Il est si vrai que la Comédie est presque toujours une représentation de passions vicieuses, que la plupart des vertus chrétiennes sont incapables de paraître sur le Théâtre. Le silence, la patience, la modération, la sagesse, la pauvreté, la pénitence ne sont pas des vertus dont la représentation puisse divertir des spectateurs ; et surtout on n'y entend jamais parler de l'humilité, ni de la souffrance des injures.
Ces comédiens du troisième âge furent, dans l’origine, des pèlerins de la Terre-Sainte, qui, à leur retour, chantaient par les rues des cantiques de leur composition, sur la passion de Jésus-Christ, sur les prodiges opérés au saint sépulcre et ailleurs, et en général sur les choses extraordinaires et merveilleuses dont ils prétendaient avoir été témoins pendant le cours de leurs longs voyages, et dont ils offraient la représentation sur des espèces de tableaux. […] Ces sortes de comédies étaient pour la plupart représentées dans les églises mêmes, ou sur des théâtres construits dans des couvents de moines ; c’est là que des ecclésiastiques de tous grades intervenaient comme acteurs dans ces représentations religieuses, ainsi que dans ces fameuses processions trop souvent licencieuses, quelquefois obscènes et n’offrant que des farces du plus mauvais goût. […] En effet, des prêtres, au mépris de la discipline ecclésiastique, non seulement assistaient aux spectacles mondains donnés par les confrères de la passion, qui, après leurs comédies saintes, mettaient toujours quelques farces profanes, mais encore ils avaient eux-mêmes rempli des rôles et ouvert leurs églises pour ces sortes de représentations.
La passion pour le Théâtre va si loin en France, que les mères les plus austères, celles qui évitent avec le plus de soin le Théâtre public et qui par conséquent n’ont garde d’y laisser aller leurs filles, ces mêmes mères assistent, sans aucun scrupule, avec leurs filles aux représentations des Comédies de Molière, lorsqu’elles se font dans quelques maisons particulières et que les Acteurs sont ou des Bourgeois, ou des Seigneurs : Souvent même on les voit applaudir à des parades bien moins châtiées que les Comédies en forme ; marque évidente d’une inconséquence dans la conduite, qui n’est malheureusement que trop commune parmi des gens d’ailleurs très respectables. Il semble qu’il suivrait de là que ce sont les murs et les loges du Théâtre public, les décorations, les habits des Comédiens, les Symphonistes, etc. qui attirent la censure des personnes graves que nous entendons déclamer tous les jours contre les Spectacles, et qu’elles ne condamnent pas la représentation en elle-même, ni la nature des Pièces que l’on représente ; ce qui serait absurde et insoutenable. En effet, c’est sur les Pièces de Théâtre que doit principalement tomber la réformation ; tout ce qui les accompagne, et qui n’a rapport qu’à l’appareil de la représentation, n’est pas bien important, ni par conséquent bien difficile à corriger.
Pour la conclusion de mon Ouvrage j’exposerai ici quelques réfléxions que j’ai faites autrefois sur les représentations Théâtrales ; peut-être serviront-elles à défendre mon opinion, et en même temps à fortifier les raisons qui m’ont déterminé à souhaiter et à conseiller la Réformation du Théâtre. […] Or, il arrive quelquefois que les Auteurs au lieu de copier la nature la défigurent : et de l’autre côté que les Acteurs la font tellement grimacer que le Spectateur qui la cherche ne peut la reconnaître ; Mais lorsqu’un Auteur est parvenu à bien peindre la nature et que les Acteurs récitent la Pièce dans son véritable ton, en sorte que l’esprit séduit agréablement, prenne la fiction pour la vérité même : alors on est obligé de convenir qu’une représentation Théâtrale est un amusement supérieur à tout autre Spectacle public tel qu’il puisse être, parce qu’en satisfaisant les yeux, il intéresse le cœur et l’esprit. […] Le Spectacle du Théâtre est le seul qui embrasse et qui excite toutes les affections et toutes les passions du cœur humain ; il y a telle représentation qui inspire la joie, la tristesse, la colère, l’amour, les larmes et les rires ; et tous ces mouvements s’emparent bien souvent dans un seul jour du cœur des Spectateurs, jusqu’à leur faire sentir toutes ces différentes impressions à la fois.
Si vous avez en vûe quatre ou cinq de ces jeux, pour les employer dans la représentation de votre Poëme, il arrivera infailliblement, ou que vous mettrez trop près l’un de l’autre des objets qu’il auroit fallu éloigner, ou que vous en séparerez d’autres qui devoient se rapprocher ; ou enfin que pensant sans cesse à ces divers jeux, vous ferez mal parler un personnage qui refroidira l’action. […] La représentation d’une Tragédie est l’objet de sa composition, mais jamais le moyen. […] L’Auteur du Fils Naturel, nous objectera-t-on, dit : « Qu’il y a dans la composition d’une Pièce Dramatique, une unité de discours qui correspond à une unité d’accens…… S’il en étoit autrement, il y auroit un vice ou dans le Poëme ou dans la représentation. […] Enfin si l’expression d’accens n’est que l’art de communiquer des pensées écrites, & de retracer par le recit, ou par la représentation des actions intéressantes ou agréables, je n’y vois rien qui marque le lien prétendu qui unit l’expression littérale avec l’expression représentative ou du Comédien.
Apulée nous rend un compte exact de la Représentation du Jugement-de-Pâris, faite par une Troupe de ces Pantomimes. […] Sénèque le père, qui exerçait une profession des plus grâves, confesse que son goût pour les Représentations des Pantomimes, était une véritable passion. Lucien, qui se déclare aussi zélé partisan de l’art des Pantomimes, dit qu’on pleurait à leurs Représentations, comme à celle des autres Comédiens. […] Les Romains épris de tous les Spectacles du Théâtre, préféraient ceux-ci aux Représentations des autres Comédiens.
Du Théâtre Français, son origine, et qu’il n’a été occupé pendant plus d’un siècle, qu’à la représentation de pièces spirituelles, sous le titre de Moralités. […] L’une de ces Sociétés commença à mêler dans ces pièces différents événements, ou Episodes, qu’ils distribuèrent en Actes, Scènes, et en autant de différents personnages, qu’il était nécessaire pour la représentation. […] Après avoir obtenu ces Lettres, il ne fut plus question que de trouver un lieu commode pour leurs représentations. […] L’on commença à s’ennuyer de ces représentations sérieuses, les Joueurs y mêlerent quelques farces tirées de sujets profanes et burlesques : cela fit beaucoup de plaisir au Peuple qui aime ces sortes de divertissements, où il entre plus d’imagination que d’esprit ; ils les nommèrent par un quolibet vulgaire, les jeux des pois pilés : ce fut selon toutes les apparences, quelque scène ridicule qui eut rapport à ce nom, qui leur en fournit la matière.
Idée de leurs représentations, b, 83 & s. […] Son sentiment sur les représentations des Tragédies dans les Colleges des Jésuites, 486. […] Dangers des représentations, & même de la lecture des Pieces de Théatre, a, 27. […] Effets des représentations dramatiques, a, 26. […] Représentations domestiques des Pieces de Théatre ; leurs dangers, 405, 465.
Il est si vrai que la Comédie est presque toujours une représentation de passions vicieuses que la plupart des vertus chrétiennes sont incapables de paraître sur le Théâtre. Le silence, la patience, la modération, la sagesse, la pauvreté, la pénitence ne sont pas des vertus dont la représentation puisse divertir des spectateurs, et surtout on n'y entend jamais parler de l'humilité ni de la souffrance des injures.
Il faut considérer quelle est leur origine, quelles sont les mœurs ordinaires des acteurs et des actrices, quelle est la matière et le but de leurs représentations ; quels effets ces représentations produisent dans les acteurs et dans les spectateurs ; quelles impressions elles leur laissent.
Mais en cette représentation des jésuites aucuns spectateurs riaient quelquefoiscg. […] Grand merci, lourdaud que tu es, de là devrais-tu conclure, que telles représentations sont bonnes et licites. […] De pareille représentation nous est ce grand et dernier jugement, cet inespéré aux nationscn, et moqué d’icelles. […] [NDE] Il apparaît dans l’attestation qui suit le texte de Gaule, que le Prévôt et les échevins avaient été présents à la représentation de la pièce. […] [NDE] Tout compté et rabattu : tout bien compté et toute déduction faite ; le recteur donnera tout net dix écus (par-dessus = en plus des dépenses faites pour la représentation).
» *** Tillotson, archevêque de Cantorbéry sous le règne de Guillaume III, dit, à propos des représentations théâtrales : « On ne saurait les tolérer. […] Il y a longtemps qu’on discute la légitimité des représentations théâtrales ; qu’il me soit permis d’observer que la discussion eût été bientôt terminée, si l’on fût parti de l’amour de Dieu, comme du point principal. […] En outre, ces représentations, qui nous passionnent et fascinent nos yeux et notre entendement, ont pour résultat ordinaire de faire perdre à notre cœur sa pureté primitive, en ébranlant nos meilleurs sentiments et en affaiblissant peu à peu notre éloignement pour les choses que la morale réprouve. […] Ajoutez que les représentations théâtrales offrent au monde des tableaux flatteurs et mensongers, et présentent, à la jeunesse surtout, une peinture attrayante du bonheur et de la vie humaine, peinture qui ne se réalise que rarement, ou même jamais. […] Nous engageons tous ceux qui ont des doutes sur les représentations dramatiques et sur le danger qu’il peut y avoir à s’y livrer, enfin nous engageons tous ceux qui parcourent ces lignes, à accorder à cet important sujet toute l’attention et toutes les réflexions que son importance exige.
On conçoit sans peine que je ne parle point de la durée de la représentation, encore plus bornée. […] Que la durée de l’action ne devrait pas passer celle de la représentation. […] Les beautés du Drame que je viens de citer achèveront de persuader (je m’en flatte au moins) ceux qui balanceraient encore à donner à l’action de leurs Pièces la même durée que celle de la représentation. […] Que rien au moins n’indique le tems de l’action s’il n’est égal à celui de la représentation. […] Elle ne passe jamais chez lui la durée de la représentation.