Comédie : c’est l’imitation des mœurs mise en action : Imitation des mœurs ; en quoi elle diffère de la Tragédie & du Poème Héroïque : Imitation en action ; en quoi elle diffère du Poème Didactique-Moral, & du simple Dialogue. […] Tel est le Comique Français, dont le Theatre Anglais s’est enrichi, autant que l’opposition des mœurs a pu le permettre. […] Le Comique-noble peint les mœurs des Grands, & celles-ci diffèrent des mœurs du Peuple & de la Bourgeois, moins par le fond que par la forme. […] C’est un ridicule de plus, qui ne doit pas empêcher un Auteur de peindre les Bourgeois avec des mœurs bourgeoises. […] Les amours d’une Bourgeoise & l’ivresse d’un Marquis peuvent être du Comique grossier, comme tout ce qui blesse le goût & les mœurs.
La plus désirable, la vraie réformation, c’est celle des mœurs. […] Elle peint le ridicule des nations, mais ne donna jamais des mœurs. […] Mais que l’on pleure ou que l’on rie, les mœurs ne se réforment pas. […] Le danger pour les mœurs n’y est pas moins grand. […] Avec des mœurs la république aura des magistrats, des citoyens, des hommes ; sans les mœurs on n’aura que des scélérats.
Il a fait voir comment la Scene seroit l’école des mœurs. […] Aussi cet Auteur prédisoit-il dès-lors la chûte des mœurs, en voyant la liberté qui s’introduisoit au Théâtre. […] Les Censeurs à Rome pour conserver les mœurs avoient demandé les Spectacles. […] Au reste la vertu inspireroit peut-être à nos beaux génies les moyens de concilier le goût de la Nation & les mœurs. […] J’aurois pu montrer que la Comédie dans son origine, sur-tout chez les Grecs, n’avoit eu en vue que la réforme des mœurs.
Si les Comédiens épurent les mœurs. […] Tacite dit : Que les Germains avoient les mœurs pures, parce qu’ils fuyoient les spectacles. […] C’est plûtôt au bon goût qu’à la pureté des mœurs, qu’il en faut attribuer le retranchement. […] Ce changement dans les mœurs en produit un dans la langue ; on est aimable, on veut paroître modeste. […] Elles annoncent donc plûtôt une dépravation générale, qu’une véritable réformation de mœurs.
Que le Conseil établisse une compagnie de huit ou dix bons Citoyens connaisseurs, qui sous la direction du Magistrat de Police aient soin de rendre les spectacles plus utiles aux bonnes mœurs, c’est-à-dire, aux mœurs désirables dans la société ; le Roi nommera les quatre premiers, ces quatre nommeront le cinquième, les cinq nommeront le sixième, les six nommeront le septième, et ainsi de suite. Il faut que le spectacle plaise fort aux spectateurs, autrement ils n’iraient point en grand nombre au spectacle ; mais il faut que le Poète rende encore le spectacle utile et que les mœurs en deviennent plus aimables, plus désirables, et surtout plus innocentes et exemptes de vices. […] Il est à propos que le Roi crée une place de premier Poète tragique ou sérieux, et une autre de premier Poète comique, qu’il les nomme d’entre les trois que nommera le Bureau des spectacles, ils seront choisis entre ceux qui auront fait plus de pièces qui soient en même temps plus agréables aux spectateurs et plus utiles aux bonnes mœurs. […] Je doute qu’ils eussent souffert à Racine d’employer tout son art à diminuer l’horreur naturelle que nous devons avoir du crime de Phèdre, je doute qu’ils lui eussent permis d’inspirer contre les bonnes mœurs au commun des spectateurs une sorte de compassion pour le sort malheureux de cette abominable créature. […] Pour contenir les Auteurs et les Comédiens dans les règles des bienséances et des bonnes mœurs, il est à propos que deux de ces Commissaires de spectacles aient deux places de droit des plus commodes pour assister quand ils pourront aux représentations comme Censeurs publics.
La Comédie est une satire des mœurs. […] Pour la résoudre, il est à propos de se rappeller le principe que j’ai établi ci-dessus, savoir que la Comédie est le portrait naturel des mœurs. Or comme les mœurs sont ou bonnes ou mauvaises, la Comédie peut s’exercer sur les bonnes ou sur les mauvaises mœurs. […] Le moyen le plus sûr pour y parvenir, est sans doute de leur prouver qu’ils ont tort d’être comme ils sont : la méthode la plus efficace pour faire cette preuve, est d’exposer d’après nature le vice avec ses suites funestes, & de laisser les Spectateurs les maîtres d’y ajouter le ridicule, s’ils en ont envie : j’ai donc eu raison d’établir qu’il est de l’essence de la Comédie de peindre les Mœurs d’après nature, & qu’elle s’éloigne de son but, lorsque ses traits tombent plutôt sur la maniere d’être des Mœurs, que sur le fond des Mœurs. […] Marmontel réduit à rien les vices qui sont du ressort de la Comédie, ce qui ne prouve pas qu’il ait beaucoup approfondi le sujet qu’il traite ; car il ne peut pas disconvenir que la Comédie doit corriger les Mœurs : or de quelle importance sera une correction qui tombera sur des Mœurs ou des défauts qui ne seront ni affligeans, ni révoltans, ni dangereux ?
Les mœurs de la Capitale reçoivent l’impression des Grands. […] Ils sont le modèle des mœurs, comme les hommes de Génie celui des opinions. […] Quel étrange renversement de mœurs ! […] Non, vous n’auriez plus besoin d’aller chercher au fond des cœurs le tableau des mœurs. […] Que les mœurs pures soient révérées, & le désordre flétri & puni.
On sait que les personnes graves décrièrent les Spectacles, et qu’elles tâchèrent de les faire supprimer : On sait aussi que les gens de Lettres et les Poètes, de leur côté, cherchèrent à persuader, par leurs dissertations, que le Théâtre était utile, et que les Anciens l’avaient regardé comme une école pour la correction des mœurs : c’est une différence d’opinion qui dure encore. […] Nous voyons de nos jours que les Spectateurs ne pensent pas que le Théâtre doive servir à la correction des mœurs : on le prend sur le pied d’amusement ; on en jouit avec avidité, et on s’embarrasse peu si les bonnes mœurs n’en souffrent pas. Ce Public cependant, qui pense en général comme nous venons de dire, ne cesse pas de changer d’avis, ou de paraître en changer de temps à autre : lorsqu’il parle de bonne foi, ce n’est pas la correction des mœurs qu’il cherche au Théâtre, il n’y va que pour son plaisir ; mais, si les plaintes contre le Théâtre se renouvellent, son langage n’est plus le même ; il craint qu’on ne resserre la liberté des Poètes, et qu’on ne les réduise à devenir insipides, et par conséquent ennuyeux. Dans ce cas, il change de sentiment en apparence, et soutient que le Théâtre est épuré, et qu’il n’y a pas une Pièce qui ne tende à la correction des mœurs. […] Le voilà pour lors dans la règle en partie ; mais, par un aveuglement inconcevable, ce même Public, qui se range, par caprice, du parti des bonnes mœurs, a une prédilection marquée pour la passion d’amour ; il n’en apperçoit pas les dangereuses conséquences, et il passe légérement sur tout ce qu’elle peut avoir de funeste ; parce qu’il aime cette passion, dans quelque état qu’on la lui présente.
Voilà tout ce qu’exige la bonté des mœurs Théâtrales. […] Rousseau conclut qu’elle ne corrige point les mœurs. […] Passons aux mœurs du Misanthrope que M. […] Rousseau n’épargnera pas les mœurs des Comédiens. […] Les mœurs de la scène ont changé ; et si M.
L’ECOLE DES MARIS, Autant cette Pièce est admirable par le génie de Molière son Auteur, autant je la trouve de mauvais exemple et pernicieuse pour les mœurs. […] Quand la critique ne roule que sur l’art ou sur l’esprit d’un Auteur, il est juste de la modifier ; mais quand elle regarde les mœurs, je crois qu’on ne saurait trop tôt se taire ; j’ai loué Molière autrefois en parlant de cette Pièce16, et je conviens qu’il mérite toute sorte de louange par rapport au génie et à l’art qu’il y a mis ; mais pour ce qui regarde les mœurs, loin de l’approuver je suis au contraire persuadé que ses plus grands partisans (parmi lesquels j’ose me compter, d’autant plus que je l’ai étudié à fond) je suis persuadé, dis-je, que ses plus grands partisans pensent comme moi de l’Ecole des Maris, et la banniraient, comme je fais, du Théâtre de la réforme. […] Les gens de talent et de goût diront sans doute que c’est un grand malheur de ne pas trouver des expédients pour corriger ces deux Pièces, qui du côté de l’art et du génie, sont des modèles si parfaits et si propres à servir d’Ecole aux Poètes : peut-être même me reprochera-t-on de ne l’avoir pas tenté ; mais je réponds qu’après les avoir examinées avec soin je les ai trouvées telles que je les avais d’abord envisagées, c’est-à-dire non susceptibles d’aucune correction ; quant aux Poètes qui les regretteront, je les exhorterai à les étudier dans leurs cabinets, à condition néanmoins qu’ils proposeront ces deux Comédies, autant comme des modèles à fuir par rapport aux mœurs, qu’à imiter par rapport au talent. […] La simple lecture de cette Pièce fait sentir qu’elle ne peut être admise sur un Théâtre où les mœurs sont respectés, d’autant plus que la représentation donne encore plus de force aux mauvais exemples qui n’y sont que trop répétés. Ce n’est pas cependant que Molière n’y ait mis d’excellentes choses pour corriger la vanité d’un Bourgeois qui veut s’élever au dessus de sa condition par une alliance disproportionnée : mais les bonnes mœurs ont sans comparaison beaucoup plus à perdre qu’à gagner dans la Comédie de George Dandin, dont Molière a puisé le sujet dans une Nouvelle de Boccace.
« Des Spectacles et des mœurs ! […] C’est ainsi que la modestie naturelle au sexe est peu à peu disparue, et que les mœurs des vivandières se sont transmises aux femmes de qualité. […] L’opinion publique s’y soumet à la longue : Qui a poli les mœurs et le langage des Athéniens, si ce n’est leur Théâtre ? […] Rousseau met ces Montagnons, dont il a oublié les mœurs, la société et le caractère, au-dessus de tous les peuples de la terre. […] Les femmes de qualité, dit-il, sont parvenues à avoir les mœurs des Vivandières !
C’est donc principalement par notre corruption antécédente, que les Spectacles inconvénientent aux mœurs. […] Dans la vérité, le nôtre ne dépend-il pas de celle de nos mœurs, & des atteintes qu’y porteraient nos Actrices ? […] Nos Comédiens ont nos mœurs. […] Mais nos Comédiens pourraient donner l’exemple des bonnes mœurs. […] Conserver la pureté des mœurs.
Hé quelle école pour les mœurs ! […] Un corrupteur de mœurs n’a point de gloire. […] Chimeres de part & d’autre, mais chimeres aimables dans Fenelon ; le théatre corrompu par les mœurs des grands est fermé aux mœurs innocentes de la campagne. […] L’homme passe, ses mœurs, ses défauts changent encore plus vîte. […] La religion, les mœurs ne sont comptés pour rien.