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44. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « Résumé et moyens de réformation. » pp. 105-200

Comme il serait possible, si on ne les arrêtait dans l’ardeur du zèle qui les emporte, qu’ils trouvassent aussi matière à faire un Tartufe de bravoure ou de vaillance, et qu’ils fissent de grands efforts pour nous prouver, en nous donnant cela aussi comme bien peu naturel, peut-être comme abominable, qu’un bon nombre des guerriers auxquels ils doivent le repos dont ils jouissent dans leurs méditations, ne courent pas si intrépidement aux combats, n’exposent pas leur vie par le plus pur amour de la patrie ; mais que, semblables à Dervière, qui est bienfaisant pour avoir une place, ils sont courageux et vaillants, ils s’exposent par le désir et l’espoir d’obtenir des récompenses. […] Si le ressentiment et le délire de ceux que la philosophie a depouillés d’injustes priviléges, et d’une supériorité contre nature, qu’ils ne peuvent plus réclamer désormais raisonnablement, leur permettaient d’être justes, ils remonteraient à cette source féconde de dissolution, à cette véritable cause du mépris des autorités respectables, et de la révolte des inférieurs contre leurs supérieurs naturels et légitimes, ici directement et positivement avilis. […] Je m’empresse de répéter ici ce que j’ai dit déjà ailleurs : hommes honnêtes de tous les états, puissé je ne pas vous flétrir même par cet énoncé simple et naturel, dépouillé de jeu magique ! […] D’où il arrive, confirmativement parlant, que, loin de contrarier les mauvais penchants naturels ou acquis de la multitude, et viser à les corriger, comme ils s’y engagent, les auteurs, pour être applaudis et admis, les flattent, les favorisent, et par là fortifient les vices et propagent la corruption. […] Pour dissiper parfaitement et sans retour les anciens préjugés existants contre cette profession diffuse et disloquée, et en ennoblir les fonctions, donner toute considération à ceux qui les exerçent, et les mettre dans la seule situation propre à en remplir dignement le plus important objet, en un mot, pour arrêter dans sa principale source le mal que les spectacles font, je ne crois pas qu’il y ait de moyen plus naturel et plus sûr que d’affilier ou aggréger l’école théâtrale au grand corps d’instruction et d’éducation nationales, à l’université, qui doit en effet toujours être le centre, former l’unité de toutes les écoles publiques de morale.

45. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE IV. Le vice élevé en honneur et substitué à la place de la vertu sur le Théâtre Anglais. » pp. 240-301

Et voilà comment on confond les marques naturelles de l’honneur et de l’infamie, comment on renverse les idées de la vertu et du vice, comment on substitue ce qu’il y a de plus monstrueux à la place de ce qui est uniquement convenable à l’homme. […] Mal faire est la fin de la malignité : sera-ce gâter un méchant naturel que de le reformer, s’il est possible ? […] Cette conduite de Sophocle n’est pas seulement plus instructive que l’autre ; elle est encore plus naturelle. […] Mais nos Poètes qui se guindent ainsi contre le naturel ne rampent-ils point quelquefois par un autre défaut de jugement ? […] Ceci, eu égard au sujet, est justement aussi naturel que poli.

46. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre XI. Du Balet. » pp. 209-318

Nous nous arrétons à la division naturelle du Tout en ses Parties, & aux moyens d’en faire une bien juste & bien reguliere. […] Que toute Entrée soit donc naturelle, coulante par soy de sa source, & un enfant legitime & reconnu d’un sujet épousé. […] Mais il faut aussi qu’ils soient si bien preparez, qu’ils soient rendus comme naturels & inevitables. […] C’est l’ame de ces enchantemens naturels, & cette vertu secrete qui meut les Elemens au gré des Entrepreneurs & en faveur des grands évenements. […] Si c’est une Pastorelle, il faut y apliquer des beautez rustiques, un air sauvage mais galant, une maniere naturelle mais agreable.

47. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien cinquieme. Le danger de la Comedie en particulier, decouvert par le R. P. F. Guilloré de la Compagnie de Jesus. » pp. 67-79

Ce métier, appris à une si mechante école, étant secondé par les inclinations naturelles, & ne laissant que les idées d’une douceur effeminée, ce jeune homme & cette jeune fille, commencent à mettre en pratique, ce qu’on leur a si bien enseigné sur le theatre : L’innocence est attaquée, l’on aime sa foiblesse dans l’attaque, & ensuite arrivent les grandes chûtes, à qui la Comedie a donné les commencemens. […] Le premier est, que toutes les personnes qui frequentent ces sortes de spectacles, ne peuvent avoir d’ordinaire aucun sentiment de pieté ; car ces bons sentimens, dont une ame peut être touchée ne viennent, que des saintes pensées, dont auparavant elle a été remplie ; & encore le cœur a-t’il bien de la peine à goûter les choses divines, quelque plenitude de connoissance, qui ait pû préceder ; c’est sa dureté naturelle, c’est son fond de corruption, c’est son opposition à la pieté qui fait tout cela. […] Je dis là-dessus, qu’avec un tel fond de disposition, il est difficile, que cette personne aille à la comedie, sans pecher mortellement : Et combien en est-il de celles, qu’on y voit ; qui n’ayent une disposition semblable, ou naturelle, ou acquise ?

48. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE VII. De la Dévotion des Comédiens. » pp. 160-179

 469, le naturel est plus grave, les Acteurs sont plus modestes, on n’y connoît point les farces, & le Magistrat a tellement l’œil à ces débats, que ceux qui y disent ou font des choses contraires à la pudeur, sont séverement châtiés. […] Le style en est coulant, naturel & pur ; tout respire la piété. […] Jamais on ne représente plus au naturel que quand on est à même temps l’original & la copie ; tout coule du cœur, les larmes ne sont plus feintes, &c. […] Parmi bien des Contes assez peu moraux de Marmontel il y en a un sage, bien fait, où l’on peint au naturel une Actrice qui avoit ruiné un homme riche, & lui avoit attrapé pour 50000 écus de billets. […] Les héros de la morale naturelle n’ont jamais eu qu’une vertu apparente, dont les passions étoient le principe & le ressort.

49. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre III. Du Cirque. » pp. 9-43

De sorte que les uns & les autres selon leur disposition naturelle se rangeoient en certains quartiers, & parmy leurs égaux ou parmy leurs adversaires pour disputer le prix preparé au vainqueur. […] Neantmoins tant que l’ignorance a pû durer parmy eux, on s’en est tenu aux armes naturelles, au poing, aux genoux, aux pieds & aux dents : mais la connoissance les rendant plus ingenieux pour nuire les vns aux autres, leur donna l’art & l’invention de fortifier ces premiers secrets, d’armer les poings de gantelets, au commencement faits de simple* cuir, & ensuite de fer. […] Si bien que de deux camarades élevez dans toutes les tendresses de la societé, on en faisoit souvent deux cruels ennemis, qui passant pardessus toute sorte de sentiments naturels, ne s’ongeoient qu’à s’arracher la vie l’un à l’autre. […] Les Esclaves y estoient forcez, & devoient combatre malgré eux, quelque repugnance qu’ils y eussent ou par leur naissance ou par leur naturel. Mais il y avoit des ames viles & venales, qui par un sordide interest, ou par la violence de leur naturel aymoient mieux des perils infames, & répandre honteusement leur sang, que de goûter une honneste tranquilité & que de conserver leur repos.

50. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Elle doit nous supposer et nous prendre tels que nous sommes, pleins de passions et de faiblesses, mécontents de nous-mêmes et des autres, réunissant à un penchant naturel pour l’oisiveté, l’inquiétude et l’activité dans les désirs. […] Mais quand les plaisirs de la scène nous feraient perdre pour un moment le souvenir de nos semblables, n’est-ce pas l’effet naturel de toute occupation qui nous attache, de tout amusement qui nous entraîne ? […] Mais si avec quelques Philosophes on n’attache l’idée de passion qu’aux affections criminelles, il faudra pour lors se borner à dire, que le Théâtre les corrige en nous rappelant aux affections naturelles ou vertueuses, que le créateur nous a données pour combattre ces mêmes passions. […] Voilà, Monsieur, les fruits naturels de la morale mise en action sur le Théâtre ; voilà les seuls qu’on en puisse attendre. […] Cela doit être, puisque l’objet naturel de la Comédie est la correction de nos défauts par le ridicule, leur antidote le plus puissant, et non la correction de nos vices qui demande des remèdes d’un autre genre.

51. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE XII. De la Déclamation Théatrale des Anciens. » pp. 336-381

C’est ce que remarque Quintilien dans le Chapitre sur la Prononciation, où traitant de l’Action, qu’il divise en deux parties, le geste & la voix, & demandant l’accord de ces deux parties dans l’Orateur, il lui étoit naturel d’observer qu’elle ne se trouvoit pas dans le Comédien, si en effet elle ne s’y trouvoit pas chez les Romains. […] Cet accord selon lui n’auroit rien d’admirable dans un seul homme, puisque rien n’est si naturel. […] Rien n’est si naturel, sans doute : mais rien n’est si difficile à l’Art que de bien imiter la Nature. […] Voila donc une Déclamation naturelle, puisqu’on croit entendre la personne même ; ce ne sont donc point des Chants qu’on entend, & ce ne sont point des cris. […] Pour expliquer ce Spectacle étonnant, dans lequel un Acteur, toujours muet, exécutoit lui seul toute l’Action d’une Tragédie, l’Abbé du Bos distingue deux sortes de Gestes, ceux qui sont naturels, & ceux qui étant d’institution, ont une signification arbitraire : selon lui les Pantomimes employoient les uns & les autres, & n’avoient pas encore trop de moyens de se faire entendre.

52. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Sommaire »

On rappelle que le chant dramatique doit être amené à propos, & qu’il doit être naturel autant qu’il est possible.

53. (1644) Responce à deux questions, ou du charactere et de l’instruction de la Comedie. Discours quatriesme « Responce à deux questions, ou du charactere et de l’instruction de la Comedie. » pp. 100-132

Quand la matiere a esté rustique, & qu’elle a desiré le naturel & le sauuage, on a voulu le poly & le cultiué. […] Elles doiuent s’y espandre inuisiblement & doucement, comme le sang coule dans les veines, & par tout le corps ; Mais elles ne doiuent pas s’y jetter en foule & auec ardeur, comme le sang sort de ses vaisseaux naturels, & se desborde par vne ebullition violente. […] Ils ne se souuiennent pas qu’il y a deux sortes d’Eloquence ; l’vne pure, libre & naturelle ; l’autre figurée, contrainte & apprise ; l’vne du Monde ; l’autre de l’Eschole ; l’vne qui n’a rien que le sens commun, & la bonne nourriture ne puissent dicter ; l’autre qui conserue l’odeur & la teinture des liures & des sciences. […] Ils ont osté aux choses leur visage naturel, leur premiere & leur veritable forme, les marques & les signes, par lesquels elles se reconnoissent.

54. (1680) Entretien X. Sur la Comédie « Entretien X. sur la Comedie » pp. 363-380

Ce mêtier, apris à une si méchante école, étant secondé, par les inclinations naturelles, & ne laissant, que les idées d’une douceur efféminée, ce jeune homme, & cette jeune fille, commencent à mettre en pratique, ce qu’on leur a si bien enseigné sur le Théatre : L’innocence est attaquée, l’on aime sa foiblesse dans l’attaque, & en suite arrivent les grandes chûtes, à qui la comédie a donné les commencemens. […] Le prémier est, que toutes les personnes, qui fréquentent ces sortes de spectacles, ne peuvent avoir d’ordinaire aucun sentiment de pieté ; car ces bons sentiments, dont une ame peut estre touchée ne viennent, que des saintes pensées, dont auparavant elle a esté remplie ; & encore le cœur a-t’il bien de la peine à goûter les choses divines, quelque plénitude de connoissance, qui aîr pü précéder ; c’est sa dureté naturelle, c’est son fond de corruption, c’est son oposition à la pieté, qui fait tout cela. […] Je dis là-dessus, qu’avec un tel fond de disposition, il est difficile, que cette personne aille à la comédie, sans pécher mortellement : Et combien en est-il, de celles, qu’on y voir, qui n’ayent une disposition semblable, ou naturelle, ou acquise ?

55. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [E] » pp. 399-406

Des Arcis continue de lire] : Comédie-Ariette : Opéra-comique ; Drames d’un genre mixte, qui tiennent de la Comédie & de l’Opéra ; mais qui n’ont ni le naturel de la première, ni le merveilleux du second. […] Votre Comédie-Ariette, quoique peu naturelle, pourrait devenir utile, en bannissant de ce genre les indécences ; en donnant aux Paysans & aux Artisans les mœurs du plus grand nombre d’entr’eux ; en ne les sacrifiant pas au ris moqueur des Inutiles : en suivant la route tracée dans Lucile, où l’Auteur a su rassembler des personnages de conditions assez éloignées, sans que les contrastes blessent ; chacun d’eux y étant a sa place, y fesant ce qu’il doit, & comme il le doit. […] L’Opéra-comique en Vaudevilles est plus naturel que la Comédie-Ariette : l’heureux choix d’airs connus, presque proverbiaux, répand sur ces Pièces une naïveté qu’on chercherait en vain dans celles du nouveau genre.

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