Combien qui se sauront mauvais gré de s’être mis dans la nécessité de les faire.
« Si la fréquentation des spectacles ne peut être une œuvre de Jésus-Christ, ou du moins qui puisse lui être rapportée, que peut-elle être, sinon une œuvre de Satan, par conséquent indigne de Dieu, et qui, étant mauvaise de sa nature, ne mérite que ses châtiments et la damnation éternelle ?
Comme les Dieux causaient les plus grands crimes sur le Théâtre des Anciens, les crimes captivaient le respect des Spectateurs, et on n’osait pas trouver mauvais ce qui était abominable.
Platon, le maître d’Aristote, est bien plus rigoureux, il a banni tout-à-fait le Théâtre de sa république : nous ne recevons, dit-il2, ni la Tragédie ni la Comédie en notre Ville, ce genre de poësie voluptueuse est capable de corrompre les gens de bien, par ce que n’excitant que la colere ou l’amour, ou quelqu’autre passion qu’elle arrose les mauvaises herbes qu’il falloit laisser entierement secher*.
« Je tiens cette règle indispensable, dit le grand Corneille ; & il n’y a rien de si mauvaise grace qu’un Acteur qui se retire seulement parce qu’il n’a plus rien à dire. » La sortie de vos personnages sera naturelle & dans les règles, lorsqu’ils s’éloigneront pour un motif nécessaire, qui redonne un nouveau jeu à l’action, & qui tende au dénoument.
L’amour-propre, mobile de toutes les actions humaines, principe des bonnes & mauvaises qualités chez tous les hommes, les rend peu disposés à profiter de l’instruction directe. […] Je consens que l’on dise de moi ; cet homme écrit mal ; il a fait un mauvais ouvrage : pourvu qu’on soit obligé de dire ; cet homme à raison ; cet homme écrit la vérité.
L’équilibre n’est qu’un mot qui ne doit pas en imposer ; l’Europe est une famille où il y a de trop mauvais enfans pour qu’il subsiste ; c’est en le bravant qu’on va au grand ; les Anglois le méprisent ; ils sont maîtres de la mer ; il n’y a plus d’équilibre sur l’Océan, personne n’ose s’y montrer sans leur permission. […] Ne vous laissez pas pénétrer par vos Généraux ; gardez toujours la supériorité & le mystere ; attribuez leur toujours le mauvais succès.
Jusques-là il sera vrai de dire que dans nos spectacles le bon est trop mêlé, trop confondu avec le mauvais, pour qu’on puisse se reposer sur une Jeunesse inconsidérée & bouillante, du soin d’en faire la séparation, & de profiter de l’un sans ressentir l’impression de l’autre. […] Nous pourrions avoir vingt Poëmes Epiques Grecs, autant de Latins, tous plus mauvais l’un que l’autre, que l’Iliade & l’Enéïde seule suffiroient pour faire adjuger à la Grèce & à Rome le prix du genre Epique. […] De-là ces fausses impressions que l’on prend de la Littérature Françoise dans les pays étrangers, dans nos Provinces même, où le bon reçu indifféremment avec le mauvais, sous le passe-port de la Capitale, donne aux jeunes Gens un goût confus & incertain, aussi nuisible aux Lettres que le goût bizarre & dépravé des demi-connoisseurs de ce tems.
La bonne & la mauvaise Mère, sont presque la même chose que l’Ecole des Mères, Comèdie de la Chaussée.
« Tu quittes ce Calice adorable, et la Fontaine du Sacré Sang, pour courir aux lieux que le Diable occupe : Ce n'est pas à nous à rire des choses mauvaises avec emportement, et de nous laisser prendre aux délicatesses des Sens, et à celles qui se font voir dans les Théâtres : Cela ne convient pas à ceux qui sont appelés au Royaume éternel, et qui ne portent que des armes spirituelles ; mais seulement à ceux qui combattent sous les Enseignes du Diable ; car c'est lui qui réduit en art les ris et les Jeux, pour attirer à son service les Soldats de Jésus-Christ.
C'est pourquoi détournons nos yeux des vanités, de peur que la vue de ces folies n'imprime de mauvais désirs dans notre âme ; Et sans parler du sens mystique de ce passage, Dieu veuille que cette interprétation ait la force de retirer des Spectacles du Cirque et du Théâtre, ceux qui y courent: Ces Jeux que vous regardez ne sont que vanité, élevez vos yeux vers Jésus-Christ, et détournez-les des Spectacles, et de toutes les pompes du siècle.
Mais ne nous abusons pas : jamais nous n’arriverons à cette heureuse révolution dans les mœurs, tant que l’asile de la piété, dans un funeste abandon, n’offrira que l’aspect douloureux d’une vaste et triste solitude ; que la contagion du mauvais exemple du grand nombre des hommes constitués en dignité, continuera d’autoriser le peuple à l’infraction habituelle de ses premiers devoirs9 ; qu’en un mot, indifférents aux succès de la véritable morale, nous n’attacherons d’importance et de prix qu’à ces frivolités du jour qui nous occupent exclusivement, qu’à ces plaisirs factices, à ces vaines grandeurs dont nous nous montrons si vivement idolâtres. […] Rousseau va plus loin ; il soutient que le théâtre de notre premier comique est même une école de vices et de mauvaises mœurs. […] Mais laissons ce que l’ouvrage a de bon ou de mauvais, sous le rapport de l’art théâtral, pour ne le considérer que sous celui de sa moralité, et de son influence sur les spectateurs : quel est l’exemple qu’il leur offre à imiter ? […] rien qu’un très mauvais exemple, dans la conduite de Sainte-Luce, qui après avoir fait une bonne action, en sauvant l’innocence des bras d’un vil ravisseur, en fait une mauvaise, lorsqu’il va fastueusement se battre avec lui, quand il ne devait que le couvrir de mépris, et lorsqu’il entraîne dans le danger d’une entreprise périlleuse, le généreux et sensible Edouard, qui donnant tête baissée dans une aventure qui ne le regarde point, se fait tout à coup, et comme par inspiration, le Don Quichotte d’une belle qu’il n’a jamais vue. […] Le besoin d’alimenter cette foule de théâtres, qui, dans tous les genres, inondent la capitale, rend nécessairement moins difficile sur le choix des pièces, et rien aujourd’hui de ce qui donne l’espoir d’attirer la foule ou de piquer la curiosité, n’est essentiellement mauvais.
Or je prétends néanmoins, et vous en êtes aussi instruits que moi, qu’il y a des promenades suspectes, qu’il y en a d’ouvertement mauvaises, qu’il y en a de scandaleuses, et que ce scandale ne regarde pas seulement les ames libertines et déclarées pour le vice, mais celles mêmes qui du reste en ont ou paroissent en avoir plus d’éloignement et plus d’horreur. […] Ils posoient pour principe, qu’une jeune personne ne devoit jamais se produire au jour qu’avec des réserves extrêmes et toute la retenue d’une modestie particuliere ; que la retraite devoit être son élement, et le soin du domestique son exercice ordinaire et son étude ; que si quelquefois elle sortoit de là, c’étoit ou la piété ou la nécessité qui seule l’en devoit tirer ; que s’il y avoit quelque divertissement à prendre, il falloit éviter non-seulement le soupçon, mais l’ombre même du plus léger soupçon ; que sous les yeux d’une mere discrette et vigilante elle devoit régler tous ses pas, et que de disparoître un moment, c’étoit une atteinte à l’intégrité de sa réputation ; qu’elle devoit donc toujours avoir un garant de sa conduite et un témoin de ses entretiens et de ses démarches ; enfin qu’une telle sujétion, bien-loin de lui devenir odieuse, devoit lui plaire ; qu’elle devoit l’aimer pour elle-même et pour sa consolation propre, et que dès qu’elle chercheroit à s’en délivrer, ce ne pouvoit être qu’un mauvais augure de sa vertu : c’est ainsi que ces saints Docteurs en parloient.