Dans la suite de mes examens, j’aurai l'occasion de parler de quelques-unes des imitations de Molière, elles feront, à ce que je crois, sentir la vérité de ce que j’avance.
34 Boileau-Despreaux, dont la conduite et les mœurs manifestèrent toujours son attachement aux principes du Christianisme, se sentait vivement animé contre un genre de poésie où la Religion lui paraissait particulièrement offensée : « Eh quoi ! […] J’adjure tout homme sincère de dire s’il ne sent pas au fond de son âme, qu’il n’y a dans ce trafic de soi-même quelque chose de servile et de bas. […] L’émotion, le trouble et l’attendrissement qu’on sent en soi-même et qui se prolongent après la pièce, annoncent-ils une disposition bien prochaine à surmonter et à régler nos passions ?
Il ferait lui-même sentir leur inconséquence à beaucoup de ses admirateurs, aussi intolérants qu’aveugles, qui vantent sans restriction et regrettent le fouet de sa critique, lorsqu’ils ne voient aucun des bons effets par où il doit être principalement apprécié ; lorsqu’ils n’aperçoivent au contraire partout où il a frappé que désordres, que masques jetés, freins rompus, jougs secoués ; lorsqu’ils approuvent tous les jours les censures les plus fortes, les tableaux les plus hideux, inouïs des temps qui ont suivi ce grand moyen de correction et de perfectionnement ; enfin, lorsqu’ils applaudissent, avec transport, et sur la scène même où ils font éclater les témoignages constants de leur reconnaissance envers le remède, cette publication de l’effrayante augmentation du mal : Et les vices d’autrefois sont les mœurs d’aujourd’hui ! […] Je ne me suis jamais senti plus attristé qu’à cette dérision de la bienfaisance, dont l’acteur qui la singeait semblait se moquer lui-même pour la plus grande satisfaction des avares et des égoïstes impitoyables qui maudissent également les vrais et les faux bienfaisants, ces solliciteurs importuns de pitié et de secours, et qui applaudissaient unanimement, il n’y a pas de doute. […] On sentira facilement comment j’aurais été obligé de remonter aussi haut et de généraliser la question, quand même je n’eusse eu en vue que cette démonstration particulière ; il était nécessaire dans les deux cas de combattre, malgré le respect qui lui est dû, la principale autorité sur laquelle les critiques modernes s’appuient dans cette cause, et qui devait m’être opposée par les actionnaires et tous les autres partisans d’un préjugé le plus solidement affermi, naturalisé ; et que, par conséquent les petits coups de hache que je lui porte aujourd’hui ne sauraient renverser de sitôt.
Pour le faire sentir, il imagine un pays où les femmes gouvernent, & les hommes sont soumis. […] Pauvres, vivans de la pêche, gens du commun, à qui tout manquoit, on sent bien que l’or & l’argent ne brilloient pas sur leurs habits. […] Mais on sent bien que ces graves autorités ne feront pas changer la saine morale.
Le nombre en est très-grand, & ce ne sont pas les bonnes qui font le plus grand nombre ; il est aisé de sentir combien le burin augmente le scandale du pinceau, le répand de toute part, & le perpétue. […] Ces expressions, Racine est Racine, Racine est plus que Racine, sentent bien l’enthousiasme, mais la remarque est juste. […] Mais peut-on s’aveugler jusqu’à ne pas sentir que c’est les avoir perdues que de se permettre & de débiter des sentimens si peu chrétiens, si peu honnêtes, & de proposer, pour acquérir la perfection de l’art, les excès de ces monstrueux modeles.
Je n’examine pas ici le dérangement intérieur que doit opérer, ou plutôt que suppose nécessairement cette expression volontaire, vive, rapide, facile, de toutes les passions, qui caractérise les bons Acteurs, puisqu’on ne peut bien rendre que ce qu’on sent bien. […] En vain à la toilette un médiocre baigneur pense de la coëffure atteindre la hauteur, s’il ne sent point du ciel l’influence secrette, dans son génie étroit il est toujours captif. […] Il faut que l’artiste (le Coëffeur) respecte son ouvrage, que placé si près de son service il ne perde pas de vue l’intervalle qu’établit la différence des états, qu’il ait assez de goût pour sentir les impressions que son art doit faire, & assez de prudence pour le regarder comme étranger à lui, c’est-à-dire qu’il sache tenter les autres, & résister à la tentation ; on ne dit pas assez de religion & de vertu, la religion & la vertu ne voudroient ni courir, ni faire courir ce risque.
Je dis plus : n’est-il pas vrai que par l’usage et l’habitude que vous vous êtes fait de ces lectures, l’esprit du monde s’est peu-à-peu emparé de vous, que vous avez senti celui du christianisme diminuer à proportion et s’affoiblir, que les heureux principes de votre premiere éducation se sont altérés, que vous n’avez plus eu dans la tête que de folles imaginations, que la galanterie, que la vanité ; et que tout le reste, beaucoup plus solide et plus sérieux, vous est devenu insipide, ensuite fatiguant, enfin odieux et insupportable ? […] Une femme qui se sent chargée d’elle-même jusqu’à ne pouvoir en quelque sorte se supporter ni souffrir personne, dès qu’une partie de jeu vient à lui manquer ; qui n’a d’autre entretien que de son jeu ; qui du matin au soir n’a dans l’idée que son jeu ; qui n’ayant pas, à l’entendre parler, assez de force pour soutenir quelques moments de réflexions sur les vérités du salut, trouve néanmoins assez de santé pour passer les nuits dès qu’il est question de son jeu ; dites-le moi, mes chers Auditeurs, cet homme, cette femme gardent-ils dans le jeu la modération convenable ? […] Mettez-vous dans la disposition de la goûter, et elle se fera sentir à vous.
On ne manquera pas de l’ajouter à l’avenir ; au reste, on sent bien que les Dames Toulousaines sont trop charitables pour avoir manqué de venir au bal, & d’aller à la comédie exercer leur charité. […] Qu’il y a bien de choses permises, qui sentent le luxe, la magnificence de bâtimens, le nombre des domestiques, le théatre public ; parce que le peuple aime les spectacles.
Les pieces qu’on représente réveillent sans cesse à l’Actrice l’idée de son amant : comme elles roulent toutes sur l’amour, on en sent plus vivement l’impression ; on s’applique ce qu’on chante, on déclame, on substitue l’amant à l’Acteur ; on se voit en lui, on lui parle ; on entre dans le sentiment du rôle qu’on joue, on le réalise en soi-même, on en réussit mieux, & on le fait mieux passer dans l’ame des spectateurs. […] Ce qu’on vient de rapporter suffit pour faire sentir combien l’esprit du théatre corrompt les choses les plus saintes, porte l’irréligion & le vice jusque dans le sanctuaire ; dégrade les Ministres qui en prennent le goût, fait mépriser les mysteres, les cérémonies, les exercices pieux, les images, les habits, les lieux, les livres saints, tout ce qui tient au christianisme, dont il est le renversement, & en abuse, pour les tourner contre la religion & la vertu.
Napoléon sentit qu’avec le pouvoir absolu, on pouvait faire de grandes choses, et que les empires avec de grandes armées, prospéraient toujours avec une volonté unique et ferme. […] On sent que les exemples ne manqueraient pas pour venir à l’appui de ce que je viens de dire.
Il ne me reste plus qu’à vous faire sentir l’injustice de votre procédé envers M. de Voltaire ; car on n’ignore pas qu’il est l’auteur de l’épître que vous condamnez.
Le cœur humain est le même dans les grands crimes comme dans les moindres ; il ne faut pas mériter l’échaffaud pour sentir la voix des remords.
On voit pour sentir & penser.