En quoi certes il ne faut pas dire que les Anciens se moquaient de ceux qu'ils adoraient comme Dieux, en représentant des actions que l'on pouvait nommer criminelles, comme des meurtres, des adultères et des vengeances, ni qu'ils avaient dessein d'en faire des objets de Jeux et de risée, en leur imputant des crimes que l'on condamnait parmi les hommes ; Car toutes ces choses étaient mystérieuses, et bien que le petit peuple, ignorant et grossier fut peut-être incapable de porter sa croyance au-delà des fables que l'on en en contait ; il est certain que leurs Théologiens, leurs Philosophes, et tous les gens d'esprit en avaient bien d'autres pensées, et tout ce que nous lisons maintenant de la naissance de leurs Dieux et de toutes leurs actions avait une intelligence mystique, ou dans les secrètes opérations de la Nature, ou dans les belles Maximes de la Morale, ou dans les merveilles incompréhensibles de la Divinité.
On se croirait aujourd’hui reporté à cette époque de rébellion religieuse et régicide, qui se souilla de tant de crimes et s’arma de poignards parricides pour verser le sang des rois.
Passons aux accidens qui en sont le vice & le crime. […] L’innocence doit souvent son salut à la crainte & à la honte attachées au crime. […] Ces crimes ne sont plus ; mais on veut qu’ils puissent servir de modeles. […] Une femme y étoit entrée vertueuse, elle en sort le crime & l’adultere dans le cœur. […] Pourquoi donc les crimes atroces deviennent-ils plus communs ?
Il fait entrer Enée & Didon dans une grotte pour y commettre le crime : ils en sortent se tenant par la main avec la satisfaction la plus marquée de deux amans qui viennent de satisfaire leur passion, le tout accompagné de la musique la plus douce & la plus voluptueuse, de la fête la plus brillante, des paroles les plus expressives, pour célébrer leur amour terminé par un mariage. […] Je ne m’abaisse point à ces scrupules vains, Dont se laisse bercer le commun des humains, Et je laisse aux pédans ces austeres maximes Qui mettent de niveau la foiblesse & les crimes.
« Dieu ne nous impute pas à crime la froideur qui procède de l’absence de sa grâce ou de l’enveloppe grossière de nos sens ; mais nous sommes coupables à ses yeux si ce refroidissement provient de notre négligence et des distractions frivoles auxquelles nous nous sommes livrés. […] Qu’elles sachent que la diminution ou la perte de leur amour pour Dieu leur sera imputée à crime ; et en effet, si c’est un péché que de prodiguer au jeu ou dans les frivolités du luxe les biens de la terre et les richesses mondaines, combien plus coupables sont ceux qui dissipent les richesses de la grâce, et ce précieux trésor dont parle l’Ecriture, trésor si précieux en effet, que nous devons l’acheter aux prix de tous les autres biens et de tous les plaisirs de cette vie imparfaite et passagère !
De son côté Inès, qui partage les crimes de son Amant, ne fût-ce que parce qu’elle ne les empêche pas, et qui, loin d’exiger de lui de vaincre sa passion, s’abandonne à la sienne propre en épousant Dom Pedre en secret, malgré l’avenir affreux qu’elle prévoyait ; Inès, dis-je, est punie de son aveuglement par la perte de la vie ; et, en mourant, elle ne peut ignorer que, par sa mort, elle prive son Amant de ce qu’il a de plus cher dans le monde. […] Après cette espèce de protestation, je dirais que le Brutus de M. de Voltaire me paraît composé précisément comme il doit l’être, pour nous fournir l’exemple d’un amour capable de corriger et d’instruire En effet, l’amour violent de Titus et de Tiberinus, tous deux fils de Brutus, pour Julie fille de Tarquin, est porté à un tel excès dans cette Pièce, qu’il mérite d’être présenté aux Spectateurs ; afin que chacun d’eux conçoive une juste horreur pour une passion capable d’entraîner après elle tant de crimes et tant de malheurs.
On représente l’amour, non pas comme un crime, c’est une simple foiblesse, encore une foiblesse noble & agréable, la foiblesse des Héroïnes & des grands Hommes ; c’est une foiblesse que l’on a sçu si bien déguiser & embellir, qu’elle attire tous les regards, elle charme toutes les oreilles, elle séduit tous les cœurs ; le portrait que l’on en a fait est si flatteur, qu’on ne s’en lasse point, on ne souffre plus guères de Spectacles où elle ne se rencontre pas : c’est elle qui préside à toute l’action, elle est devenue essentielle aux Tragédies les plus sérieuses : en quoi la France a enchéri sur les Grecs & sur toute l’antiquité payenne.
distingue les Gladiateurs, les Comédiens, les Tragédiens, les Histrions, les Mimes et le Cirque, et attribue aux Gladiateurs la cruauté, aux Comédiens les Histoires amoureuses, aux Tragédiens les crimes des mauvais Princes, aux Histrions ou Bateleurs les gestes impudiques, aux Mimes l'imitation des actions les plus honteuses qui doivent toujours être cachées dans les ténèbres, et au Cirque les vaines extravagances des Courses et des Combats.
Ce qui est invinciblement confirmé par les lois des Empereurs que nous avons encore citées, dans lesquelles ces Princes zélés pour la gloire de Dieu, défendent comme un crime, de s’adonner les jours des Fêtes aux exercices qui servent à la volupté et au plaisir, par la considération de cette même obligation que les Chrétiens ont de s’appliquer uniquement au culte de Dieu, et de travailler à leur propre sanctification.
Ces crimes dont jadis a frémi la Nature Ne souillèrent jamais une Terre si pure : Si quelques Passions y règnent tour à tour, C’est celle de la Gloire, et celle de l’Amour Quitte la ruse Grecque, et la fierté Romaine, Choisis quelque grand Nom sur les bords de la Seine.
elle lui dit que tout homme, qui fait des protestations d’attachement à une femme, ne cherche qu’à la corrompre et à la déshonorer : elle lui dit qu’il n’est pas permis d’avoir une liaison particulière avec un jeune homme, quelqu’innocente que soit cette liaison ; parce que, ce qui est innocent d’abord, est souvent un acheminement au crime.
Mais nous, que l’Evangile instruit de ses maximes, Nous verra-t-on ainsi diviniser les crimes ? […] L’art n’y est employé que pour inspirer de l’horreur pour le crime, & de l’amour pour la vertu. […] « On dit enfin que dans les bonnes Pieces dramatiques, le crime est toujours puni, & la vertu toujours récompensée. […] « Mahomet, aux yeux des Spectateurs, diminue par sa grandeur d’ame l’atrocité de ses crimes. […] On voyoit couler du sang, il est vrai ; mais on ne souilloit pas son imagination de crimes qui font frémir la nature ».
S’il est contraire aux mœurs des Français, ou s’il répugne de voir sur leur scène les horreurs communes aux Théâtres Anglais, c’est que les crimes de l’espèce de ceux qu’on leur offrirait ne leur sont pas familiers, que l’esprit, toujours ami de la vérité et de la vraisemblance, rejette des images dont le cœur n’est pas capable de se peindre les originaux. […] « Naturam expelles furca, tamen usque recurret. »x Je suis persuadé que les hommes admirent la vertu de bonne foi dès qu’ils la voient, qu’ils la chérissent, qu’ils détestent le crime et le Vice, et que si leurs passions et leurs intérêts les aveuglent souvent, ils n’en sont pas moins les amis de la Vertu, ils n’en désirent pas moins de ressembler aux modèles qu’on leur propose sur la scène. […] […] Puisqu’on tient à bon droit tout crime personnel, Que fait là notre honneur pour être criminel ? […] « Savoir souffrir la vie, et voir venir la mort, C'est le devoir du sage, et ce sera mon sort ; Le désespoir n’est point d’une âme magnanime, Souvent il est faiblesse, et toujours il est crime.