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526. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IV. Le Peuple doit-il aller à la Comédie ? » pp. 60-74

« C’est par là que Molière illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût emporté le prix ; Si moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer les figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin. » M’écouterait-on, si je représentais que l’esprit d’irréligion, si funeste à tout le monde, et si commun au théâtre, se répand plus facilement dans le peuple, moins en garde contre la séduction, moins en état d’en repousser les traits et d’en démêler les pièges, lui dont la piété moins éclairée et plus simple confond aisément les objets, tient beaucoup plus à l’extérieur, et par conséquent peut être ébranlée à la moindre secousse, surtout quand on lui arraché les appuis nécessaires de l’instruction et des exercices de religion, en substituant le spectacle aux offices, et lui faisant oublier dans ses bouffonneries le peu qu’il sait de catéchisme, qu’on l’éblouit par le faste du spectacle, qu’on l’amollit par les attraits des Actrices, qu’on le dissipe par la science du langage ? […] Ceux mêmes qui allument le flambeau de l’hymen, énervés par la débauche, dissipés par une vie frivole, dégoûtés du travail et des affaires, n’ont la plupart, ne peuvent ni ne veulent avoir des enfants, n’ont aucun soin de ceux que le hasard leur donne ; ils ne savent leur donner qu’une éducation théâtrale, qui ne forme ni Magistrat, ni Militaire, ni artisan, ni laboureur, ni aucun genre de citoyen, mais des hommes frivoles, à charge à la société.

527. (1836) De l’influence de la scène « De l’influence de la scène sur les mœurs en France » pp. 3-21

Tout le monde sait que Beaumarchais exerça une grande influence en proclamant au théâtre la supériorité de l’intelligence. […] Ainsi que cette réunion distinguée d’hommes célèbres en tout genre, ainsi que tous les hommes jaloux de la gloire nationale, je répudie une scène qui calomnie nos mœurs, flétrit notre littérature, repousse l’ami des hommes, la femme qui sait encore rougir, d’où la jeune fille ne peut sortir sans tache, et le jeune homme sans ressentir moins d’horreur pour le crime.

528. (1640) L'année chrétienne « De la nature, nécessité, et utilité des ébats, jeux, et semblables divertissements. » pp. 852-877

je ne veux pas être si sévère, qu’absolument je blâme ni ceux qui les font, ni ceux qui les écoutent ; car je sais qu’on en a fait de fort belles, desquelles on a pu sortir ayant l’esprit plus gai et débandé, sans être aucunement souillé, ni autrement intéressé : en celles-là vous y pouvez assister sans scrupule, si peut-être votre vacation particulière, ou quelque autre circonstance ne vous en empêche : mais aux autres qui représentent, ou disent des choses qui portent à l’impudicité, et blessent la charité, ne vous y trouvez jamais ;Le mal qu’il y a aux comédies. […] s’il arrive que vous soyez contrainte, soit par vos parents, soit par d’autres, à qui vous n’osiez pas refuser de vous trouver en des compagnies, où les discours récréatifs ont quelque chose de mal, et sont contraires à la volonté de Dieu : de peur d’y intéresser votre âme ; imitez Sainte Catherine de Sienne, dressez en votre cœur une cellule ou cabinet, et une secrète retraite, en laquelle votre esprit demeure, se retire, et traite avec Dieu ; lors vous y pourrez être, sans encourir aucun dommage, et quasi sans savoir ce qu’on y a dit, ou fait. […] qui regarde l’intention, je ne veux pas ici disputer, à savoir si celui qui joue seulement pour avoir le plaisir du jeu, ou seulement pour gagner au jeu, pèche ; je me contente de dire, qu’ayant déjà souvent instruit l’âme Chrétienne à faire tout ce qu’elle fait avec esprit, et conformément à la raison qui regarde le bien honnête, plutôt que l’utile et le délectable ; elle gardera le même avis en cette-ci, puis qu’elle est obligée de ne faire rien que par la conduite de la droite raison, rapportant le tout à une fin honnête ; comme j'ai déclaré plus amplement au Chapitre sixième de cette seconde Partie, quand j'ai parlé des occupations : et en la première Partie, au Chapitre second, parlant de l’intention. […] Trompant en jouant, ou jouant avec ceux qui jouent ce qui ne leur appartient pas, et qui ne peuvent pas aliéner, comme sont les fils de famille, les Religieux, les femmes, et autres qui dépendent d’un supérieur ; ou contraignent les autres à jouer par menaces et injures, par ainsi les gagnent ; ou faisant contre les lois du jeu ; ou lorsque quelqu’un est fort expert au jeu pour gagner un autre, qu’il connaît n’y entendre que bien peu, et fait semblant de ne savoir pas jouer : en tous ces cas, suivant la plus commune opinion, celui qui gagne, est obligé à la restitution, et péché contre la justice et l’équité.

529. (1709) Mandement de M. L’Evêque de Nîmes contre les Spectacles pp. 3-8

Ne sait-on pas que (selon le Sage Eccles. ch.

530. (1731) Discours sur la comédie « Lettre Française et Latine du Révérend Père François Caffaro, Théatin ; à Monseigneur L’Archevêque de Paris. Imprimée à Paris en 1694. in-quarto. » pp. -

et voir en même temps le scandale qu’a donné cet ouvrage, sans en être sensiblement affligé ; et j’ai cru même qu’il était de mon devoir pour l’édification de l’Eglise, et pour l’honneur de mon ministère de déclarer publiquement que cette Lettre n’est point de moi, et que je n’y ai aucune part, que je n’en ai rien su qu’après qu’elle a paru, et que je la désavoue absolument.

531. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Suite d’Elisabeth d’Angleterre. » pp. 33-82

M. a bien peu d’esprit, puisque de vingt-quatre maris qu’on lui a présentés, elle n’en a pas su choisir un, ou bien du malheur si sur vingt-quatre, il n’y en a pas eu un de convenable. […] On peut être homme de bien, & méchant dans toutes les Religions ; on estime la gloire d’un Prince quand il règne sur plusieurs Peuples, que savons-nous si la gloire de Dieu ne devient pas plus grande par la diversité des Religions. […] La Reine se crut en droit, & dans la nécessité d’en composer une, on ne sait à quoi s’en tenir, il ne reste dans l’esprit qu’une incertitude totale. C’est un homme dans une forêt qui ne sait quelle route suivre ; on n’écoute plus que l’intérêt, c’est le vrai mobile des Princes & des Sujets ; la Religion lui est sacrifiée, l’intérêt est le seul évangile qu’on consulte. […] Ce n’est que pour elle qu’on a gravé cette fanfaronnade, les autres Rois d’Angleterre, son père même sont plus modestes ; je ne sais à quel titre elle se l’attrique : si c’est comme Reine, ou comme Chef de son Eglise ni l’un ni l’autre n’y donne droit L’Empire Britannique spirituel ou temporel n’est aujourd’hui composé que de trois Royaumes qui ne valent pas la France, & de plusieurs Colonies dans les déserts immenses de l’Amérique septentrionale.

532. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Suites des Mélanges. » pp. 68-117

Qui sauroit sans Baron que Racine a vêcu ? […] Je sai que nous sommes nées esclaves d’un sexe fait pour nous dominer, je sai aussi que je ne dois comme je ne veux plaire qu’à celui que ta prévoyance m’a destiné pour maître. […] On ne sauroit porter plus loin l’aveuglement & le fanatisme théatral. […] Je ne sais sur quoi les peintres peuvent se croire en sureté de conscience ; mais il est évident que cette sorte d’enseignement blesse toutes les loix de la bienséance, les bonnes mœurs & la religion : c’est une occasion, non-seulement prochaine, mais violente des plus grands péchés d’impureté.

533. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VIII.  » pp. 195-221

Ce phénomêne littéraire a fait connoître aux libertins, ces avantures galantes, & a ouvert un nouveau champ aux plumes libertines : elles si sont exercées, en vers & en prose, sous divers titres ; Traduction, Histoire, Héroïdes, Paraphrases, Dissertations, que sai-je ? […] Le vin de Cahors vaut bien le théatre de Moliere ; l’hiver rassembla le peuple dramatique, que l’automne avoit dispersé : pour réparer le tems perdu, on joua tous les jours, fêtes & dimanches ; la coterie n’auroit pu fournir à un si grand travail, si elle n’eût été renforcée par une troupe de tabarins, que le bon vin de Cahors, & la grande réputation de la scéne Quercinoise attirerent, au nombre de vingt-cinq gens peu faits d’ailleurs pour amuser la bonne compagnie, qui n’avoient encore que débité de l’orviatan sur des théatres ; mais reçus avec enthousiasme, ils se sont évertués, ils ont pris, l’essor, par une noble émulation, & ont essayé des piéces régulieres ; on a dit qu’ils réussissoient, & la recette a été bonne, quoique la Ville soit déserte, misérable, chargée d’impositions, qu’elle ait souffert depuis bien des années, de grandes calamités, les bourses fermées aux pauvres, se sont ouvertes pour des charlatans, qui ne savent pas même leur métier, tant l’amour du théatre est une aveugle ivresse. […] La découverte ne fut pas difficile à faire, à peine y a-t-il vingt personnes qui sachent écrire ; on dépista bientôt la jeune main qui s’étoit prêtée.

534. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE I. Faut-il permettre aux femmes d’aller à la Comédie ? » pp. 4-29

Il s’y fait quelquefois tant de bruit qu’on n’y entendroir pas le tonnerre, & elles y disent des choses si plaisantes qu’elles font mourir de rire ; car leur vivacité n’est arrêtée par aucune bienséance ; elles savent les avantures de tout le monde, & s’il y a un bon mot à dire sur le Roi ou la Reine, elles aimeroient mieux être pendues que d’y manquer. […] Jamais les filles de joie ne furent ni si nombreuses, ni si libres, ni si hardies ; elles disent avoir obtenu je ne sais quel brevet qu’on ne s’est pas embarrassé d’approfondir, qui les soustrait à la juridiction municipale des Capitouls, & les soumet à quelque Inspecteur général de la police du théatre qui demeure à Paris, & qui exerce par ses Lieutenans, amateurs indulgens. […] On ne sauroit vivre sans sentimens, c’est l’aliment du cœur d’une femme : ici tout ressent, tout exprime, tout inspire les plus vifs & les plus délicieux, de toute espèce ; pitié, fureur, langueur, fierté, chaque scène en fait naître.

535. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

C’étoit mal connoître ce Seigneur, qui étoit la vertu, la probité, la sagesse même : J’avoue, dit-il, que vous êtes belle, Monsieur ou Mademoiselle, car je ne sais comment vous appeler ; mais n’avez-vous pas honte de porter un pareil habit, & de faire la femme, puisque vous êtes assez heureux pour ne l’être pas ? […] Dans un très-grand nombre de pieces de théatre (Moliere en est plein) des déguisemens en Marquis, en Valet, en Peintre, en Musicien, en Médecin, en Allemand, que sais-je ? […] Je sais qu’il n’a pas le premier formé des hommes faux & hypocrites, peut-être même un esprit faux & hypocrite contribua-t-il à le former ; mais il en a beaucoup augmenté le nombre, instruit, façonné, aguerri les coupables.

536. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE III. Réformation de l’Abbé de Blesplas. » pp. 55-81

On ne sait pas ce qu’il pense, & je doute qu’il soit lui-même bien décidé. […] Je ne sais où il l’a trouvé. […] Ne sait-on pas que je suis femme, jolie & Comédienne ?

537. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre VI. Suite de l’infamie civile. » pp. 126-152

 14.) ne nous laissent pas la peine de la faire, elles disent en termes exprès : « Tels sont les présents que l’on fait aux femmes prostituées, et ce que l’on donne aux Comédiens. » Les Comédiens étant tolérés dans le royaume, peuvent donc, quelque mauvais que soit leur métier, retenir ce qu’on leur donne à la porte ; mais comme il n’y a que leur métier de toléré, tout ce que les Actrices savent si bien gagner par leurs artifices, leur séduction, le commerce de leurs charmes, et qu’elles oseraient gagner par leur adresse à corrompre les autres, devrait être restitué aux pauvres. […] Quelquefois aussi elle impose la loi de n’aimer qu’en second, et de laisser équitablement la place à celui à qui la supériorité de ses largesses ou l’antériorité de sa possession a assuré le privilège ; elle sait même entretenir la paix dans sa cour, et les engager à se voir favoriser tour à tout, sans trouble et sans jalousie. […] Elle sait à propos faire la dévote, affecter du repentir, annoncer une résolution de changer de conduite, pour réveiller une passion qui commence à se relâcher, ou déguiser le dégoût, l’inconstance, une nouvelle intrigue, ou faire d’autant plus valoir son amour, qu’elle lui sacrifie jusqu’à la conscience.

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