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9. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE II. De la passion d’amour sur le Théâtre. » pp. 18-35

Qu’on ne me dise pas que des amours qui causent tant de tourments à ceux qui en sont possédés, et qui les portent à tant d’extravagances, sont plus propres à corriger de cette passion qu’à l’exciter : Cela pourrait se dire avec quelque vraisemblance, si, après tous ces tourments, et toutes ces extravagances, les Amants finissaient par être réellement malheureux : En ce cas les Spectateurs pourraient concevoir de l’aversion pour une passion qui ne produit que des peines dans sa fin, comme dans son progrès : mais malheureusement l’amour de Théâtre, et surtout celui de la Comédie, a toujours un succès heureux ; et le Spectateur en conclut avec raison, que les maux soufferts par les Amants, pour arriver à ce succès favorable, loin d’être une juste punition due à une passion condamnable, sont plutôt une persécution injuste suscitée à la vertu qui finit par en triompher. […] Les Modernes, au contraire, n’ont adopté que le faible de cette passion, qui, dans ce point de vue, n’est propre qu’à corrompre, comme nous l’avons dit ; et il y a même cette différence entre les Modernes et les Anciens, que les Anciens n’ont mis l’amour sur leur Théâtre que très rarement, et que les Modernes en ont fait le motif principal et le fondement de toutes leurs fables. […] Les quatre sortes de sentiments que je viens d’indiquer sont tels que, s’ils étaient mis sur la Scène avec tout l’appareil propre à en faire valoir l’intérêt, ils ne pourraient manquer de remplir l’objet que l’on doit se proposer, qui est de corriger et d’instruire ; mais on ne saurait disconvenir que la passion de l’amour, ainsi qu’on a coutume de nous la représenter, ne produise des effets tout contraires. […] Vis-à-vis d’elle la nature même perd ses droits : la gloire et le propre intérêt lui sont également sacrifiés. Les pères traversés dans leur passion par leurs enfants, prennent contre eux des sentiments de haine : les fils, de leur côté, deviennent ennemis de leurs propres pères, en devenant leurs rivaux : et, dans quelques Tragédies même, on voit des Princes qui ne veulent pas régner aux dépens de leur amour.

10. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre II. Le métier de comédien est mauvais par lui-même, et rend infâmes ceux qui l’exercent. » pp. 15-28

« C’est au milieu de cet imposant appareil, si propre à élever et remuer l’âme, que les acteurs, animés du même zèle, partageaient, selon leurs talents, les honneurs rendus aux vainqueurs des jeux, souvent aux premiers hommes de la nation. […] L’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien, de paraître différent de ce qu’on est, de se passionner de sang-froid, de dire autre chose que ce qu’on pense, aussi naturellement que si on le pensait réellement, et d’oublier enfin sa propre place à force de prendre celle d’autrui. […] un mélange de bassesse, de faussetés, de ridicule orgueil et d’indigne avilissement, qui le rend propre à toutes sortes de personnages, hors le plus noble de tous, celui d’homme qu’il abandonne. […] Il ne représente que lui-même ; il ne fait que son propre rôle ; il ne parle qu’en son propre nom ; il ne dit et il ne doit dire que ce qu’il pense. […] Et, de peur que ses maximes sévères ne fissent un progrès nuisible à son intérêt, l’actrice est toujours la première à parodier son rôle, et à détruire son propre ouvrage.

11. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XIV. La comédie considérée dans ses Spectateurs. » pp. 30-33

l’image, l’attrait, la pâture de la sienne propre . […] Il y a donc dans le cœur des Spectateurs un Théâtre secret, où chacun est Acteur & joue sa propre passion ; & c’est ce qui donne le vif & le piquant au Spectacle ; c’est ce qui y porte avec tant d’ardeur. […] Son exemple & sa doctrine nous apprennent à quoi est propre la Comédie : combien elle sert à entretenir ces secretes dispositions du cœur humain, soit qu’il ait déjà enfanté l’amour sensuel, soit que ce mauvais fruit ne soit point encore éclos.

12. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Cette Tragédie, Monsieur, a d’ailleurs un autre avantage, c’est de nous rendre plus grands à nos propres yeux en nous montrant de quels efforts la vertu nous rend capables. […] Mais quand l’état présent de nos mœurs pourrait nous faire regarder la Tragédie comme un nouveau moyen de corruption, la plupart de nos pièces me paraissent bien propres à nous rassurer à cet égard. […] Descartes les jugeait plus propres que nous à la Philosophie, et une Princesse malheureusex a été son plus illustre disciple. […] Nous avons éprouvé tant de fois combien la culture de l’esprit et l’exercice des talents sont propres à nous distraire de nos maux, et à nous consoler dans nos peines : pourquoi refuser à la plus aimable moitié du genre humain, destinée à partager avec nous le malheur d’être, le soulagement le plus propre à le lui faire supporter ? […] Je le crains d’autant plus, que le talent dont vous avez montré au Théâtre lyrique de si heureux essais, comme Musicien et comme Poète, est du moins aussi propre à faire aux Spectacles des partisans, que votre éloquence à leur en enlever.

13. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XX. Suite des prétendus talents du Comédien & de la Déclamation théatralle. » pp. 63-85

Il n’est donc pas nécessaire qu’il en ait par lui-même, il suffit qu’il soit propre à en recevoir, & que son ame s’embrase des flammes qui petillent dans l’ouvrage. […] Ainsi la gravûre, en prenant quelquefois ses sujets chez autrui, les embellit des graces qui lui sont propres. […] Au contraire, que le Graveur burine sur les desseins d’autrui, ou sur les siens propres, il ne change ni d’état ni de qualité : celle de dessinateur ne pouvant être séparée d’un Art, dont elle est le fondement principal. […] Le sentiment saisit d’abord celle qui lui est propre. […] Le Poëme dramatique meut lui même ses propres ressorts.

14. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre V. De la Musique ancienne & moderne, & des chœurs. De la Musique récitative & à plusieurs parties. » pp. 80-93

Ainsi ils n’avoient garde de choisir celle qui y étoit le moins propre, mais celle du récit beaucoup plus analogue à la représentation Théâtrale. […] Menestrier, que ces petits vers étoient plus propres pour la musique que les autres ; parce qu’ils sont plus coupés, & qu’ils ont plus de rapport aux vers Sciolti des Italiens, qui servent à ces actions ». […] Les joueurs de flutes servoient aux Acteurs à prendre, à soutenir ou à rétablir les inflexions de voix propres aux différentes passions qu’ils représentoient ; ils les aidoient dans leur déclamation, comme nos souffleurs secondent aujourd’hui leur mémoire. […] Pour que la musique causât un véritable délassement, il faudroit qu’elle fût chez nous, comme elle l’étoit chez les Anciens, propre aux incidens de chaque Acte ; & qu’en diminuant notre attention, elle soutint nos idées & nos sens, dans l’état où ils ont été mis.

15. (1707) Réflexions chrétiennes « Réfléxions chrétiennes, sur divers sujets. Où il est Traité. I. De la Sécurité. II. Du bien et du mal qu’il y a dans l’empressement avec lequel on recherche les Consolations. III. De l’usage que nous devons faire de notre temps. IV. Du bon et mauvais usage des Conversations. Par JEAN LA PLACETTE, Pasteur de l’Eglise de Copenhague. A AMSTERDAM, Chez PIERRE BRUNEL, Marchand. Libraire sur le Dam, à la Bible d’Or. M DCCVII — Chapitre XII. Du temps que l’on perd à la Comedie, et aux autres spectacles de même nature. » pp. 269-279

Les Pieces de theatre ne sont propres qu’à exciter, et qu’à fortifier les passions. […] N’est-ce pas donc aller directement contre le plus indispensable de nos devoirs, n’est ce pas affermir positivement cette corruption, qu’il faudroit tascher de détruire, que de s’appliquer à ce qui n’est propre qu’à produire ce funeste effet, en excitant et fortifiant les passions ? […] Qu’y a-t-il mesme de plus propre à inspirer du degoust pour ces saintes occupations, que les vains fantômes dont tout ceci remplit ordinairement l’esprit ? […] On ajoûte que la Comedie en particulier tourne le vice en ridicule, et est par là même plus propre à le décrediter que les plus fortes invectives des Prédicateurs.

16. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — IX.  » p. 4623

Les personnes du monde ne faisant point d'exemples ne sont presque coupables que de leurs propres péchés : mais ceux qui veulent passer pour vertueux, et qui pratiquent en effet quelques bonnes œuvres, sont coupables de leurs propres péchés et de ceux des autres ; et non seulement ils perdent le mérite de leurs bonnes actions, mais ils les empoisonnent en quelque sorte en les faisant servir à engager les autres dans le péché.

17. (1675) Traité de la comédie « X.  » pp. 286-287

Les personnes du monde sur qui on ne prend point exemple, ne sont presque coupables que de leurs propres péchés : mais ceux qui veulent passer pour vertueux, et qui pratiquent en effet quelques bonnes œuvres, sont coupables de leurs propres péchés et de ceux des autres ; et non seulement ils perdent le mérite de leurs bonnes actions, mais ils les empoisonnent en quelque sorte, en les faisant servir à engager les autres dans le péché.

18. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VII. » pp. 115-130

Le tableau que Corneille en a tracé est moins propre à décrier le vice, qu’à le rendre aimable. […] Comme en sa propre sourbe un menteur s’embarasse, Peu sçauroient, comme lui, s’en tirer avec grace. […] « On prétend que l’utilité de cette piéce sera très-grande, parce qu’elle accoutumera le monde à se mieux précautionner contre les friponneries des Procureurs, & parce qu’elle corrigera de leurs mauvaises habitudes les Procureurs mal-honnêtes gens ; rien n’étant plus propre, dit-on, à guérir les maladies de l’ame, qu’une Comédie qui en représente finement le ridicule. […] Voilà les désordres dont les Comédies de Moliere ont un peu arrêté le cours ; car pour la galanterie criminelle, l’envie, la fourberie, l’avarice, la vanité & choses semblables, je ne crois pas que ce comique leur ait fait beaucoup de mal, & l’on peut même assurer qu’il n’y a rien de plus propre à inspirer la coquetterie, que ces piéces ; parce qu’on y tourne perpétuellement en ridicule les soins que les peres & meres prennent de s’opposer aux engagemens amoureux de leurs enfans.

19. (1715) La critique du théâtre anglais « AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. » pp. -

Evremond qui se cite tout seul, et qui de son propre aveu n’avait nulle teinture de la langue Grecque. « Pour le style de Plutarque, dit-il en quelque endroit, n’ayant aucune connaissance du Grec, je n’en saurais faire un jugement assuré. […] Collier, lequel est estimé l’un des plus beaux esprits de de-là la mer, et passe pour connaître à fond les grâces propres de sa langue. […]  « Heureux, si le Théâtre au bon sens ramené, N’avait point, de l’amour aux intrigues borné Cru devoir inspirer d’une aveugle tendresse Aux plus sages Héros la honte et la paresse : Peindre aux bords de l’Hydaspe Alexandre amoureux, Négligeant le combat pour parler de ses feux, Et du jaloux dessein de surprendre une ingrate Au fort de sa défaite occuper Mithridate : Faire d’un Musulman un Amant délicat Et du sage Titus un imbécile, un fat, Qui coiffé d’une femme et ne pouvant la suivre Pleure, se désespère, et veut cesser de vivre … … … … … … … … … … … … Mais on suppose en vain cet amour vertueux : Il ne sert qu’à nourrir de plus coupables feux L’amour dans ces Héros plus prompt à nous séduire, Que toute leur vertu n’est propre à nous instruire. » Au regard des Anglais, que la paix multiplie chaque jour dans le Royaume, ils seront bien aises d’avoir un excellent Auteur de leur nation traduit dans une langue qu’il leur est nécessaire de savoir pour vivre en un pays étranger avec quelque plaisir et quelque satisfaction. […] Attentif et fidèle au sens de l’original, j’ai adouci certaines métaphores trop fortes selon nous ; j’en ai même retranché quelques-unes, qui ont dans l’Anglais un agrément auquel nous ne sommes pas accoutumés : j’ai déplacé quelques pensées pour leur donner un ordre plus conforme à notre manière d’arranger les nôtres ; j’ai changé le sens figuré au sens propre, ou le sens propre au sens figuré, à mesure que l’un ou l’autre me semblaient convenir davantage : j’ai étendu ce qui pouvait nous paraître trop obscur, pour être trop laconique ; et au contraire j’ai serré ce qui pouvait nous paraître lâche pour être trop étendu : quoique après tout, ce ne soit guère le défaut de M.

20. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VIII. Des caractères & des Mœurs Tragiques. » pp. 131-152

O n appelle caractère au Théâtre, la manière de sentir, de parler & d’agir, propre à chaque personnage. […] Tous les Peintres ont, comme on sait, un goût & des manieres qui leur sont propres, & tous cherchent à plaire à leur nation, sur-tout quand ils travaillent directement pour elle. […] Décidons-nous donc à faire des sottises ; mais du moins brillons de nos propres richesses. […] Corneille, dans le commencement de Rodogune, a peint cette Princesse avec un dévouement pour le bien de l’Etat, qui lui fait oublier ses ressentimens propres, & sacrifier ses intérêts au traité de paix conclu entre le Roi des Parthes son frere & Cléopatre. […] Une amour-propre toujours dirigé à la perfection du Poéme, une étude constante des grands modèles de l’Histoire, & surtout de la Nature, un jugement sain indiqueront assez aux Auteurs la maniere la plus propre de traiter les mœurs, pour faire sortir les caractères, & leur donner ces convenances, cette qualité qui en constituent l’essence.

21. (1694) Lettre d’un théologien « Lettre d'un théologien » pp. 1-62

Qu’y a-t’il de plus propre et de plus particulier à la Comédie, qui ne consiste qu’en des paroles et en des actions risibles et ingénieuses qui font plaisir et qui délassent l’esprit ? […] Vous en allez juger par ses propres paroles, auxquelles je me ferais un scrupule de rien changer, tant elles sont justes et expressives : je me contenterais de les pouvoir bien rendre, et de ne vous rien dérober de leur beauté. […] Eh bien, Monsieur, jusqu’ici ce sont les propres paroles de saint Thomas : peut-on mieux répondre qu’il le fait à cette grande Objection ? […] tous les Jeux que contre la Comédie : et j’ai remarqué dans le second tome des Conciles, que dans celui de Poitiers une Abbesse fut accusée par ses propres Religieuses pour avoir joué aux Dés dans son Monastère. […] , qui soutient qu’il est permis de tirer des vérités du sein des Fables Païennes, et que ce n’est au plus que recevoir des armes de ses propres ennemis.

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