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31. (1757) Article dixiéme. Sur les Spectacles [Dictionnaire apostolique] « Article dixiéme. Sur les Spectacles. » pp. 584-662

C’est un assemblage vif & séduisant de tout ce qui peut plaire, qui ne tend qu’à enchanter l’esprit & les sens par mille charmes, & attendrir le cœur par tout ce que les passions ont de plus insinuant & de plus dangereux. […] Vous écoutez de sa bouche ses criminels aveux, & vos sens résistent-ils à une amorce si dangereuse ? […] Comme on n’y apprend à juger des choses que par les sens, & à ne considérer comme subsistant & réel que ce qui les frappe & fait impression sur eux, c’est dans ces sens aussi que l’ame s’accoutume à se répandre toute entiere. […] L’amour de Dieu qui doit brûler sur l’autel de notre cœur, & dont chaque Chrétien doit être le Prêtre, comment ne s’éteindroit-il pas dans des lieux où tous les sens sont saisis par l’attrait de la volupté ? […] le monde, en effet, a-t-il rien nulle part de si attrayant pour les sens, par la pompe, & la magnificence qui les décorent ?

32. (1686) Sermon sur les spectacles pp. 42-84

Ici il emploie les paroles, et les sons les plus propres à inspirer l’amour de la volupté ; là il se sert de toutes les livrées du luxe pour étaler le charme des plus brillantes couleurs, et ce mélange qui étonne, et qui ravit, enivre les sens, subjugue l’âme, et vient à bout de corrompre les cœurs […] Il y a un tel enchantement, une telle magie, que tous les objets embellis par le luxe, et produits par la mollesse, paraissent se confondre, quoique sans confusion, afin de posséder toute l’âme des Spectateurs, et d’enivrer tous leurs sens. […] Comment, dans une Religion qui nous oblige de rapporter à Dieu tout ce que nous faisons, de mortifier nos sens, de crucifier notre chair, d’user de ce monde comme n’en usant pas, il nous sera permis de suivre les folies du siècle, et de nous y livrer ? […] Il est tout naturel qu’à force de voir tout l’étalage des vanités du monde, on oublie le Ciel ; qu’à force d’entendre préconiser l’amour et les plaisirs des sens, on fasse son Dieu de ce qui flatte les passions et la chair. […] [NDE] gazant = mettre une gaze, et au sens figuré, adoucir ce qu'il y a de trop libre, trop osé.

33. (1607) Prologue de La Porte, Comédien

Le dictionnaire de Godefroy donne le mot eschionné, avec une seule occurrence, sans en expliquer le sens. […] Boyer transcrit à tort illata, qui n’a pas de sens. […] [NDE] Boyer transcrit à tort « amis », qui donne un sens absurde. […] [NDE] Double sens : bien née et courageuse.

34. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [Q] » pp. 444-446

Soit à insérer avec grâce dans le discours, un vers entier d’un Poète, ou une partie de vers sans y rien changer, le sens que prend ce vers par l’apropos de la citation, suffisant pour la Parodie ; soit en y fesant quelque léger changement. 2. […] Le Parodiste détourne donc à un autre sujet & à un autre sens une Pièce sérieuse, par le changement seul de quelques expressions, si c’est de la déclamation, ou de quelques expressions & de quelques airs, si c’est une Pièce chantante ; au moyen de quoi, il rend le grand & le pathétique, burlesque, ridicule, ou tout au moins bas & trivial.

35. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre II. De deux sortes de Danses, dont il est parlé dans l’Ecriture Sainte. » pp. 6-13

Mais cet autre sorte d’exercice dans lequel on s’occupe pour délecter, et contenter les sens, n’est que trop fréquent dans le Christianisme, et on en use d’une manière tout a fait vicieuse, et désordonnée. […] Si nous parlions donc rigoureusement, et dans l’exactitude des Jurisconsultes, ne considérant que ce qui se rencontre le plus souvent dans la pratique ordinaire de ces danses profanes, qui ont pris naissance de la corruption des mœurs des Hébreux, et des observances superstitieuses des Païens ; nous pourrions dire que tous ces exercices qui ne vont qu’au contentement des sens sont absolument mauvais ; parce que les vices s’y mêlent, et le péché s’y trouve très fréquemment, et que suivant la règle des Jurisconsultes,L. 3. et 4. ff. de leg.

36. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIII. Si l’on peut excuser les laïques qui assistent à la comédie, sous le prétexte des canons qui la défendent spécialement aux ecclésiastiques. » pp. 52-57

Il ne pouvait mieux exprimer l’effet de ces réjouissances, qu’en disant qu’elles donnent entrée « à une troupe de vices » : ce n’est rien, pour ainsi dire, en particulier ; et s’il y fallait remarquer précisément ce qui est mauvais, souvent on aurait peine à le faire : c’est le tout qui est dangereux ; c’est qu’on y trouve d’imperceptibles insinuations, des sentiments faibles et vicieux ; qu’on y donne un secret appât à cette intime disposition qui ramollit l’âme et ouvre le cœur à tout le sensible : on ne sait pas bien ce qu’on veut, mais enfin on veut vivre de la vie des sens et dans un spectacle où l’on n’est assemblé que pour le plaisir ; on est disposé du côté des acteurs à employer tout ce qui en donne et du côté des spectateurs à le recevoir. […] Il suffit d’avoir observé ce qu’il y a de malignité spéciale dans les assemblées, où comme on veut contenter la multitude, dont la plus grande partie est livrée aux sens, on se propose toujours d’en flatter les inclinations par quelques endroits : tout le théâtre applaudit quand on les trouve ; on se fait comme un point d’honneur de sentir ce qui doit toucher, et on croirait troubler la fête, si on n’était enchanté avec toute la compagnie.

37. (1698) Théologie du cœur et de l’esprit « Théologie du cœur et de l’esprit » pp. 252-267

On y apprend à juger de toutes choses par les sens, & l’on s’accoutume à ne regarder comme bien que ce qui les frappe. […] Notre pente aux plaisirs des sens, est une de nos plus dangereuses maladies. […] Il n’allume pas seulement en nous un amour déreglé des plaisirs des sens, il jette aussi dans nos cœurs la semence de tous les autres vices. […] Car peut-on se flatter de sortir innocent de ces assemblées, où tous les sens sont assiégez, & enyvrez de plaisirs, & où il est presque toujours d’une complaisance indispensable de manquer de modestie ?

38. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VII. Sentimens des Prédicateurs. » pp. 168-180

L’art s’y épuise à rafiner les plaisirs, à favoriser les passions, à faire entrer la volupté par tous les sens. […] Espérez-vous qu’au jugement Dieu vous dira, Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume éternel, parce que vous avez fréquenté le théatre plus que mon temple, que vous y avez pris les manieres du monde que j’ai maudit, & enivré vos sens des plaisirs que je condamne ? […] Objets séduisans, scènes agréables, décorations pompeuses, habits magnifiques, mysteres d’amour ingénieusement expliqués, air languissans, faits pleins de tendresse, Acteurs poussant les plus doux traits de la passion, concerts harmonieux, voix pénétrantes, actions empoisonnées, enchantemens diaboliques, inventions funestes de l’enfer, examinez quelle impression tout cela fait sur votre cœur, en quelle disposition se trouvent alors vos sens, jugez-en par le présent, par le passé ; & si vous êtes de bonne foi, je m’assure que vous direz que sans avoir égard aux autres, tout cela est pour vous une occasion prochaine de péché. […] C’est là où le Démon forge les traits de feu qui enflamment la convoitise, & où la mort entre par tous les sens ; où l’on apprend le crime en le voyant ; où l’image des choses qu’on représente, fait de malheureuses impressions qui ne s’effacent presque jamais ; où une intrigue d’amour, de vengeance, ou de quelque autre passion, représentée avec adresse, est une amorce pour le même vice ; où les plaisirs qu’on goûte en voyant les ressorts que le péché met en œuvre, devient un appât pour le commettre.

39. (1705) Pour le Vendredy de la Semaine de la Passion. Sur le petit nombre des Elûs. Troisiéme partie [extrait] [Sermons sur les Evangiles du Carême] pp. 244-263

Vous avés renoncé à la chair dans vôtre Baptême, c’est à dire, que vous avés promis de ne point vivre selon les sens : vous vous êtes engagés à regarder comme des crimes la molesse, l’indolence, la sensualité, & pour m’exprimer avec le grand Apôtre, à crucifier vôtre chair, à la châtier, à reduire vôtre corps en servitude ; ce n’est pas ici un état de perfection fondé sur la severité de la morale, c’est un vœu solemnel fondé sur le plus saint de tous les actes de Religion. […] Jesus-Christ inspireroit une doctrine dont le poison entre par tous les sens, & dont toutes les maximes ne tendent qu’à embraser les cœurs & les faire brûler d’une flamme criminelle ! […] où vous ne donniés à vos sens que le triste ; mais solide plaisir de la mortification, où vôtre esprit ne s’occupoit que des choses du Ciel, où vôtre bouche ne prononçoit que des protestations d’une nouvelle fidelité, où vôtre voix ne servoit qu’à entonner des Cantiques sacrés, où l’on ne mangeoit que pour vivre, où l’on ne faisoit ensemble quelques repas sobres & mediocres, que pour serrer plus étroitement les nœuds sacrés d’une commune charité, où l’on ne parloit que de souffrances, que d’austerités, que de pénitence, où l’on s’entrexhortoit au martire, où l’on se préparoit à la mort par la pieuse lecture des consolantes verités de l’Ecriture, ou par la meditation des souffrances de Jesus-Christ. […] si vous vous representiés chaque jour devant les yeux le détachement du monde, la fuite de ses pompes & de ses plaisirs, la haine de vous-même, la mortification de vos sens, la vie de la Foi, que vous avés embrassées, la conformité avec Jesus-Christ, qu’il exige de vous comme son membre & son enfant, si vous le compreniés bien, qu’il faut aimer Dieu de tout vôtre cœur sans retour, ni partage, que vous ne pouvés sans crime porter ailleurs vos affections & vos desirs, que toute pensée, toute parole, toute œuvre qui ne se rapporte point à lui, est l’œuvre de Satan, & par consequent criminelle, qu’un simple regard qui ne tend pas à lui & à sa gloire, lui deplaît, l’offense ; qu’une seule demarche quelque innocente qu’elle paroisse, si elle ne se fait pas selon la charité, nous rend rebelles & coupables : si vous les compreniés bien, dis-je, ces verités, vous gemiriés sans cesse, vous viendriés souvent au pied du Tribunal vous declarer coupable devant Jesus-Christ vôtre Juge, dont le Confesseur tient la place.

40. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre précedente. » pp. 19-42

Saint Jerome au milieu de la Terre Sainte, où tout inspira de la pieté, sentit toute la peine du monde pour se recueillir ; & il avoue lui même, que l’importune imagination emporta souvent son esprit au milieu des divertissemens de Rome : & cette personne, plus heureuse que saint Jerome, ne souffre rien, quoi qu’elle se trouve présente à ce dangereux divertissement : quand elle veut prier le soir, elle sçait faire revénir, & se fixer l’imagination pour l’attacher à Dieu, laquelle n’étoit occupée, il y a peu d’heures, que de tout ce qui flattoit les sens. […] & violenti rapiunt illud , c’est à dire, qu’il faut se faire violence, contrarier sans cesse ses inclinations, mortifier les sens, son amour propre, dompter ses passions, porter chaque jour sa croix ; de forte, que la vie chrétienne, & qui méne au salut, doit être une vie mortifiée, contrarier aux inclinations & aux sens : cependant cette Demoiselle trop commode ne veut rien moins que se faire violence. […] Je passerai l’aprésdinée dans l’oisivité, à recevoir visite, ou en donner : Là, je n’y parlerai que du prochain, & j’y critiquerai telles, & telles personnes, pour qui je sens de l’aversion. […] Une Fille qui vit dans les delices, est déjà morte : elle est vivante en apparence, & morte en effet : vivante aux yeux des hommes, morte devant Dieu : elle a la vie des sens, mais elle n’a point la vie de la grace, elle n’aura jamais la vie de la gloire. […] Faute de crainte, on n’a point d’idée du malheur qui peut arriver à l’ame, & par consequent point de mouvement d’aversion pour le mal : faute de défiance, loin de se ténir sur ses gardes, & de se mettre en disposition de repousser l’ennemi du salut, on y apporte une imagination vive, un esprit dissipé, un cœur volage, des sens ouverts & subtils, dispositions fatales & propres à donner de l’entrée au peché.

41. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre II. De la Comedie. » pp. 163-177

C’est le mesme malheur, (quoique d’une differente conséquence) d’estre né dãs une erreur touchant les sens, ou la foy. […] Ce sont des Substances Theatrales qui y subsistent par soy, & qui seules & sans autre agréement charment les sens & frapent l’imagination. […] La persuasion de l’esprit est aisée apres la satisfactiõ des sens.

42. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VII. De la Diction. De la Poësie dans la Tragédie. » pp. 122-130

Négliger la force, la pompe ou la douceur de l’expression, c’est vouloir allumer un grand feu, en le couvrant de glace ; c’est priver la Scène du plus puissant moyen de fixer l’attention & de gagner le cœur par les sens. […] « Dans les bons Auteurs, tout parle tout agit ; mais c’est, dit le pere Brumoy, plus l’action & le sentiment que le discours, au lieu que nos jeunes Poétes donnent souvent dans le discours & les paroles, pour suppléer au Spectacle & à la passion. » Ce n’est que de sens froid qu’on applaudit à la beauté des vers dans un Spectacle.

43. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre II. Regrèts de ce qu’ARISTOTE n’en a rien écrit de considérable. » pp. 94-100

L’art de bien les faire est d’appliquer à un seul nom deux termes étrangers, sans compter sa définition naturelle ; c’est-à-dire, qu’il faut rencontrer un sens complet dans chaque partie d’un mot de plusieurs sillabes. […] Dore s’entend toujours par Donné δορος ; ainsi le tout ensemble offre un sens très-complet ; Dieu-Donné, Donné par Dieu ; si l’on veut en faire une division, l’ame est encore satisfaite des idées qu’elle y rencontre.

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