Ce prix n’est point arbitraire, il ne dépend pas plus de la révolution des tems. […] Genies sublimes, formés pour l’instruction des hommes, que ne puis-je en votre faveur interrompre la course trop rapide du tems qui dévore tout ! […] On ne s’habille plus comme les Romains ; mais l’élevation des sentimens ne dépend point de l’habillement : la noblesse de l’ame est de tous les tems, & n’est point sujette aux vicissitudes de la mode. […] Dans l’usage de presque tous les autres divertissemens, il faut du repos encore après le plaisir, pour se mettre en état de s’appliquer au travail, par conséquent double perte de tems pour les occupations utiles. […] On quitte & l’on reprend ses occupations, sans que la Comédie ait produit d’autre mal, que de remplir un intervalle de tems destiné à se récréer.
Moliere travailloit avec beaucoup de difficulté ; mais il n’étoit pas fâché qu’on crût qu’il travailloit facilement les pieces qu’il dit dans sa préface avoir fait en quinze jours de temps, reposoient depuis plus d’un an dans son porte-feuille : la vanité & le mensonge sont l’air qu’on respire au Théatre.
Je ferais un volume, et non pas un avertissement, si je voulais rapporter les sentiments de tous les Pères des autres siècles ; on les verra dans les traductions suivantes, et on les trouvera conformes à ceux des premiers siècles; ils désapprouvent tous la Comédie, par tous ces endroits qui se trouvent dans celles de ce temps d'une manière encore plus délicate, et par conséquent plus dangereuse que dans les Comédies anciennes.
Des personnes de piété et d’érudition ont fait voir clairement en différents Traités qu’ils ont publiés sur cette matière, que la défense de l’Eglise, et ces promesses du Baptème regardent aussi bien les Comédies de ce temps, que les spectacles des anciens.
Après ce saint Evêque, je vous prie, mon cher Lecteur, d’entendre Tertullien, sur les sentiments que les Chrétiens de son temps avaient de ces sortes de divertissements ; voici comme il en parleLib. de spectat. c. 10 [Tertullien, Des spectacles, chapitre 10.]
On sera plus exact une autre fois, si on en trouve le temps ; et si l’on ne le trouve pas, on se résoudra à la réputation de mal écrire, ce qui n’est pas un grand mal.
Mais les Astrologues prétendent qu’ils ne se peuvent tromper, parce que leurs principes sont infaillibles, qu’ils s’élèvent au-dessus du temps, qu’ils entrent dans l’Eternité, et qu’ils consultent le Ciel pour apprendre de ses constellations ce qui doit arriver sur la Terre.
Les comédies de leur tems n’étoient que des représentations déshonnêtes de mille obscénités, qui en gâtant l’esprit des assistans, corrompoient aussi leur cœur : elles étoient même impies ; & si l’on y représentoit nos Saint Mystéres, ce n’étoit que pour les tourner en ridicule. […] Il l’étoit dès le tems de saint Jean Chrysostome : les Empereurs Chrétiens avoient fait retrancher tout ce qu’il y avoit d’impur & de dissolu dans des piéces comiques que l’on appelloit alors Majuma. […] Il a plû aux Peres assemblés au nom du saint Esprit, de séparer de leur communion tout les gens de théatre, pendant tout le tems qu’ils continuent de jouer.
Balsama qui semper cinnama semper olet On les renouvelloit à chaque service, & les parfums étoient toujours un plat essentiel, c’étoit le bon air, l’élégance du temps. […] Le France avoit sans doute des jeux avant les Croisades, elle en eut dans tous les temps ; mais ces jeux étoient tous militaires comme ceux des Romains ; des exercices du corps, la lutte, la course, les chars, les tournois, la chevalerie, &c. […] Malgré tout le clinquant de la parure, cette Actrice feroit déserter le théatre, si la Civette ne venoit à propos chasser la puanteur qu’elle y répand ; ce n’est pas la moindre partie de la toilette, on n’employe pas moins de temps à se parfumer qu’à se peindre ; la jeunesse, la santé, la vertu n’ont pas besoin de bergamote, la meilleure odeur d’une femme est de n’en avoir aucune ; qui s’affable de tant d’odeurs en a beaucoup à cacher, elle se trahit elle-même, mulier bene olet cum nihil olet .
Cette pièce, quoique très médiocre, eut d’abord quelque succès : c’était le temps où la lettre du P. […] « Sicut frustra pulchras habet claudus tibias, sic in ore stulti parabola. » Cette vertu théâtrale est une épine dans sa main ; il en est le premier piqué, elle fait sa condamnation ; il en pique les autres, les condamnant sans bruit, dans un lieu et dans un temps où elle n’est prise que pour des propos de comédie. […] Mais dans le même temps il donne les plus pernicieux conseils, de faire promener dans le camp d’Israël des femmes Madianites, pour corrompre le peuples.
A la place des gladiateurs, combien de temps n'ont pas été en vogue ces tournois sanguinaires où par une valeur féroce la noblesse rompait des lances, se battait à fer émoulu, sous les yeux des Princes, et où les Dames spectatrices, par un mélange odieux de douceur et de barbarie, employaient leurs charmes à animer les combattants, se plaisaient à les voir répandre le sang pour leur gloire, en invoquant leur nom, et distribuaient des couronnes aux vainqueurs. […] Celle de l'intrigue a duré toute la pièce, et a eu tout le temps de se graver profondément. […] Il faut du temps à l'homme pour agir, et à l'âme pour s'échauffer.
Le jeu fut de tout temps permis pour s'amuser : On ne peut pas toujours travailler, prier, lire ; Il vaut mieux s'occuper à jouer qu'à médire. […] combien joue-t-elle dans le temps où tout l'échauffe ! […] Le spectacle est un délire mis en art, un temps d'ivresse où l'on avale à longs traits la liqueur enchantée, sans s'apercevoir de sa honteuse dégradation, tant la raison s'éteint dans cette coupe fatale.
Malheureusement le clergé catholique, dans ces temps d’ignorance et de fanatisme, se compromettait en exerçant la profession d’acteur, ou, si on veut, l’art du comédien : et cet art se trouvait avili même par les pèlerins et les confrères de la passion, qui, indépendamment de leurs comédies pieuses, y joignaient des farces obscènes.