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67. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — Extrait des Registres de Parlement, du 22 Avril 1761. » pp. 210-223

Par ce détour artificieux, l’Auteur s’est donné la coupable licence de hazarder les propositions les plus contraires à la Religion & aux bonnes mœurs, & de confondre la nature & les bornes des deux Puissances. […] Ce n’est qu’un tissu de propositions scandaleuses, de principes erronés, de fausses maximes & de propos injurieux à la Religion, contraires aux bonnes mœurs, attentatoires aux deux Puissances. […] Outre ces blasphémes, les maximes vicieuses sur les mœurs sont poussées jusqu’au point de dire que la conduite des Comédiennes qui vivent en concubinage avec celui qu’elles aiment n’est pas deshonorante, qu’elle est seulement irréguliere ; que ce concubinage étoit autorisée chez les Romains, & même dans les premiers siécles de l’Eglise ; qu’elle est tolérée dans nos mœurs, & qu’il n’y a que celles qui menent une vie scandaleuse qui doivent être rejettées. […] Le cri public qui s’est élevé contre ce Livre, à l’instant qu’il a paru, nous a porté à en faire un prompt examen, avec plusieurs de nos Confreres, & à rendre l’avis de l’ordre dans une Assemblée générale, qui, pour manifester la pureté de nos sentimens & la sévérité de notre discipline, a d’une voix unanime retranché du nombre des Avocats, l’Auteur, & m’a chargé de dénoncer son Ouvrage à la Cour, dont le zéle en matiere de Religion, de bonnes mœurs & de Police publique, se manifeste en toute occasion.

68. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-10

Les bonnes mœurs dans le chrétien & l’honnête homme ne regardent pas seulement la pureté, elles embrassent la charité pour le prochain & la justice. […] Un assassin, un calomniateur ont-ils de bonnes mœurs ? […] La comédie doit être un tableau de la vie humaine, un exemple pour la conduite des mœurs, un image de la vérité ; je vois cependant qu’elle ne représente aujourd’hui que des extravagances, qu’elle propose & autorise de mauvaises actions, & qu’elle est presque toujours l’image d’une sale volupté. […] Dans le cours de cette longue comédie, qui mérite mieux ce nom que le poëme du Dante, on trouve répandus tous les principes qui, dans tous les temps, ont fait proscrire les spectacles par toutes les personnes sages qui ont eu quelque zele pour les bonnes mœurs. […] Les chimeres, les passions amusent : les bons principes doivent faire pardonner ces égaremens, & assurer à la scène le beau titre d’école des mœurs, lors même qu’elle donne des leçons du vice.

69. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE V. Du Mensonge. » pp. 100-113

Le sage Solon en pensa autrement ; il voulut voir cette nouveauté, & la jugea tout-à-fait contraire aux bonnes mœurs. […] Les Lacédémoniens, plus sages, ne voulurent jamais souffrir le théatre dans leur ville, non plus que la République de Genève, & dûrent à cette utile police la conservation de la franchise, de la fermeté, de la pureté des mœurs qui les faisoient admirer, tandis que les Athéniens, comme Solon l’avoit prévû, devinrent si menteurs, que leur duplicité passa en proverbe. […] Il pouvoit ajoûter, parce que les fables des uns & des autres portent des coups mortels à la religion & aux mœurs, l’hérétique ouvertement par un parti formé, & un systême réfléchi de doctrine, le Comédien sourdement par l’insinuation du plaisir, le ridicule apparent de la vertu, l’exemple réel du vice. […] Il n’est pas surprenant que Corneille, en bon Normand, ait fait l’éloge du mensonge, du moins est-il sincère dans l’aveu du mauvais effet que produit cette piece, & convient fort naïvement que la comédie, faite pour plaire, n’a pas ce mélange d’utilité pour les mœurs ; elle viole la maxime touchant la récompense des bonnes actions & la punition des mauvaises. […] Tout est réuni au théatre ; on ment par les paroles, les actions, les rôles, les habits, les gestes, par toute la personne ; on amuse, mais en amusant on nuit à la religion & aux mœurs par les plus mauvais exemples & la plus pernicieuse morale, par l’esprit & le goût faux qu’on inspire.

70. (1752) Essai sur la comédie nouvelle « ESSAI SUR LA COMEDIE MODERNE. » pp. 1-160

De quelle utilité est-elle pour les mœurs ? […] Que l’on jette un coup d’œil sur le Théâtre de Molière, ce grand Précepteur des mœurs, ce grand Moraliste. […] Si la plupart de ces objets sont vicieux, ils ne le sont qu’à un certain égard ; et ils ne le sont pas assez pour influer sur les mœurs. […] Croit-on nous persuader que s’il est des jeunes gens estimables par leurs mœurs, ils en sont plus redevables au Théâtre qu’à la Chaire ? […] Si nos Comédies contiennent quelques maximes que la raison, que les mœurs puissent adopter, qu’ils sont rares !

71. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

Mais tel est le goût qu’il faut flatter sur la scène ; telles sont les mœurs d’un siècle instruit. […] Mais il n’en est pas ainsi de la comédie, dont les mœurs ont avec les nôtres un rapport plus immédiat, et dont les personnages ressemblent mieux à des hommes. Tout est mauvais et pernicieux, tout tire à conséquence pour les spectateurs ; et, le plaisir même du comique étant fondé sur un vice du cœur humain, c’est une suite de ce principe, que, plus la comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs. […] et la pièce où l’on fait aimer le fils insolent qui l’a faite, en est-elle moins une école de mauvaises mœurs ? […] [NDE] Ce paragraphe provient de Baron d’Holbach, Systême social, ou Principes naturels de la morale et de la politique, vol. 3, De l’influence du gouvernement sur les mœurs, chapitre 10.

72. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De l’Indécence. » pp. 21-58

Il n’est donc point de prétexte qui puisse autoriser un Poète à peu respecter les bonnes mœurs. […] Ne pouvant plaire tout-à-fait à l’esprit, il fera du moins ses éfforts pour contenter les mœurs. […] Les mœurs des Personnages de cette Pièce sont on ne peut plus libres. […] Enfin, cette Pièce si vertueuse, si utile aux bonnes mœurs, se termine d’une manière digne d’elle. […] Je tire le rideau peut-être trop tard ; mais il fallait prouver qu’il s’en faut de beaucoup que les Poèmes du Spectacle moderne soient des ouvrages vertueux, faits pour corriger les mœurs.

73. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Il est vrai qu’elles sont écrites avec plus de religion & de décence que n’en permet l’esprit du siécle ; le libertinage des mœurs & des créances n’avoit pas si fort gagné en 1713. […] Les petites maisons ou le réveil d’Epiménide, sont une satyre des mœurs de son tems qui ne différent des nôtres que parce que le vice n’osoit pas encore braver ouvertement les loix & la pudeur. […] Cette addition faite depuis un siècle à l’éducation des Colleges, est une principale cause de la corruption des mœurs. […] Est-ce là le germe des mœurs & des vertus qu’on doit leur inspirer ? […] Sont-ce là des leçons pour les mœurs ?

74. (1758) P.A. Laval comédien à M. Rousseau « P.A. LAVAL A M.J.J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE. » pp. 3-189

Le premier peut être nuisible aux mœurs, s’il est possible qu’une mauvaise action le fasse naître. […] Quoiqu’il en soit, j’ai nié tout net qu’il fut vrai que la Comédie fut pernicieuse aux mœurs. […] J’y vais voir l’image des mœurs, il faut qu’on me la représente fidellement. […] Tout le monde sait que ce qui concerne la pureté des mœurs ne peut être réglé par des Édits, comme ce qui regarde le droit rigoureux ; mais au défaut des Édits qui seroient inutiles pour la réforme des mœurs, n’est-il pas d’autres expédiens ? […] Les hommes, par ce moyen, ne contractent pas des mœurs efféminées.

75. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE I. Préjugés légitimes contre le Théatre. » pp. 4-29

Ce seroit un miracle d’y voir régner les bonnes mœurs : c’est un pécheur qui a vieilli dans le crime, il y mourra. […] Je n’attaque point les vivans, je veux croire qu’ils n’imitent pas les mœurs de ceux dont ils se font un mérite d’imiter les ouvrages. […] Il ne s’y rassemble que des libertins, des coquettes, des gens oisifs, sans mœurs, sans piété. […] Voilà un chef-d’œuvre inimitable de poësie, de religion, de mœurs, de patriotisme. Depuis la mort de Panard il est arrivé au théatre une aventure réjouissante, qui en peint les mœurs & l’idée qu’en a le public.

76. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Le jeu dans nos usages, l’expression dans nos mœurs. […] Y a-t-il rien de si rapide & de si puissant sur son ame que le tableau de ses mœurs ? […] L’esprit en devient-il plus léger, la raison plus active, le caractére plus liant, les mœurs plus douces ? […] Les mœurs y sont toujours couronnés, la vertu toujours applaudie, & le vice toujours confondu. […] Nos mœurs, nos préjugés même, sont sur ce point d’une délicatesse outrée.

77. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « Préambule » pp. -

Les lois d’un peuple libre, dit un savant distingué, ses institutions sages et garantissantes, doivent amener la noblesse des sentiments et la pureté des mœurs. […] J’ai consulté, outre les lumières de la plus longue expérience de mes doyens d’âge, les différents genres de traditions historiques, les écrits authentiques et les mémoires secrets, les anecdotes et même les arts et leurs productions ; j’y ai observé les hommes et le cours de leurs vertus, de leurs vices, de leur langage, de leurs actions, les variations des principes et de l’esprit des sociétés ou des cercles et coteries, en un mot, le mouvement de l’opinion et des mœurs. C’est d’après ces documents certains, dont le principal est le fait incontestable que l’irréligion et l’immoralité ont commencé à croître et s’étendre plus sensiblement chez nous, comme chez les autres, à dater de l’époque des plus fortes des leçons satiriques données en leur faveur, sous la forme dramatique ; c’est d’après ces documents, dis-je, qui, abstraction faite de tout ce qui a été dit pour et contre sur cette question, m’ont mis à portée de comparer les temps, d’apprécier moi-même les causes qui ont agi sur les mœurs aux différentes époques, par le rapprochement des effets, que j’ose avancer et entreprendre de prouver à mon tour et à ma manière, sans prétendre le faire mieux que mes prédécesseurs, mais, pour appuyer leur jugement, que l’amalgame ou le concours irrégulier de la joyeuse et attirante instruction théâtrale avec le sérieux, l’austère et premier mode d’instruction et de réformation, a été funeste à celui-ci ; qu’il l’a d’abord fait négliger et ensuite étouffé ou paralysé presque entièrement en le suppléant fort mal, en le remplaçant comme un étourdi spirituel et malin remplacerait un patriarche grave et prudent. […] C’est cette seule considération qui me porte à écrire après eux, à attaquer aujourd’hui cet ouvrage par rapport à ses résultats sur nos mœurs, et à montrer combien étaient justes les pressentiments de ces grands hommes, et comment l’objet de leurs craintes s’est réalisé avant, et sans l’influence des nouvelles théories philosophiques. […] Associés probes, amis sincères, honnêtes pères de famille, veuves et orphelins, comme vous bonnes gens sans instruction et sans prévoyance, qui gémissez sur tous les points de la terre civilisée, où vous avez été outragés, trompés, dépouillés impitoyablement par toutes sortes d’oppresseurs rusés qui jouissent sans remords de vos dépouilles en présence de vos misères, vous prouvez à l’observateur, même favorisé de la fortune, mais non égoïste, que la civilisation, par les moyens combattus qui l’ont opérée, a moins adouci les mœurs qu’elle n’a rafiné, subtilisé les vices de la barbarie.

78. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre II. Utilité des Spectacles. » pp. 8-21

Il est demontré que la Comédie & la Tragédie sont l’école des mœurs. […] N’épargnons donc rien pour lui conserver la grandeur, le sublime que lui donna Corneille, l’élégance de Racine, le vrai comique de Molière, & la pureté des mœurs qui l’accompagne depuis long-tems. […] On devrait, selon moi, trouver que le Théâtre fait un grand bien aux mœurs & à la société, en nous reprenant, même pour des ridicules très-légers. […] La Coquetterie, par éxemple, n’est elle pas contraire aux bonnes mœurs ? […] Les Comédiens doivent être estimés lorsqu’ils ont des talens & des mœurs ; je ne vois rien de bas ni de honteux dans leur emploi.

79. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « EXTRAIT DE QUELQUES PENSEES SAINES. Qui se rencontrent dans le livre de J.J. Rousseau contre le Théâtre, ou condamnation de son système par lui-même. » pp. 66-77

Voilà la Philosophie moderne, et les mœurs anciennes. […] Anciens avaient pour maxime que le pays, où les mœurs étaient les plus pures, était celui où l’on parlait le moins des femmes, et que la femme la plus honnête était celle dont l’on parlait le moins. […] vie des femmes est un développement continuel de leurs mœurs, au lieu que celle des hommes, s’effaçant davantage dans l’uniformité des affaires, il faut attendre, pour en juger, de les voir dans les plaisirs. […] vice ne s’insinue guère en choquant l’honnêteté, mais en prenant son image ; et les mots sales sont plus contraires à la politesse qu’aux bonnes mœurs : voilà pourquoi les expressions sont toujours plus recherchées, et les oreilles plus scrupuleuses dans les pays les plus corrompus. […] Il faut qu’il y vive agréablement, afin qu’il en remplisse mieux les devoirs, qu’il se tourmente moins pour en sortir, et que l’ordre public soit mieux établi : les bonnes mœurs tiennent plus qu’on ne pense, à ce que chacun se plaise dans son état.

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