/ 328
206. (1781) Lettre à M. *** sur les Spectacles des Boulevards. Par M. Rousseau pp. 1-83

Ne voit-on pas qu’une mauvaise impression fait naître un, & quelquefois plusieurs vices, que les vices sont eux-mêmes le foyer des crimesC’est le sentiment du célebre Montesquieu. […] Or, comme tout ce qui frappe les yeux & les oreilles dans ces assemblées, n’occasionne que les impressions obscenes, il s’en fuit, Monsieur, que je n’exagere point dans le compte que je vous rends, de tous les effets pernicieux des Trétaux. […] Toutes les fois qu’on donne le Spectacle gratis, la populace qui compose la chambrée, prouve, par les applaudissemens qu’elle prodigue aux plus beaux endroits des Pieces, aux talens des bons Acteurs qu’elle distingue ; cette populace, dis-je, prouve qu’elle n’est point aussi bornée, aussi imbécille qu’on veut nous le faire accroire ; elle prouve, enfin, que la nature, notre commune mere, a gravé dans tous les cœurs un sentiment profond du Beau & du Bon, dont l’impression a pareillement lieu, quoique d’une maniere plus ou moins vive, sur l’ame du Villageois & sur celle du Monarque, sur l’esprit de l’ignorant & sur celui de l’homme le plus éclairé, le plus instruit. […] , que les sages leçons données aux enfans, dans la maison des peres & meres qui savent les élever, sont détruites par les impressions du dehors ; & peut-il en être de plus funestes que celles que l’on reçoit aux Remparts ? […] N’oublions jamais que nous naissons avec une inclination à prendre de bonnes ou de mauvaises impressions, à contracter des habitudes vertueuses ou vicieuses, à nous former sur l’exemple, & d’après les maximes de ceux avec qui nous vivons : ces impressions influent sur le reste de la vie : c’est à elles qu’il faut rapporter nos vices & nos vertus, notre bonne ou notre mauvaise conduite.

207. (1768) Observations sur la nécessité de la réforme du Théatre [Des Causes du bonheur public] «  Observations sur la nécessité de la réforme du Théâtre. » pp. 367-379

Et qu’ils sont capables de faire impression sur nos esprits !

208. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre II. Du Philosophe de sans souci. » pp. 36-60

Il en fait l’aveu dans ses ouvrages par des détails & des systemes que sa gloire n’exigeoit pas qu’il confessât au public dans le grand jour de l’impression. […] Il en convient ; & il est surprenant qu’avec des idées si peu favorables de ses ouvrages, il ait voulu s’exposer au grand jour de l’impression, qui dans une personne de son rang le livre à toute l’Europe Ma cervelle est assez bizarre pour barbouiller des vers aussi faux que mauvais.

209. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE VII. Suite de l’Indécence. » pp. 138-160

Augustin s’accuse dans ses confessions, d’en avoir été touché jusqu’aux larmes, seulement en le lisant, & senti le feu de l’impureté s’allumer dans son cœur ; & l’on voudra faire croire que le même événement joué cent fois sur tous les théatres, peint avec les mêmes couleurs, avec tous les vers de Virgile qu’on se fait honneur de traduire, embelli par la décoration, la danse, la musique, l’action, la parure, la modestie des Actrices, fait moins d’impression sur des spectateurs tous bien inférieurs en sévérité, & la plûpart plus corrompus dans leurs mœurs, que ne le fut jamais Augustin ! […] Voici une preuve singuliere de l’impression que font ces termes de jurement, sur-tout quand on y mêle le nom de Dieu.

210. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

Mais c’était exiger l’impossible, et ce fut une de ces contradictions qui lui étaient assez ordinaires : le théâtre, qui le connaissait, n’eut aucun égard à ces défenses de cérémonie ; la licence survécut à la déclaration et à lui, jusqu’à ce que Corneille ayant pris le dessus, étant devenu le père et le modèle de la scène tragique, et toutes ses belles pièces étant décentes, son exemple fit impression et apporta quelque réforme. […] Il dépêcha un courrier pour arrêter l’impression, et manda les trois Commissaires, leur donna une audience particulière fort longue, leur parla très vivement, leur expliqua ses intentions, et nomma un rédacteur pour y mettre la dernière main.

211. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre III. Autre continuation des Mêlanges. » pp. 45-87

La partie spéculative est un Systême de Métaphysique absurde & plus inintelligible que les universaux & les cathégories d’Aristote dont il se moque : il ne peut faire impression sur personne. […] Image parfaite de l’affinité, de la conspiration mutuelle des affections de l’ame avec les impressions que font les exemples : c’est le frémissement des cordes ; le son est toujours analogue à celui qui l’excite, c’est-à-dire, conforme à ses affections. Image parfaite du Théatre : il n’est qu’un orchestre ; les spectateurs sont des violons, leurs passions sont les cordes, l’acteur & l’actrice sont l’archet qui les pince, le frémissement du cœur suit l’impression, & forme avec lui un accord parfait de vice.

212. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « II. PARTIE. Où l’on répond aux Objections de l’Auteur de la Lettre. » pp. 89-140

En effet, pour ne pas parler des mots équivoques, dont l’on enveloppe souvent les actions déshonnêtes, et qui font toujours de très dangereuses impressions ; il est certain que les tendresses de l’amour, les emportements de la colère, et la fureur de la vengeance sont capables de nuire beaucoup. […] « Il y a longtemps que je vais à la Comédie, et je ne m’aperçois point que ce qui s’y passe, fasse aucune impression sur mon esprit. […] Il ne faut point juger du péril qu’il y a en général d’aller à la Comédie, par les dispositions toutes singulières qui se peuvent trouver dans un très petit nombre de personnes ; mais par la multitude de ceux à qui l’expérience a fait connaître qu’on ne peut aller à ces assemblées du grand et du beau monde, sans un extrême danger de la pureté, de la piété et du salut ; et par conséquent sans crime, car je veux que la pièce soit si innocente, si modeste et si honnête, qu’on la pourra avoir et entendre sans que la pureté des yeux, des oreilles et de l’esprit en ressente aucune maligne impression (quoique cela soit très difficile dans la pratique) ce sera la pompe du siècle, l’empressement pour la satisfaction des sens et pour les plaisirs ; l’ardeur pour se remplir l’esprit et le cœur de l’estime et de l’amour de ce que le monde a de plus charmant et de plus propre à faire oublier Dieu et l’éternité, qui feront tout le mal, dit le P.

213. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — PREMIERE PARTIE. Quelle est l’essence de la Comédie. » pp. 11-33

Je ne le pense pas : je crois qu’on aura une idée bien plus juste de l’avare & bien plus capable de faire impression, quand on se le représentera comme un homme qui se laisse mourir de faim, & qui refuse la nourriture nécessaire à ses enfans & à ses domestiques ; comme un homme qui ne donneroit pas un écu pour racheter la vie à son voisin ; comme un homme enfin en qui l’amour de l’argent éteint toute humanité ; qui quoique très-riche refuse de marier & de donner des états à ses enfans ; qui fait tort à la société en accumulant des richesses qui devroient circuler.

214. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VI. Des Actes ou des divisions nécessaires au Poème dramatique. » pp. 90-106

Les sentimens trop rapprochés, s’écrie-t-on d’une commune voix, se détruisent l’un par l’autre ; ils font peu d’impression sur l’âme lorsqu’ils n’ont point une juste étendue.

215. (1707) Lettres sur la comédie « Réponse à la Lettre de Monsieur Despreaux. » pp. 276-292

Sur ce que vous dites qu’une chose qui peut produire quelquefois de mauvais effets dans des esprits vicieux, quoique non vicieuse d’elle-même, ne doit point être défendue, quand surtout elle peut servir à l’instruction et au délassement des hommes ; je réponds avec Saint Augustin, (voilà un Antagoniste digne de vous ;) je réponds, dis-je, avec Saint Augustin, que le fond de l’homme étant naturellement vicieux et corrompu, et les meilleures choses par conséquent sujettes à être tournées en poison presque chez tous les hommes, tout ce qui se présente à eux sous une image de volupté, même la plus innocente, peut causer de terribles impressions sur les âmes, et les cause même nécessairement.

216. (1662) Pédagogue des familles chrétiennes « Instruction chrétienne sur la Comédie. » pp. 443-453

Oui : car l’on voit que tout ce qui se représente pour l’ordinaire en tels Jeux, sont des pièces d’amour déshonnête qui paraît avec la plus grande effronterie qui se puisse imaginer, et se débite avec tant d’art et d’adresse affectée, qu’il ne fait pas peu d’impression sur l’esprit des spectateurs, et dont ils peuvent retenir de très pernicieux exemples.

217. (1685) Dixiéme sermon. Troisiéme obstacle du salut. Les spectacles publiques [Pharaon reprouvé] « La volonté patiente de Dieu envers Pharaon rebelle. Dixiéme sermon. » pp. 286-325

D’où il arrive que ces vers qui décrivent si finement & si spirituellement ces petites foiblesses, étans prononcés d’une maniere touchante & d’un ton languissant, & accompagnés du geste, de la voix & des autres graces du visage & de l’habit, font bien plus d’impression sur les cœurs, que le stile fade & insipide avec lequel on décrit leurs vertus : & c’est ce qui me conduit insensiblement à ma derniere preuve que je tire des Acteurs, c’est à dire des Comediens, pour vous convaincre que la comedie est effectivement un reste du paganisme, ou si vous aimez mieux, le paganisme pretendu reformé. […] Ce n’est pas que je veüille dire que l’Idole soit quelque chose, ou qu’une viande ait receu quelque impression pour avoir été immolée aux Idoles ; non, mais je veux dire, que ce que les Payens immolent, ils l’immolent aux demons, & non pas à Dieu, Nolo autem vos fieri socios dæmoniorum . […] L’experience nous apprend que comme les especes du vice frappent les gens d’une maniere plus douce & plus agreable, & qu’elles sont de plus fortes impressions dans l’ame que toutes les images de la vertu, ce n’est pas merveille si le cœur en est plûtôt corrompu, & si toutes les passions en sont plus promtement déreglées. […] Allez aprés cela Chrétiens temeraires qui faites les esprits forts, dire que les spectacles publiques ne font point de mauvaises impressions dans vos cœurs ; pour moy j’estime que la comedie est un spectacle plus dangereux que celuy des Gladiateurs, le sang qui se répandoit dans celuy-cy n’étoit propre qu’à donner de l’horreur ; mais le poison qu’on avale en celle-là, n’est propre qu’à donner la mort avec le plaisir : Car helas !

218. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien cinquieme. Le danger de la Comedie en particulier, decouvert par le R. P. F. Guilloré de la Compagnie de Jesus. » pp. 67-79

Tout cela, ne sont-ce pas autant de fortes attaques, données par les yeux, & par les oreilles, au cœur des personnes, qui écoutent ce qui se declame, & qui voyent le spectacle d’une comedie, pour y porter des impressions d’amour, en leur amolissant la volonté ; en leur gravant dans l’imagination des images, & des representations moins honnétes ; & en leur laissant dans la memoire des idées, qui ont toûjours quelque chose de sensuel ?

/ 328