Histoire des Cas de Conscience. […] Des Auteurs d’un si petit poids, n’étoient pas faits pour calmer les consciences. […] Ceux-même qui prennent parti pour elle, & malgré l’assurance qu’ils affectent, leur conscience plaide la cause de la vérité. […] Tout occupé de leur plaisir, s’embarrassant fort peu de leur conscience, ils rient des soins qu’on prend de la justifier. […] Les Juifs ne pouvoient trop s’élever contre des spectacles si dangéreux, & il est étonnant que la conscience des chrétiens soit moins éclairée ou moins delicate.
… Si c’est une chose si dangereuse que la danse, vous pouvez facilement inferer en qu’elle conscience sont ceux, qui donnent le bal, & ceux qui prêtent leur maison à un usage si pernicieux : & ainsi, comme vous voyez un même peché sera imputé à plusieurs, qui en repondront tous. […] vous trouverez ce méme reproche dans toutes les ames un peu timorées : & si vous voulez le demander à toutes celles, qui ont autrefois été dans le monde, & qui s’en sont retirées ou d’effet, où d’affection seulement, elles vous diront, que dans les confessions generales, qu’elles ont faites, elles se sont accusées, & repenties d’avoir été autrefois au bal : demandez à ces danseurs, quand ils sont à l’article de la mort, où l’on voit alors clairement toutes choses, & non plus par le faux jour de nos passions, s’il ne se repentent pas, & s’il ne craignent pas d’en rendre compte au jugement de Dieu ; vous-mêmes ne vous en accusez vous pas au tribunal de penitence, ne pouvant étouffer le reproche de vôtre conscience, qui vous en reprend ? […] Nôtre conscience est donc nôtre juge en cette matiere, & nous ne pouvons recuser ce juge incorruptible, & ce fidele témoin, lorsqu’il y va de nôtre salut : … ceux qui aiment le jeux, le bal, la comedie, les spectacles, & qui suivent le luxe, & la vanité du siecle, ne veulent point eutendre chrétiennement ces matieres, afin de pecher plus librement, & sans inquietude. […] … Ainsi je crois, que les directeurs feroient leur devoir, s’ils exigoient de ceux, dont il gouvernent les consciences, qu’ils n’y allassent jamais.
Il me semble que cette question est vidée il y a longtemps, et qu’il n’y a personne dans le Christianisme qui ait besoin d’autre Casuiste que celui qu’il porte en soi-même, pour juger que ce divertissement est périlleux et contraire à la piété : Qu’il interroge sa propre conscience, quelque artifice dont il se serve pour la tromper, en lui représentant cette action avec toute l’innocence qu’il pourra, si la syndérèse n’est tout à fait étouffée, elle lui donnera toujours de la crainte de le prendre, et de l’inquiétude de l’avoir pris. […] Ce qui n’est point réglé sur les sentiments de la conscience, et contre la Loi de Dieu. Il est vrai que plusieurs de ceux qui assistent à ces actions de Théâtre, n’ont pas ces remords intérieurs, mais il ne faut pas juger de leur insensibilité, que ceux qui en sont inquiétés aient une conscience erronée ou scrupuleuse, mettant du péché où il n’y en a pas : Car outre qu’en ressentant ces reproches contre leur propre volonté, et qu’ils font ce qu’ils peuvent pour les étouffer, il est constant que c’est la seule lumière des vérités chrétiennes qui les produit, et que la crainte de faire mal allant à la Comédie, est un effet, non d’une conscience erronée, mais plutôt de cette grâce qui la rend timorée, qui reste dans l’âme après qu’elle est tombée dans le péché, comme une semence de conversion. […] [Proverbes de Salomon, chap. 5], la recherchent pour se divertir, peuvent-ils passer pour innocents devant Dieu et devant le Tribunal de leur propre conscience ? […] S’il y a de la différence dans ces sujets de condescendance, celle qui oblige les forts de ne prendre pas le divertissement de la Comédie, pour ôter le scandale qu’en prennent les autres fidèles, est plus pressante et moins excusable, que celle que le Corinthien était obligé de pratiquer, s’abstenant de manger de la chair immolée aux Idoles, pour ne blesser pas la conscience de son Frère infirme en la Foi, la nécessite de manger étant plus capable d’excuser celui qui lui obéit, que la volonté de se divertir, et qu’il était moins périlleux d’user de ces viandes, que de voir la Comédie.
Sait-il le fond de sa conscience ? […] Est-il enfin un homme qui puisse parler de la conscience d’un autre par conjecture et qui puisse assurer que son prochain ne vaut rien, et même qu’il n’a jamais rien valu ? […] », et ne s’émanciper pas si aisément et au préjudice de la charité, de juger même du fond des âmes et des consciences, qui ne sont connues qu’à Dieu, puisque le même apôtre ditf qu’il n’y a que lui qui soit le « scrutateur des cœurs ». […] Cependant il devrait être satisfait de voir que Sganarelle a le fond de la conscience bon, et que, s’il ne s’explique pas tout à fait bien, les gens de sa sorte peuvent rarement faire davantage. […] Son zèle fera sans doute considérer son livre, il passera pour un homme de conscience, les tartufes publieront ses louanges, et, le regardant comme leur vengeur, tâcheront de nous faire condamner, Molière et moi, sans nous entendre.
Qu’il est heureux d’en trouver tant sous sa main et que la voie étroite soit si fréquentée : « Mille gens, dit-il,i d’une éminente vertu et d’une conscience fort délicate pour ne pas dire scrupuleuse, approuvent la comédie et la fréquentent sans peine. ». […] « Que ceux qui consentent à un mal y participent. » Des âmes « si délicates et si scrupuleuses » ne sont point touchées de ces règles de la conscience.
Jamais il ne-donna d’édit de liberté de conscience, dont les Payens n’avoient pas même l’idée ; ils ne demandoient que la profession extérieure de l’idolâtrie, & ne s’embarrassoient pas de la conscience : chacun, sans avoir besoin d’édit, pensoit ce qui lui plaisoit, Il n’y a que la Religion Chrétienne qui fasse de la foi intérieure une obligation de conscience. […] Un Chrétien peut-il dire que l’idolâtrie soit permise en conscience, & qu’un Prince Chrétien accorde la liberté de conscience aux idolâtres ? […] Peut-on dire que le Roi de France tolere la Religion Catholique, & donne aux Catholiques la liberté da conscience ? […] La liberté de conscience va-t-elle jusqu’à laisser les plus horribles forfaits impunis ? […] Mais ils ont jugé selon leur conscience, le Roi ne leur en a fait aucun reproche, le public n’a pas cessé de les estimer & de les respecter.
Car pourquoi, dirois-je, mettre ma conscience au hasard dans une chose aussi vaine que celle-là, et dont je puis si aisément me passer ? […] et après les avoir consultés, il seroit difficile, s’il me restoit quelque délicatesse de conscience, que je ne fusse pas absolument convaincu sur cette matiere. […] Comprenez-la, s’il vous plaît, toute entiere ; il s’agit de la conscience et du salut, et tout ce qu’il y a eu jusqu’à présent, sur ces sortes de matieres, de juges compétents, de juges reconnus et autorisés, ont décidé : mais ce n’est point ainsi qu’en jugent quelques mondains, et ce n’est qu’à eux-mêmes qu’ils veulent s’en rapporter. […] Mais si la loi des hommes n’a rien ordonné là-dessus, faut-il une autre loi que la loi de l’Evangile, que la loi de conscience, que la loi de nature ? […] et n’est-ce pas de tous les divertissements du monde celui où la censure peut moins trouver à reprendre, et sur quoi les loix de la conscience ont moins, ce semble, à réformer ?
l’Eglise, la conscience, & les frequens naufrages de l’innocence, sont ces voix, qui disent, que de tous les moyens, qu’à le Demon pour perdre bien des ames, la comedie en est le plus doux, le plus fort, & le plus caché. […] C’est là justement, où je vous attendois ; Et moy je vous dis, Madame, qu’elles sont en quelque façon plus dangereuses a l’innocence, qu’elles n’étoint ; car autrefois l’innocence n’avoit garde d’en être interessée, puis que les personnes, qui avoient un peu de conscience, fuyoient le Theatre, comme un lieu de scandale, & de peché, & qu’on n’y voyoit, que celles, qui avoient perdu la conscience, & la pudeur. […] Cela veut dire enfin, que ce n’étoit pas assez au Demon, que les gens d’une conscience toute perduë fussent à luy, par la scandale d’un Theatre infame ; si ceux, que quelque pieté rend recommandables, n’en étoient faits encore les victimes, par le poison inspiré de l’amour, qu’un nouveau Theatre apprend aujourd’huy, plus modestement, mais aussi plus malicieusement, qu’il ne fît jamais.
N’est ce pas autoriser les fourbes et les violences, dresser encore des Autels à Mars, et lui offrir le sang humain en sacrifice avec des chants d’allégresse ; N’est ce pas éluder toutes les clameurs du peuple et des consciences, de faire un spectacle d’honneur et de joie des crimes publics ? […] Quand les peuples considèrent ces célèbres iniquités qui ont violé la foi divine et humaine pour l’accomplissement d’un dessein, les péchés de la vie commune en comparaison de cela ne leur paraissent plus que des atomes, leur conscience s’y tient assurée, et sans en concevoir des remords, elle se croit assez juste de n’être point si méchante. […] Là l’on fait la représentation de toutes les secrètes pratiques, des feintes, des adresses, des confidences qui trompent des yeux jaloux ; et la passion qui échappe à tous les liens, des lois, de la conscience, de l’honneur, qui l’emporte sur l’amour des frères, et le respect des parents, est hautement louée, comme une généreuse fidélité.
[frontispice] Abrégé du Dictionnaire des cas de conscience, de M. […] L’a-t-il pu en conscience ?
L’Eglise, la conscience, & les fréquens naufrages de l’innocence, sont ces voix, qui disent, que de tous les moyens, qu’a le démon pour perdre bien des ames, la comédie en est le plus doux, le plus fort, & le plus caché. […] C’est là justement, où je vous attendois ; Et moy je vous dis, Madame, qu’elles sont en quelque façon plus dangereuses à l’innocence, qu’elles n’estoient ; car autrefois l’innocence n’avoit garde d’en estre interressée, puis que les personnes, qui avoient un peü de conscience, fuyoient le Théatre, comme un lieu de scandale, & de péché, & qu’on n’y voyoit, que celles, qui avoient perdu la conscience, & la pudeur. […] Cela veut dire enfin, que ce n’estoir pas assez au Démon, que les gens d’une conscience toute perdue fussent à luy, par le scandale d’un Thêatre infame ; si ceux, que quelque pieté rend recommandables, n’en estoient faits encore les victimes, par le poison inspiré de l’amour, qu’un nouveau Théatre aprend aujourd’huy, plus modestement, mais aussi plus malicieusement, qu’il ne fist jamais.
Et pour n’être point inquiété dans ces excès scandaleux par les mouvements de la grâce, on les méprise jusques à ce que enfin on ait acquis une fausse sécurité de conscience. […] On fait ce qu’on peut pour prendre les remords d’une conscience effrayée pour de fausses allarmes. […] Les vieilles gens qui pourraient peut-être aller au bal sans intéresser leur conscience, seraient ridicules d’y aller ; et les jeunes gens à qui la bienséance le permettrait, ne le pourraient pas sans s’exposer à de trop grands périls. Ainsi je tiens qu’il ne faut point aller au bal quand on est Chrétien, et je crois que les Directeurs feraient leur devoir, s’ils exigeaient de ceux dont ils gouvernent les consciences, qu’ils n’y allassent jamais.
Il ne faudroit pour m’y faire renoncer que cette diversité de sentiment ; car, pourquoi mettre ma conscience au hasard dans une chose aussi vaine dont je puis si aisément me passer ? […] Point d’examen de conscience on le spectacle ne soit compris, point de Confesseur qui en donne l’absolution ; c’est participer à l’excommunication des Comédiens, les entretenir dans leur révolte, payer leurs scandales, y entraîner par votre exemple, répondre des péchés qu’on y commet. […] Or pouvez-vous douter du danger du spectacle, vous qui connoissez la corruption de votre cœur, & qui soutenez si mal au jugement de votre conscience le parti que vous défendez devant le monde ? […] Tous les examens de conscience, toutes les préparations à la pénitence, à l’Eucharistie, tous les détails de vices, les tableaux du monde & de ses pompes, du démon & de ses tentations, de la chair & de de ses penchans, mettent la fréquentation du théatre au nombre des péchés & des obstacles à la réception des sacremens.