Ces représentations profanes, ces spectacles où assistent tant de mondains oisifs & voluptueux, ces assemblées publiques & de pur plaisir, comédies & bals, sont-ce des divertissemens permis ou défendus ?
Quand les Monologues ne sont remplis que de passions, ils sont loin de n’être que des confidences, qu’on fait à ceux qui voient la représentation d’un Drame.
Lalande, Voyageur de tout un autre poids, dans son voyage d’Italie, dit en parlant du Pape, la gloire de ce haut rang peut à peine compenser la retenue, la contrainte, l’asservissement, la représentation qu’il exige ; le Pape ne mange jamais en public, ni avec personne, sa table est servie de la maniere la plus frugale, il ne connoît ni jeu, ni chasse, ni spectacle. […] Au jour marqué, parurent sur la riviere d’Arne, un grand nombre de barques chargés d’échafauts, & de personnages qui représenterent l’enfer : on y voyoit du feu, des roues enflammées, divers autres genres de supplices : parmi quantité de dragons & de serpens monstrueux, on voyoit des hommes, dont les uns portoient des figures horribles, des démons ; les autres tous nuds pour représenter les ames des damnés, jettoient des cris & poussoient des hurlemens aussi affreux que s’ils avoient été en effet dans les tourmens ; mais rien ne pouvoit être plus tragique que ce qui termina cette scene : au moment que le peuple, avide de ces folles représentations, paroissoit le plus attentif, le pont construit de bois, se trouvant trop chargé, tomba tout à coup : tous ceux qui étoient dessus, furent précipités dans les eaux ; & plusieurs y périrent : ceux qui se sauverent, furent la plupart estropiés & toute la ville dans la désolation.
Le cynique lui-même, ennemi de la danse, s’écrie : Non, ce n’est point une représentation, c’est la chose même. […] Il réforma quelques abus, prescrivit des bornes à la licence, & diminua le nombre des représentations.
Cette gloire immense qui de tous les Calaisiens, jusqu’au dernier valet, faisoit autant de Césars qui fixoient les yeux de l’univers, de tout cela il n’y a de réel que les beaux & les bons louis d’or que le sieur de Belloi a touché du neuvieme de ces brillantes représentations, la médaille & la boëte d’or, & le portrait placé à l’Hôtel-de-Ville au milieu du Sénat & du Peuple de Calais. […] La représentation n’eût pas lieu. […] Ce fut une fermentation générale, qui seule auroit dû en faire interdire la représentation ; & si les Echevins ne l’avoient empêché la sale de spectacle eût été trop petite, & peut-être y eût-il eu quelque sédition & les Catholiques auroient été maltraités.
Mon zèle pour la personne sacrée des Rois me les ferait plutôt allumer, et bien loin de réclamer contre la juste sévérité des Magistrats, je suis persuadé qu’en bonne politique, même en matière de tyrannicide, ils ont trop d’indulgence pour les spectacles ; que cette doctrine pernicieuse qu’ils ont redoutée dans le théâtre Latin de Sénèque et del Rio, mérite encore moins de grâce dans les théâtres de Corneille, de Racine, Crébillon, Voltaire, Marmontel, Héros de la scène tragique, à qui l’Académie Française a donné des provisions de l’office de bel esprit utile à l’Etat : doctrine qui débitée publiquement, dans tout le royaume, dans des représentations et des volumes innombrables, avec toute l’élégance, la pompe et le pathétique possibles, doit produire sur tous les esprits un bien plus mauvais effet que la tragédie et le commentaire del Rio, que personne ne connaît. […] Il faut avoir des passions bien noires pour se plaire à la représentation de pareilles horreurs. […] Il convient qu’on en fut si frappé qu’on disait publiquement, c’est un ouvrage très dangereux, fait pour former des Ravaillac et des Jacques Clément, et il ne veut pas convenir, malgré la vérité, que le gouvernement en défendit la représentation, ce qu’il appelle une cabale.
Avant d’assister à la représentation d’une Tragédie, il est aisé de savoir quels en seront les Personnages.
Or il est aisé de vous le justifier par leur origine et leur accroissement, par leurs représentations accompagnées de mille superstitions, par ceux qui président dans tous les lieux destinés à ces magnificences, et par les inventeurs des Arts qui s'y pratiquent. » Et après avoir traité toutes ces choses séparément et doctement, il poursuit.
Aussi la Comédie à la prendre dans les bornes de l’innocence et de l’honnêteté est une nue représentation des histoires passées ; et en ce sens elle n’a aucune difformité : au contraire elle peut ce semble, autant exciter à la vertu les esprits bien faits, comme la trompette guerrière émouvait le courage d’Alexandre.
C’est un Crébillon, à la représentation de ses Euménides. […] Les Grecs étoient touchés parce que c’étoient des événemens intéressants, comme si parmi nous on faisoit une représentation des supplices des Ravaillac & des Damiens.
La loi générale de la tolérance apprend & accoutume à paroître tout différent de ce que l’on est ; le rôle de l’amant dans ma piéce, (car les actrices peuvent-elles s’en passer dans la représentation, non plus que dans la réalité ?) […] Les raisons de la tolérance sont fausses, nous l’avons vu ailleurs ; le danger prétendu des désordres que pourroit occasionner la cessation des spectacles, n’est pas à beaucoup près aussi grand que le danger du vice que donne leur représentation.
Ce n’est point une représentation, c’est la chose même. […] Ainsi consume-t-on au théatre son temps, son argent, son devoir, son honneur, la conscience, pour n’en tirer que de la fumée. 2.° Que les anciennes représentations des Mysteres & des Martyres valloient mieux que nos drames.
, mais même dans les représentations théatrales, où il ne voit, n’entend, ne goûte, ne sent que des mensonges, des perfidies, des friponneries, des intrigues de toute espèce, en avale à longs traits le plaisir, en admire l’adresse, en raconte le succès, en essaie l’imitation ?