Les troupes des comédiens faisoient tous les frais, le public payoit à l’entrée, le Roi donnoit quelques pensions, la police y maintenoit l’ordre. […] Le P. la Rue a été mieux obei : on n’a plus pensé à ses pieces, qui en effet ne valent pas celles de Racine.
Les anciens germains disoient qu’il y a quelque chose de divin dans une femme ; je suis plus que de leur avis, je pense que la grandeur de Dieu brille avec plus d’éclat sur un beau visage que dans le cerveau de Neuton. […] Elle joua trois rôles très-propres au théatre : elle fut la sultane favorite du roi de Pologne, électeur de Saxe, son ambassadrice auprès de Charles XII, & doyenne des religieuses de Quedlimbourg, bénéfice considérable que son amant ajouta fort dévotement aux pensions qu’il lui faisoit : usage des biens ecclésiastiques que les canons n’autorisent pas.
Pensons-nous même que le Prince vueille faire une loi de son exemple ? […] pense-t-il qu’il faille rentrer dans son cœur, & en fouiller tous les replis ?
Peut-être s’aviseroit-on de penser que les Chevaliers ne sont pas plus utiles que les Jesuites qu’on a supprimés, qu’un Commandeur dans une Commanderie n’y fait pas mieux l’office qu’une Communauté moindre de neuf Religieux dans son Couvent. […] Ce n’est point une tolérance théologique, qui laisse sur des opinions incertaines la liberté de penser, la saine morale fut toujours bien décidée sur la grieveté de ce péché ; ni une tolérance ecclésiastique de discipline, qui ne proscrit point des actions qu’elle regarde comme peu importantes, les censures de l’Eglise, la privation des sacremens subsistent toujours ; ce n’est pas même une tolérance civile légale, les loix qui couvrent les Comédiens d’infamie ne sont pas révoquées ; ce n’est pas non plus une tolérance populaire, puisque malgré toute la ferveur, le goût, l’ivresse de ses amateurs, il n’est personne qui ne convienne du danger du théatre & de son opposition à l’esprit & aux règles d’une véritable piété ; ce n’est qu’une tolérance politique, qui croit avoir des raisons d’Etat de laisser subsister certains maux fi invétérés qu’il seroit impossible de les corriger, & dangereux de l’entreprendre, parce qu’il vaut mieux supporter un moindre mal pour en éviter un plus grand.
Dacier, & de l’Abbé Fraguier, dans la vie de Roscius, sur ce prétendu partage de la voix & du geste dans la Déclamation chez les Romains, ne doit point nous faire penser que l’Abbé du Bos l’ait imaginé le premier. […] C’est ce que n’a jamais pensé Lucien, qui ne parle en cet endroit que de la séparation de la danse & du chant, & que d’Ablancour a traduit, autrefois un même Baladin chantoit & dansoit ; mais comme le mouvement empêchoit la respiration, on trouva plus à propos de faire danser les uns & chanter les autres.
Quantité de faits, et publics et particuliers, prouvent que la morale de l’égoïsme est la seule qui nous soit restée, et que notre façon de penser a subi une révolution comme notre langue. […] Peu importe que vous soyez tenté encore de m’accuser de tomber dans l’hyperbole, que vous riez de l’expression trop franche ou trop énergique de mon zèle ; je pense qu’en exposant vous-même, vos enfans à périr par des accidens très-possibles, à se gâter l’esprit, le jugement & le goût, à perdre leurs mœurs, à subir toutes les peines et tous les malheurs attachés à une vie déréglée, ce seroit de votre part, monsieur, non-seulement renoncer à la qualité de guide et de pere, mais devenir leur propre corrupteur et leur assassin.
C'est encore avec moins de raison que l'on pense autoriser cette mauvaise intelligence de l'Antiquité par la Constitution des Empereurs Théodose, Arcadius et Honorius, qui défendent de mettre aucunes figures de ces Joueurs Scéniques dans les lieux publics où leurs statues sont élevées en objets de vénération ; car elle parle en termes exprès des Pantomimes, ou d'un vil Histrion, c'est-à-dire des Danseurs et des Bouffons, et non pas des Acteurs du Poème Dramatique.
Je me suis un peu plus étendu sur ce sujet que je ne pensais parce qu’il serait à désirer que l’Ancien usage de la Comédie et Tragédie qui était autrefois si célèbre étant repurgéc de tant de défauts et d’impuretés fût remis en son lustre pour le contentement et l’utilité publique.
Encore une fois, messieurs les prêtres romains, tâchez de vous entendre ; car, ce n’est pas, je pense, parce que le spectacle est plus décent à Rome et à Turin qu’à Paris, qu’il est permis dans ces deux villes, et défendu dans la dernière.
Nous donnons de la mollesse à ce qui devrait être le plus touchant ; et quelquefois nous pensons exprimer naïvement les grâces du naturel, que nous tombons dans une simplicité basse et honteuse.
Pensez-vous, Mademoiselle, que que son témoignage puisse être balancé par celui de votre Jurisconsulte ?
Quand à Bender, réfugié chez le Turc, & presque son prisonnier, il soutint un siége dans sa maison avec quelques domestiques contre une armée ; quand pour ne pas rendre visite au Grand Visir, il fit le malade, & demeura dix mois dans un lit, sans vouloir se lever ; quand allant à Varsovie, il déclare à la République de Pologne, qu’il prend la qualité de Protecteur du Royaume, comme Cromvel voulut l’être en Angleterre ; quand on voit trente mille hommes attaquer serieusement la maison où il est logé, pour en faire le siége, & le Roi, au milieu de toutes ces attaques, jouer tranquillement aux échets, & selon sa coutume & ses idées guerrieres, qui le faisoient s’exposer à tout comme le moindre soldat, faire marcher le roi du jeu comme un pion, à droite & à gauche, sans précaution ; ce qui le faisoit échouer à tout moment, & perdre la partie : on pense comme cet officier qui se trouva auprès de lui au moment de sa mort, & qui dit, la comédie est finie, allons souper, comme Auguste mourant à ses amis, j’ai bien joué mon rôle, la piece est finie, battez des mains .