Rochon de Chabanne, dans la préface de la comédie pastorale Hilas & Silvie, tache de se justifier sur les équivoques, que quelque spectateur, bien delicat sans doute , dit pieusement, le Mercure Février 1769, lui ont souvent réproché. […] & seq. veut que les Pantomimes soient très-utiles, non pour enseigner les regles de la vertu, ils ne parlent point ; mais pour amuser une multitude de spectateurs dans les Fêtes publiques ; qui ne pouvant pas entendre, pensent voir de fort loin, (la finesse du geste, du coup d’œil, des traits du visage, &c. ne vont pas plus loin ni si loin que le son, ce n’est peut-être que de gros Lazzis ;) on ne connoît pas les grandes ressources du génie pantomime, on peut en faire un spectacle intéressant, (il faudroit être fort habile pour en faire autre chose que de l’amusement,) il est vrai qu’il veut le faire accompagner d’une musique de génie représentative, & très expressive ; car les airs, dit-il, ne sont que l’expression d’une passion cachée, il faut en représenter le motif & la cause, ce qui met dans la nécessité d’un recitatif joué par le pantomime, ce qui eut ramené non les paroles, mais seulement, & même rarement le sentiment.
Tout le théatre n’est lui même qu’une espece de fard, non seulement parce que acteurs, actrices, danseuses, figurantes, & tout ce qui y paroit, est réellement fardé, & même un grand nombre des spectateurs & des spectatrices, jusqu’aux personnages des peintures & des tapisseries ; mais parce que tout l’appareil de la scéne & tout l’art Dramatique n’est que du fard ; geste, déclamation, chant, danse, habit, décoration, tout cela ne fait que farder quelques pensées communes, qu’il fait valoir, & qui dépouillées de tout cet extérieur imposant se réduisent à rien.
Les Actrices, les Figurantes ne sont malheureusement que trop habiles magiciennes pour ensorceler les spectateurs. […] La facilité invite le Poëte, la coutume enchaîne le public, le vice entraîne l’Acteur & le spectateur.
En quoi le Préteur et le Jurisconsulte n'ont jamais prétendu comprendre les Comédiens et les Tragédiens qui n'y sont point nommés, comme il eût été nécessaire dans une si importante occasion ; car on n'imposerait pas une peine d'infamie, par des mots équivoques, et qui ne peuvent être équivalents ; il n'est fait mention que d'un art de bouffonner, qui consistait en deux choses, aux paroles et aux postures ; et l'un et l'autre est ici clairement expliqué par les mots de prononcer et de faire des gestes ; et c'était par là que les Mimes et Bouffons étaient principalement recommandables, en faisant réciter leurs vers avant que danser ou les récitant eux-mêmes, en les dansant, afin que les Spectateurs eussent une plus facile intelligence de leurs postures, comme je l'ai déjà marqué.
Siat vous ne changez les opinions erronées que vous avez conçues de nous et de notre profession, je croirai que votre malicieuse ignorance a de beaucoup surpassé la pieuse science des gens de bien que j’ai allégués en notre défense, en la créance desquelsau je me résoudraiav de continuer cette profession pour y chercher ma perfection, tenant mes labeurs bien employés et mes travaux mieux salariés que je n’oserais espérer, pourvu que le contentement de vos esprits, illustres spectateurs, suive d’aussi près mes souhaits que mon désir suit la recherche de votre bienveillanceaw.
Marc sont-ils représentés, et comment effraient-ils les spectateurs ? […] On conviendra que jamais sur nos théâtres, rien de semblable ne viendra offenser la vue, ni la raison des spectateurs ; et que la morale, qui forme toujours le but de nos auteurs, y est beaucoup mieux observée qu’à cette procession. […] Augustin) et ses disciples : « Le lundi gras, 1651, sur le midi, on vit sortir de leur collège de Mâcon une procession dont ils avaient réglé la pompe de cette manière : la croix marchait en tête, suivie d’environ trente petits choristes tant de l’église cathédrale que des collégiales, tous écoliers des jésuites, qui étaient suivis du sieur Bazam, curé de Saint-Etienne, seul prêtre de toute cette troupe ; une cinquantaine d’écoliers marchaient ensuite travestis en Turcs, Japonais, Canadais, Allemands, Anglais, Suisses, et après eux paraissaient quatre estafiers portant un dais à quatre bâtons, sous lequel marchait un petit roi, le sceptre en main et la couronne sur la tête ; par là, ces pères voulaient, à ce qu’ils dirent depuis, représenter la grâce efficace ; derrière eux on voyait une centaine d’écoliers vêtus comme quelques autres nations plus civilisées et plus polies que les précédentes, qui marchaient devant quatre autres écoliers, vêtus en anges, chacun desquels soutenait le bâton d’un dais qui couvrait un petit écolier vêtu en ange, seul avec une croix en la main, et c’était la grâce suffisante ; il était précédé d’un autre écolier de l’âge de vingt-cinq à trente ans, habillé en femme qui avait une grande croix entre les bras ; mais les spectateurs n’en purent déchiffrer le mystère, sinon que l’on avait voulu marquer par là une âme pénitente. […] Au lieu d’applaudissements, on entend à certains endroits les pleurs et les gémissements des spectateurs qui se donnent de grands coups sur la poitrine.
En quoi Dieu est-il offensé par un exercice agréable, salutaire, propre à la vivacité des jeunes gens, qui consiste à se présenter l’un à l’autre, avec grâce et bienséance, et auquel le spectateur impose une gravité dont on n’oserait sortir un instant ?
Il falloit peut-être que le spectateur vît Luzignan dans l’émotion dont on parle.
Tertulien, celui de tous les Peres qui a le plus écrit contre les Spectacles, & l’un des premiers en date, se borne, il est vrai, jusqu’au quatorziéme Chapitre de son Livre, à l’idolâtrie où l’on tomboit en se mêlant avec les Spectateurs ; mais à la suite il démontre le vice du Théâtre indépendamment des superstitions payennes dont il étoit pour lors infecté.
Si on faisoit une tragédie de Charles XII, toutes ses belles qualités y seroient louées en beaux vers, les spectateurs y applaudiroient, mais pas un seul ne l’imiteroit.
Mais quand ils entendent vos applaudissemens, qu’ils voient la foule des spectateurs, & l’argent qui leur en revient, n’eussent-ils aucun goût, ils y viendroient par intérêt.
Le théâtre est une armée rangée en bataille, où le démon ramasse toutes ses forces, où les combattants, les batteries, les pièges, distribués et combinés avec le plus grand art, attaquent de tous côtés l’indiscret spectateur qui ose risquer ce combat décisif.
Mais dans une belle pièce de Théâtre, le plaisir amène le spectateur à l’instruction sans qu’il s’en apperçoive ; ou qu’il y puisse résister. […] Le Poëte dramatique, en peignant les passions, dirige celles du spectateur.