Limenque Laurus que Dei, Te amice nequivi Credimus, an qui amant, &c.
L’amant était digne de sa maîtresse.
« Alienus tibi sit locus quem Satanæ spiritus occupavit : totum illud diabolus et angeli ejus repleverunt. » Il prétend qu’il y avait des foyers ménagés derrière le théâtre, où après la pièce on allait se divertir avec les Actrices, qu’il compare à des louves qui dévorent le bien de leurs amants.
C’est là qu’on apprend à se ménager des entrevues secrètes avec un Amant passionné, à lui faire parvenir des Lettres et des Billets ; à trouver de l’argent à crédit, et des Usuriers faciles et commodes ; c’est là en un mot qu’on apprend à ne plus rougir, à regarder le crime comme une galanterie, le mensonge comme une adresse, le luxe comme une bienséance, l’obéissance aux parents comme une tyrannie.
Ainsi dans l’amant, dans le malade, dans le triste ou dans l’enjoüé, il doit s’attacher à biẽ toucher, & à bié peindre les diverses alterations, que l’amour, l’infirmité, le chagrin, ou la joye peuvent causer sur le visage ou sur les autres parties qui semblent plus s’interesser aux ressentiments interieurs, & qui par une relation & naturelle & inperceptible s’en chargent absolument, & les produisent au dehors, malgré toutes nos resolutiõs, & toute nôtre retenuë. […] S’il s’agit d’un Amant, on affectera du tendre ou du passionné.
Saint Augustin au Livre 3 de ses Confessions Chapitre 2 suppose que les Comédies excitent les passions, conformément aux choses qui y sont représentées, autrement on n’y prendrait point de plaisir, et il avoue que lui-même y assistant, il s’est souvent réjoui quand il voyait les mauvais désirs des amants accomplis37 […] « Alors, dit-il, lorsque je hantais le Théâtre, je me réjouissais avec les amants lorsqu’ils accomplissaient leurs mauvais désirs, ce qu’il condamne.
C’est l’amour & les grâces, c’est la vanité, c’est son amant, c’est le financier qu’elle ruine, le Seigneur qu’elle déshonore, le jeune homme qu’elle corrompt ; c’est le temple de Paphos, c’est pour ces Divinités qu’elle se pare ; ce n’est pas pour le vrai Dieu, pour le Sauveur du monde, ce n’est pas le culte qu’il demande, les ornemens qui l’honorent, les fêtes qu’il accepte, circumornatæ est similitudo templi .
Un seul baiser, un seul amant chez les bergeres d’apresent est la vertu la plus parfaite.
L’amant de Laure, le fameux Pétrarque, dit du bal, qu’il connoissoit bien : C’est le préliminaire du crime, Chorea præludium Veneris.
Mais Monsieur, si l’on voyait une belle femme suivre pas à pas son Amant comme une Colombe suit son Pigeon ; si, lorsqu’il « prendrait chasse », elle le poursuivait ; s’il restait dans l’inaction, et qu’elle le réveillât par de « Jolis coups de bec » ; si elle faisait mieux enfin que la « folâtre Galatée » de Virgile, c’est-à-dire aussi bien que votre amoureuse Colombe ; je suis persuadé que les Casuistes les plus relâchés regarderaient ces agaceries comme le manège de la plus fine Coquetterie ; et que nul d’entre eux, non plus qu’aucun Moraliste, ne s’aviserait d’y applaudir et de prendre ces grimaces pour des preuves de pudicité.
Quelquefois elle fait venir sur le théâtre un amant passionné : mais elle en dépeint si naïvement toutes les bassesses et toutes les folies, qu’il est aisé de conclure que l’amour des femmes nous fait oublier que nous sommes hommes : Elle nous imprime l’horreur d’un plaisir, qui nous fait devenir bêtes : D’autres fois elle fait montre d’un vindicatif, qui se consomme et se ronge en de vains efforts, et qui pense avoir de grands avantages sur son ennemi, quand il s’est coupé un bras pour lui faire perdre un doigt : Elle le tourne et le retourne en tant de façons, qu’il n’est point de Spectateur quiab ne juge qu’il vaut mieux accorder un pardon, que de poursuivre une vengeance. […] « Romani authores spectaculorum damnant ignominia, arcentes Curia, Equite, cæterisque honoribus ; quanta perversitas, amant quos mulctant ; artem magnificant, artificem notant. […] Faites maintenant repasser dans l’esprit d’une fille ou d’un jeune homme toutes les aventures d’un amant ou d’une amante, qui porte le dard dans le cœur (car tout ce que nous avons lu, retourne et se représente à notre imagination :) Rappelez dans leur mémoire toutes les rencontres étudiées, toutes les paroles captieuses, tous les artifices imprévues, toutes les personnes apostées, toute la galanterie, tous les lieux d’assignation, tous les messages qu’un Adonis aura employés pour se mettre dans la possession de ce qu’il désirait ; quel fruit en esperez-vous ? […] « Romani authores spectaculorum damnant ignominia, arcentes Curia, Equite, cæterisque honoribus ; quanta perversitas, amant quos mulctant ; artem magnificant, artificem notant.
C’est que dans ce cas il ne sera pas indécent qu’un Amant presse dans les siennes la main de son Amante, qu’il tombe à ses genoux ; qu’il aille même jusqu’à lui ravir un baiser. […] Quant aux Jeunes-personnes, on se rappelle le trait de cette Beauté qui répétait passionnément chaque mot sorti de la bouche du Comédien Baron : on se rappelle.… Une fille possédée de la passion des Théâtres, ne sera pas fort sévère pour l’Amant qui saura saisir le geste & le ton de l’Acteur à la mode*. […] elle se trouve dans cette Religion si ridicule selon vous : L’Amour, dit la Mythologie, devint l’amant de Psyché.
Je ne sais là-dessus comment les auteurs s’y prennent ; mais je vois que les spectateurs sont toujours du parti de l’amant faible, et que souvent ils sont fâchés qu’il ne le soit pas davantage.