est, n’en quelle espece, Viendront tirer chascun sa piece, Et celluy auquel escherra Le signe, subrogue sera Au lieu qui est ja devise. […] Après ces Dialogues des Démons, on en voit d’autres qui sont pires en leur espece ; car les Discours que l’on fait tenir à Dieu & à Jesus-Christ parlans l’un à l’autre sont entiérement indignes de la majesté du sujet. […] Trotemenu, messager du grand Sacrificateur Anne, enchérit sur ce burlesque : » C’est rage comme je chopine » De chanter ne me puis tenir, » Toutes les fois que je chemine » Il n’est chose qui ne se mine » J’ay huy si bien tire laureille » Puis le matin à ma bouteille » Que tout est pieca mis en vente » Je n’ay garde quelle sesuente, » Car plus ny a raisin ne moust Là même, folio 7. […] Silvestre a pris la peine de me le faire tenir.
DE LA COMEDIEa Toutes ces sortes de Poésies amusent quantité de Gens ; D’autres sont d’avis qu’on ne devrait guère s’occuper ni à en composer ni à en lire : Ils tiennent tout cela pour folie ou pour vanité ; mais c’est une opinion trop chagrine et trop sévère. […] Il semble que c’est une chose assez inutile de disputer davantage là-dessus, et qu’on peut tout d’un coup retrancher la Question en remontrant, Qu’en ce qui est des Histrions et des Comédiens Romains, Tragiques ou Comiques, les uns ne valaient pas mieux que les autres, et que leurs Pièces les plus modestes avaient des emportements que nous ne saurions approuver ; C’est pourquoi la conséquence que l’on tire de tout ceci en faveur de nos Comédiens, n’est pas fort favorable, de dire, Que puisqu’ils représentent des Tragédies et des Tragi-comédies à l’imitation des Anciens, on les doit tenir dans l’estime comme eux, et assister à leurs Représentations comme à des Spectacles importants ; car si l’on montre que les anciens Comédiens ne faisaient aucune difficulté dans leur Religion de jouer des Pièces de mauvais exemple, on s’imaginera donc que ceux qui sont aujourd’hui de la même Profession prennent une licence pareille ; Que cela se voit dans leurs Pièces les plus régulières, et principalement dans d’autres composées exprès pour être plus libres. […] Beaucoup de personnes de grand esprit et d’une véritable vertu, tiennent que la Comédie est un passe-temps honnête où l’on peut apprendre le bien aussi tôt que le mal. […] Même d’avoir une cuirasse sur le dos, et des armes à la main, cela n’est pas toujours pris pour l’équipage d’un homme, parce qu’on tient qu’il s’est trouvé des Amazones qui ont porté les armes.
Pour arracher leur ame à cette oisiveté qui fait son ennui, il faut ou la rendre attentive à un pompeux récit de merveilles qui la tiennent dans l’admiration, ou frapper en elle cette partie pleureuse, dont parle Socrate [p. 67] qui est insatiable de larmes, ou, ce qui est plus difficile, satisfaire la partie gaye, qui ne veut que rire. […] Cinna, Rhodogune, ne nous coutent point de larmes, notre grand Corneille nous fait rarement pleurer ; mais pour me servir du terme de Madame de Sévigné, il nous fait souvent frissonner, il nous tient toujours dans l’admiration, presque jamais dans la douleur. […] Athalie nous coute des larmes, nous tient dans la Crainte & dans la Pitié, & en même tems dans l’admiration, puisque le caractere du Grand-Prêtre est d’autant plus admirable, qu’il est très-opposé aux caracteres que demande la Tragédie ; elle veut des hommes qui s’abandonnent à la tempeste des Passions, & celui-ci est toujours dans le calme.
Les Poètes ont souvent mis sur le Théâtre des sujets graves tirés de toutes sortes d'Histoires, et même de nos Ecritures Saintes, et des persécutions de nos Martyrs ; elles font encore aujourd'hui comme autrefois l'exercice de la jeunesse studieuse, et les Maîtres des Sciences qui tiennent la plus belle Ecole de doctrine et de piété, ne feignent point de composer une infinité de ces Poèmes, et d'en donner publiquement le récit par le ministère de leurs Disciples, les plus modestes et les plus illustres. […] , par la sainteté de sa vie, et par l'excellence de sa doctrine, est tenu partout pour l'Ange de l'Ecole, et pour le plus célèbre de tous nos Docteurs. […] Thomas parle des Histrions au sens des derniers siècles, et qu'il comprenne sous ce nom les Acteurs des Poèmes Dramatiques ; Car si l'on n'entendait par ce terme que les Mimes et les Farceurs, son autorité serait encore plus avantageuse aux autres, que l'on ne pourrait pas condamner contre la résolution de ce grand Théologien, qui serait favorable à ceux-là même que les Grecs méprisaient, que les Romains tenaient infâmes, et que jamais on ne leur doit comparer.
Mais en France on sait à peu près à quoi l’on s’en doit tenir. […] Le monde entend ce langage, et si vous n’avez que cela pour vous sauver, je vous tiens en grand danger. […] Il y a quelquefois des inconvénients à entrer dans le détail : le plus sûr est de se tenir aux termes généraux, et de faire le dégouté. […] Il faut qu’il ait soin de se tenir toujours dans cette élévation de l’ordre prophétique, pour n’en pas sentir le mauvais effet : et pour peu qu’il voulût revenir à la condition des autres hommes, il verrait que c’est un mauvais lustre pour lui que M. le Maître. […] Cependant, Monsieur, je crois que l’Auteur des Imaginaires peut se tenir en repos, et qu’à moins qu’il ne se fasse en vous un changement aussi prompt et aussi extraordinaire que celui qui s’est fait dans M.
tenez une conduite opposée à la sienne, cessez de déclamer contre la corruption du genre humain, trouvez-la supportable, familiarisez-vous avec elle, ne suivez pas tous les mouvements de votre bile ; que votre vertu ne soit pas si farouche, sortez de votre retraite, ne fuyez pas les méchants, soyez indulgent pour leurs vices, montrez-vous persuadé qu’ils sont inhérents à leur nature, et qu’il n’y a pas de remède ; et continuez cependant de leur donner l’exemple de la tolérance, de la bonté, de la charité et des autres qualités que vous leur souhaitez, quoique vous éprouviez bien cruellement qu’ils s’en moquent comme de vous ; alors vous ne pourrez plus être pris pour un misantrope. […] que votre manière d’agir ne ressemble pas non plus à la sienne ; faites un usage raisonnable de vos richesses, ne soyez pas aussi avide ou si passionné à les accumuler, ne tenez pas aussi honteusement à des biens superflus ; employez-en du moins une partie à faire des bonnes œuvres, à prouver que vous êtes bon citoyen, bon père et bon ami, et surtout à soulager ceux qui manquent du nécessaire ; ils vous béniront, et vous recevrez de tout le monde les louanges dues à un homme sensible et libéral. […] On a senti la nécessité, non pas de penser mieux qu’un tel homme, cela était indifférent en ce cas, ou n’était pas l’affaire la plus importante ; mais de tenir une conduite opposée à la sienne, de ne pas marcher sur ses traces pour ne pas être soupçonné de vouloir arriver au même but, de ne rien dire, de ne rien faire qui ressemblât à ce qu’il avait dit, à ce qu’il avait fait pour attirer la confiance et tromper ; donc il a fallu abandonner ou négliger comme j’ai montré qu’on avait abandonné ou négligé les exercices pieux, ou les devoirs de la religion, les louanges de ses préceptes, et la pratique des autres vertus que le Tartufe en jugement observait si scrupuleusement pendant le temps qu’il méditait de faire des dupes, et pour mieux y parvenir ; donc cette satire, qui prête tant de vraisemblance au travestissement des plus belles actions d’un homme de bien, en indices d’un méchant qui médite le mal, devait nécessairement produire les désordres qui existent et que je lui impute en grande partie. […] D’ailleurs personne n’ignore qu’habituellement d’autres hommes déguisés en amis simplement ont les mêmes vues ; et il n’y a que des insensés qui, connaissant les hommes capables de cette dernière ruse, ne voient pas qu’ils sont capables aussi de la première, et qu’il est prudent de se tenir sur ses gardes vis-à-vis toute personne que l’on ne connaît point parfaitement ; et ces aveugles là n’ont pas même pu profiter de l’avis donné sous la nouvelle forme, ou ils en ont abusé. […] Quoique je tienne beaucoup à la dernière, comme on a dû le voir, ce n’est pas à dire que je trouve l’autre tout-à-fait fausse et dépourvue de toute raison justificative.
L’Eglise ne l’a point fulminée sans raison ; dans la supposition qu’il s’y fut glissé de l’injustice, il n’est pas permis de la regarder comme non avenue ; hors le cas 1 d’une erreur évidente aux yeux de tout le monde, l’Excommunication, quelqu’injuste qu’elle soit, étant néanmoins prononcée par un Supérieur légitime, lie dans le fort extérieur, selon les Canons2, & quiconque en est frappé, doit se tenir devant les hommes, pour un Chrétien retranché de la Communion des fidéles. […] César, après sa victoire sur Pompée, tient ce beau discours à Cléopatre2. […] Racine n’est pas moins hardi que Corneille : il fait tenir cet étrange langage à Hemon, pour retenir Antigone qui vouloit se rendre au Temple afin d’y consulter l’Oracle1, Ils iront bien sans nous consulter les Oracles, Permettez que mon cœur en voyant vos beaux yeux, De l’état de son sort interroge ses Dieux.