/ 276
18. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Le théâtre lui-même ne le souffrirait pas dans les grands rôles. […] Il est moralement impossible qu’un Comédien, une Comédienne, remplissent un rôle pieux. Ces rôles comportent de l’humilité, de la modestie, de la religion, de la charité, en un mot, les vertus chrétiennes : en ont-ils l’idée ? […] Etonnée son rôle, elle se tâtera elle-même, elle se demandera, comme Sosie, « Suis-je moi ?  […] Il n’est pas plus facile à un Comédien d’exécuter les rôles dévots ; il n’est pas à son aise, il le fait de mauvaise grâce.

19. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

Tout n’est pas à ce point de perfection ou de méchanceté ; la plupart des pieces de théatre sont mi-parties ; il y a des vertus récompensées, des vices punis dans les premiers rôles ; mais dans les seconds rôles toujours quelque vice impuni, même heureux, quelque vertu méprisée ; ce sont ces branches pourries que la réforme doit couper, & le théatre ne présentant rien que de bon, pourroit devenir utile. […] Comme il n’y a plus d’esclaves, que les femmes publiques sont méprisées, & qu’il nous faut pourtant des intrigues, on a franchi les bornes que la décence Romaine respectoit, on a dégradé les femmes mariées & les filles de famille, en leur faisant jouer le rôle des Courtisanes & des esclaves, & on a établi dans toutes les troupes de comédie, comme un rôle essentiel, le rôle d’amoureux & d’amoureuse ; ce qui est un très-grand désordre, & qui achève de corrompre ces deux états, en ôtant le voile, & diminuant la honte de leurs foiblesses secrettes. […] Les François, qui en ont peu, ont mis tout naturellement en jeu les valets & les soubrettes ; & pour mieux jouer leur rôle, les représentent toujours vicieux, avec un empire absolu sur leurs jeunes maîtres, ne sachant que conseiller le mal, & s’employer pour l’exécuter. […] Il paroît par les grands masques coëssés en femme, que les Acteurs prenoient, qu’ils en jouoient les rôles. […] Je supprimeroit en entier le rôle de Junie.

20. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — article » pp. 419-420

Cette sorte d’esprit n’est pas plus nécessaire pour jouer le rôle d’Ariane, qu’il ne l’a été pour composer les Fables de Lafontaine & les Tragédies de Corneille. Il n’en est pas de même du bon esprit ; c’est par lui seul que le talent du bon Acteur s’étend & se plie à différens caractères : celui qui n’a que du sentiment ne joue bien que son propre rôle ; celui qui joint à l’âme, l’intelligence, l’imaginatien & l’étude, s’affecte & se pénètre de tous les caractères qu’il doit imiter ; jamais le même, & toujours ressemblant : ainsi l’âme, l’imagination, l’intelligence & l’étude doivent concourir à former un excellent Comédien.

21. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE III. Des Pièces de Collège. » pp. 48-67

Ils s’y font tout à tous pour les gagner tous, en prenant toute sorte de formes, et jouant toute sorte de rôles. […] Donnerait-on des rôles semblables à de jeunes Religieux ? […] langage, sujet, habit, mélange de sexe, caractère de rôles, rien n’échappe au prudent législateur : « Tragediarum et comediarum quas nisi latinas et rarissimas esse oportet argumentum sit latinum et pium, nec quidquam actibus interponatur quod non sit latinum et decorum, nec persona mulieris vel habitus interponatur » (Reg. rect. de ration. stud. n. […] J’en conclus qu’on n’a jamais parlé d’amour sur leur théâtre ; qu’on n’y a jamais traité que des sujets pieux ; que jamais aucun Acteur n’y a été habillé en femme et ne s’est permis des parures mondaines ; qu’il n’y a jamais eu dans leurs pièces des rôles de femme. […] Ces pièces sont-elles toutes saintes, toutes en latin, même dans les intermèdes, nul rôle de femme, nul habit de ce sexe, nul déguisement ?

22. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [I] » p. 418

On donne en général le nom de Comédien aux Acteurs & Actrices qui montent sur le Théâtre, & jouent des Rôles, tant dans le Comique que dans le Tragique, dans les Spectacles où l’on déclame ; car à l’Opéra, on ne leur donne que le nom d’Acteurs, ou d’Actrices, Danseurs, Filles des Chœurs, &c. […] Si l’on considère le but de nos Spectacles, & les talens nécessaires dans celui qui sait y faire un Rôle avec succès ; l’état de Comédien prendra nécessairement dans tout bon esprit ; le degré de considération qui lui est dû.

23. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Temps de l’admission au Théâtre public : Rôles. […] Rôles de Vieillards & de Mères. […] On préparera de loin quelques-unes de ces excellentes Actrices, aux Rôles de mères, qui, dans les Pièces du nouveau genre, auront une toute autre importance que dans la plupart des Comédies actuelles. […] A mesure qu’ils se marieront, ils feront place à d’autres ; les Acteurs d’un mérite distingué, seront conservés pour les différens Rôles qui demandent de l’expérience & l’usage du Théâtre ; ils s’exerceront aussi de temps-en-temps pour les Rôles de Vieillards, tant dans le Tragique que dans le Comique. […] Le Spectateur, qui ne les trouvera que là, se persuadera plus facilement qu’il voit l’original de leur Rôle.

24. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VII. De la frivolité et de la familiarité. » pp. 150-162

Les habitants de ces régions enchantées, malgré les rôles brillants qu'ils y jouent, ne sont assurément que de très petits êtres, je ne dit pas par la naissance, la fortune, la science, le mérite, la vertu ; ils ne sont pas même de jolis riens, ils sont au-dessous du rien, comme la Bruyère le disait du Mercure de son temps, et ce que l'article des spectacles et le scandaleux recueil des fadeurs et des licences de tous les galants du royaume n'empêchera pas de dire du Mercure moderne. […] L'étiquette du respect est entre eux fort bornée ; la qualité du rôle ne met point de distinction entre eux, c'est la manière de jouer : une soubrette vaut quelquefois mieux qu'un Monarque. […] Cela n'est jamais dans la tragédie, où les rebelles jouent les premiers rôles, ni toujours dans la comédie, où les amis et les parents donnent de mauvais conseils. […] Mais ces rôles sont nécessaires à la pièce. Il est vrai, et voilà le mal du genre dramatique ; il met dans la nécessité de donner de mauvais exemples, de composer et de jouer des rôles vicieux, de faire dire des sottises.

25. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

Il est dans la plupart des piéces, soit pour faire un contraste, soit pour lier une intrigue, des rôles infames, dont on ne peut faire les actions, avouer les sentimens, tenir le langage, par conséquent qu’on ne peut ni représenter, ni composer sans avoir perdu toute honte. […] La représentera-t-il lui-même, se chargera-t-il du rôle de son assassin ? […] J’en dis de même des femmes ; la véritable Phedre, la véritable Aricie auroient-elles voulu jouer leur rôle ? […] S’il est honteux de commettre le crime, il est honteux d’en feindre les apparences, la figure ne peut plaire si la réalité ne plait point, le rôle décéle l’acteur. […] Viendra un jour qui tirera ce grand voile, & mettra chaque chose à la place, les acteurs & les actrices y joueront des rôles bien différents de celui des réligieux.

26. (1764) Comédie pp. 252-254

De sorte qu’on appelle Comédien ; celui qui monte sur un théâtre, et qui par le rôle dont il s’est chargé, aide aux autres à y représenter publiquement quelque Pièce Dramatique, afin de divertir le peuple, et de gagner par là de quoi subsister. […] Parce qu’on ne peut emprunter des habits de théâtre, sans que bien des gens le sachent, et en soient scandalisés. * Ajoutez que pour apprendre une Pièce, pour s’exercer à bien faire son rôle, etc. il faut bien du temps, dont on peut assurément faire un meilleur usage.

27. (1825) Des comédiens et du clergé « Des comédiens et du clergé. — Conclusions générales. » pp. 371-378

Les comédiens du troisième âge, ayant reçu leur institution du prince et des lois du royaume, ne sont point comptables de leur profession au clergé ; L’abjuration de cette profession, exigée par le clergé, est un véritable délit, parce que aucune autorité dans l’Etat n’a le droit de vouloir le contraire de ce qui a été créé et autorisé par les diplômes du prince et la législation du pays ; Le refus de sépulture, fait par le clergé aux comédiens, est encore un délit manifeste et réel, puisque c’est infliger une action pénale, imprégner un mépris public à une profession que le prince, les lois du royaume, les ordonnances de police ont instituée et régularisée ; et en cette circonstance l’outrage est non seulement fait à la personne et à la profession du comédien décédé, mais encore aux autorités suprêmes qui ont autorisé et commandé son exercice : voilà pour ce qui concerne l’état politique et celui de la législation ; c’est aux procureurs du roi qu’il appartient de faire respecter, par toutes les autorités existant dans l’Etat, ce qui a été institué et par l’action du prince et par le fait de la législation et des règlements de la police du royaume ; Le refus de sépulture est encore un autre délit envers les lois ecclésiastiques même, puisque, pour avoir lieu d’une manière canonique, il faut que les individus auxquels on veut l’appliquer aient été excommuniés, dénoncés dans les formes, et que jamais les comédiens du troisième âge ne se sont rencontrés dans cette catégorie ; Le clergé de France est d’autant moins fondé à frapper les comédiens de ses sentences exterminatoires, qu’il a lui-même aidé à leur institution, et que dans le principe de leur création les prêtres ont rempli des rôles dans les mystères que les comédiens représentaient ; que les obscénités, les scandales qui se pratiquaient alors dans les églises, ou dans ces comédies pieuses, étant tout à fait nuisibles à la religion, l’autorité séculière a fait défendre aux prêtres de remplir désormais des rôles de comédiens, et à ceux-ci de ne plus prendre leurs sujets de comédie dans les mystères de la religion ; Le clergé, dans l’animadversion qu’il témoigne contre les comédiens, signale son ignorance, son injustice, son ingratitude, et démontre en outre qu’il agit avec deux poids et deux mesures, ce qui est on ne peut pas plus impolitique pour un corps aussi respectable ; car on a vu que c’étaient des papes et des cardinaux qui avaient institué des théâtres tant en Italie qu’en France ; on a vu un abbé, directeur de notre Opéra à Paris, on a vu les capucins, les cordeliers, les augustins demander l’aumône par placet, et la recevoir de nos comédiens ; on a vu les lettres où ces mêmes religieux, prêtres de l’Eglise apostolique et romaine, promettaient de prier Dieu pour la prospérité de la compagnie des comédiens.

28. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE V. Du Mensonge. » pp. 100-113

La plûpart des rôles qu’on joue sont même menteurs par réflexion & par principe. […] Le talent d’Acteur n’exige pas moins ce caractère double, pour jouer si fréquemment, si aisément, si naturellement, toute sorte de rôles, & tendre comme vraies & profondément senties toute sorte de passions factices. […] L’amateur de théatre ne mérite pas plus de confiance dans ce qu’il fait & ce qu’il dit ; il en prend l’esprit & le ton, & devient une espèce d’Acteur qui approprie tout à son rôle. […] Une amatrice du théatre n’aime que son jargon, ses airs, son luxe, joue toûjours quelque rôle. […] Tout est réuni au théatre ; on ment par les paroles, les actions, les rôles, les habits, les gestes, par toute la personne ; on amuse, mais en amusant on nuit à la religion & aux mœurs par les plus mauvais exemples & la plus pernicieuse morale, par l’esprit & le goût faux qu’on inspire.

29. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre II. Est-il du bien de l’Etat que les Militaires aillent à la Comédie ? » pp. 20-34

Il était à la comédie, il entretenait une Actrice, il étudiait un rôle, il lisait Molière. […] Après avoir joué son rôle, il descendit du théâtre, et alla chercher une place dans le quartier des Chevaliers. […] Le Maréchal de Saxe avait aussi peu de délicatesse : non seulement il souffrait que les Officiers jouassent des rôles, mais il avait une troupe de Comédiens qui le suivait et campait avec lui ; il la prêtait même au Général ennemi. […] Il est même inouï dans l’histoire qu’on ait eu dans les camps des troupes d’Acteurs pour faire donner la comédie à l’armée, ou que les Officiers y aient joué des rôles. […] Le zèle de Phinées donna à toute cette comédie un dénouement tragique, il perça du même coup le Duc Zambri et la Princesse Cozbi, qu’il surprit jouant leur rôle : « Zambri dux de tribu Simeon, et Cozbi filia Principis Madianitarum. » (Num.

/ 276