Cette idée comique fournirait la matière d’une jolie pièce sous le titre du Comédien Gentilhomme ou de la Comédienne Demoiselle Les divers rapports de l’Etat avec les différents rôles de Princesse, de Soubrette, de Colas, de Pierrot, de Poète, de Scaramouche, etc., feraient naître plus d’incidents et plus amusants que le Bourgeois Gentilhomme de Molière.
Il est vray que les sages du paganisme avoient fait du theatre une école publique, pour inspirer avec plaisir l’horreur du vice, & l’amour de la vertu : & que les Poëtes qui étoient les Theologiens des Gentils avoient inventés les pieces comiques & tragiques pour une bonne fin ; en effet, ceux qui ont étés les juges plus favorables de leur intention, ont voulu nous persuader que ces autheurs n’avoient pretendus autre chose, sinon de purger la volonté de ses passions dereglées, par la representation de la tragedie, dans laquelle le theatre étoit toûjours ensanglaté par la mort des vicieux, & par le châtiment des coupables ; & de purger l’esprit des opinions erronnées, par la representation des comedies, dans lesquelles on tournoit en ridicule les autheurs de la fausse doctrine, & les maîtres des méchantes opinions : mais comme la poësie qui a été employée à ces sortes d’ouvrages s’est corrompuë parmi les Payens, elle a donné plus de force au vice pour le faire suivre, que de charme à la vertu pour la faire imiter. […] Qui est l’homme de bon sens qui ne s’aperçoit pas que ces representations comiques ou tragiques qui se font sur le theatre, sont une ingenieuse & subtile invention du diable pour deshonorer les ceremonies de l’Eglise, & se moquer de la canonization de nos Saints.
Comment, en effet, comme le dit un Poëte comique, gouverner par la prudence cette folle passion, qui n’admet aucune mesure dans ses écarts ? […] Il est vrai que le grand Corneille croyoit que le genre comique étoit plus utile pour les mœurs que la Tragédie. […] Aussi les Comédiens François, qui ont la liberté de satisfaire les différens goûts du Public, ne manquent point de terminer le Spectacle d’une Tragédie par celui d’une Piece comique ou bouffonne. […] « Prenons le Théatre comique dans sa perfection. On convient, & on le sentira chaque jour davantage, que Moliere est le plus parfait Auteur comique dont les ouvrages nous soient connus.
L’encyclopédie, fait encore un plus grand aveu en disant que le comique obscène est encore souffert sur les théâtres par une sorte de prescription.
Ce fameux Comique, qui dans le dernier siècle a porté cet art dangereux à sa dernière perfection, mais dont la mort devroit donner plus de frayeur aux amateurs du Spectacle que ses ouvrages ne leur causent d’admiration & de plaisir, a, dit-on, corrigé les mœurs de son siècle ; c’est-à-dire, qu’il a détruit par la force du ridicule quelques restes de mauvais goût, d’affectation dans le langage & dans les manières : mais de quel vice réel nous a-t-il en effet corrigés ?
C’est le revenant bon de leur chaste métier ; on a partagé cette tête creuse, on en a conservé le derriere, en le perfectionnant ; ce n’est plus qu’une calote ; elle avoit autrefois des cheveux empruntés, soit en peinture, ou en plâtre, ou réellement attachés, ce qui faisoit des chevelures blondes, noires, bouclées, frisées au gré de l’acteur, aussi-bien que les sourcils & la barbe, selon son goût ; on a conservé le derriere qu’on a rendu plus commode par des perruques à reseau, qu’on porte par-tout, aulieu que les anciens masques ne pouvoient servir que sur le théatre ; ils auroient été aussi incommodes que ridicules, par ce moyen, à peu de frais, & sans embarras, le vieillard rajeunit, la laide s’embellit, l’abbé, le magistrat se déguisent, la femme se travestit en homme, & l’homme en femme, on prend comme sur le théatre, les attributs du rôle qu’on veut jouer, & ce qui est très-commode, la moitié de la toilette se fait chez le baigneur, d’où l’on porte une très-belle tête toute faite, qu’on adapte au visage qu’on vient de fabriquer, ainsi se continue la comédie ; car la vie d’un joli homme, d’une jolie femme, n’est dans l’exacte vérité, qu’une comédie perpétuelle, où l’on joue les mœurs, la Réligion & le bon sens ; ces masques mobiles de la tête, font quelquefois sur le théatre & dans les piéces, les plus ridicules, le spectacle le plus comique, César qui étoit chauve, ne trouva d’autre coëffure pour cacher ce défaut, qu’une couronne de laurier.
Celles que l’on prononce de nos jours ne sont souvent guere moins comiques par les mensonges qu’on y débite.
La Bruyere est un Peintre qui fait la critique d’un portrait imposteur en lui donnant pour voisin le sien qui est très-fidèle, soit qu’inquiet, alarmé, embarrassé des suites, ce comique n’ait pas doné l’essor à son génie, soit qu’il se foit livré par goût au tabarinage qui chez lui l’emporte sur-tout ; il est certain que dans cette pièce comme dans toutes les autres, la moitié n’est que farce, & le portrait du sujet est croqué, la farce fait rire le peuple, l’irréligion applaudit au décri de la dévotion.
Tout accoutumés que nous sommes aux décorations comiques, on ne peut voir sans rire les coëffures de la plûpart des femmes, ni compter la variété, l’inconstance, la bizarrerie de leurs caprices ; & toujours les bonnes odeurs, les parfums, les essences sont prodigués comme autant d’alimens de la molesse & d’attraits d’impureté.
Les poëtes comiques, peu d’accord avec eux-mêmes, ne savent le plus souvent ce qu’ils disent : ils ne sont d’accord que pour la licence.
Les femmes sont le sujet d’une multitude de pieces qui les rendent ridicules : précieuses, savantes, prudes, coquettes, sages, libertines, jeunes & vieilles, les foiblesses des femmes font la moitié du théatre de Moliere & des autres comiques.
Le sacré & le profane, le sérieux & le comique, la chaire & le théatre doivent se liguer pour rendre le vice odieux.
Dans le vieux Recueil d’Arrêts d’amour, livre burlesque du seizieme siecle, fort inutilement orné d’un commentaire latin d’un savant Jurisconsulte, où l’érudition de toute espèce est prodiguée à pure perte, on trouve l’Arrêt 42. qui traite burlesquement la matiere de masquerie, suivie d’unu ordonnance comique.