Il n’y a guère de Nation qui le dispute aux Grecs, dans tous les genres, comme les François. […] Bientôt cette Nation, capable de tout, vit des Pélerins chanter & représenter les actions des Saints, les Mystères de la Religion ; les plus grands Personnages de l’Ancien & du Nouveau Testament, Jesus-Christ même, furent mis sur la Scène. […] Les Nations les plus éclairées s’empresserent à l’envi, à lui payer le tribut de leur reconnoissance, & de leur admiration.
de tous les siecles, de toutes les nations, supérieur à Corneille & à Racine. […] Ecarter les excès grossiers de Caprée, de Crisis, des Sibarites, qui, dans une nation polie, ne plairoient à personne. […] Malgré toutes ces fêtes, le monarque infortuné déplut à la nation ; &, par le dénouement le plus tragique qui fût jamais, passa du théatre sur l’échaffaud. […] C’est une exagération plus qu’oratoire, de mettre l’ame entiere de la nation aux pieds du théatre y prenant des leçons d’héroïsme. Il n’y a pas la deux-centieme partie de la nation qui le fréquente, il n’y a pas la deux-centieme partie de la nation qui le fréquente, il n’y a pas la deux-centieme partie dont une tragédie échauffe le cœur, éleve l’ame à l’héroïsme.
Ce goût bizarre, cet assemblage ridicule n’a pas fait fortune chez les autres nations, où l’on a assez constamment séparé ces deux genres. […] Aucune nation n’a si bien réussi dans l’art dramatique, aucune n’a composé tant de pieces, & de tant d’espèces ; & quoique le très-grand nombre soient mauvaises, aucune nation n’en a composé tant de bonnes, & de si bonnes. […] Je l’avoue en gémissant, aucune nation n’a fourni tant de Comédiens & de si habiles, tant de spectateurs & de lecteurs, & de si éclairés ; j’en rougis pour ma patrie, aucune n’a imaginé tant de genres de décoration, de machines, de spectacles, aucune n’enfante tant de musiciens, instrumens, danseurs, sauteurs, machinistes, tabarins, &c. Tous les théatres de l’Europe sont pleins de François, toutes les autres nations ensemble n’ont ni autant ni si bien écrit sur les règles & l’histoire du théatre, n’en ont si bien connu les beautés & critiqué les défauts, jusqu’aux Jesuites, dont les trente provinces répandues dans l’univers n’ont pas eu autant de maîtres du théatre que la seule province de Paris. […] Il n’est pas étonnant qu’une nation médisante par caractère, aime si fort l’art de médire, & la médisance mise en action, parée de toutes les graces les plus piquantes, & fondue avec la galanterie, autre sel qu’elle ne trouve pas moins piquant, & que le théatre à son tour souffle, attise, alimente ce feu.
La loge du Roi n’en a plus que le nom, & la Nation se voit privée plus que jamais de l’espoir du bonheur d’y contempler quelquefois son Maître. […] Les auteurs y représentoient eux-mêmes, & ils n’étoient rien moins que les derniers de leur nation. […] Les Grecs ont eu des Spectacles, où ceux qui représentoient étoient les personnages mêmes de la nation : ils ont dû y être honorés. […] Une Nation peut être fort pauvre & plongée dans le luxe ; une autre, au contraire, très-opulente peut ignorer les abus qui en résultent. […] Quel spectacle seroit plus intéressant, que celui de toute une Nation réunie !
C’est une chose bien singulière qu’une partie de la Nation enchantée du mérite des Comédiens, les applaudisse en public, les recherche en particulier, et les regarde comme des personnes distinguées par un talent merveilleux ; tandis qu’une autre portion les abhorre comme séparés de la société par l’infamie, et de l’Eglise par l’excommunication. […] Si l’on en retranchait ce qu’on appelle les traits hardis, c’est-à-dire, ces maximes pernicieuses, contraires aux Lois des Nations, au respect que l’on doit aux Puissances, plus souvent encore à la Religion même ; que deviendrait leur mérite ? […] Si la Nation se glorifie des beaux Ouvrages de Théâtre que ses Auteurs ont produit, le Recueil des Opéra Comiques doit lui faire honte. […] C’était ainsi que se conduisaient les Grecs à l’égard des Comédiens, et l’exemple de cette Nation est toujours excellent à suivre.
La raison nous dicte donc de travailler à fortifier dans les Citoyens, un des deux principaux motifs des actions des hommes, qui est l’amour de la distinction entre nos pareils ; mais elle nous dicte en même temps les règles pour bien discerner les distinctions petites, vulgaires, incommodes au commerce, d’avec les distinctions précieuses qui procurent toujours la commodité et l’utilité des autres ; ce sont ces distinctions qui sont les seules véritablement dignes de louanges et désirables dans le commerce, il ne faut jamais que le désir de la gloire marche sans la connaissance de la bonne gloire ; or je suis persuadé que le théâtre bien dirigé par le Bureau des spectacles peut beaucoup servir à rendre les spectateurs non seulement très désireux de gloire et de distinction, mais encore très connaisseurs en bonne gloire et en distinction la plus précieuse afin que les hommes estiment de plus en plus l’indulgence ; la patience, l’application au travail, les talents et les qualités les plus utiles à leurs familles, à leurs parents, à leurs voisins, à leurs amis, à leur nation et au reste du genre humain. […] Les spectacles peuvent donc être utiles et agréables, mais il faut qu’ils soient dirigés par une compagnie perpétuelle composée de gens habiles, et surtout de bons politiques sous les ordres du Magistrat de Police, et qu’ils tendent toujours à rendre dans la société la vertu respectable et aimable, les vices honteux et odieux, la vanité méprisable et ridicule ; je demande enfin pour Membres de cette compagnie des connaisseurs délicats, qui sentent combien les bonnes mœurs sont importantes pour augmenter le bonheur de la nation. […] A l’égard du spectacle de l’Opéra, je crois qu’il n’est pas impossible d’en faire peu à peu quelque chose d’utile pour les mœurs ; j’avoue cependant que la chose me paraît très difficile en l’état de corruption et de mollesse où il est de mon temps ; mais après tout il ne faut à l’Académie des spectacles pour en venir à bout que deux moyens, le premier d’avoir un but certain où l’on vise, c’est de faire servir la musique et la poésie non à amollir les mœurs par la volupté, mais à les rendre vertueuses par l’amour de la gloire ; le second c’est de faire en sorte que ce perfectionnement soit presque insensible, car pour nous guérir de la mollesse, maladie enracinée depuis longtemps dans notre nation par une longue habitude, il faut pour ne nous pas révolter se servir d’une méthode qui procède par degrés presque insensibles, et je ne désespère pas que nos successeurs n’entendent chanter avec plus de plaisir les sentiments et les actions des grands hommes, que les maximes honteuses de la mollesse et les sentiments extravagants qu’inspire l’ivresse de l’amour. Si dès à présent on établit dans un grand Etat un Bureau pour diriger les spectacles vers les mœurs désirables de la société, si par les prix qu’elle distribuera aux Poètes qui plairont le plus et qui dirigeront le mieux leurs ouvrages vers la bonne morale, il arrivera avant trente ans que les pères et les mères les plus sages mèneront leurs enfants à la Comédie comme au meilleur Sermon, pour leur inspirer des sentiments raisonnables et vertueux, il arrivera que dans toutes les villes, de trente mille habitants il y aura aux dépens du public des théâtres et des Comédiens, afin qu’avec peu de dépense les habitants médiocrement riches puissent assister au spectacle, et l’on verra ainsi le plaisir contribuer au bon gouvernement, ce qui est le sublime de la politique ; car qu’y a-t-il de plus estimable que de mener les hommes par le chemin des plaisirs innocents et actuels, à une diminution de peines, et même à d’autres plaisirs futurs, la nation se polirait de plus en plus jusques parmi le peuple, les sentiments de vertu entreraient avec le plaisir dans les cœurs des Citoyens, et par le perfectionnement de nos mœurs, la société deviendrait tous les jours plus douce, plus tranquille et plus heureuse, et c’est le but que je m’étais proposé dans ce Mémoire.
Au moment où l’ambition des cours de France, d’Espagne et d’Angleterre soulevait les nations ; au sein des orages civils, au milieu du choc des partis, Pierre Corneille se leva de toute sa hauteur. […] Il est impossible de nier la grandeur et l’éclat d’une époque qui honore la nation française ; mais il est impossible aussi de ne pas reconnaître qu’à travers tant de gloire les mœurs de la cour pouvaient être plus pures, et nous en voyons le reflet dans les compositions de Racine. […] Voltaire, qu’autorisait l’exemple d’Euripide, ne le suivit pas en tout ; plus délicat dans le choix de ses sujets, il rejeta en général ces grands coupables qui ne peuvent rapprocher de la vertu que par l’horreur qu’ils inspirent, mais qui peuvent aussi faire avancer dans le crime. « Il y a du bon dans cette pièce , disait un avare assistant à l’une des représentations de Molière, elle offre d’utiles leçons d’économie. » La répugnance de Voltaire à donner au public cette dangereuse instruction, mérite notre reconnaissance ; son respect pour les mœurs, nos éloges et notre admiration ; car, il faut le dire, le vice alors infectait la nation, et siégeait impudent au conseil de son roi. […] Nos mœurs sont douces ; on trouve sans doute quelquefois en France, et à de grandes distances, des homicides : mais ce n’est qu’au théâtre qu’ils se pressent, et que tous les forfaits réunis en un seul être, forment une hideuse individualité, et calomnient la nation. […] Les auteurs, pour se justifier, ne peuvent pas se prévaloir de l’action des mœurs sur la scène ; et si toutes les horreurs qu’ils inventent pour amuser la nation la plus douce du monde, attirent la foule, elle n’est conduite que par l’attrait de la nouveauté, par cette insouciance légère que l’on reproche avec quelque justice au caractère français.
Tout n’y est pas glorieux, à ceux qui dans le monde ont joué les plus grands rôles, ni même aux nations les plus illustres, qui paroissent sur la scéne. […] Il se trouvera bientôt un Duchesne, un Dom Bouquez qui recuilliront tous les monumens de la nation dramatique, un Eclony, un Fontete qui feront la bibliotheque de ses auteurs ; un Sulliger, un Petau qui en arrangeront la cronologie ; un Sainte Foix qui ramassera les anecdotes des rues de la Capitale, & dans les Provinces chaque théatre particulier aura son Don Vaisset, son du Rosoi pour ses annales.
Il faut aller chercher dans une infinitè de Volumes ce qui regarde les Spectacles des Grecs, des Romains & des Nations de l’Europe. […] Le Poète qui voudra connaître particuliérement le Théâtre auquel son génie le porte, verra que les règles sont générales, du moins parmi une Nation, & qu’on ne saurait par conséquent les suivre avec trop de soin.
T ous les peuples de la terre ont des fêtes publiques et des spectacles ; toutes les nations policées ont des théâtres, qu’elles regardent à la fois comme des lieux de plaisir et d’instruction. […] Si les pieces imprimées ne devenoient pas, au bout d’un certain temps, une propriété nationale, elles devroient appartenir aux héritiers des auteurs, et non pas aux comédiens20 Eh bien, si la nation est propriétaire, ses pieces ne doivent être jouées que sur le théâtre de la nation. Nos chefs-d’œuvres dramatiques constituent le théâtre de la nation, dans quelque pays du monde qu’on les lise ou qu’on les joue. […] La nation ne peut pas abandonner ses droits et sa propriété, parce que quelques particuliers s’en sont fait une hypotheque. […] Autrement l’opéra, ce spectacle si magnifique, qui attire les étrangers, se croira en droit de le prendre, les comédiens Italiens aussi : nous avons déjà le Cirque de la Nation, et nous aurons bientôt Les grands Danseurs de la Nation, les Délassemens de la Nation, les Bleuettes de la Nation, etc… Ce titre contraste d’ailleurs avec celui de comédiens du roi ; et si MM. les comédiens François l’obtiennent, ils doivent renoncer aux vingt-deux mille livres que le roi leur paie, et aux pensions qu’il leur fait.
pag. 142. lig. prémiére ; après ces mots, l’Esprit humain, ajoutez cette note : (il y a un passage de Tacite qui prouve que je ne suis pas le seul qui aye prétendu que les Grecs se sont injustement attribués la plus-part des découvertes des arts & des sciences, faites par des Nations plus anciennes. Voici comme s’èxprime l’Historien Romain ; …… Græcorum annalibus ignotus, qui sua tantùm mirantur…… « Les Historiens Grecs sont absorbés dans l’estime de leur Nation ».
Chez des gens dévoués à l’anathème de l’Eglise, marqués d’infamie chez toutes les nations ! […] Mais si dans votre empire il y avoit un divertissement quelconque qui dégénérât en licence, qui, au lieu de soulager, de fortifier les hommes dans leurs travaux, envoyât dans le cœur, dans la fortune des citoyens des malheurs multipliés, propres par leur concours et leur fatale combinaison à produire un jour la ruine générale de l’Etat, à le donner en spectacle de commisération aux nations voisines, à le présenter comme une proie assurée à l’invasion des peuples barbares ; une récréation de ce genre ne pourroit être considérée que comme une calamité publique. […] Des flottes qui sembloient porter le destin des empires ennemis, ont ramené dans les ports proportionnellement plus de malades après une croisière de quelques mois, que les Drak et les Magellan n’en ont eu dans des longs et pénibles voyages au tour du globe… Quelle matière de considération pour les maîtres des nations ! […] Ne faisons pas comme ces empiriques qui mettent un topique sur une plaie purulente dont ils négligent le principe ; imitons plutôt ces nations barbares qui coupent le tronc de l’arbre pour atteindre plus facilement à ses branches. […] Les nations ont imaginé toutes sortes de titres pour illustrer la mémoire des héros ; il en est un jusqu’ici inconnu, destiné au nouvel Alcide qui abattra le mimisme ; celui de restaurateur de l’espèce humaine. » Tel est, s’il m’est permis de lever un moment le voile de l’avenir, le discours que quelque puissant ami de l’humanité adressera un jour à un prince que la réforme des grands abus n’effraie pas.