La décision n’appartient qu’aux Juges dont le caractere est émané du thrône & de Dieu même ; un simple Avocat étant un homme isolé, ses avis ne sont nullement des Arrêts ni des Sentences définitives : son ministére n’a lieu que dans la justice contentieuse, il discute les différents & le Sénat prononce, déterminé seulement par la force des preuves, & n’ayant aucun égard à son autorité. […] Quel renversement dans les idées d’un homme, dès-qu’une fois il s’est écarté de la route ! […] Dans une secte, l’antipode de la morale relâchée, on est étonné de voir naître un Apologiste des Spectacles : que diroient Vendrok, l’Auteur des Provinciales & tant d’autres grands hommes qui ont démasqué une foule de Casuistes anti-chrétiens, s’ils revenoient sur la terre, & qu’ils lussent le présent mémoire ?
Il dit que l’ignorance de l’esprit de l’homme n’est jamais plus presomptueuse, il ne pretend jamais mieux philosopher, & raisonner, que quand on lui veut interdire l’usage de quelques divertissemens, & de quelque plaisir, dont elle est en possession, & qu’elle se croit legitimement permis. […] Voilà leur morale ; prenez garde, je ne dis que ç’a ésté la Morale d’un de ces grands Hommes, mais de tous : tellement que tous d’un consentement unanime sont convenus de ce point ; qu’ils n’ont eu tous les mêmes expressions. […] Et ne seroit-ce pas une temerité insoutenable, & ou nul Chrétien de bon sens ne tombera jamais, de prétendre que ces hommes de Dieu se soient tous égarez, qu’ils ayent tous porté trop loin les choses, & que dans le siécle ou nous vivons, nous soyons plus éclairez qu’ils ne l’étoïent ?
Cette boëte, fidellement gardée dans la famille de Mesmes, famille distinguée qui a porté de très-grands hommes, fut ouverte un siecle après. […] Dieu envoie quelquefois au monde de mauvais Princes pour punir les péchés des hommes. […] Vous auriez vu quarante à cinquante Demoiselles la suivre, montées sur de belles baquenées enbarnachées ; & elle se tenoit à cheval de si bonne grace que les hommes n’y étoient pas mieux. […] L’homme de théatre est facile à connoître à ces descriptions, aussi bien que les Actrices & leur chef. […] On fit la même chose à Bayonne, sinon que les Dames les recevoient des hommes, & qu’ici les Dames les donnoient aux hommes.
LEs Spectacles sont trop précieux aux hommes, par les amusemens qu’ils procurent, & par les avantages qu’on en retire, pour ne pas se faire une gloire d’être utile aux Poètes qui s’y consacrent. […] Loin de trop présumer de mes forces, en mettant au jour cet abrégé des règles les plus nécessaires au Théâtre, je n’ai cherché qu’à montrer avec quel zèle je saisis les occasions d’être utile ; & combien je serai flatté d’écrire désormais dans un genre qui distingue l’homme de Lettres, & qui lui mérite seul ce nom respectable.
C'est ce qu’on a cru devoir dire par avance, pour la satisfaction des gens sages, et pour prévenir la pensée que le titre de cet Ouvrage leur pourrait donner, qu’on manque au respect qui est dû aux Puissances : mais aussi, après avoir eu cette déférence et ce soin pour le jugement des hommes, et leur avoir rendu un témoignage si précis de sa conduite, s’ils n’en jugent pas équitablement, l’auteur a sujet de s’en consoler, puisqu’il ne fait enfin que ce qu’il croit devoir à la Justice, à la Raison et à la Vérité. […] Le texte est remanié, passe de 3 à 5 actes et change de titre pour Panulphe, ou l’imposteur (le personnage principal porte un vêtement d’homme du monde et non plus de dévot).
Ce qu’ils ont fait par l’instinct du Diable, qui dans le dessein de tromper les hommes, et les perdre, et par l’ambition qu’il a de se rendre semblable à Dieu, et de se faire adorer, a voulu qu’on employât dans l’exercice de la superstition, et de l’idolâtrie, tout ce que les hommes inspirés du S.
« La comédie est un mélange de paroles et d’actions agréables pour son divertissement ou pour celui d’autrui, etc. » On ajoute ici dans le texte le terme de comédie, qui n’y est pas : Saint Antonin parle en général « des paroles ou des actions divertissantes et récréatives » : ce sont les mots de ce saint qui n’emportent nullement l’idée de la comédie, mais seulement celle ou d’une agréable conversation, ou en tout cas des jeux innocents : « tels que sont, ajoute-t-il, la toupie pour les enfants, le jeu de paume, le jeu de palet, la course pour les jeunes gens, les échets pour les hommes faits », et ainsi du reste, sans encore dire un seul mot de la comédie . […] « à chanter ou les louanges de Dieu ou les histoires des Paladins ou d’autres choses honnêtes en temps et lieu convenable. » Un si saint homme n’appellerait jamais honnêtes les chants passionnés, puisque même sa délicatesse va si loin qu’il ne permet pas d’entendre « le chant des femmes » Ibid.
Conformément à cette sentence, il permet, avec Salomon, « d’égayer un peu le visage par un modeste souris » ; mais, pour ce qui est de ces « grands éclats et de ces secousses du corps », qui tiennent de la convulsion ; selon lui, elles ne sont pas d’un homme « vertueux et qui se possède lui-même »Constit. mon. 12. […] S'il faut pousser ces maximes à toute rigueur et dans tous les cas, ou s’il est permis quelquefois d’en adoucir la sévérité, nul homme ne doit entreprendre de le décider par son propre esprit.
Si la comédie se bornait à représenter, avec décence, des exemples édifiants, ou les actions mémorables des grands hommes, elle ne serait point condamnable ; mais ce n’est point là ce qu’on y voit. […] Vous prêchez contre la Comédie, me dit un jour un homme qui avait été parmi les Acteurs sur le théâtre, vous avez bien raison : elle fait commettre cent fois plus de crimes que vous ne pouvez imaginer.
Le plaisir est interrompu & trop borné quand il ne voit qu’une scene en grand, & le reste en mignature ; comme si on fait jouer la fin de la piece par des hommes ordinaires & le reste par des nains. […] Un homme sage devroit-il prendre ce ton dans un ouvrage public, par-tout repandu ? […] Il a fallu leur expliquer que ce mot signifioit un homme chargé d’écrire leur histoire, & leur apprendre à l’écrire dans leur delibération. […] De là est venu le mot se pavaner, pour exprimer la vanité d’un homme qui marche avec faste, & s’admire lui-même, en étalant ses habits, la pompe, son train. […] Dans l’un c’est un Prince prévenu contre les femmes, qu’on veut détromper ; dans l’autre une Princesse prévenue contre les hommes, qu’on tâche de faire revenir.
Malheur à vous qui faites la débauche & qui dansez au son des instrumens : par-tout où la danse se rencontre, la musique & les transports d’une joie effrenée, les femmes s’oublient de leur devoir, les hommes sont saisis d’un esprit de vertige ; c’est un séjour de tristesse pour les Anges, le sanctuaire des Démons & leur grande fête. […] si les Dieux, dit-il1, avoient eu une volonté mal-faisante pour les hommes, quel don plus conforme à ce dessein auroient-ils pû leur faire, que celui d’une foule de passions, l’injustice, l’intempérance, la luxure, dont la raison n’eut pas été la maîtresse ? […] Le Spectacle ne plait que par la représentation des hommes vicieux. […] Martial se mocque d’un homme sage qu’il rencontre dans l’Amphithéâtre, ce lieu n’étant point l’azile de la sagesse, la vertu d’un Caton auroit bien de la peine à s’y soutenir.
Ce sera cet homme de qualité, cet homme riche, qui dans sa grandeur & son opulence se tiendra toûjours humble & detaché des choses de la terre, qui compatira aux besoins de ses freres. […] ce fidelle qui imite la candeur & la bonne foi des premiers Chrétiens, qui marche sur leurs traces : un homme qui n’est vigilant que pour empêcher que le vice n’entre dans son ame, qui n’est juste que pour abandonner lui-même ses droits temporels & soûtenir ceux de ses Freres, qui n’est puissant, grand, élevé en autorité que pour défendre ceux qui ont besoin de son appui, & proteger le foible & l’innocent : heureux que pour combler les pauvres de ses bien-faits : sincere qui n’entretient pas le vice en le dissimulant : désinteresse qui ne trahit pas son ministere pour un vil interêt : charitable qui ne fait pas ses largesses du bien d’autrui ; mais qui fait de son bien propre le patrimoine de l’indigent : patient qui ne murmure pas contre la main Toute-puissante qui le frappe, & qui pardonne une injure si-tôt qu’il l’a reçuë : doux & affable au milieu de l’éclat & de la pompe qui l’environne, pénitent dans la prosperité comme dans l’adversité, joïeux dans les maux comme dans les biens. […] Souffrés, mes Freres, que je finisse mon Discours par ces paroles : au sortir de ce Temple vous allés rentrer dans le monde figuré par l’infidelle Babilone : vous y allés voir ces Dieux d’or & d’argent, postés dans les places publiques, devant qui presque tout le monde est prêt de fléchir le genoüil : vous y allés trouver les Idoles vivantes de luxe & de vanité, ces hommes & ces femmes revêtus d’habits riches & pretieux qui brillent par la pompe de leur train, & la magnificence de leur équipage, devant qui tout le monde rampe & se prosterne : vous y allés trouver ces marques d’orgueil dont tous les riches & les grands se parent ; pour inspirer du respect & de la crainte aux petits : ces plaisirs que tout le monde se permet, ces richesses que tout le monde adore, ces voluptés aprés lesquelles tout le monde soupire, ces honneurs & ces dignités que tout le monde brigue, ces usages que tout le monde embrasse ; prenés bien garde de vous laisser entraîner à ces exemples de mondains : ne vous laissés par aller au torrent de la multitude ; & si vous voulés être du petit nombre de ces Israëlites fidelles, dites comme eux dans vôtre cœur : oüi, mon Dieu, il n’y a que vous qu’il faille adorer, te oportet adorari Domine .
Cet homme célèbre, dont le nom seul annonce la haute idée qu’en a route l’Eglise, l’un des plus éloquens Orateurs, des plus saints Evêques, des plus illustres Pères qu’elle ait jamais eu, a été l’un des plus déclarés ennemis du théatre, & peut être en fut-il la victime. […] Ne dites pas, bon homme, que le spectacle est agréable ; songez plutôt combien ce plaisir est pernicieux, & même peu satisfaisant. […] C’est lui, n’en doutez pas, qui a fait un art des jeux de théatre, pour attirer les hommes, les séduire, les amollir, & détruire leur vertu ; c’est lui qui a fait dresser les théatres, a formé les Acteurs, afin que cette peste gagne & infecte toute une ville. […] Vous reprendriez vos enfans, vous puniriez vos esclaves, s’ils se donnoient ces libertés, vous ne les souffririez pas dans votre maison, & lorsque les derniers, les plus vils, les plus méprisables des hommes (des Comédiens) Verberones, serviles abjecti homines, vous invitent à venir entendre ces infamies, vous vous en réjouissez, vous leur en rendez graces. […] c’est elle qui dégoûte les hommes de leurs femmes, & de la pratique de toutes les vertus.