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26. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  TRAITÉ. DE LA POËSIE. DRAMATIQUE. ANCIENNE ET MODERNE. Plan de ce Traité. » pp. 5-7

Leur unique but est d’exciter une grande émotion, & c’est dans cette émotion que consiste le vrai plaisir de la Tragédie ; mais n’est-il point dangereux de l’exciter ? […] Puisque ces deux Passions portent les hommes à la vertu, Aristote n’a pu penser que la Tragédie les excite pour les purger, & la Tragédie ayant une fin utile, ne devient dangereuse que par la faute des Poëtes, & la nature des Représentations.

27. (1680) Entretien X. Sur la Comédie « Entretien X. sur la Comedie » pp. 363-380

N’est-on pas donc obligé de regarder au moins la comédie, comme un divertissement dangereux, puis qu’ils ont parlé de cette sorte de spectacle, comme d’une chose, capable de corrompre les mœurs les plus innocentes ? […] La vertu la plus sévére ne s’en pourroit presque pas garantir, & vous voulez, que des gens, qui ne respirent, que les plaisirs des sens, puissent estre avec innocence parmi tant de dangereux apas, où ils se jettent encore, & se plaisent ? […] Laissons donc ce Théatre infame & libertin, pour vous mettre hors de combat : Mais revenons aussi à ce Théatre, dont j’ay tantôt parlé, qui ne respire, que l’air de l’amour, qui en enseigne si délicatement toutes les leçons, & que vous voudriez bien justifier, disant que des bouffonneries impies ne s’y voyent point ; or sçachez, que celuy-cy n’est gueres moins dangereux, que l’autre. […] Elle n’est pas seulement à la jeunesse l’occasion de la perte de son ame ; mais il se peut dire, qu’elle est à presque tout le monde l’écüeil le plus dangereux de la chasteté : Il en est comme d’un vaisseau, qui estant déja tout fracassé, par le tempête, est réjetté encore parmi les bancs, & les rochers, pour achever d’avantage de se briser, en achevant son naufrage. […] C’est là justement, où je vous attendois ; Et moy je vous dis, Madame, qu’elles sont en quelque façon plus dangereuses à l’innocence, qu’elles n’estoient ; car autrefois l’innocence n’avoit garde d’en estre interressée, puis que les personnes, qui avoient un peü de conscience, fuyoient le Théatre, comme un lieu de scandale, & de péché, & qu’on n’y voyoit, que celles, qui avoient perdu la conscience, & la pudeur.

28. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VIII. Sentiment de S. Thomas. » pp. 178-198

D’ailleurs les spectacles de son temps, comme nous verrons bien-tôt, n’étoient que de simples jeux, bien différens de cet assemblage étudié des pieges les plus dangereux qui forment notre scène. […] C’est assez de sentir combien les jeux plaisans, les propos facétieux, sont éloignés de la comédie dans l’état où nous la voyons, où tout tend à exciter les passions, où tous les objets sont dangereux, où l’assemblage artisé de tous les dangers imaginables forme une totalité de tentation à laquelle on ne résiste pas, dont les effets sont aussi funestes qu’inévitables. […] Quel arrêt contre les Actrices, & la plupart des spectatrices, qui bien plus dangereuses qu’un portrait, se présentent dans l’état le plus indécent ! […] Il prétend que les Musiciens & les amateurs de la musique ne sont la plupart que des gens frivoles & dissolus ; il ne permet pas même que les femmes y chantent : La douceur de leur voix, dit-il, est dangereuse & porte à l’impureté : Audire mulierum cantus periculosum, & ad lasciviam invitativum, ideò eavendum. […] Les représentations théatrales sont même plus dangereuses ; ce sont des peintures animées des passions, où des hommes & des femmes, vivant, agissant avec toutes les graces & les attraits du vice, sentent, expriment, font sentir tout ce que sentiroit le personnage qu’ils jouent.

29. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — V. La Comédie donne des leçons de l’amour impur. » pp. 9-11

(C’est ainsi que Tertullien appelle les Spectacles) Ce vice le plus honteux & le plus dangereux de tous, ne devroit pas même, selon saint Paul, être nommé parmi des Chrétiens. […] Ainsi tout le dessein d’un Poëte, tout son travail, c’est qu’on soit comme son héros, épris des belles personnes ; qu’on les serve comme des divinités ; en un mot qu’on leur sacrifie tout, si ce n’est peut-être la gloire, dont l’amour est plus dangereux que celui de la beauté même.

30. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XIX.  » pp. 475-477

Ce qui rend l'image des passions que les Comédies nous proposent plus dangereuse, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection; de sorte qu'une passion qui ne pourrait causer que de l'horreur, si elle était représentée telle qu'elle est, devient aimable par la manière ingénieuse dont elle est exprimée. […] On s'est servi à dessein de ces exemples, parce qu'ils sont moins dangereux à rapporter: mais il est vrai que les Poètes pratiquent cet artifice de farder les vices en des sujets beaucoup plus pernicieux que celui-là; et si l'on considère presque toutes les Comédies et tous les Romans, on n'y trouvera guère autre chose que des passions vicieuses embellies et colorées d'un certain fard, qui les rend agréables aux gens du monde.

31. (1675) Traité de la comédie « XIX.  » pp. 302-305

Ce qui rend encore plus dangereuse l'image des passions que les Comédies nous proposent, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection. […] On s'est servi à dessein de ces exemples, parce qu'ils sont moins dangereux à rapporter.

32. (1705) Sermon contre la comédie et le bal « I. Point. » pp. 178-200

 ; or rien ne nous est plus dangereux, susceptibles d’erreur au point où nous le sommes, que de prendre l’habitude de quitter les choses réelles pour nous attacher à leur ombre, et de mettre notre plaisir dans le néant, c’est pourquoi Tertullien ne fait aucune difficulté de dire que tout ce qui tient de la fiction passe devant l’auteur de la vérité pour une espèce d’adultère, « adulterium est apud illum omne quod fingitur », et comme ces fables sont ingénieuses, et embellies de tous les ornements de l’art, et des traits de l’éloquence, elles viennent non seulement à vous plaire plus que la vérité, mais encore à en inspirer le mépris et le dégoût. […] Le bien y est appelé mal, le mal bien, les ténèbres lumières, on y fait passer le doux pour amer, et l’amer pour doux, on élève jusqu’aux Cieux des actions pour lesquelles Dieu précipite irrémissiblement dans les enfers ; plus elles sont colorées d’une image de grandeur et de générosité, plus leur représentation est dangereuse. […] L’amour sensuel et profane qui est la plus dangereuse de toutes les passions y est la plus excitée, car la plupart des pièces ne roulent que sur ces sortes d’intrigues, il en est l’âme et le mobile. […] Les Païens mêmes ont reconnu que rien n’était plus dangereux pour les bonnes mœurs que ces sortes de spectacles, ils avouent qu’ils faisaient de grands changements en leur cœur, qu’ils en retournaient non seulement plus avares, plus ambitieux, plus enclins aux plaisirs et au luxe, mais encore plus cruels, et moins hommes. […] Mais supposé qu’il n’y ait rien dans les comédies qui puisse blesser l’innocence, exciter des images dangereuses, et réveiller les passions, supposé qu’il n’y ait rien dans les ajustements, cultu meretricio Prov. 7.

33. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XII. La représentation des pièces de théâtre est plus dangereuse que la lecture. » pp. 108-110

La représentation des pièces de théâtre est plus dangereuse que la lecture. […] Ce qui rend la représentation d’une pièce de théâtre beaucoup plus dangereuse que la lecture, c’est que le lecteur n’est sensible qu’aux grâces du style, qu’à la beauté des pièces : au lieu que le spectateur est exposé à tous les charmes d’une déclamation animée, de ce langage muet, si éloquent, si persuasif, si séduisant, qui, par un geste, parle aux yeux et pénètre le cœur, donne de la vivacité aux passions, de la force aux discours, qui exprime dans toute leur énergie les mouvements de l’âme que le poète n’a fait que rendre faiblement ; qui fait illusion sur la fausseté des pensées et des maximes, qui fait applaudir au mensonge avec plus de chaleur qu’on applaudirait à la vérité.

34. (1845) Des spectacles ou des représentations scéniques [Moechialogie, I, II, 7] pp. 246-276

Saint François de Sales lui-même qui, dans son immense charité, paraît souvent si accommodant, regarde les spectacles comme dangereux. Voici ce qu’il en dit dans son Introduction à la vie dévote : « Les jeux, les bals, les festins, les pompes, les comédies en leur substance, ne sont nullement choses mauvaises, ains indifférentes, pouvant être bien et mal exercées ; toujours néantmoins ces choses-là sont dangereuses : et de s’y affectionner, cela est encore plus dangereux. […] Nous l’avons dit dans un autre ouvrage en parlant du suicide, « les spectacles sont plus dangereux encore (que les romans) aux yeux du vrai sage. […] On se figure aisément tout l’attirail de la vanité et des dangereux appas de ces femmes, semblables à ces sirènes dont parle le prophète Isaïe, qui font leur demeure dans les temples de la volupté. […] Ce savant théologien dit : « Le spectacle n’étant point mauvais de sa nature, la profession des acteurs et des actrices, quoique généralement dangereuse pour le salut, ne doit pas être regardée comme une profession absolument mauvaise ».

35. (1666) Réponse à la lettre adressée à l'auteur des Hérésies Imaginaires « Ce I. avril 1666. » pp. 1-12

Mais c’est pour cela même qu’ils sont dangereux. […] Il est dangereux de s’y laisser aller : on n’en revient pas comme on veut, cela n’aide pas à penser juste ; et toute votre lettre se ressent de cette émotion qui vous a pris dès le commencement. […] Vous vous êtes souvenu qu’on avait dit quelque part, que « le soin qu’on prend de couvrir des passions d’un voile d’honnêteté ne sert qu’à les rendre plus dangereuses »j  ; et sans savoir trop bien ce que cela signifie, vous avez cru que vous vous sauveriez par là, comme si, en retranchant les libertés des comédies de Térence, on avait rendu les passions qui y sont représentées plus dangereuses en les couvrant d’un voile d’honnêteté. […] Ce serait un plaisant scrupule que de n’oser les ôter de peur de rendre le livre plus dangereux ; et je ne connais que vous qui les y voulussiez remettre par principe de conscience. […] Je pourrais ajouter à cela, qu’encore que toutes les comédies soient dangereuses, et qu’il fût à souhaiter qu’on les pût supprimer toutes, celles des anciens le sont beaucoup moins que celles qu’on fait aujourd’hui.

36. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

« Je ne puis estimer ces dangereux auteurs, Qui, de l’honneur en vers infâmes déserteurs, Trahissant la vertu sur un papier coupable, Aux yeux de leurs lecteurs, rendent le vice aimable. » Boileau, Art Poétique. […] Suivez la plupart des pièces du théâtre français, vous trouverez presque dans toutes des monstres abominables et des actions atroces ; utiles, si l’on veut, à donner de l’intérêt aux pièces, mais dangereuses certainement, en ce qu’elles accoutument les yeux du peuple à des horreurs qu’il ne devrait pas même connaître, et à des forfaits qu’il ne devrait pas supposer possibles. […] « Ce qui achève de rendre ces images dangereuses, c’est précisément ce qu’on fait pour les rendre agréables ; c’est qu’on ne le voit jamais régner sur la scène qu’entre des âmes honnêtes, qui sont des modèles de perfection. […] On convient, et on le sentira chaque jour davantage que Molière est le plus parfait auteur comique dont les ouvrages nous soient connus : mais qui peut disconvenir aussi que le théâtre de ce même Molière ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs, plus dangereuse que les livres mêmes où l’on fait profession de les enseigner ? […] Régnard, plus modeste, n’en est pas moins dangereux.

37. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

Dans cette Fable on ne voit pas un Acteur qui ne soit vivement possedé de la passion d’amour ; et ce qu’il y a de surprenant, c’est qu’une Pièce, dont le fondement, les motifs et la diction ne respirent que l’amour, me paraît un modèle parfait de la correction que l’on demande pour contenir, dans de justes bornes, une passion si dangereuse. […] et ne pouvons nous pas ajouter que la dangereuse méthode reçue au Théâtre contribue encore à faire tomber les hommes de précipice en précipice ? […] L’amour de Sévère, qui arrive dans l’intention d’épouser Pauline, n’étant pas instruit de son mariage ; et la vertu dont tous les deux donnent de si grandes preuves, sont des leçons admirables pour mettre un frein à cette dangereuse passion. […] Je suis donc persuadé que cette Tragédie doit rester au Théâtre, comme un ouvrage qui non seulement ne peut pas avoir de suites dangereuses, mais qui, au contraire, est très capable de produire un grand bien. […] Sous la première (dont il est tant fait mention dans la Pièce) cette Tragédie est très dangereuse ; sous la seconde, elle ne donne qu’un très bon exemple.

38. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre III. L’amour profane est la plus dangereuse de toutes les passions. » pp. 29-31

L’amour profane est la plus dangereuse de toutes les passions. […] « Le comte de Bussy, cet ingénieux courtisan, nous dit que la passion de l’amour est la plus dangereuse de toutes les faiblesses, et qu’on revient plus aisément des sottises de l’esprit que de celles du cœur : en effet, le cœur s’attache, au lieu que l’esprit ne s’occupe point toujours des mêmes idées.

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